Napoléon Bonaparte, du général à l’empereur

Napoléon , le Général, le premier Consul, l’Empereur(1769 – 1821)

Quand Napoléon prend le pouvoir en 1802 en tant que premier consul, le pays est au bord de l’implosion, d’un effondrement vers l’anarchie la plus totale, le chaos le plus absolu. Napoléon a alors déjà repoussé un débarquement anglais à Toulon en 1793, battu les autrichiens en Italie et conquis l’Egypte. À son retour, le pays est en ruine, assiégé sur toutes ses frontières, le gouvernement est trop faible, miné par les querelles intestines entre radicaux sans culotte, royalistes, traitres qui collaborent avec les coalisés, intriguants ambitieux qui n’aspirent qu’à accaparer le pouvoir et lâches qui effrayés par le pouvoir de Napoléon n’aspirent qu’à se débarrasser de lui. Le pays est traumatisé par la Terreur de la révolution et la révolte Vendéenne terminée depuis 1796 mais dont le souvenir reste très vivant. De plus avec la fuite de la noblesse et l’opposition de ce qu’il reste du clergé, l’élite du pays est décapitée. La France traverse une crise semblable à celle qu’a traversée la Russie après la révolution d’Octobre, et comme en Russie, il fallait un pouvoir fort et un homme fort pour rétablir l’ordre.

  1. I – Un général de la Révolution

 

A / La jeunesse de Bonaparte

Né à Ajaccio en 1769, il est le second des huit enfants d’une famille de très petite noblesse. Il a bénéficié d’une bourse du roi pour faire carrière dans le métier des armes : scolarité moyenne à l’école militaire de Paris, il sort avec le grade de lieutenant en 1785. Adepte des idées nouvelles, admirateur de Jean-Jacques Rousseau du fait de la publication du projet de Constitution pour la Corse, il adhère à la Révolution française. Capitaine en 1792, il se brouille avec P. Paoli qui les chasse de Corse en mai 1793. Napoléon va renoncer à ses rêves patriotiques corses pour basculer dans le patriotisme jacobin.

 

B / Un officier jacobin

Il participe à la répression anti-girondine en septembre 1793. Il est promu chef de bataillon en octobre, il définit la tactique qui permet de reprendre le port de Toulon aux Anglais le 19 décembre, exploit qui vaut à Bonaparte le grade de général (sans avoir été promu colonel entre temps).

 

Protégé d’Augustin Robespierre (frère de Maximilien Robespierre) : après la chute de Robespierre, il est suspendu et même emprisonné une quinzaine de jours, avant d’être réintégré dans l’armée. En 1795, il reçoit l’ordre d’aller servir en Vendée mais refuse car il considère que c’est une mauvaise guerre, d’où il n’y a que des ennuis à retenir → il est rayé des cadres, sa carrière militaire est apparemment perdue.

 

Lors de l’insurrection du 13 vendémiaire (octobre 1795), Barras fait appel à Bonaparte pour écraser l’insurrection. Le 2 mars 1796, Barras fait confier à Bonaparte le commandement d’une armée destinée à opérer en Italie, théâtre d’opération secondaire par rapport à la Germanie. Juste avant son départ, il épouse Joséphine de Beauharnais, ancienne maîtresse de Barras.

 

Dès le départ, Bonaparte démontre aux yeux de tous un extraordinaire génie militaire en battant les Piémontais et Autrichiens + il assure la domination française en Italie du Nord (victoire de Rivoli). En Italie, il ne se conduit pas comme général de la République, mais comme proconsul, sans se soucier des instructions du Directoire. C’est lui-même qui négocie la paix de Campo-Formio en 1797 avec l’Autriche. → Pourquoi le Directoire le laisse-t-il faire, alors qu’il outrepasse ses fonctions ? = La France est financièrement aux abois, et profite du pillage de l’Italie par les armées françaises.

 

C / Une ambition politique

Bonaparte est maître de la propagande ; il considère que la victoire de Lodi lui a ouvert les yeux sur son destin. En septembre 1797, Bonaparte écrit à Talleyrand une lettre où il ose dessiner les contours d’un nouvelle Constitution ; on voit très bien que les idées de Bonaparte préfigurent l’avenir dans cette lettre. Après la campagne d’Italie, Bonaparte revient à Paris où il se fait élire à l’Institut ; Sieyès dira de lui que « de tous les généraux du moment, il est le plus civil ».

 

L’expédition d’Égypte (1798-1799) devait l’éloigner de la France car trop ambitieux et populaire ; toutefois, Bonaparte débarque en Égypte, mais abandonne son armée et à son retour, il effectue un coup d’État.

 

  1. II – Le chef d’État

A / Le Premier consul

Sous le Consulat sont rétablies toute sorte de choses en France : rétablissement de la paix civile, rétablissement de la paix extérieure (avec l’Autriche en 1801, Angleterre en 1802), de l’ordre juridique (Code civil en 1804), de l’ordre administratif, de la situation économique, financière, monétaire… + rétablissement de la confiance, mais en contrepartie rétablissement de l’esclavage dans les colonies françaises en 1802.

 

// Concentration du pouvoir : l’histoire du Consulat est l’histoire d’une marche vers la monarchie. Bonaparte devient Premier consul à vie en 1802, empereur en 1804. Cette concentration continue de l’autorité est légitimée de deux manières : par des appels au peuple (sur la Constitution nouvelle, le Consulat à vie, l’hérédité impériale), mais aussi par un étrange recours au droit divin (le pape Pie VII assiste au sacre de l’empereur).

 

B / L’empereur

L’autoritarisme s’accentue sous l’Empire. Dès le départ, les pouvoirs sont considérables : large pouvoir réglementaire au terme de l’article 44 de la Constitution de l’an VIII, mais en plus l’empereur légifère au mépris de la Constitution (par décrets ou par actes du Sénat). Napoléon est un travailleur infatigable et intervient à tous les niveaux de l’administration.

 

→ Ce despotisme impérial ne laisse guère de place à la vie politique : les élections n’intéressent personne, les libertés souffrent… Malgré ce despotisme, l’empereur n’a pas réussi à gouverner les esprits.

 

Quant à l’égalité, Napoléon a conservé de son passé jacobin le goût de l’égalité (qu’il préfère à la liberté). Comme les hommes de 1789, Napoléon considère que dans une société où règne l’égalité des droits, le ressort de l’ascension sociale doit être le mérite ; c’est dans cet esprit de récompense du mérite qu’il crée la noblesse d’empire, titre qui ne comporte pas de privilège (= cadre méritocratique).

 

La France est reconstruite sur des bases durables (Code civil, Conseil d’État, préfectures, Banque de France…), mais la survie de l’empire ne dépend pas de cela. Pour les monarques de l’Europe, Bonaparte est resté le fils de la Révolution (≈ parvenu). Il ne faut donc pas s’étonner que les guerres aient été incessantes. Autour de l’Angleterre se nouent diverses coalitions : Autriche, Prusse, Russie… Napoléon est presque toujours l’agressé, mais pendant les brèves trêves, il est l’agresseur.

 

L’Europe est réorganisée : Napoléon est roi d’Italie (Nord-Est) à partir de 1805 ; en 1806, une confédération du Rhin réunit des petits États d’Allemagne dont le protecteur est Napoléon, annexion des Pays-Bas en 1810… = Transformation en États vassaux, où il place des membres de sa famille à la tête des États, sans se préoccuper de l’opinion des peuples. Par delà ses caprices géopolitiques, Napoléon exporte le Code civil dans de nombreux pays d’Europe et une bonne partie des principes de la Révolution.

 

L’effondrement de l’empire sera dû pour beaucoup à la mégalomanie de Napoléon. Après son divorce avec Joséphine de Beauharnais, il épouse Marie-Louise d’Autriche, mais la dynastie n’est pas assurée pour autant = rupture avec la Russie, la coalition européenne est générale en 1812, Napoléon est écrasé durant la bataille de Leipzig en 1813.

 

Pendant les premiers mois de 1814, la France est envahie : « campagne de France », où Napoléon réalise des prodiges, mais les ennemis restent trop nombreux. → Le Sénat se prononce pour Louis XVIII.

 

 

  1. III – Un personnage de légende

La campagne de 1814 était militairement inutile, mais bien jouée. Sa chute en 1814 n’était pas assez grandiose, elle était même pathétique : il part par l’île d’Elbe via le Rhône et se fait huer par les royalistes. Les Cent jours lui permettent d’avoir un crépuscule (A), puis il meurt et sa légende triomphera (B).

 

A / Les Cent jours

 

En 1814, Napoléon est relégué à l’île d’Elbe avec son titre d’empereur. Il s’informe des erreurs commises en France par le gouvernement de Louis XVIII, etc, et se décide à débarquer en France près d’Antibes le 1er mars 1815. Napoléon bénéficie d’un ralliement qui donne une réalité politique. Dans un premier temps, il fait de la démagogie et cherche à apaiser certaines craintes de la restauration ; mais par ailleurs, il ne veut pas être le « roi d’une jacquerie » (= révolte populaire). Le 20 mars, il arrive à Paris d’où Louis XVIII vient de s’enfuir, et procède à une grande épuration où il veut punir ceux qui l’ont trahi en 1814.

 

→ Napoléon propose aux Français un texte intitulé « acte additionnel aux Constitutions de l’Empire » (rédigé par son ancien adversaire Benjamin Constant), afin de rassurer les notables et bourgeois. // Texte assez proche de la Charte de 1814 (bicaméralisme, etc). Mais les deux textes et les deux régimes sont très différents : dans l’acte additionnel, c’est le peuple souverain qui délègue ses pouvoirs (≠ Charte de 1814). Il est toutefois écrasé à la bataille de Waterloo le 18 juin 1815 et se voit déporté par les Anglais définitivement à Sainte-Hélène.

 

B / La légende napoléonienne

Waterloo a servi de prélude dramatique à la mort de Napoléon le 5 mai 1821. Entre temps, Napoléon à Saint-Hélène, victime des mesquineries de ses gardiens britanniques, il peaufine pour la postérité son image de libéral et fils de la révolution. Dans les premiers mois de sa déportation à Sainte-Hélène, il s’est entretenu avec le Comte de Las Cases qui publiera en 1923 le Mémorial de Sainte-Hélène, qui va accélérer le phénomène de la légende napoléonienne.

 

Cette légende napoléonienne est brimée sous la Restauration parce qu’elle comporte des aspects anti-bourboniens. La légende sera favorisée par la monarchie de Juillet qui a fait rapatrier en France les cendres de Napoléon en 1840.

 

Néanmoins, Louis-Philippe n’a pas réussi à récupérer cette légende politiquement : la légende a toute sorte d’aspects (sentimental, littéraire…), mais pas politique en soi. Pour voir le bonapartisme profiter de la légende napoléonienne, il faut attendre 1848 avec l’élection à la présidence de la Seconde République du neveu de Napoléon, Louis-Napoléon Bonaparte.