- Affirmation de l’Etat et genèse des frontières
Qu’est-ce qu’une maîtrise réelle d’un territoire pour un Etat ? Un Etat ne peut exister que dans la mesure où il dispose d’un territoire. C’est une condition juridique, un Etat sans territoire n’est pas un Etat. par exemple, le Kurdistan n’est pas un Etat, il n’ets pas reconnu puisque son territoire est recouvert par d’autres souverainetés. En l’absence de territoire, l’Etat ne peut affirmer sa souveraineté. Ce rapport au territoire, et ce rapport à la délimitation des sphères influentes des territoires nous pose d’abord une première question, celle de la genèse de l’Etat.
Le rapport au territoire
De manière tout à fait symbolique, il est très fréquent dans l’histoire qu’un Etat commence son histoire à travers une fondation, une prise de possession. L’inscription dans l’espace est fondatrice de souverainetés.
L’appropriation fondatrice de l’espace
- Histoire et droit des États
- La liberté des mers face au droit maritime
- La naissance des frontières de l’État
- La Construction de l’État de droit Moderne
- La naissance de la notion d’État dans la Rome antique
- Les origines de la notion d’État
- Les pensées de Habermas et Hayek sur l’Etat
Par exemple, Alexandrie, conquête de l’empereur Alexandre. Autre exemple, les fleuves, en France ils ont fait l’objet d’inscription de fleur de Lys sur leurs rivages. Cette dynamique d’inscription avait pour but de marquer aux yeux de tous les prérogatives que l’Etat <royal entendait exercer sur l’espace fluvial à la suite de l’ordonnance de 69. Rendre visible l’autorité. Cette appropriation est essentielle et peu importe que cet Etat est un grand territoire ou un petit territoire, ce qui compte c’est d’avoir une portion quelconque du globe sur lequel on exerce les fonctions Etatiques. Cette question est actuelle puisqu’on se pose la question du territoire par rapport au phénomène de dématérialisation du pouvoir, notre Monde qui est un Monde fini, entièrement découvert, dans lequel la logique de dématérialisation et de déterritorialisation pose la question de l’appropriation de l’espace. Cela dit, si cette appropriation de l’espace est nécessaire elle n’est pas suffisante.
Cette question des frontières s’est construite de manière juridique avec l’apparition de l’Etat moderne, la notion de frontière en son sens est une création contemporaine. La notion de frontière est une création contemporaine avec les Etats modernes. Dans un premier temps, la frontière au sens large, était très floue. Les premiers empires sous l’Antiquité disposaient de zones, qui jouaient le rôle de sas entre le cœur de leur empire, et les pays étrangers, mais il n’y avait pas de limite précise. Ces limites sont apparues à la suite d’un processus qui s’est étalé du 15e siècle jusqu’au 19 siècle, (Congrès de Vienne, 1815).
- 1. Le temps des marches
Au Moyen-Âge et sous l’Antiquité, il existait des particularismes, et également à l’intérieur des royaumes. La notion de frontière au sens actuel n’a pas de sens à cette époque. On parle plutôt de zones tampons parfois très étendues, qui peuvent s’étaler sur différentes provinces, différents royaumes, la marche au sens strict est un espace à part entière. On passe d’une autorité à une autre grâce à un territoire tampon, cette situation était particulièrement vraie à l’époque féodale. Car à cette époque existait le principe de l’indivision des fiefs. Ces spécificités étaient extrêmement nombreuses dans les zones de contact entre deux royaumes, il y avait des zones qui étaient généralement des zones neutres, ces espaces de transitions existent encore (Ex ; Andorre, ou Liechtenstein).
La pratique des marches permettait de préserver la neutralité de certaines régions, on avait différents types de marches identifiés juridiquement, on avait des marches communes, provinces dépendantes de deux souverains différents. On avait des marches avantagères, plus influencées par un royaume par rapport à un autre. On avait aussi des marches contrhostées, dans lesquelles on avait de multiples enclaves qui dirigeaient. A l’origine, avant la naissance de l’Etat moderne, il existe des traités réalisés pour permettre des traitements séparés de ces espaces. L’apparition de frontières étatiques modernes est liée à l’apparition de l’Etat. Et l’Etat moderne en voie de constitution à la fin du Moyen-âge va engendrer un nouveau rapport à l’espace. Du 15e au 17e siècle, les marches vont être rationnalisées, et dans un deuxième temps, du 17e au 19e siècle, elles vont être éliminées, tant sur le plan intérieur, qu’extérieur, afin de créer des unités étatiques cohérentes, qui vont disposer d’un espace propre et surtout pour éviter les conflits avec les voisins. Le moment clé c’est celui où l’Etat moderne est suffisamment affermi à l’intérieur pour envisager les frontières extérieures.
De grands traités (Pyrénées, Aix-La-Chapelle, etc.) vont substituer aux enclaves, aux Terres-pelles mêlées vont créer des bornes qui vont préciser quand on entre dans un territoire et quand on en sort. Ces créations non pas pour les militaires, ce sont des considérations économiques et fiscales qui vont animer les diplomates. Il ne faut pas que les sujets d’un roi puissent échapper à l’impôt à cause d’une confusion sur les frontières. Les terres facilement identifiables seront déterminées par les diplomates par les limites arcifinies. Que l’on appelle aujourd’hui les bornes naturelles, les limites naturelles, montagnes, fleuves, forets comme limites d’un Etat. A partir du 18e cette expression de « limite » dans le sens « arcifinies » sera reconnue par les Etats. Les traités d’Utrecht des 31 mars et 11 avril 1713, lors desquels la recherche de linéarité prendra un sens inédit. On va se réferer au sommets des montagnes, et on va devoir inventer d’un point de vue juridique des systèmes de délimitation des eaux, en montagne et ce crée à partir du 18e siècle un droit spécifique qui relève aujourd’hui du droit international et qu’on appelait à l’époque le « droit d’entre les gens » il envisage les moyens de délimiter les frontières entre plusieurs Etats. A partir du 18e siècle apparaissent des commission qui seront envoyées aux frontières des Etats, généralement se sont des commissions bi ou multilatérales qui établissent des lignes de séparation précises.
C’est ainsi que pour déterminer les limites du Sud de la France qu’on va mettre en place un système d’échange des enclaves, qui appartenaient au Piedmont et à la France, de manière à linéariser et à rendre plus homogènes les territoires. A partir du 18e siècle, la révolution française va essayer d’imposer des frontières géométriques et naturelles pour remplacer les frontières complexes issues des anciens régimes, de la féodalité. Au cours de cette dynamique, les agents vont rendre les tracés de plus en plus minutieux pour délimiter chaque foyer fiscal et à qui doit être payé l’impôt. Désormais on a des délimitations au mètre près, qui permettent des lignes d’exploitations fiscales.
- 2. Le temps des frontières : La maîtrise de l’Etat sur l’espace
Les deux maîtrises à l’époque étaient distinctes, et l’Etat moderne a réuni ces deux logiques de contrôle des territoires
- 1. La maîtrise des partages
Le fait d’avoir le pouvoir de découper un territoire constitue un enjeu essentiel qui renforce tout pouvoir politique. A l’époque des plis grecque cette première illustration des maitrises de partages, renvoie aux délimitations que l’on connait. Tout commence au Vie siècle, lorsqu’à Athènes Clistène va redécouper l’espace au sein de la polis et de répartir les parages au sein de la polis. Son objectif est d’asphyxier les eupatrides pour partager les richesses. Par ce découpage, il brise les zones d’influence des cavaliers équivalents de l’aristocratie athénienne. Au-delà même de son rôle sur l’influence sur la démocratie, cette expérience révèle que le pouvoir de partager, de découper les territoires dispose du pouvoir politique. Ce pouvoir de découpage du territoire va s’exprimer aux Etats modernes à travers une maitrise des partages au niveau intérieurs et extérieurs. Cette détermination es frontières est destinée à faciliter l’exercice de l’Etat, mais il est intéressant de savoir que sur un plan intérieur ce pouvoir de maîtriser les partages est tout aussi, voire davantage important. La manière d’organiser l’espace fait partie des grandes missions étatiques.
Deux exemples :
ï‚· La départementalisation en 1790 ; les départements dans lesquels nous vivons aujourd’hui correspondent à des découpages administratifs issu de la révolution de 1789. Le 15 février 1790, 83 départements vont être créés. « La nature a posé elle-même les bornes, que l’autorité ne fait que reconnaître en se servant de la raison. » considérer que ce découpage départemental est le produit de la nature et non pas celui d’une idéologie serait naïf. La manière dont les révolutionnaires ont découpé les territoires résulte de travaux de grands penseurs. Cette façon de découper le territoire s’enracine dans une idéologie qui est née pour lutter contre la monarchie. Cette référence a de nouveau découpages naturels, plutôt qu’aux anciennes organisations féodales, s’agit d’enlever tout ce qui peut être vestige de la féodalité. Le but est d’expurger la France de tout particularisme. Le nouveau régime aura un découpage des partages radicalement différent de l’ancien régime.
ï‚· Le droit le plus emblématique de partager le territoire est le droit de l’urbanisme, qui est fortement marqué par le poids de l’Etat. Notamment parce qu’il définit des politiques d’aménagement qui correspondent à des objectifs que l’Etat assigne à ses aménageurs. Depuis les années 60, l’aménagement du territoire est pensé en parallèle de l’essor de l’Etat, et les grands objectifs qu’il se donne.
Exemple relevant de l’histoire architecturale et idéologique ; toute organisation de l’Etat est le fruit d’une vision du monde et des rapports qui existent dans une société. Palofsky a écrit un ouvrage « Architecture classique et pensée scolastique » dans lequel à travers l’étude de l’architecture gothique a réussi à montrer les liens qui peuvent exister avec la pensée scolastique qui règne dans les universités et les juristes de l’époque. L’architecture est une forme de miroir des grands principes de l’époque.
L’autre exemple est celui de l’ethnologie appliquée, Bieyck prend la province du Catanga, dans laquelle la tortue est presque sacrée et il a retrouvé des villages en forme de tortue.
- 2. La maîtrise des passages
Cette logique s’explique par la géographie « un territoire sans lieu, un lieu d’errance » le pouvoir ne s’exprime pas par partage mais par passage, car ce sont des zones vastes non divisibles. La maitrise des flux humains, la maitrise des flux de marchandise, va devenir un enjeu fondamental. Exemple, création du Canal du Midi, qui relie l’Atlantique à la Méditerranée. Cela permet d’établir une voie fluvio-maritime qui va permettre aux rois de France de maîtriser les passages, et de capter les échanges européens. De nos jours, ce pouvoir est encore plus important, puisque ce ne sont plus les frontières territoriales qui sont les plus cruciales, désormais le cœur du pouvoir s’est déplacé, et cela a entrainé la dématérialisation des échanges. Les flux sont devenus plus important, c’est pourquoi ils sont au cœur des problèmes qui nous intéressent aujourd’hui.
Avec les grandes découvertes, les principautés, ont commencé à affirmer une volonté d’emprise sur les mers. La baltique du nord, Venise a rappelé à de très nombreuses reprises que l’Adriatique était sa mer. Pour symboliser cette emprise de Venise sur l’Adriatique, les vénitiens partaient en mer derrière le Doge de Venise et jetaient un anneau dans l’Adriatique et ils se mariaient avec la mer « Nous t’épousons en signe de véritable et perpétuelle possession. »