Qu’est-ce que l’obligation in solidum ?

L’obligation in solidum

Une obligation in solidum est une obligation qui est supportée conjointement et indivisiblement par plusieurs débiteurs. Cela signifie que chaque débiteur est responsable de la totalité de l’obligation, et que le créancier a le choix de demander le paiement à l’un ou l’autre des débiteurs, ou à tous. Si l’un des débiteurs paie l’intégralité de l’obligation, les autres débiteurs sont quand même tenus de rembourser leur part à celui qui a effectué le paiement.

En droit des obligations, l’obligation in solidum peut être établie de deux manières :

  • Par convention : les parties peuvent décider, dans le contrat qui les lie, que l’obligation sera in solidum.
  • Par la loi : certaines obligations sont définies comme étant in solidum par la loi, comme par exemple l’obligation de dédommager un tiers pour un dommage causé par un animal appartenant à plusieurs personnes.

Il est important de noter que l’obligation in solidum est distincte de l’obligation solidaire, qui est une obligation où chaque débiteur est responsable de la totalité de l’obligation, mais où le créancier doit demander le paiement à tous les débiteurs en même temps.

a. Définition et nature juridique de l’obligation in solidum

L’obligation in solidum est l’obligation de plusieurs personnes qui sont tenues pour le tout envers le créancier mais en dehors de toute manifestation de volonté, en dehors de tout contrat ou de toute disposition légale.

Le concept de cette obligation in solidum (aussi appelée solidarité imparfaite) a été créé par la jurisprudence pour pouvoir appliquer les règles de la solidarité passive quand cette solidarité n’est ni prévue par un contrat, ni prévue par une disposition légale. En règle générale, la solidarité ne se présume pas (article 1310 du code civil).

Les cas de solidarité légale sont très limités car cela se limite aux cas de responsabilité parentale (article 1242 alinéa 4), les intérêts civils en cas de crime ou de délit (le juge peut condamner solidairement lescoauteurs d’un crime ou d’un délit à verser desDommages et Intérêts à la victime).

Quelle est la nature juridique de l’obligation in solidum ? 2 courants s’opposent :

La doctrine dominante estime que l’obligation in solidum est une variété d’obligation solidaire passive simplement soumise à des règles spéciales. Dans ce courant, on estime que l’obligation in solidum est une modalité prétorienne en vue de jouer un rôle de garantie pour le créancier victime. Le projet de réforme de la responsabilité civile a prévu de faire basculer l’obligation in solidum dans le giron de la solidarité passive. Un nouvel article énoncerait que « lorsque plusieurs sont responsables d’un même dommage, elles sont solidairement tenues à réparation envers la victime ».

Les tenants de l’autonomie de l’obligation in solidum : selon eux, différence de nature entre obligation solidaire classique et l’obligation in solidum. Si chaque coresponsable est tenu pour le tout, c’est parce que son acte a contribué à causer l’entier dommage. Il y a donc une indivisibilité du lien de causalité entre le fait de chaque coresponsable et le préjudice de la victime : cela expliquerait que l’obligation soit déclarée in solidum. Cette dernière ne s’explique pas par la volonté de conférer une garantie de paiement mais par le fait qu’il y a une indivisibilité entre le fait de chaque coauteur et le préjudice. Selon cette théorie, il y aurait une juxtaposition de plusieurs obligations distinctes les unes des autres, il n’y aurait donc pas unicité de la dette. Il y aurait plutôt une pluralité de liens d’obligation liée au fait que chacun des coauteurs du dommage est responsable du préjudice causé à la civile.

Ces deux présentations peuvent cohabiter car elles éclairent un certain nombre d’effets qui sont produits par l’obligation in solidum.

b. Domaine d’application de l’obligation in solidum

La responsabilité civile est le domaine de prédilection de l’obligation in solidum. Dans un premier temps, la Cour de cassation a estimé que chacun des coauteurs responsables d’un dommage doivent être tenus chacun pour le tout envers la victime (Civ. 11 juillet 1892).

A partir de 1939, la Cour de cassation a parlé d’une obligation in solidum (Civ. 4 déc. 1939). Elle affirme que chacun des coauteurs d’un même dommage doit être condamné in solidum à la réparation de l’entier dommage, peu importe le fondement et peu importe la source (délictuelle ou contractuelle).

La condition essentielle de l’obligation in solidum réside en principe dans l’unicité du dommage. Il faut que la victime invoque un seul et même dommage qui a été causé par un ensemble de personnes. S’il y a deux dommages distincts, une condamnation in solidum ne sera pas possible.

Il arrive que les deux dommages ne soient pas totalement distincts. Ex : le créancier invoque un préjudice pour perte de chance. On est en présence d’une autre personne qui a causé un préjudice corporel mais on peut reprocher à un autre d’être à l’origine du dommage : 2 dommages quasiment distincts. La jurispeudence décide dans cette hypothèse que l’un doit être condamné pour le préjudice de perte de chance et que l’autre doit être condamné au titre du préjudice corporel de la victime. Pour justifier l’obligation in solidum, on considère que la perte de chance est une fraction du préjudice final donc la condamnation in solidum ne peut être prononcée qu’à hauteur du préjudice le moins élevé (celui de perte d’une chance).

En deuxième lieu, l’assureur de responsabilité est tenu in solidum avec son assuré responsable du dommage. C’est la solution retenue par la jurisprudence quand la victime exerce l’action directe contre l’assureur. Cette solution a été consacrée dès 1920 et reprise dans le code des assurances.

Cela étant, l’obligation in solidum n’existe que dans les limites de la somme garantie par le contrat d’assurance. Les assureurs ont l’habitude de prévoir des plafonds de garantie, ils ne sont pas obligés de garantir l’intégralité du dommage. L’assureur ne peut pas être tenu au-delà du plafond du contrat.

L’assuré, auteur direct du dommage, ne peut pas limiter le droit à réparation intégral de la victime. La victime a droit à réparation intégrale de son préjudice.

En dernier lieu, s’agissant de l’obligation alimentaire, elle n’est plus une obligation in solidum. Dans un premier temps, la Cour de cassation a jugé que l’obligation alimentaire n’était pas une obligation in solidum : le débiteur d’aliments poursuivi en justice peut invoquer le bénéfice de division : 1ère civ. 3 mars 1987. Cette solution n’est écartée que si le débiteur d’aliments poursuivi est particulièrementfortuné.

Puis la Cour de cassation a précisé qu’il n’y a ni solidarité, ni obligation in solidum entre les débiteurs d’aliments car le montant de la dette alimentaire de chacun des débiteurs est fixé en considération de ses ressources et charges. De plus, le débiteur d’aliments peut être lui aussi dans le besoin.

c. Effets de l’obligation in solidum

Effets principaux :

Mêmes effets principaux que la solidarité passive. Le but est de faciliter l’action en paiement du créancier :

Le créancier peut poursuivre chacun des débiteurs pour le tout

Le paiement effectué par l’un des codébiteurs libère les autres

Particularités de l’obligation in solidum :

Dès lors que chacun des coobligés est censé avoir causé tout le dommage, il doit le réparer en entier donc l’extinction de la dette de l’un d’entre eux est sans incidence sur l’obligation de l’autre. Cela n’entraine pas réduction de la dette des autres. Par conséquent, le créancier est fondé à réclamer le tout aux autres, même si la dette de l’un d’eux est prescrite : 3ème civ. 5 juillet 2001.

Si le créancier s’est désisté de l’instance qu’il avait dirigé contre l’un des coauteurs du dommage, pas de division de la dette : 3ème civ. 24 janvier 1978.

Si le créancier a conclu une transaction avec l’un des coobligés et encaissement d’une indemnisation partielle, la transaction éteint la dette à hauteur seulement du paiement reçu et non pas à hauteur de la part contributive du débiteur qui a conclu la transaction. Le créancier peut réclamer le reste à payer aux autres sans que la part du solvens vienne en déduction : 3ème civ. 31 octobre 2001.

Ces particularités ne peuvent être justifiées que si on fait appel à la thèse de l’indivisibilité du lien de causalité entre chaque fait dommageable et le préjudice de la victime. Chaque coresponsable est donc tenu d’une obligation autonome distincte de celle des autres.

Effets secondaires :

En principe, ils sont exclus en matière d’obligation in solidum car il n’existe pas une communauté d’intérêt entre coauteurs d’un même dommage. On ne peut pas faire appel à la théorie de la représentation mutuelle. Donc l’effet collectif attaché à certains actes intervenus entre le créancier et un codébiteur ne se produit pas, qu’il s’agisse de la mise en demeure ou de l’interruption de la prescription.

L’effet collectif ne se produit pas non plus quand un jugement a été rendu entre un créancier et l’un des coobligés, sauf en matière d’assurance de responsabilité. Ce jugement sera opposable à l’assureur.

L’effet collectif qui est censé exister en matière de solidarité classique est difficilement justifiable en l’occurrence car on fait remarquer que les effets secondaires sont des avantages pour le créancier.