Obligations de bonne foi et d’information durant la négociation

Les obligations imposées aux parties durant la phase de négociation. 

Pour les contrats portant sur des opérations économiques complexes ou mettant en jeu des intérêts très importants, l’accord de volonté ne sera souvent obtenu qu’après de longue négociation destinée à préparer cet accord. Le Code Civil ancien ne réglementait pas cette phase de négociation durant laquelle pourtant peut se dérouler de nombreux problèmes. C’est donc la jurisprudence qui pendant longtemps a apporté les solutions aux problèmes survenant pendant cette période.

La réforme insère désormais le Code Civil dans la section 1  –>  sous section 1 consacrée essentiellement aux négociations et qui reprend pour l’essentielle les règles posées par la jurisprudence.

Lors des négociations les parties peuvent avoir recours à différentes méthode pour régler leur accord définitif. Il y a en effet plusieurs modes de négociations. Elles choisissent parfois des négociations libres (pourparlers).

 

  • &1- L’obligation de bonne foi

Cette obligation, fixée de manière générale à l’article 1104, est reprise pour la phase de négociation à l’article 1112 qui dispose que l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. L’article précise qu’en cas de faute dans la négociation, en cas de manquement à l’obligation de bonne foi, la sanction sera la réparation du préjudice causé au cocontractant par cette faute.

 

La victime dans un acte de mauvaise foi peut donc engager la responsabilité civile délictuelle de son partenaire pour obtenir de sa part des dommages et intérêts. En matière de responsabilité civile on distingue la délictuelle et contractuelle. Dans les deux cas il s’agit d’indemniser la victime d’un dommage injustement causé. Il existe cependant un principe de non cumul entre la responsabilité civile délictuelle et contractuelle : une victime de ne peut agir en responsabilité civile délictuelle que si les conditions de la responsabilité civile contractuelle ne sont pas remplies, plus précisément que si son dommage ne résulte pas de l’inexécution d’un contrat. Si le dommage résulte du manquement par le responsable à une obligation d’un contrat conclu à la victime, cette dernière doit obligatoirement agir en responsabilité civile contractuelle. Si le dommage ne résulte pas de l’inexécution d’un contrat passé avec le responsable, la victime doit obligatoirement utilisé la responsabilité civile délictuelle.

 

  • &2- L’obligation précontractuelle d’information

Cette obligation est fixée à l’article 1112-1 du Code Civil : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ». L’idée est de prévenir autant que possible un consentement vicié en garantissant l’information des futurs contractants. Si ces derniers ont bien eu accès à toutes les informations utiles, les risques de les voir commettre  une erreur est limitée.

Cette volonté de promouvoir l’information du contractant avant la conclusion du contrat est commune à la loi et à la jurisprudence qui l’une comme l’autre ont imposé un devoir d’information précontractuelle à la partie sachante au profit de la partie ignorante.

Mais jusque-là la loi n’imposait ce devoir d’information que de manière ponctuelle, que pour certains contrats spécifiques. C’est la jurisprudence qui la première a imposé une obligation générale d’information et pas spécialement spéciale propre à certains contrats. Cette obligation a été consacré par la réforme si bien qu’aujourd’hui on peut désormais dire qu’elle est elle aussi imposée par la loi.

A) Les obligations légales et spéciales d’information

Depuis de nombreuses années, certaines lois imposent à certaines catégories de personnes d’informer leur partenaire dans la phase précontractuelle. Par exemple, certains articles du Code de la Consommation imposent à des professionnels vendeur de biens ou prestataire de services de mettre le consommateur avant la conclusion du contrat en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

 

De la même manière, le code de la conso impose aux professionnels d’informer le consommateur par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou tout autre procédé, sur les prix mais également les informer sur les prix, sur les limitations éventuelles de responsabilité contractuelle et enfin sur les conditions particulières de vente.

 

Dans le même esprit, une loi du 31/12/1989 impose à l’assureur de fournir au futur contractant une fiche d’information sur le prix et les garanties offertes par le contrat avant la conclusion de ce contrat. On oblige par une loi certains professionnels à donner toutes les informations utiles au futur contractant.

 

Le législateur va même plus loin puisqu’il peut obliger le professionnel à faire figurer des clauses destinées à informer le contractant dans le contrat qui va être conclu.

Cette obligation d’information ne concernait cependant pas tous les contrats mais seulement ceux conclus entre professionnels et consommateurs et parfois même seulement un type particulier de contrat comme le contrat d’assurance. La Cour de Cassation a considéré que c’était insuffisant et à côté de ces obligations spéciales d’informations il fallait poser une obligation générale d’information.

 

B) L’obligation générale d’information

Le souci d’informer avant la conclusion du contrat le cocontractant est relativement récent (à partir des années 70′).

Longtemps, on a présumé que c’était à celui qui voulait contracter d’aller chercher les renseignements utiles pour décider son consentement.

Mais par la suite, et notamment avec le développement de la société de consommation on a réalisé qu’il était parfois difficile pour certains contractant d’obtenir ces infos. C’est pourquoi la loi à commencer à imposer cette obligation pour certains contrats particuliers et c’est aussi la raison pour laquelle la jurisprudence a peu à peu posé le principe d’une obligation générale de renseignements qui est aujourd’hui reprise dans l’article 1112-1. Cette obligation est générale, elle concerne donc tous les contrats. Elle consiste en l’obligation de fournir au futur cocontractant toutes les informations relatives à l’objet du contrat envisagé pour lui permettre d’apprécier l’utilité de ce contrat et de s’engager en toute connaissance de causes.

 

Quand la jurisprudence a posé cette obligation générale d’information elle a dans le même temps posé les conditions d’existence de cette obligation et précisé sa sanction  –>  article 1112-1 aujourd’hui reprend l’essentiel de ces conditions et adopte la même sanction que celle appliquée par la jurisprudence.

 

1- Les conditions d’existence de l’obligation générale précontractuelle d’information 
  •     Le cocontractant n’a pas à donner toutes les informations à son futur cocontractant

 –>  Il faut que l’information soit pertinente, cela signifie qu’il faut que ce soit une information dont la connaissance pouvait avoir une incidence sur la volonté de contracter de son partenaire. Cette exigence est repris à l’article 1112-1 « exige une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre ».

La jurisprudence peut décider que celui qui détient l’information devait savoir qu’elle était déterminante pour son partenaire. Cela signifie que si le cocontractant destinait l’objet acheté à un usage particulier, il devait en avoir informé le vendeur.

 

Pour pouvoir donner cette information faut-il encore la connaître. Toutefois le futur cocontractant, quand il s’agit d’un professionnel et surtout d’un spécialiste est sensé connaître cette information et ne pourra donc pas invoquer son ignorance. Il doit si c’est nécessaire, s’informer pour informer.

 

Toujours à propos de l’information qui doit être donnée, l’article 1112-1 ajoute une précision :

« Le devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation ».

 

  •     La deuxième condition est relative au créancier, celui à qui est dû l’information. La jurisprudence comme le nouvel article 1112-1 exige que ce créancier ignorait le fait dont il n’a pas été informé et son ignorance doit être légitime.

 –>  Ignorance légitime : la jurisprudence considérait que l’ignorance était légitime si le cocontractant avait rencontré des difficultés sérieuses pour découvrir par lui-même l’information ignorée. Elle considérait également que l’ignorance était légitime si le futur cocontractant avait pu penser, qu’en raison des conditions particulières de confiance qui l’unissait à son partenaire, que celui-ci prendrait l’initiative de l’information.

 –>  Cela signifie également que le créancier ignorant n’est pas toujours légitime d’ignorer. Il a donc une obligation, hormis ces cas particulier, de s’informer.

 

                               2- Sanctions au manquement de l’obligation générale précontractuelle d’information 
  •     L’article 1112-1 prévoit comme première sanction que la responsabilité de celui qui été tenu d’informer pourra être engagé en cas de manquement à ce devoir d’information. Il ne peut cependant s’agir que d’une responsabilité civile délictuelle car nous sommes toujours dans la période précontractuelle.

 –>  Le dommage subi du fait de l’inexécution de l’obligation d’information n’est pas la conséquence de l’inexécution du contrat. C’est donc une action en responsabilité délictuelle et plus précisément d’une action en responsabilité pour faute fondée sur l’ancien article 1382.

 

La responsabilité délictuelle pour faute, pour être engagée, suppose que soit réuni  3 conditions : 

  • Il faut tout d’abord établir un dommage, prouver l’existence de ce dommage
  • Il faut prouver la faute du responsable. La faute est un comportement contraire à celui qu’aurait eu dans les mêmes circonstances l’homme raisonnable. L’homme raisonnable respecte les obligations posées par la loi et notamment l’obligation d’information. Le manquement à une telle obligation est donc bien une faute.
  • Il doit exister un lien de causalité entre la faute et le dommage. La faute doit être la cause directe du dommage causé à la victime. Si cette preuve est apportée, la victime a le droit à l’indemnisation de son dommage.

En revanche, l’article 1112-1 précise que ce n’est pas à la victime de prouver qu’elle n’a pas reçu l’information mais au cocontractant de prouver qu’il a donné l’information.

 

 Mais ce n’est pas la seule sanction prévue à l’article 1112-1. Il est également prévu que le manquement au devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles  1130 et suivants. La jurisprudence retenait déjà cette autre sanction possible car elle estimait déjà que si le manquement à l’obligation d’information était à l’origine d’un vice du consentement.

 

 

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