La condition des personnes dans la société féodale : les nobles
- I) Formation historique (Xème – XIIIème)
- A) Situation de fait
- B) La noblesse devient une condition héréditaire
- C) Les liens entre noblesse et chevalerie
- II) L’accès à la noblesse à partir du XIIIème
- A) La naissance
- B) L’entrée en chevalerie
- C) L’acquisition de fiefs
- III) La condition des nobles (l’état de noblesse)
- A) Le droit particulier des nobles
- 1) Privilèges militaires
- 2) Privilèges fiscaux
- 3) Les privilèges judiciaires
- 4) Privilèges de droit privé
- B) Le comportement noble
I) Formation historique (Xème – XIIIème)
La noblesse apparait à l’origine comme une situation de fait résultant d’un ensemble de supériorités personnelles, par la suite elle va prendre un caractère héréditaire et l’aspect d’une condition juridique précise.
A) Situation de fait
- Histoire médiévale du droit
- Les métiers au Moyen-âge (organisation, salaire, rythmes de travail…)
- L’administration des villes au Moyen-âge
- Les villes au Moyen-âge
- Les serfs au Moyen-âge
- La noblesse au Moyen-âge
- Les alleux dans la société féodale
A la fin du 10ème s certains hommes libres sont qualifiés de nobles. Il existe des individus qui sont reconnus comme l’emportant sur les autres en dignité ou en pouvoir. Cette situation de supériorité et le qualificatif de noble qui en découle résulte d’éléments variables selon les régions: le fait de posséder un grand domaine, de descendre d’une famille de comte ou vicomte…
Tous ces vénérables ont le même genre de vie : ils sont chefs et seigneurs parmi les hommes libres. De plus ils ont les capacités matérielles de mener un genre de vie consacrée à la guerre et au commandement.
Il faut posséder le prestige, c’est-à-dire mener la vie du combattant professionnel. Ils sont séparés des hommes libres par excellence, ceux qui demeurent libres parce qu’ils commandent.
Durant la formation, la qualité de noble est très instable.
En effet elle est liée au prestige personnel d’un individu et peut disparaitre avec lui. Aux 10ème et 11ème, dans la société mouvante du monde seigneurial beaucoup d’individus audacieux réussissent des ascensions sociales.
B) La noblesse devient une condition héréditaire
On peut observer 2 facteurs convergeant: dans la société du premier âge féodal caractérisé par la solidarité familiale, la noblesse va être considérée comme une dignité appartenant virtuellement à la famille.
Les bases matérielles de puissance matérielle des nobles passent à leurs descendants et donc l’hérédité de la noblesse accompagne l’hérédité de la vassalité et du fief. Le noble fait élever ses fils pour qu’ils deviennent des guerriers. Par leur formation et leurs aptitudes les fils du noble vont être intégrés au groupe des nobles.
En France c’est au cours du 11ème s que la qualité de noblesse en vient à s’appliquer à toute une famille. On voit apparaitre ce processus d’hérédité dans la façon dont on se nomme. A la fin du 11ème s la majorité des notables portent un nom de famille, symbole de la séparation entre «ceux qui sont nés» et les autres.
C) Les liens entre noblesse et chevalerie
Le terme « miles » désigne à l’origine le soldat sans distinction et progressivement il va désigner le chevalier. Le résultat est que les termes chevalier et noble sont quasi synonymes au 11ème. Durant la première période féodale le monde des chevaliers est relativement ouvert car les situations sont encore instables et chaque seigneur cherche à recruter des hommes d’arme. Un chevalier peut donc armer chevalier (adouber) quel que soit sa condition (roturier ou serf) s’il est bon combattant.
Progressivement cette situation va se modifier à mesure que la chevalerie va avoir tendance à se fermer et devenir un ordre. Cet ordre va à terme former l’élite de la société à laquelle on accède après une éducation et un rite. Le futur chevalier effectue quelques années d’apprentissage à la cour d’un seigneur.
A la fin de son apprentissage et qu’il atteint âge adulte il va être intégré dans l’ordre par le « rite de l’adoubement ». La Colée est un geste symbolique pour éprouver la force du jeune. Le jeune fait une démonstration de ses aptitudes militaires par des simulacres de combat à cheval.
A ces rites l’Eglise va ajouter des éléments religieux : une veillée de prière, messe, bénédiction de l’épée, serment du jeune chevalier de protéger Eglise et les faibles.
Il y a volonté de l’Eglise de sacraliser la classe des combattants en lui inspirant un idéal de protection en vue de l’intérêt général.
La qualité de chevalier constitue une dignité personnelle. A l’origine les descendants d’un chevalier peuvent retomber parmi les roturiers.
Cependant au cours du 12ème s l’évolution vers l’hérédité des conditions va faire que les fils de chevalier vont conserver l’aptitude à être eux-mêmes adoubés même si cet adoubement est retardé. Tout chevalier est noble mais tout noble n’est pas chevalier.
A la fin du 12ème s les fils et petits-fils de chevaliers sont réputés nobles même si pas adoubés. En définitive les chevaliers apparaitront comme une élite au sein de la noblesse. L’entrée dans la chevalerie va être réservée aux nobles.
II) L’accès à la noblesse à partir du XIIIème
A) La naissance
La noblesse devient un ordre héréditaire, ses conditions d’accès vont se préciser et les coutumes vont traduire l’effort des nobles pour rendre l’accès à ce groupe plus difficile à ceux qui ne sont pas issus d’un lignage noble.
Le vocabulaire va réserver aux nobles de race l’appellation gentilhomme. On prouve la noblesse par celle de ses parents.
– 1ère hypothèse, seul le père est noble, le fils légitime est noble. Dans la plupart des coutumes « le bâtard avoué » reconnu d’un père noble est également noble.
– 2ème hypothèse, seule la mère est noble alors en général l’enfant n’est pas noble. Exceptions en Champagne.
B) L’entrée en chevalerie
La noblesse a tendance à se fermer aux hommes nouveaux. La chevalerie sera réservée d’abord en faits puis en droit aux fils de gentilshommes.
A la fin du 13ème adouber un roturier va être réservé aux plus grands seigneurs puis au roi seul. Désormais il y aura interdiction d’adouber un roturier (« vilain ») sans autorisation du roi. Pour la femme seulement si elle épouse un noble devient noble.
C) L’acquisition de fiefs
A l’origine être accepté comme vassal par un seigneur c’est être intégré automatiquement au groupe des nobles en raison des qualités militaires que suppose le statut de vassal.
Jusqu’à la fin du 12ème, les roturiers peuvent recevoir des fiefs si le seigneur accepte leur hommage.
A partir du 13ème l’achat de fiefs par des roturiers enrichis devient de plus en plus courant. Les lignages de gentilshommes redoutent l’irruption massive de roturiers dans leur groupe. Le service militaire lourd, le nombre des roturiers désireux d’acheter des fiefs a été limité.
Au 13ème le poids du service militaire s’atténue fortement et cet obstacle à l’achat devient beaucoup moins attrayant. On arrive à une solution qui dissocie noblesse et achat de fiefs.
– 1268 : arrêt de la cour royale refuse la qualité de noble à deux rustres qui ont acheté des fiefs.
– 1275 : ordonnance royale généralise ce principe et désormais les acquisitions de fiefs par les roturiers restent possible sous réserve du paiement au roi d’un droit de « franc fief ».
Les roturiers possédant un fief ne seront plus nobles. Cette ordonnance marque le déclin des principes fondamentaux de la féodalité. En effet aux yeux du roi le service militaire des vassaux à moins d’importance que la taxe payée par les roturiers.
De plus par cette ordonnance le roi en se réservant le droit de franc fief enlève aux seigneurs la possibilité de contrôler eux-mêmes les voies d’accès à la noblesse. De toute façon à partir de cette ordonnance l’accès des roturiers à la noblesse (anoblissement) n’aura plus lieu en principe que par concession personnelle du roi ou à partir du 14ème par l’attribution de fonctions anoblissantes.
III) La condition des nobles (l’état de noblesse)
A) Le droit particulier des nobles
1) Privilèges militaires
Seuls les nobles peuvent participer à la guerre privée. Ils peuvent porter les armes en tout temps et en tout lieu. Le droit aux armoiries va être minutieusement codifié et seuls les nobles pourront porter des armoiries timbrées.
2) Privilèges fiscaux
Le noble expose sa vie pour défendre la communauté, c’est sa fonction. On dit qu’il paye l’impôt « du sang » et ne paie pas les autres impôts aux seigneurs et au roi. Il est donc dispensé de la taille. De même les nobles, sa famille et ses domestiques sont exemptés des taxes indirectes et des droits de péage.
3) Les privilèges judiciaires
Le noble est jugé par ses pairs. Devant les tribunaux royaux le noble se présente directement devant les juges supérieurs du roi (baillis et sénéchaux) et qui s’entourent d’assesseurs nobles.
– Privilèges de procédure : fixe le jour où on doit se présenter devant la justice par deux nobles. Le noble a en plus un délai de 15 jours pour comparaître alors que le roturier peut être convoqué le matin pour l’après-midi. L’exécution de la peine de mort s’effectue à partir du moyen âge de manière moins humiliant que pour les roturiers. En revanche les amendes que paient les nobles sont plus fortes que celles que paient les roturiers pour une même infraction.
4) Privilèges de droit privé
Un véritable droit privé des nobles s’est constitué au 13ème siècle à partir des règles destinées à assurer la permanence du patrimoine et donc la dignité des familles. La majorité des nobles est fixée à 20 ans révolus pour les hommes et au mariage pour les filles.
Pour les roturiers, la majorité est fixée à 15 ans et 12 ans pour les filles. Le noble peut lorsqu’il a été adoubé avoir un sceau grâce auquel il donne une valeur authentique aux actes.
B) Le comportement noble
Le noble doit vivre noblement, se comporter à tout moment selon des principes.
Il doit se consacrer à des occupations nobles : métier des armes, armées du roi, il commande et gouverne sa seigneurie…
Honneur, loyauté, courage (mépris de la mort), fidélité, obéissance au seigneur, protection des faibles, élégance du comportement : éducation raffinée.
L’idéal courtois va avoir tendance à dégénérer vers des formes exagérées avec le goût pour des actions d’éclat inutiles.
L’argent ne doit pas être un but mais un moyen de soutenir sa dignité et de secourir son prochain. Dans ce comportement se rejoignent trois éléments ; d’abord l’idéal chrétien d’indifférence aux biens de ce monde, l’attitude du guerrier professionnel qui cueille le jour présent, et la vanité d’affirmer sa supériorité par la dépense.
Dans la mentalité de la noblesse française il existera un élément constant: l’idée que gagner sa vie par son travail est réservé aux non nobles. La noblesse française répugnera à s’occuper d’opérations commerciales. Celui qui accomplit un acte indigne de sa qualité déroge à son statut particulier, ses successeurs ne seront pas nobles.