L’équilibre du contrat et la lésion

L’équilibre du contrat et la lésion

   L’objet du contrat correspond à l’opération contractuelle globale. L’opération économique qui résulte globalement du contrat. En ce sens il y a deux conditions supplémentaires qui doivent être réunies. 

  • L’opération contractuelle doit être équilibrée
  • l’opération contractuelle doit être licite (nous étudierons ce point dans un autre chapitre)

Qu’est ce que l’équilibre du contrat ?

Si l’on s’en tient strictement au principe de l’autonomie de la volonté, il faut en déduire que le contrat à partir du moment où il est conclu, le contrat est nécessairement juste et équilibré. Cette conception est illusoire. Pour cette raison le droit des contrats organise un certain contrôle de l’équilibre du contrat;  Ce contrôle comporte deux axes :

·         D’abord il s’agit dans une certaine mesure de s’assurer  que les prestations, auxquelles sont tenues les parties, sont économiquement, et monétairement équilibrées; Ce qui est visé ici c’est l’équilibre quantitatif du contrat.

·         Il importe de s’assurer que l’une des parties n’a pas imposé à l’autre des conditions draconiennes, ou que une partie ne s’est pas octroyée des avantages manifestement excessifs. Ce qui est visé alors, c’est l’équilibre du contra pris dans toutes ses clauses et stipulations. C’est l’équilibre qualitatif.

L’équilibre quantitatif

 Le contrôle de cet équilibre est assuré par la théorie de la lésion. Celle ci se définit comme le fait pour des prestations, réciproques, d’être déséquilibrées en terme économique. Encore faut-il noter que la lésion suppose que ce déséquilibre économique ou monétaire existe au moment de la conclusion du contrat. En effet il se peut qu’un déséquilibre économique survienne en cours d’exécution. Le problème ne relève plus de la théorie de la  lésion. Il est traité au regard d’une autre théorie qu’on appel l’imprévision, qui sera étudié ultérieurement à l’occasion de l’exécution du contrat;

a.       Le domaine de la lésion.

Il faut  d’abord dire que une partie ne peut se plaindre d’avoir été lésée, que dans les contrats à titre onéreux. Les contrats à titre gratuit ne peuvent pas donner lieu à une lésion, puisque le déséquilibre économique est voulu, et il découle d’une intention libérale de l’une des parties.  Dans le même sens la lésion ne peut pas jouer dans les contrats aléatoires car alors par définition les parties auront acceptés un  risque de gain ou de perte : l’aléa chasse la lésion.

Quelles sont les contras concernés par la lésion?

Ce sont les contrats à titre onéreux commutatif. Dans ce domaine la lésion suscite une difficulté d’ordre législatif. D’un coté il serait juste d’admettre que la lésion subite par une partie est une cause de nullité du contrat. D’un autre coté il faut garantir la sécurité juridique ce qui interdit d’appliquer la théorie de la lésion. C’est pourquoi en définitive la loi choisie par le code civil est claire. la lésion n’est retenue qu’à titre d’exception. Elle était exceptionnelle dans le sens ou le code civil dresse une liste limitative dans laquelle la lésion peut être cause de nullité du contrat. La liste est un peu élargie du fait de loi postérieure et de la jurisprudence

a.1. Les dispositions du code civil

Art 1118 selon lequel la lésion n’est une cause de nullité que dans certains cas et, ou, à l’égard de certaines personnes.

Les personnes qui peuvent invoquer la lésion. Ces personnes sont d’une part les mineurs, d’autre part les majeurs placés sous sauvegarde de justice art 491 ou placé sous curatelle art 510-3.

Quels sont les contrats?

Il  y a deux contrats. D’abord le partage qui peut être annulé pour lésion; L’annulation pour lésion porte le nom de réscision pour lésion. Un contrat peut être rescindé ou annulé pour lésion. C’est synonyme.

Le partage est sujet à la rescision pour lésion si un copartageant a reçu moins 3/4 de sa part normale. C’est ce qu’on appel la lésion de plus du 1/4 art 887.

Second contrat. La vente d’immeuble. La vente d’immeuble peut être annulé si le prix reçu par le vendeur est inférieur au 5/12 de la valeur de l’immeuble. C’est ce qu’on appel la lésion de plus des 7/12ième art 1674 du code civil.

Attention notons que cette lésion n’est ouverte qu’au seul vendeur qui a vendu trop bon marché  et non pas à l’acheteur qui aurait payé trop cher.

                         a.2. Les lois postérieures à la jurisprudence

Les lois postérieures au code ont admit que la nullité pour lésion pouvait s’appliquer pour d’autres contrats. Ainsi la rescision peut elle être admise au profit de l’acheteur qui s’est fait lésé de plus du 1/4 à l’occasion de la conclusion de vente d’engrais agricole? Ou encore la rescision peut elle être admise au profit de l’auteur qui a subi une lésion de plus des 7/12 à l’occasion d’un contrat de cession de son droit d’auteur sur une oeuvre contre un prix forfaitaire.

La réglementation de l’usure. Celle ci interdite au prêteur de stipuler un taux d’intérêt qui excède un certain plafond qui est périodiquement fixé par le pouvoir réglementaire. CF art 313-3 du code de la consommation.

Cependant l’usure ne se rattache pas directement à la lésion. L’usure en l’occurrence résulte d’une comparaison entre le taux stipulé dans le contrat de prêts et le taux admis par la loi.

La jurisprudence quant à elle a élargi le domaine de la lésion au regard des prévisions du code civil. Depuis fort longtemps le juge s’est donné le droit d’intervenir dans le contrat en réduisant certaines rémunération apparaissant disproportionnée au regard du service rendu.  Cette jurisprudence à l’origine s’est appliquée au honoraire perçu par les mandataires. Puis cette jurisprudence s’est étendue aux honoraires perçus par les membres des professions libérales à l’occasion de contrat d’entreprise (ex. le contrat d’entreprise conclu entre un client et un expert comptable)

Cette jurisprudence parait extensible à tous les contrats d’entreprises c’est à dire indépendamment du point de savoir si l’entrepreneur exerce une profession libérale ou non.

Il s’agit là de l’exercice d’un pouvoir modérateur par le juge. Il peut réduire les honoraires. Ce pouvoir ne peut s’exercer que si la rémunération est convenue avant que la prestation n’ait été exécutée. Si la rémunération est fixée après le service rendu le client est en mesure de s’assurer de l’équivalence entre cette rémunération et le service rendu.

La notion de prix lésionnaire est distincte de celle de prix dérisoire. Supposons qu’une vente soit conclue pour un prix ridicule alors que le vendeur n’a pas d’intention libérale. Dans ce cas on va parler de prix dérisoire, celui ci est assimilé à une absence d’objet donc à une absence de prix. La vente sera donc annulable de ce chef. La nullité pour prix dérisoire peut être appliqué dans des cas ou la lésion n’est pas admise. 

b.      Le fondement de la lésion

On peut justifier la lésion de  deux manières différentes :

·         Il y a une conception subjective de la lésion : Selon cette conception la lésion fait présumer que la partie lésée a subi un vice du consentement. La lésion dans cette conception est un prolongement de la théorie du vice du consentement.

·         conception objective : Selon cette conception la lésion s’analyse en un défaut d’équivalence économique entre les prestations. Elle doit être sanctionnée en tant que tel. C’est à dire sans qu’on ait à se préoccuper de savoir si la partie lésée a subie ou non un vice du consentement.  Le code civil a adopté la conception subjective.

En fait la lésion est réglementée juste après les vices du consentement et cela dans une section générale consacrée au consentement.

Si telle est la conception du code elle n’a pas été retenue par la JP. celle-ci retient la conception objective de la lésion. Elle juge que la partie lésée n’a pas à prouver que son consentement a été vicié. Réciproquement le défendeur n’est pas admis à prouver que la partie lésée n’a pas subi de vice du consentement.

c.       Sanctions

La conception objective présente un intérêt dans le cadre des promesses unilatérales de vente : en effet lorsque la PUV est conclu le prix stipulé peut parfaitement correspondre à la valeur réelle de l’immeuble mais il peut se produire lors de la levée de l’option, quelques mois après, une dévalorisation très forte jusqu’à une valeur inférieur à celle du marché. Si on applique la conception subjective, le vendeur ne peut pas demander l’annulation pour lésion : Le prix à l’origine était juste. Si on applique la conception objective tout change.

Il y aura lésion dès lors que le déséquilibre économique qui se manifeste au jour de la levé d’option. La jurisprudence a consacré cette seconde solution. Qui fut consacré par le législateur lui même art 1675 al 2 du Code civil.

 

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