Comment sont nés les droits de l’Homme ?

Émergence des droits de l’homme / libertés fondamentales

Les droits de l’homme sont un produit de l’histoire, ils ont émergés au 17ème siècle alors que les idées politiques à l’époque défendent l’idée de progrès. A l’époque, philosophie des lumières, accent mis sur l’idée de progrès, de raison et l’humanité. Ces idées se traduisent par la rédaction puis l’adoption de textes consacrant des droits et des libertés au premier desquels il y a la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Les droits de l’homme ont aussi des traits contemporains caractéristiques dans les sociétés actuelles.

I. La conceptualisation des droits de l’Homme

L’entré dans la droit positif des droits et libertés a été rendu possible par une importante évolution sur le plan des idées philosophiques et politiques qui a permis de faire émerger les notions d’individu et de liberté d’une part mais aussi de modifier progressivement l’approche du droit naturel d’autre part.

A. Individualisme

A l’antiquité, on constate que la conception de la société est une conception holiste c’est-à-dire qu’elle accorde la prééminence au corps social dans sa globalité et non aux hommes, individus qui sont vus comme des parties du tout. Ils sont abordés comme composantes du tout. Il y a des percés individualistes qui voient le jour. Les épicuriens vont reconnaitre la recherche du plaisir par les individus tandis que les stoïciens vont considérer l’homme pas simplement comme composant le tout mais comme un citoyen du monde.

D’une part, la religion a aussi exercé une influence très importante et a participé à une forme d’individualisation. En effet dans la religion, l’homme a été créé à l’image de Dieu et donc il est digne. Donc sa dignité vient du fait qu’il est à l’image de Dieu. Il va en découler dans la pensée chrétienne des obligations mais aussi des droits. Ex : l’interdiction de tuer véhiculé par les religions fait peser une obligation sur le fidèle mais va aussi créer implicitement un droit.

D’autre part, le Christianisme va dissocier, le spirituel du temporel. Rendez à César ce qui est à César, rendez à Dieu ce qui est à Dieu. On va voir apparaitre ce qui relève de la conscience individuelle qui a va être séparé de ce qui relève de l’Etat.

Ce sont deux apports essentiels du christianisme sur la question des libertés et ça va fonder le fait qu’on reconnaisse des droits à l’individu et ceci va justifier la limitation du pouvoir. Il a une sphère individuelle qui doit échapper au pouvoir étatique.

Le protestantisme va aussi jouer un rôle important, rapport plus direct de l’individu à Dieu donc ça contribue à donner une réalité à la figure de l’individu.

Eléments qui se conjuguent qui aboutissent à considérer l’individu comme un sujet de droit. Celui-ci va pouvoir devenir titulaire de droits.

B. Droits naturels

Idée : le droit naturel et donc les droits issus de ce droit naturel vont évoluer au fil du temps. On va passer du droit divin au droit imposé par la raison, droit naturel qui s’impose de lui-même.

Le droit naturel est vu au départ par le droit divin, principes imposés par Dieu, ça va justifier qu’il prime sur le droit positif. Ex : Antigone. problème entre la loi des hommes et la loi de Dieu.

Mais après ce droit naturel perdure et évolue. St Thomas D’Aquin va montrer que le monde est l’œuvre du créateur et les lois naturelles vont être l’expression de sa volonté et vont régir le monde. Mais schématiquement, St Thomas considère que ces lois naturelles sont révélées par l’expérience humaine. Forme de subjectivation du droit naturel.

L’évolution est accrue à partir du 16ème siècle avec l’école de Salamanque. On a des auteurs, Vitoria et Suarez vont faire le lien entre droit naturel et la raison. V montre que les hommes vont nécessairement s’entendre sur certains principes naturelles qui vont devenir du droit et qui sont dictés par la raison. Forme d’universalité puisque la raison va être la même pour tous, commune à chaque homme, universel. Au 17ème l’école moderne du droit naturel avec Grotius et Püfendorf qui poursuivent un mouvement de laïcisation des droits naturels : le droit nature devient le droit reconnu moralement, les principes du droit naturel s’imposent à la raison car ils sont moralement honnêtes

Théories du contrat social : l’ensemble de ses théories essaie d’expliquer comment l’individu va au départ être dans un état de nature mais un état de nature où il n’y a pas d’autorité où les hommes jouissent d’une totale liberté et montre, comment l’homme va avoir intérêt à sortir de cette état de nature et comment il va décider de sortir de cet état et de se lier à la collectivité.

II. Premières consécrations juridiques

Ce texte de 1789 est le résultat de multiples influences parmi lesquels des textes étrangers qui vont jouer un rôle essentiel.

A.Les reconnaissances anglo-saxonnes

Les textes anglais : texte de 1215 Magna Carta, pétition des droits 2628, Habeas Corpus 1679 et Bill of Rights 1689. On limite le pouvoir du monarque au profit du Parlement. La magna carta, avec ce texte le monarque admet les premières limitations à son pouvoir en reconnaissant d’autres autorités que la sienne parmi lesquelles l’église et les seigneurs. Texte arraché au roi.

Dans la grande charte on trouve de timides garanties en faveur de la liberté individuelle ; aucun homme ne sera arrêté ou prisonnier si ce n’est en vertu d’un jugement légal ou en vertu de ses pairs.

Pétition des droits : texte obtenu par le parlement contre le roi sous la menace du parlement de ne pas voter les crédits nécessaires à la guerre, il est fait obligation au roi de respecter les pouvoirs du Parlement. Il rappelle aussi les garanties dû aux libertés individuelles : interdiction des arrestations abusives, des exécutions arbitraires et affirmation du droit de se défendre.

Habeas corpus : protéger la liberté individuelle avec la précision de l’habeas corpus qui consiste à présenter physiquement toute personne à un juge qui va décider de la légalité ou non de sa détention.

Bill of Rights : le parlement va permettre au monarque d’accéder au trône sous réserve qu’il respecte les droits du peuple, les droits du parlement de consentir à l’impôt et de lever les armées.

A l’époque dans ses textes, les droits de l’homme sont envisagés de manière très pragmatique. On est dans les conditions pratiques du respect des droits.

Textes américains : plusieurs états ont adopté des déclarations proclamant des droits. Il s’agissait de droits que les colons ne voulaient pas perdre. Déclaration de l’Etat de Virginie : 12 juin 1776

Déclaration d’indépendance de 1776 influencé par celle de l’Etat de Virginie : droits inaliénables, égalité etc.

Les 10 premiers amendements de la constitution américaine de 1787 : liberté de religion, d’expression, droit de porter des armes, sureté de la personne, sureté du domicile, liberté de s’assembler etc.

B. La déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789

Les origines :

Les textes étrangers. Malgré cette influence, élément d’originalité : il y a une parité mais originalité du fait que la DDHC a une ambition et une portée universel que n’ont pas les textes anglais et américain.

Ambition du à l’influence à l’époque de la France, la langue France est lu et comprise dans l’ensemble des milieux cultivés, ce texte va être lu, compris, traduit. L’universalité est possible. A cela s’ajoute les éléments rédactionnels, il y a des éléments qui portent trace de cette prétention universaliste qui participent à sa diffusion et à sa bonne compréhension. Origine qui tient au contexte historique français et au développement de la philosophie des lumières au XVIIIème siècle.

Dans les cahiers de doléance, il y avait eu l’idée qu’a parti de ses cahiers de doléance il aurait fallu créer une déclaration des droits, mais texte qui n’aurait rien eu à voir avec l’objet des doléances.

Contenu : C’est une déclaration c’est-à-dire un texte recognitif, de reconnaissance de droits préexistants et non pas un texte créateur ou constitutif. On n’a pas rompu avec l’idée de droits naturels, ces droits préexisteraient à la déclaration car inhérents à la nature humaine. Travail des rédacteurs est de révéler les droits préexistants. Cette déclaration ne crée pas elle fait que révéler les droits naturels et en fait des éléments de droit positif.

Elle a une prétention universaliste ; elle ne proclame pas les droits des français de l’époque mais affirme les droits de l’homme et du Constitution de tous les pays, de tout temps. Idée qu’il y a des droits naturels qui ne dépendant pas de la nationalité ou de l’époque. Intemporalité de la déclaration qui peut être permanente. La déclaration universelle de 1948 est largement inspirée de cette DDHC de 1789. Prétention qui trouve une certaine effectivité.

Déclaration fondée sur l’individualisme. Plusieurs traces : le droit de la propriété est affirmé. Au niveau politique, il ressort, que la société est au service des individus et au niveau social, l’individualisme se voit en creux, cette déclaration ignore les groupes ainsi que les corps intermédiaires donc centrée sur l’individu. Les seuls droits affirmés sont des droits que l’individu peut exercer seul. Ce texte est le reflet de la pensée libéral au sens d’autonomie laissée à l’individu.

L’Etat est vu comme une source de danger pour les libertés, droits des individus.

Abstraction dans le vocabulaire employé : idée de transandance. Abstraction a été critiquée notamment celle de Marx : critique marxiste qui tient au fait que ce texte ne consacrerait que des libertés abstraites formelles par opposition aux libertés réelles. Autre critique : par opposition au texte anglais, il n’y a aucune garantie de procédure qui soit prévu par le texte pour garantir l’effectivité de tel droit.

Les droits consacrés : texte bref malgré tout il est assez riche. 3 catégories : Droits reconnus à l’individu (droits naturels inhérents à la personne humaine : la liberté individuelle, droit de propriété, droit à la sureté, liberté d’opinion, liberté d’expression) droits reconnus au citoyen (libertés politiques, l’individu est élément de la société et à ce titre il a des droits politiques, résister à l’oppression, conquérir à la formation de la loi, il bénéficie de la force publique et il consent à l’impôt) et principes d’organisation politique (souveraineté nationale, séparation des pouvoirs).

Les critiques : les critiques adressées à cette déclaration sont nombreuses. Importantes au moment de ‘adoption et ultérieurement. Critiques contemporaines viennent de traditionnalistes, ce qui va être critiqué ce sont les soubassements de ce texte c’est-à-dire sa prétention universaliste, son abstraction et sa vision de droit naturel et son orientation purement individualiste. Les critiques vont venir surtout des britanniques et des français, parmi les britanniques 2 auteurs essentiels : Bentham, et Burke, ils vont manifester leur préférence pour l’empirisme et leur critiques essentiel porte sur le fort idéalisme retenu par la DDHC. Selon eux, il serait préférable de reconnaitre des droits plus réels, progressivement, au fur et à mesure qu’ils sont progressivement acquis. Les auteurs français sont De Mestre, Bonate qui s’attaquent plutôt à l’individualisme de la DDHC parce qu’ils partent plutôt d’un postulat holiste, Idée que le collectif préexiste à l’individu. Les droits ne peuvent être vus comme universels dès lors que les droits de l’homme vont varier selon la société dans laquelle ils vivent.

Rapides critiques : 2 critiques différentes à savoir la critique de l’église et la critique marxiste.

  • La critique de l’église émerge au moment de l’adoption de la DDHC et va se poursuivre jusque dans la fin de la première moitié du 20ème siècle. L’Eglise catholique va combattre l’idée des droits de l’homme en contestant principalement le rationalisme sur lequel ils sont fondés et sur la philosophie des lumières.
  • La critique marxiste correspond à une évolution du droit positif, dans son ouvrage de 1994 (la question juive) Marx énonce des reproches à la DDHC et en particulier celui de faire abstraction de l’inégalité existant entre les hommes du selon lui aux apports éco et à la lutte des classes. Les libertés consacrées dans ce texte e sont que des libertés formelles et non pas réelles puisqu’elles ne vont pas permettre à l’homme de se libérer de l’exploitation.

C. De 1789 à la seconde guerre mondiale

Emergent dans cette période les droits sociaux. Après 1789, les acquis de cette période révolutionnaire seront fréquemment rappelés en particulier dans les constitutions ou dans les déclarations qui précèdent les constitutions françaises mais ses acquis seront aussi complétés par l’ajout de nouvelles préoccupations plus sociales.

3 temps sont à distinguer :

  • la période postrévolutionnaire immédiate où on va voir des préoccupations sociales apparaître
  • le 19ème siècle
  • le 20ème siècle

Pour illustrer le 1er temps: déclaration de 1793, c’est une déclaration des droits qui précède la constitution du 24 juin 1793 (mise en préambule). Ce texte est clairement d’abord le prolongement du précédent, de la DDHC de 1789 et elle reprend un certains nombres de droits qui figuraient dans la DDHC à savoir le droit de propriété ; la liberté d’opinion ou la liberté d’expression.

Il y a quelques adaptations, ainsi la souveraineté par exemple qui était déjà évoquée dans la DDHC mais vu comme la souveraineté nationale (article 3), là la souveraineté est dite populaire. Souveraineté qui s’exerce par le peuple. Aussi, l’égalité figurait dans la DDHC (article 1), cette égalité est hissé au premier rang des droits de l’homme, elle est mise en avant alors que dans la DDHC c’est la liberté qui est mis en avant. Par ailleurs, il y a deux véritables changements ; par exemple la liberté du commerce et de l’industrie est consacrée et surtout on voit apparaître les prémices des droits créance qui sont formulés par le biais d’obligations sociales pesant sur la société.

A propos de ces obligations de nature sociale, 2 articles de la déclaration :

  • article 21 de la Déclaration de 1793 : « les secours publics sont une dette sacrée» et il poursuit « la société doit la subsistance aux citoyens malheureux soit en leur procurant un travail soit en leur assurant les moyens d’exister s’ils sont hors d’état de travailler» On pense aux vieillards, personnes malades etc. Début de devoir en matière sociale qui pèse sur la société et qui profite à l’individu
  • article 22 : «l’instruction est le besoin de tous», il poursuit «la société doit mettre l’instruction à la portée de tous les citoyens».

Dans ce texte, il existe des devoirs en matière sociale, en matière de ressources ou d’instruction qui pèsent sur la collectivité. Ce texte n’a jamais été appliqué. Pur autant il est important et témoigne de l’évolution rapide des idées.

Pour illustrer le 2ème temps: la constitution du 4 novembre 1848. Elle renoue avec les principes démocratiques de la révolution française et elle contient des droits que l’on peut qualifier d’économiques et sociaux. Cf. Extrait. Il y a toujours cette obligation : « La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa propriété, son travail, et mettre à la portée de chacun l’instruction indispensable à tous les hommes ; elle doit, par une assistance fraternelle, assurer l’existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d’état de travailler. » (Préambule). D’abord c’est à la famille de subvenir à ses besoins, à défaut c’est la république qui intervient

On reste dans ligné de la déclaration de 1793. Changement : c’est la portée du texte qui s’applique véritablement, multiplications des références en matière sociale et précisions plus grandes. Toujours cette idée de subsidiarité.

Pour illustrer le 3ème temps : constitutions nationales du début du 20ème siècle : on va voir qu’il y a un certain nombre de constitutions adoptés dans la première moitié du 20ème siècle qui font échos aux préoccupations sociales. On va trouver ses traces de préoccupations sociales et même des droits sociaux dans des constitutions étrangères et dans la constitution française de la 4ème République.

Constitutions étrangères : constitution du Mexique en date du 5 février 1917 et la constitution allemande du 11 août 1919 ; Droits sociaux vont y être consacrés y compris des droits dans le secteur du travail. On voit une constitution mexicaine détaillée sur les droits sociaux liés au travail ; elle reconnaît les syndicats et les règles précises destinées à protéger les travailleurs (durée maximale de travail, repos hebdomadaire, protection de la santé du travailleur etc.).

La constitution de la 4ème République de 1946, elle est à la fois l’héritière du passé et un texte de renouveau en ce qui concerne les droits de l’homme. Héritière du passé parce que dans son préambule la constitution de 46 renvoie à la DDHC de 1789, elle reprend les acquis révolutionnaires en termes de droits de l’homme et le postulat libéral mais s’y ajoute la proclamation de nouveaux droits, les principes politiques économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps dont la liste est donnée dans le préambule de 1946. Ces principes sont d’une grande diversité : le droit d’asile (droit qui va aussi être lié à la liberté d’aller et venir), droit reconnus au travailleurs (liberté syndicale, droit de grève), les droits créance c’est-à-dire des droits reconnus à l’individu et qui lui confèrent une sorte de créance à l’égard de la société (l’individu a le droit à l’instruction, au travail, à la santé).

Ces constitutions sont l’aboutissement de l’émergence des préoccupations sociales.