L’objet du contrat certain du contrat : un objet existant, certain déterminé et determinable
L’article 1163 du Code civil fait référence à l’objet de l’obligation qui est, soit une chose, soit un droit, soit une prestation (de service, d’activité…), soit une abstention (obligation de ne pas se réinstaller dans telle ou telle zone géographique par exemple). L’obligation a pour objet une prestation présente ou future et elle doit avoir un objet qui existe et qui soit certain.
- Fiche de droit des contrats
- Quels sont les effets du contrat à l’égard des tiers ? (article 1199)
- La durée du contrat (article 1210 du code civil)
- La réduction du prix ou réfaction du prix (art. 1223 du code civil)
- Les effets de la résolution pour inexécution du contrat (art. 1229 Code civil)
- Qu’est-ce que la résolution pour inexécution ?
- Qu’est-ce que l’exception d’inexécution ? (art. 1219 du Code civil)
1) L’existence et le caractère certain de l’objet
L’objet doit exister et être possible. Son existence s’apprécie au moment de la conclusion du contrat. En principe, l’objet doit exister à ce moment. S’il a péri avant ce moment (objet détruit), le contrat pourra être annulé, faute d’objet. L’objet doit, en outre, être possible, c’est-à-dire que l’objet est impossible quand il n’a aucun sens par exemple (cession d’une autorisation administrative d’exercer alors l’activité professionnelle ne nécessite pas une telle autorisation) ou lorsqu’il ne peut être atteint. Certains auteurs classent la destruction de l’objet avant la conclusion du contrat comme une impossibilité de l’objet.
Il faut que la chose soit un corps certain. A été considéré nulle, faute d’objet, la vente de part sociale d’une société qui venait d’être absorbée par une autre société (arrêt de la chambre commerciale du 26 mai 2009). Un objet éventuel n’est pas un objet certain puisqu’il est éventuel. Il faut cependant distinguer cette situation de deux cas :
– Les choses futures : si elles sont certaines et possibles, elles peuvent constituer l’objet d’une obligation dès lors que les deux partiesont contracté en connaissant le caractère futur de la chose (la commande d’un véhicule neuf par exemple).
– L’absence d’objet de la chose aléatoire ne veut pas dire que l’objet lui-même est éventuel. Si les parties sont d’accord sur le caractère aléatoire de la chose, elle n’est pas éventuel mais certain car ils ont conclu par un contrat dont une des obligations a un objet aléatoire (cession de terrain par exemple).
2) Le caractère déterminé et déterminable de l’objet
L’article 1163, alinéa 2, du Code civil (1129 ancien) prévoit que la chose doit être déterminée avec précision lors de la conclusion du contrat, en principe. Si les parties ne sont pas d’accord sur l’objet de l’obligation car cet objet n’est pas encore déterminé, le contrat n’est pas conclu, faute d’accord sur les éléments essentiels du contrat. Il faut cependant distinguer deux types de chose :
– Les corps certains, déterminés en fonction de ses spécificités propres et ne se confondent pas avec d’autre choses du même genre(maison par exemple). Il faut que la chose soit déterminé avec précision.
– Les choses de genre, qui appartiennent à un genre et sont déterminés par leur quantité, leur volume, leur qualité et leur quotité (objets de série par exemple) mais peuvent se confondre avec des choses du même genre. Dans ce cas, il faut que la chose soit seulement déterminable dès la conclusion du contrat. Pour être déterminable, il faut qu’elle puisse être déterminée par la suite selon des critères objectifs soit par rapport aux stipulations du contrat, soit par référence aux usagers, aux relations antérieures des parties. Un nouvel accord sur l’objet ne doit pas être nécessaire.
On trouve cependant le cas particulier de la qualité de la chose. La jurisprudence antérieure à l’ordonnance avait considéré que lorsque la qualité de la chose n’est pas définitive au moment de la conclusion du contrat, cette qualité devait être interprétée comme une qualité moyenne (arrêt de la chambre civile du 23 mai 1995). L’article 1166 issu de l’ordonnance de 2016 prévoit, dans ce cas, que lorsque la qualité de la prestation n’est pas déterminée ou déterminable en vertu du contrat, le débiteur de cette obligation doit offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de contrepartie (interprétation de la volonté des parties en fonctions de caractères objectifs). En pratique, on fixera des critères pour déterminer la chose. Il s’agira, par exemple, d’un corps certain qui devient une chose de genre : un immeuble divisé en lot (définis selon des critères objectifs).
3) Le problème particulier du prix
Le prix est l’objet de l’obligation d’une des parties fréquemment (emprunteur, employer…). Normalement, le prix doit donc être déterminé lors de la conclusion du contrat. Cependant, le problème s’est posé à propos du contrat-cadre, qui prévoyait des conditions des contrats d’application. C’était souvent un prétexte, pour l’une des parties, d’invoquer la nullité du contrat-cadre et ainsi se désengager d’un contrat qui ne l’intéressait plus. Avant l’ordonnance de 2016, une série d’arrêt du 1er
février 1995 de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a précisé que l’indétermination du prix dans le contrat-cadre n’affecte pas la validité du contrat. Ceci rendait de la prise en compte d’une réalité, le prix étant difficile à déterminer. Il est possible que l’une des parties puisse fixer unilatéralement le prix avec pour seule limite l’abus de droit sur le terrain de l’exécution fautive du contrat. L’ordonnance reprend en partie cette jurisprudence pour les contrats-cadres à travers l’article 1164 du Code civil, qui prévoit des règles particulières pour ces contrats concernant le prix. En outre, l’article 1165 prévoit aussi des règles particulières pour les contrats de prestation de service.
a) Le contrat cadre
L’article 1664 du Code civil prévoit que, dans les contrats-cadres, il peut être convenu que le prix soit fixé unilatéralement par l’une des parties, à charge pour elle d’en motiver le montant en cas de contestation. Dans les arrêts de 1995, la Cour de cassation considère que l’indétermination du prix dans le contrat n’entache pas la validité du contrat à défaut d’objet. Il faut un accord des parties en ce sens (article 1164, alinéa 1), une clause en ce sens pour déléguer la fixation du prix à l’une des parties. Donc, l’article 1164 ne reprend pas tout ce qui est dit dans les arrêts de 1995. Quid en cas de silence du contrat, est-il quand même valable ou est-il nul ? M. GASSER estime qu’il est nul.
En cas de contestation du prix ainsi fixé unilatéralement en vertu d’une clause contractuelle, l’article 1164, alinéa 1, apporte une innovation : la partie qui est en charge de la fixation du prix doit en motiver le montant. En revanche, l’article ne prévoit pas de sanction en l’absence de motivation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi soit d’une demande en dommage et intérêt (responsabilité contractuelle), soit d’une demande de résolution du contrat (c’est-à-dire dans le cadre de l’exécution du contrat pas fait de bonne foi) en cas d’abus prétendu. Par exemple, celui qui devait payer le prix fixé par l’autre le conteste et le trouve abusif. EN REVANCHE, LE TEXTE PREPARATOIRE A L’ORDONNANCE PREVOYAIT QUE LE JUGE PUISSE REVISER LE PRIX EN FONCTION DES USAGES, DU PRIX DU MARCHE, DES ATTENTES LEGITIMES, ETC. MAIS CETTE SOLUTION N’A PAS ETE RETENUE.
b) Le contrat de prestation de service
S’agissant de la notion de prestation de service, on peut soit recourir à une interprétation stricte (cas du contrat dit d’entreprise le plus souvent, ou le contrat de mandant), soit à une interprétation large (prêt à titre onéreux, contrat d’assurance…). La raison d’être de règles particulières (article 1165 notamment) est que le prix est, généralement fixé après que la prestation ait eu lieu car il dépend d’elle (de sa qualité). L’article 1165 prévoit qu’à défaut d’accord des parties, le prix peut être fixé par le créancier de l’obligation (celui qui fournit la prestation) mais il n’y a pas besoin de clause en ce sens ici, même en cas de silence. A charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. Il n’y a pas de sanction prévue en cas de défaut de motivation. En cas d’abus, le juge peut être saisi d’une demande de dommage et intérêt. En revanche, la résolution du contrat n’est pas prévue par l’article 1165 du Code civil. Il arrive que le prix soit fixé dans le contrat avec une clause de variation du prix en fonction d’un indice (qui soit licite). En principe, lorsqu’il y a un indice, le problème est son existence et l’article 1667 du Code civil précise que s’il n’existe pas ou a cessé d’exister, d’être accessible, il est remplacé par celui qui s’en rapproche le plus.
4) Le problème de la lésion
L’article 1168 du Code civil (1118 ancien) prévoit le cas de la lésion, qui est un déséquilibre entre les prestations réciproques des parties et il s’agit donc d’un problème propre aux contrats synallagmatiques.
a) Le principe
En raison du principe de liberté contractuelle, la lésion n’est pas un cas d’invalidation du contrat. Il reste valable malgré le déséquilibre. Le défaut d’équivalence des prestations (en valeur) n’est pas une cause de nullité du contrat pour les contrats synallagmatiques, à moins que la loi n’en dispose autrement. Cela signifie que, dans certains cas, la lésion est un cas de nullité du contrat (forme de rescision).
b) Les cas où la lésion est admise
Lorsque la lésion est admise, elle est un déséquilibre objectif entre les prestations réciproques, ce n’est PAS un vice du consentement, même si les parties ont voulu ce déséquilibre, il est illicite. Ceci en raison du caractère injuste de ce déséquilibre, au détriment doit d’une personne qu’on veut protéger ou de personnes particulièrement vulnérables. On retrouve les cas de lésion dans certains contrats.
– LES CONTRATS DANS LESQUELS LA LESION EST ADMISE
La vente d’immeuble (article 1674 du Code civil) peut être annulée lorsqu’il y a une lésion au détriment du vendeur de plus de 7/12ème de la valeur réelle de l’immeuble au moment de la conclusion du contrat, c’est-à-dire que le prix est inférieur de plus de 7/12ème de la valeur réelle de l’immeuble (règle qui date de 1804). Par exemple, pour un immeuble valant 120.000€, on a des tranches de 10.000€ et donc, si le prix est inférieur à 40.000€, il y a un déséquilibre injuste.
Le partage (convention par laquelle des personnes partagent un bien sur lequel il y a une indivision – héritage souvent) est aussi concerné car la lésion du plus du quart est illicite. Enfin, la vente d’engrais à un acheteur protégé est considérée comme une lésion s’il a payé un prix supérieur de 7/12ème à la valeur de la marchandise.
– LES CAS DANS LESQUELS LA LESION EST ADMISE, QUEL QUE SOIT LE TYPE DE CONTRAT
La lésion est admise en raison de la vulnérabilité, peu importe le type de contrat, et il n’y a pas de pourcentage prévu de lésion, il suffit qu’elle existe. La lésion est également admise pour le mineur non-émancipé, pour les actes qu’il peut conclure seul (actes conservatoires et d’administration), mais également pour les majeurs protégés sous sauvegarde de justice (article 435) et sous curatelle et tutelle pour les actes qu’il peut conclure seul (article 465).
c) La sanction de la lésion
La lésion ne peut être sanctionnée que par un jugement et c’est à la partie lésée que revient la charge de prouver la lésion. Pour la vente d’immeuble, cette partie doit recourir à trois experts. Selon les cas, on a deux types de sanctions :
– La rescision (on dit que le contrat est rescindé), qui est une forme de nullité relative qui sera possible pour la vente d’immeuble mais également pour les mineurs non-émancipés et les majeurs protégés. Pour la vente d’immeuble, la partie lésée dispose de deux ans pour agir à compter de la conclusion du contrat. Lorsque le vendeur exerce une action en nullité, l’acheteur peut paralyser cette action en proposant un complément du prix et, dans ce cas, il doit payer ce complément en fonction de la valeur de l’immeuble au moment où il le verse (où il le propose). En outre, ce complément est réduit de 1/10ème par rapport à la valeur de l’immeuble au moment du complément.
– La révision, qui intervient notamment pour le partage et la vente d’engrais, et qui consiste à maintenir le contrat en rééquilibrant les prestations.
Cependant, la réforme de 2016 ne traite pas réellement de la lésion.