La Monarchie avant la Révolution : despotisme éclairé ou tyrannie?

Despotisme éclairé ou tyrannie, ambiguïté des réformes royales.

Les mécontents du règne de Louis XIV et des principes de la monarchie absolue se sont nourris des traditions politiques de la monarchie modérée du XVIe siècle, mais aussi des Lumières et des anti-Lumières.

Pour justifier et redéfinir au XVIIe siècle, un rôle politique et social qui avait été perdu face à la montée en puissance de la monarchie.

Par ailleurs, l’opposition à la monarchie absolue, particulièrement forte au sein des Parlements, a à la fin du XVIIIe siècle, bloqué presque complètement les capacités du Roi à imposer des réformes de modernisation. Il faut comprendre la logique suivante :

Jusqu’en 1789, les droits et libertés c’est ce qu’on appelle les privilèges qui sont définis en raison de l’appartenance d’une personne à un groupe.

Dès lors que l’on va attribuer ces droits à l’individu, et la souveraineté à l’État incarnant la communauté, on va considérer que les droits propres d’une communauté ou d’un groupe sont en rupture ou crée une rupture avec le principe raisonnable d’égalité. Et donc, ce qui avant 1789 était considéré comme des libertés, cela va devenir en 1789 des vilains privilèges car cela rompt avec le principe de l’égalité.

Ceci étant dit, le combat de la noblesse et des Parlements contre le Roi est un combat en faveur de la liberté mais d’une liberté qui est définie comme une liberté des corporations.

C’est ce combat pour les libertés que l’expansion du pouvoir royal menace, et les fondements de l’Ancien Régime et la capacité d’action du Roi.

En parallèle, le Roi veut agir pour faire le bonheur de ses sujets et il doit à ses sujets de réformer l’État, la société pour lui donner la prospérité.

Et donc, en étant une autorité forte au sommet de l’État c’est le despotisme, mais en étant éclairé par les nouvelles aspirations de l’économie c’est un despotisme éclairé.

Mais si ce despotisme éclairé conduit à critiquer et remettre en cause les privilèges, pour ceux qui voient dans les privilèges la garantie des libertés, le despotisme éclairé est avant tout une tyrannie, c’est là toute l’ambiguïté.

La coutume ce sont les droits et libertés particulières des communautés. Or, à la fin du XVIIe siècle, Voltaire critique la diversité des coutumes qui ne facilite pas le commerce.

Paragraphe 1 : Les doctrines constitutionnelles antimonarchique de la Noblesse et des Robins

  • La réaction aristocratique à l’absolutisme

Premier élément fort de réaction aristocratique pendant la Fronde. Au XVIIe siècle, pendant l’enfance de Louis XIV, la noblesse tente de réimposer sa place dans les institutions royales.

A la mort de Louis XIV, sous l’inspiration du duc de St Simon, le régent Philippe d’Orléans met en place la polysynodie = système de gouvernement par conseil de 1715 à 1718 pour associer la noblesse au gouvernement : chaque domaine est discuté par le conseil approprié. La noblesse qui a très mal à vécu son expulsion des conseils royaux, prétend remplacer les secrétaireries d’État, départements ministériels destinés à une gestion et administration par branche par un ensemble de conseils d’État qui seraient dominés par des grands Princes. Il s’agissait d’une revanche de la Noblesse sur les commissaires. La Noblesse fondait sa prétention sur les souvenirs du devoir de conseil des vassaux du Roi. La polysynodie échoua lamentablement parce qu’en réalité la Noblesse était incapable de gérer l’État. Il y avait quelque chose d’impraticable, manque de capacités techniques requises pour traiter les affaires complexes de l’État. Et donc les conseils, ne fonctionnaient pas et très rapidement le régent remit en place le système des secrétaires d’État. L’incapacité de la noblesse à gérer l’État n’en a pas pour autant mis un terme aux revendications.

Un auteur Henri de Boulainvilliers (Anne Gabriel Henri Bernard, comte de Boulainvilliers, comte de Saint-Saire, né à Saint-Saire le 11 octobre 1658 et mort à Paris le 23 janvier 1722, est un historien et astrologue français. Il est un des premiers historiens à considérer l’art de gouverner comme une science. Sa pensée fut connue, réputée, discutée mais aussi annexée par ses contemporains : Montesquieu, Voltaire qui en fit un père de la libre pensée, Foncemagne qui le qualifie d’illustre écrivain tout en le réfutant). Il développe une théorie qui avait émergé après la Fronde : la Noblesse a élu le Roi, le Roi n’est donc qu’un Noble parmi d’autres et donc, il ne peut reléguer la Noblesse à des fonctions subalternes. Du coup, les capétiens sont accusés d’avoir détruit les fondements de cette Constitution aristocratique en confiant le pouvoir à des bourgeois.

Ce que la Noblesse remet en cause ce sont les légistes royaux, les Robins.

La Noblesse a donc comme point de vue qu’il lui faut reconquérir une place qui lui a été illégitimement prise par les bourgeois avec la complicité du Roi. Les droits qu’a la Noblesse de dominer la société française, lui viennent de son droit de conquête puisque les Nobles sont les descendants des Francs.

Il leur faut donc une revanche sur les bourgeois, simples descendants des gaulois.

  • L’opposition parlementaire au Roi

Le différend entre le Roi et ses Parlements commence dès le début de la construction de l’absolutisme c’est à dire à la Renaissance. Les conflits sont fréquents et lorsque le Roi est faible le Parlement pouvait imposer sa place politique notamment avec l’arrêt Lemaître lorsque le Parlement revendique être le gardien des lois fondamentales.

Le Parlement est une cour souveraine, et le terme souverain signifie que le Parlement tranche en dernier ressort. En réalité, ce n’est pas vrai car le Parlement est souverain parce qu’il tranche en dernier ressort dans le champ de la justice délégué, le Roi a toujours la possibilité d’exercer une justice retenue. D’ailleurs en 1661, Louis XIV interdit au Parlement de se dire Cour Souveraine préférant le terme Cour Supérieure, mais le Parlement ne cessera de se qualifier entre eux et avec les justiciables, Cour Souveraine.

Le Président du Parlement est un Commissaire, il est nommé par le Roi d’une lettre de Commission. On appelle compagnie l’institution humaine, c’est à dire l’ensemble es officiers du Parlement.

En dehors de leurs compétences juridictionnelles, les Parlements ont une compétence normative ils peuvent rendre des arrêts de règlement et surtout ils interviennent dans la procédure législative par le biais du droit de remontrance.

Ce droit de remontrance donne lieu à deux interprétations :

  • l’interprétation officielle, juridique, normative : celle qui découle de la logique propre de la monarchie, de la souveraineté royale.

C’est l’exercice du Conseil par le Parlement → le Roi en son Conseil décide d’une ordonnance d’un édit, d’une lettre patente, et il envoie dans les parlements ses décisions normatives à fins d’enregistrement. C’est la procédure de publication de la norme.

Tant qu’elle n’est pas enregistrée, elle n’est pas valide, car pas connue. A ce moment là, le Parlement examine la norme d’une façon technique et si les circonstances du ressort des Parlements. Si le Roi décide que la circonstance n’est pas justifiée, il envoie des lettres de jussion qui donne l’ordre au Parlement d’enregistrer. Le Parlement alors enregistre en mentionnant de l’express commandement du Roi. Si le Parlement réitère, le Roi peut tenir un lit de justice. Ainsi, le Parlement cesse d’exister. Le Roi en personne se rend au Parlement puisque le Roi est présent physiquement il n’y a pas besoin de justice déléguée, c’est la justice royale qui s’exerce, et le Roi fait enregistrer sa loi. Il n’y a plus de droit de remontrance.

  • L’autre interprétation qui va se nourrir d’arguments théoriques au fur et à mesure des conflits est celle non pas d’un devoir de conseil mais d’un droit de conseil. La différence entre les deux c’est qu’en revendiquant le fait que la remontrance puisse être un droit de remontrance de Parlement cela signifie que le Roi a l’obligation d’écouter les parlementaires c’est à dire qu’il peut y avoir au sein de l’État deux voix discordantes. Avec le droit pour la voix des Parlementaires, à s’exprimer. C’est ainsi que dès François 1er le Parlement va s’opposer au Roi.

Exemple : les milieux parlementaires sont gallicans (séparation de l’Église de France vis à vis de la Papauté). François 1er signe le concordat de Boulogne avec le Pape. Le gallicanisme est mis de côté. Les parlementaires ne sont pas favorables au concordat de Boulogne et le Roi n’est pas parvenu à le faire enregistrer avant 1578 il aura fallut 3 ans pour imposer l’enregistrement du concordat.

Autre exemple: période de la Fronde (1648-1652) qui connaît deux phases : 1648-1650, c’est la Fronde parlementaire, 1650-1652 c’est la Fronde nobiliaire. Pendant la Fronde les parlementaires vont mettre en place un discours politique pour fonder leur existence auto-gène par rapport à la monarchie. En 1650, la Fronde Parlementaire est écrasée mais les doctrines constitutionnelles des Parlements resurgissent au XVIIIe siècle, un auteur Louis-Adrien Le Paige (né en 1712 et mort en 1802 est un avocat français et l’un des principaux animateurs du mouvement janséniste au XVIIIe siècle.)va recueillir l’ensemble des doctrines parlementaires. Tout d’abord il s’agit d’expliquer que tous les Parlements ont une même origine qui est l’assemblée générale des guerriers qui aurait élu le premier Roi à savoir Pharamond (ou Faramond est le nom qui fut donné durant le Moyen Âge et l’Ancien Régime au premier roi des Francs et ancêtre des Mérovingiens). Sous les Carolingiens étant donné qu’il était impossible de réunir tous les guerriers, le Roi n’a plus réuni que les Grands, qui formaient les Plaid carolingiens ont sous les capétiens formé la Curia Regis. Les Parlements étant des émanations ou des détachements de la Curia Regis ce qui est vrai pour le Parlement de Paris, ils sont donc descendants de l’assemblée des guerriers qui avaient élu le Roi, donc les Parlements sont nés en même temps que la monarchie et c’est cela qu’on appelle auto-gène, ils sont nés en même temps donc les Parlements ne tiennent pas leur pouvoir du Roi, ils sont consubstantielles au régime français. Le Parlement tient de l’existence de l’État et non pas du Roi → Théorie des classes : c’est celle qui permet de surpasser l’obstacle de la réalité juridique qui faisait que les Parlements n’étaient pas liés entre eux. Il n’y a pas de communication entre les Parlements il n’y en a qu’entre le Parlement et le Roi. Ainsi la théorie des classes permet de fonder un principe de solidarité entre les Parlements, c’est ainsi qu’au nom de ce principe, le Parlement de Paris va s’opposer au Roi pour des affaires qui touche le Parlement de Rennes (Bretagne)ou de Pau (Navarre).

Louis XIV a limité le droit de remontrance des Parlements, ainsi les remontrances ne peuvent être faites qu’après l’enregistrement. Mais à la mort de Louis XIV, le régent Philippe d’Orléans souhaite exercer le pouvoir or Louis XIV avait prévu un conseil de régence. Philippe d’Orléans pour casser le testament de Louis XIV tend la main au parlement et aux nobles en restituant aux parlements le droit de remontrance.

Au XVIIIe siècle dans un contexte des Lumières, dans un contexte de la pensée Républicaine soit la reconnaissance d’un pouvoir qui émane de la communauté. Le Parlement va s’opposer de plus en plus au Roi en reprenant les doctrines des classes, et en affirmant qu’il ne représente pas le Roi mais la Nation. Ils récupèrent la théorie de Montesquieu pour affirmer qu’ils sont un corps intermédiaire entre le Roi et la Nation dont le rôle est de limiter le pouvoir royal tout en permettant l’accord entre la Nation et le Roi. Montesquieu avait expliqué que les corps intermédiaires étaient nécessaires dans une monarchie car permettaient de prévenir la corruption et le despotisme. En s’affirmant corps intermédiaire, le Parlement change le discours sur leur essence et le discours constitutionnel. Jusqu’à Bossuet, le discours constitutionnel limite le pouvoir royal par la propre conscience du pouvoir souverain, c’est la notion de ministère. Le Roi, bon chrétien doit agir pour le bien de ses sujets. La limite c’est que tous les abus du Roi contraires aux lois fondamentales, étaient abrogées après la mort du Roi.

Le Parlement tirant son autorité de la Nation elle-même, il n’est plus conseiller du Roi, c’est un contre pouvoir. Il contribue à détacher la Nation de la personne royale.

En 1766, a lieu le conflit ultime pendant lequel le Roi a presque failli remporter la mise. En Bretagne, un parlementaire entre en conflit avec un représentant du Roi, c’est l’affaire La Chalotet, et le Parlement de Rennes l’aide en s’opposant au commissaire que le Roi soutient.

L’affaire Le Chalotet : L’arrestation arbitraire de cinq membres du parlement de Bretagne, dont le procureur général Louis-René Caradeuc de La Chalotais, dans la nuit du 10 au 11 novembre 1767, est un des moments les plus critiques de ce que les contemporains ont appelé « L’affaire de Bretagne », une fronde fiscale et judiciaire des Etats et du parlement de la province contre Louis XV. Cette « affaire » illustre la résistance contre l’absolutisme royal de moins en moins accepté, quelques décennies avant la Révolution.

Le Parlement de Paris soutient le parlementaire. En même temps, la compagnie de Pau entre en conflit avec le président et l’intendant et refuse d’enregistrer des édits fiscaux. Le Parlement de Paris adresse une remontrance englobant l’affaire de Rennes et de Pau. Il rappelle la théorie de l’union, la doctrine du contrôle constitutionnel de l’action des ministres (commissaires). Le Roi, le 3 mars 1766, se rend armé d’un fouet et en tenue de chasse au Parlement de Paris, il va lire un discours qui sera connu comme le discours de la flagellation. Il rappelle tous les principes de la délégation d’un pouvoir par le Roi au Parlement. Et il réfute point par point tous les arguments qui constituaient la théorie des classes. Il nie le caractère auto-gène du Parlement, et que le Parlement incarne la Nation. Le Roi menace le Parlement d’une réforme s’ils ne reviennent pas à plus de sagesse → Réforme Maupeou.

René Nicolas de Maupeou décide de réduire l’opposition des parlements par une réorganisation complète de la justice qui permet la suppression des cours souveraines.

Un édit de 1770 interdit aux Parlements de communiquer entre eux. Il interdit aux compagnies de se mettre en grève ou de démissionner collectivement La sanction c’est la perte de l’office sans remboursement. En janvier 1771, le Parlement de Paris est dissous, les parlementaires sont exilés dans les 4 coins du Royaume. Le conseil du Roi en février 1771 enregistre les textes de la réforme judiciaire, on supprime la vénalité des offices dans les hautes juridictions. Le Roi choisira seul les magistrats inamovibles, le principe de la gratuité de la justice est affirmé et les épices sont interdits. On crée Conseils Supérieurs pour juger en dernier ressort. Les Parlements de Rouen, Douai, Metz, Prévoux (Lyon) sont supprimés et remplacés par des Conseils Supérieurs.

Voltaire sera un grand défenseur de la réforme de Maupeou. Le Roi remporte la bataille mais c’était sans compter la mort de Louis XV et l’arrivée de Louis XVI qui congédiât Maupeou et revient sur sa réforme, les anciens Parlements reprennent leur activité en 1794, Maupeou sera exilé.

On tente bien une réforme pour réformer la justice en supprimant de nouveau les Parlements. L’opposition parlementaire se fait à la réforme, et elle échouera face et dans le contexte d’un front d’opposition général au despotisme éclairé qui est mené à la fois par des Parlementaires, par les Nobles et par tous ceux qui au fond sont inspirés par les idées des Lumières contre le despotisme.

Paragraphe 2 : La difficile modernisation de la Monarchie : l’opposition aux réformes « éclairées »

Trois types de réformes ont été tentés sous le règne de Louis XVI, toutes sont motivées par une amélioration du fonctionnement de l’État, et toute se heurtent au front des privilèges.

Réformes économiques : les physiocrates formant l’école libérale économique française, considèrent que l’État doit favoriser le libre jeu des lois économiques naturelles. Il convient donc de supprimer les obstacles juridiques qui s’opposent à la liberté économique. Les physiocrates voient dans le Roi l’autorité la mieux à même de diriger une politique modernisatrice pour imposer de façon autoritaire ce mieux contre les résistances des intérêts particuliers. Turgot qui devient contrôleur générale des finances en 1774 va d’abord entreprendre la libéralisation du commerce, il existait sous l’Ancien Régime la police des grains l’objectif étant pour la monarchie de créer des greniers à grains qui avaient des monopoles d’achat et dont le but était de permettre de garantir l’approvisionnement des villes en grains.

Le Roi achetait à, des prix fixés qui avaient à tendance à être spéculés.

Pour les physiocrates, la main invisible de l’économie, du marché permet de réguler les prix à la hausse et à la baisse et dès lors que cette loi libre du marché s’effectuera on verra baisser le prix du grain, augmenter la production et ainsi nourrira mieux la population.

Une mauvaise récolte des grains va conduire à une flambée des prix en 1775 → série d’émeutes : la guerre des farines réprimées fermement par le ministre. En 1776, il étend sa mesure au marché du vin et des poissons, il libéralise le travail. En février 1776, il supprime les maîtrises et les corporations et institue la libéralisation des professions commerciales. Enfin, Turgot supprime la corvée royale et la remplace par une contribution supplémentaire. Cet impôt s’applique quelque soit le propriétaire du terrain (noble, ecclésiastiques etc.).

La réforme porte atteinte aux privilèges des nobles, des corporations, aux privilèges de ceux qui géraient les commerces du grain. Turgot finira en disgrâce, Louis XVI conseillé par son entourage, le renvoie.

D’autres réformes sont tentées : la réforme de l’appareil déconcentré de l’État.

Dès 1775, Turgot avait élaboré un projet de mise en place de représentation hiérarchique ou plutôt pyramidale du royaume => municipales, district, provinciales. Son projet est repris par Necker mais sera contré par l’opposition des parlements, et Necker est renvoyé en 1781.

Calonne reprend le projet de Turgot en 1787, c’est la noblesse qui s’oppose cette fois à l’existence d’assemblées dans laquelle elle n’a pas d’existence particulière.

Réformes fiscales : les propriétés foncières échappent à l’impôt car propriété de la noblesse ou du clergé. Le clergé vote le don gratuit, il refuse d’être imposé mais fait un don tous les ans à la monarchie et en faisant ce don le clergé répartit lui même la somme à donner. La Noblesse refuse de payer un impôt, elle paye déjà l’impôt du sang. Tous ceux qui refusent de payer l’impôt font tomber l’Ancien Régime.