L’objet de la preuve
L’objectif de la preuve est de convaincre le juge en lui fournissant des éléments qui doivent être prouvés pour soutenir une prétention. En droit, le justiciable doit prouver les faits, tandis que c’est au juge de prouver le droit applicable.
Si le principe général dispense les parties de prouver le droit, des exceptions existent pour des situations spécifiques, comme la preuve d’une coutume ou d’une loi étrangère.
I : LE PRINCIPE – LA PREUVE DU FAIT
Paragraphe 1 : La nécessité de prouver les faits (art. 9 du Code de procédure civile)
L’article 9 du Code de procédure civile impose aux parties l’obligation de prouver les faits nécessaires à la réussite de leurs prétentions. Il s’agit d’un principe fondamental du procès civil, car sans preuve des faits avancés, une partie ne peut espérer convaincre le juge et obtenir gain de cause.
Notion de fait
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Le terme fait dans ce contexte est à prendre au sens large, incluant à la fois :
- Les actes juridiques : des actions intentionnelles ayant des effets juridiques, comme la signature d’un contrat.
- Les faits juridiques : des événements ou circonstances ayant des conséquences juridiques, même s’ils ne sont pas le fruit d’une volonté, comme un accident.
Difficulté de prouver certains faits
Dans certaines situations, les faits à prouver peuvent être particulièrement difficiles voire impossibles à établir avec certitude. Par exemple, prouver la date exacte de la conception d’un enfant pour déterminer la paternité est souvent irréalisable. Dans ce genre de cas, le Code civil prévoit des présomptions pour faciliter la preuve.
Présomptions légales
L’article 311 alinéa 1er du Code civil établit une présomption qui, en l’absence de preuve directe, permet de considérer certains faits comme établis. Toutefois, l’alinéa 3 de cet article précise que la preuve contraire est recevable pour combattre cette présomption.
Les présomptions sont des mécanismes juridiques créés par la loi pour aider à prouver un fait en s’appuyant sur d’autres faits connus. Elles peuvent être de différentes natures :
- Présomption simple : Elle peut être renversée par la preuve du contraire. Exemple : la présomption de paternité qui peut être réfutée par un test de filiation.
- Présomption irréfragable : Elle est indiscutable et ne peut jamais être renversée. Exemple : certaines présomptions de filiation en droit successoral.
- Présomption mixte : La loi limite les moyens ou les éléments sur lesquels la présomption peut être combattue. Cela signifie que la présomption peut être renversée, mais seulement dans certaines conditions ou pour certains aspects du litige.
Preuve des faits nécessaires
L’article 9 du Code de procédure civile précise également que les faits rapportés doivent être nécessaires au succès des prétentions. Il ne suffit donc pas de prouver un fait quelconque ; il doit être pertinent et avoir une incidence directe sur l’issue du procès. Ce principe empêche les parties de se perdre en débats inutiles sur des faits non décisifs pour la résolution du litige.
En résumé, la preuve des faits est essentielle au procès, et l’article 9 impose cette obligation aux parties. Dans les cas où la preuve directe est difficile, les présomptions légales viennent alléger ce fardeau, tout en laissant parfois la possibilité d’apporter une preuve contraire.
Paragraphe 2 : Les faits sur lesquels la preuve peut porter
A. Nécessité d’un fait pertinent
Pour qu’un fait puisse être prouvé, il doit être pertinent. Cela signifie qu’il doit être en lien direct avec le litige et avoir une influence sur la décision judiciaire à venir. La preuve d’un fait inutile ou sans rapport avec la solution du conflit n’est pas admise, afin d’éviter une surcharge de procédures et de respecter le principe d’économie judiciaire. En somme, seule la preuve de faits ayant une incidence sur l’issue du procès est jugée nécessaire.
B. Nécessité d’un fait contesté
Si le défendeur reconnaît le fait ou ne le conteste pas, le demandeur n’a pas besoin d’en apporter la preuve. Cependant, avec l’accroissement des pouvoirs du juge en matière de preuve, il est possible que le juge décide de requalifier les faits. Cette requalification peut intervenir, par exemple, si le juge a des doutes sur une allégation des parties. Le juge peut alors examiner ces faits de manière plus approfondie, même s’ils ne sont pas contestés par les parties.
Paragraphe 3 : Les faits dont la preuve est exclue
Certains faits sont exclus du champ de la preuve, notamment en raison de règles spécifiques, comme le secret professionnel. Par exemple, les informations couvertes par le secret professionnel ne peuvent en aucun cas être divulguées en justice. Le confident (médecin, avocat, etc.) ne peut être forcé de révéler ces informations, même si elles sont pertinentes pour le litige. Cette interdiction absolue vise à protéger l’intégrité des secrets professionnels et touche directement l’objet même de la preuve.
SECTION II : L’EXCEPTION – LA PREUVE DU DROIT
En règle générale, les parties n’ont pas à démontrer la présence, le contenu ou l’étendue des règles juridiques sur lesquelles elles se basent, car il est présumé que le juge dispose des connaissances nécessaires pour appliquer le droit. Toutefois, deux exceptions viennent nuancer ce principe :
- La coutume : Lorsqu’une partie fait valoir une coutume à son avantage, elle doit en apporter la preuve, tant de son existence que de son contenu. En effet, les juges ne peuvent raisonnablement connaître toutes les coutumes, particulièrement celles issues de secteurs professionnels ou de pratiques spécifiques auxquelles ils ne sont pas familiers.
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La loi étrangère : Il fut un temps où la loi étrangère invoquée devant un tribunal français était considérée comme un fait, et non comme du droit. Il en résultait que la partie devait en prouver l’existence et le contenu. Désormais, ce paradigme a évolué : la loi étrangère est désormais traitée comme une règle de droit. Cela signifie que c’est au juge qu’incombe la responsabilité de déterminer et d’interpréter son contenu, sans qu’une preuve ne soit nécessaire de la part des parties.
Questions fréquentes sur l’objet de la preuve
Qu’est-ce que la preuve en droit vise à démontrer ?
La preuve en droit a pour objectif de convaincre le juge en fournissant des éléments concrets pour soutenir une prétention. Les parties doivent prouver les faits, tandis que le juge est chargé d’appliquer le droit.
Quelles sont les catégories de faits à prouver selon le droit ?
Les faits à prouver se divisent en deux catégories : les actes juridiques (actions intentionnelles comme la signature d’un contrat) et les faits juridiques (événements non intentionnels comme un accident ayant des conséquences juridiques).
Comment prouver des faits difficiles à établir ?
Lorsque certains faits sont difficiles à prouver directement, comme la date de conception d’un enfant, des présomptions légales peuvent intervenir. Ces présomptions permettent de considérer certains faits comme établis, à moins qu’une preuve contraire ne soit apportée.
Qu’est-ce qu’une présomption légale et quelles en sont les différentes formes ?
Une présomption légale est un mécanisme qui aide à prouver un fait en se basant sur d’autres faits connus. Il en existe trois types :
- Présomption simple : peut être renversée par une preuve contraire (ex : présomption de paternité).
- Présomption irréfragable : ne peut être contestée.
- Présomption mixte : peut être contestée mais seulement sous certaines conditions spécifiques.
Quels sont les faits exclus de la preuve ?
Certains faits ne peuvent pas être prouvés en raison de règles spécifiques, comme le secret professionnel. Les informations protégées par ce secret, telles que celles détenues par un médecin ou un avocat, ne peuvent être divulguées en justice, même si elles sont pertinentes pour le litige.
Quand une partie doit-elle prouver une règle de droit ?
En général, les parties n’ont pas à prouver les règles de droit, car c’est au juge de les connaître. Cependant, il existe deux exceptions : la coutume, qui doit être prouvée par la partie l’invoquant, et la loi étrangère, pour laquelle le juge doit déterminer le contenu sans qu’une preuve ne soit nécessaire des parties.