Napoléon Bonaparte, le coup d’État du 18 Brumaire

Le système napoléonien et la reconstruction de l’État après la Révolution

En 1789, l’enjeu est de reconstruire la Nation. L’État doit être l’État de la Nation. L’objectif est de garantir la souveraineté de la Nation c’est d’assoir et de consolider ensuite le pouvoir de la Nation. En 1799, les Consuls dans leur proclamation le 15 décembre accompagne l’arrêté qui prévoit les modalités de présentation de la Constitution, dans cette proclamation les Consuls disent clairement « citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencé, elle est finie ». L’enjeu n’est plus de construire la souveraineté de la Nation mais de reconstruire l’État.

A partir de 1799 on est héritier d’une Révolution qui a été faite, on met fin au retour du statu quo ante, la Révolution est faite et donc il faut consolider l’État.

Le Nouveau régime a un principe directeur qui tient tout entier dans une formule de Sieyès « la confiance vient d’en bas mais le pouvoir vient d’en haut ». Et donc la construction du césarisme moderne permet la rencontre d’un homme charismatique et victorieux, le pouvoir qui est en haut avec le peuple qui d’en bas lui donne la confiance. L’élection n’est plus une question de participation politique n’est plus une question de capacité, l’élection est le moyen de confirmer la confiance que l’on place dans cet homme charismatique. L’histoire du XIXe siècle et de la Ve République font que cet homme charismatique devient la figure providentielle.

Mais Bonaparte n’est pas l’homme providentiel mais charismatique. Le terme charismatique correspond à la vertu magique du chef franc victorieux, c’est ce qui fait que l’on élève sur le pavois, sur le bouclier, le chef, il a une aura, il y a quelque chose de magique, d’où l’idée que le pouvoir vient d’en haut.

Le coup d’État du 18 Brumaire

Ce coup d’État sauve les apparences mais n’est pas sans ambiguïté. Les deux conseils (des 500 et des anciens) a été déplacé à St Cloud sous la protection du général Bonaparte. Le frère de Bonaparte a pris la présidence du Conseil des 500. Et Bonaparte entre dans son conseil, il a faillit se faire étriper par les conseilles, anciens révolutionnaires, jusqu’au moment où Joachim Murat fait intervenir la garde et fait vider les deux conseils, et les conseillers s’enfuient. On en rattrape une 60aine, et le 19 Brumaire les conseillers votent une loi pour autoriser la préparation de changement à la Constitution. C’est quelques conseillers déclarent que la République vient encore d’échapper à la fureur des axiaux. Il ne s’agirait pas d’un coup d’État mais d’une mesure de Salut Public, Bonaparte sauve la République.

La loi du 19 Brumaire fixe les conditions pour la révision des institutions, parmi les conditions : la souveraineté du peuple français, la République une et indivisible, le système représentatif, la division des pouvoirs et le respect de la liberté de l’égalité de la sûreté et de la propriété.

Au fond, la loi du 18 Brumaire met en place une sorte de Constitution provisoire. Le Corps Législatif sont remplacé par deux commissions de 25 membres chacune. Ces deux commissions sont chargées de préparer une réforme des institutions : on change de Constitution mais dans la mesure où on ne refait pas tout, il s’agit bien seulement d’adapter des institutions il y a ce phénomène de rupture et de continuité.

Ces deux commissions ne vont servir à rien car 10 jours après la nomination de ces deux commissions censées changer les institutions, le 20 Novembre 93, Sieyès prépare le projet de Constitution. Le projet définitif est issu d’une discussion entre Sieyès et Bonaparte.

Bonaparte en réalité corrige l’esquisse constitutionnelle faite par Sieyès.

En réalité, Sieyès a été le dupe de Bonaparte, il voulait être celui qui met Bonaparte sur le trône et a donc largement participé au coup d’État, mais il espérait être l’esprit des nouvelles institutions il espérait être l’espèce de père spirituel des institutions alors que seul Bonaparte aura le pouvoir.

Le 22 Frimaire, les Commissions se contentèrent de signer le texte dont le contenu final a été décidé par Bonaparte, qui ne contient aucune déclaration des droits. Le texte fixe seulement les règles essentielles de l’organisation et du fonctionnement des pouvoirs publics. Symbole que la Révolution est finie c’est que l’enjeu n’est pas de tout rebâtir, on considère que la France est régénérée, on oublie cette question de régénération, la France est désormais la France nouvelle, celle qui a été révolutionnée, celle qui est postrévolutionnaire, c’est à dire qu’en quelques sortes on a une France anté-Révolutionnaire jusqu’à 1789, de 17889 à 1799 il y a une France révolutionnaire et à partir de 1799 il y a une France postrévolutionnaire.

Bonaparte a voulu une Constitution courte et obscure, il s’agissait de laisser une large voie aux améliorations.

La procédure de légitimation du nouveau régime est très révélatrice de son orientation. Le peuple souverain ne s’est pas donné une Constitution et ce ne sont pas les représentants non plus qui ont élaboré la Constitution. Le peuple est appelé non pas à valider juridiquement la nouvelle Constitution mais à sanctifier politiquement le pouvoir confié au premier Consul. Le suffrage universel qui a été rétabli pour le plébiscite, sert à fonder un pouvoir personnel. Le dernier article de la Constitution (art 95) dispose que la présente Constitution sera offerte de suite à l’acceptation du peuple français.

En réalité ce n’est pas ce qui va se faire. Les électeurs votent pour trois choses : valider a posteriori le coup d’État ensuite pour accepter la Constitution enfin pour concéder un pouvoir personnel aux individus qui sont désignés directement dans la Constitution.

Le texte de la Constitution de l’an 8 attribue nominément le pouvoir consulaire à Bonaparte etc et nomme Sieyès et Ducos au Sénat. Ce sont les 5 individus les plus impliquées dans le Coup d’État.

Le vote se fait en inscrivant son nom sur des registres ouverts dans toutes les administrations au greffe de tous les tribunaux.

Après les corruptions systématiques, les proscriptions régulières du Directoire, avons-nous vraiment envie de mettre son nom sur un registre en disant non ?

De fait, l’abstention va être massive. Et c’est pour cette raison que 54 jours vont s’écouler entre l’annonce du plébiscite et la proclamation des résultats.

Cela va permettre à Lucien Bonaparte (frère de Napoléon) qui a été nommé ministre de l’intérieur, de falsifier largement les résultats. On attribue d’abord 500 000 « oui » pour tous les soldats de l’armée qui n’ont pas voté, puis 900 000 « oui » dans les différents départements.

La procédure a été le plus rapide que possible, il s’agit essentiellement pour Bonaparte de légitimer le plus vite possible le nouveau pouvoir. De fait, la Constitution est mise en place avant même la proclamation des résultats du plébiscite.

Et là dessus, le vote n’a pas une valeur de décision, il a une valeur de confirmation.

Avec le plébiscite, avec le césarisme, le vote n’est plus que ça.