Organisation et compétence de la justice administrative

Organisation, compétence et histoire des juridictions administratives.

Le droit administratif c’est l’administration et son juge. La justice administrative est assurée par le juge administratif mais pas que par lui, le juge judiciaire pouvant également intervenir dans certains cas. Nous étudierons les juridictions administratives aujourd’hui et hier (histoire des juridictions administratives).

Chapitre 1. Les juridictions administratives aujourd’hui.

Dans son ensemble elle comporte des différences d’avec la juridiction judiciaire. Le Conseil d’état est au sommet de l’ordre administratif à l’instar de la cour de cassation qui est au sommet de l’ordre judiciaire.

Le Conseil d’Etat est une cour régulatrice du droit. Mais en plus d’être un juge de cassation est aussi un juge d’appel et également de 1er et de dernier ressort.

Il y a des juridictions administratives générales et spéciales.

  • 1. Les juridictions administratives générales.

Les TA, les cours administratives d’appel et le Conseil d’Etat.

  1. Les Tribunaux administratifs.

En 1953 ils succèdent aux conseils de préfecture et héritent de leur contentieux mais aussi de celui en grande partie du Conseil d’Etat. Ils ont été créés pour désengorger le Conseil d’Etat, et ils deviennent des juges de droit commun en droit administratif, c’est-à-dire qu’ils sont compétents dans toutes les matières du droit administratif à l’exception des matières attribuées spécialement par le législateur à des juridictions d’attribution.

Ne leur a pas été attribué certains contentieux très importants au plan national ou qui sont difficilement rattachables à un tribunal territorialement compétent.

Tous leurs jugements sont frappés d’appel, qui peut être formé devant le Conseil d’Etat exceptionnellement et en priorité devant les cours administratives d’appel.

Dans des cas rares les décisions du Tribunal Administratif sont rendues en 1er et dernier ressort, mais dans tous les cas un recours en cassation reste possible devant le Conseil d’Etat.

Le Tribunal Administratif est compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le siège de l’autorité qui a pris la décision litigieuse. Les Tribunal Administratif rendent des décisions (Conseil d’Etat rend un arrêt comme les cours administratives d’appel).

Les juges sont recrutés parmi ceux qui ont réussi le concours de l’ENA, mais aussi par concours complémentaire, par détachement, par le tour extérieur.

  1. Les cours administratives d’appel.

Loi 31/12/1987 les a créées. Le but était de désengorger le Conseil d’Etat qui était alors la seule cour d’appel.

Elles sont le juge d’appel des décisions des TA. Le Conseil d’Etat est resté compétent en matière d’appel dans certains cas, comme la cassation il est le gardien de l’autorité du droit, mais dans l’ordre administratif.

  1. Le Conseil d’Etat.

Il a été créé en l’an VIII. A l’origine il n’avait que des compétences consultatives. On avait divisé son travail en 5 sections.

Sa fonction contentieuse est la plus importante.

  1. L’organisation des formations contentieuses.

Elles ont pour fonction de rendre la justice administrative. C’est la 6ème section divisée en sous-sections et le jugement incombe soit à une sous-section, soit à plusieurs sous-sections réunis, selon l’importance de l’affaire.

Les affaires d’une particulière importance, qui posent une question de principe, sont alors portées devant une formation plus solennelle composée de plus de juges.

Ainsi il y a la formation de section (arrêt de section), qui est plus solennelle que les sous-sections réunis. On précise alors que l’arrêt est un arrêt de section.

Plus important encore, ce sont les arrêts d’assemblée pris en formation d’assemblée.

Donc 3 types d’arrêts, arrêt normal, arrêt de section et arrêts d’assemblée.

  1. La compétence en matière de contentieux.

Le Conseil d’Etat n’est pas que le juge de l’administration, il est à la base des juridictions administrative. Il rend aussi des avis contentieux.

  1. a) le juge de cassation.

Le conseil d’état est principalement un juge de cassation et tous les arrêts rendus par les cours administratives d’appel sont susceptibles de cassation, comme les décisions des Tribunal Administratif non frappées d’appel.

Il est aussi juge de cassation pour les décisions des cours spéciales.

Arrêt du 07/02/1947 d’Aillières.

Le recours en cassation n’est exclu que dans les cas où le législateur l’a explicitement écarté.

Le Conseil d’Etat interprète restrictivement les textes qui écartent ce recours.

  1. b) Le Conseil d’Etat, juge d’appel.

Normalement l’appel relève des CAA, et sa compétence ici reste rare. Il l’a gardé notamment en matière de contentieux des élections municipales et cantonales.

  1. c) Le conseil d’Etat juge en 1er et dernier ressort.

Ce n’est plus le juge administratif de droit commun, ce sont les Tribunaux Administratifs.

Mais pour des litiges très importants, le Conseil d’Etat va être compétent en 1er et dernier ressort. Ainsi à titre d’exemple, ce sont des recours qui mettent en cause des décrets du Président de la République ou du 1er Ministre. Certains litiges qui ont trait au recrutement ou à la discipline dans la fonction publique.

Les décisions ici sont insusceptibles d’appel ou de cassation.

Il interprète de façon très restrictive ses compétences en 1er et dernier ressort et préfère laisser les affaires au Tribunal Administratif.

  1. d) Les avis contentieux du Conseil d’Etat.

Depuis 1987, le Conseil d’Etat peut être saisi soit par un Tribunal Administratif ou un CAA qui l’interroge sur la solution à donner à un litige.

Il faut des conditions pour interroger le Conseil d’Etat (CE).

Il faut que l’affaire porte sur une question de droit nouvelle, qui doit soulever une difficulté sérieuse qui revient souvent.

Il faut distinguer l’avis contentieux des avis rendus par les formations administratives.

L’avis contentieux est sollicité par une juridiction contentieuse, alors que les autres avis sont sollicités par des autorités politiques, de plus l’avis contentieux est rendu par la formation contentieuse, alors que les autres catégories d’avis sont rendues par les formations administratives.

Ce ne sont que des avis et les juridictions ne sont pas tenus de les suivre. Ce mécanisme permet cependant d’accélérer la justice au sens où on connait rapidement la position du juge suprême sans attendre la cassation.

Cependant, ce système renforce le rôle du Conseil d’Etat qui décide ainsi de la solution d’une affaire alors que la compétence appartient au Tribunal Administratif ou aux CAA.

  • 2. Les juridictions spécialisées.

On leur a attribué un contentieux spécifique, qui nécessite une compétence pointue, c’est aussi la volonté de faire participer le citoyen à la justice.

C’est le cas de la Cour des Compte, qui est chargée de vérifier les comptes des comptables publics. Elle est saisie d’office même sans litige. L’arrêt ici est susceptible d’un appel devant le Conseil d’Etat.

Les chambres régionales des comptes, qui jugent les comptes des collectivités territoriales décentralisées et de leurs établissements publics, c’est l’équivalent de la cour des comptes au niveau régional. Ici l’appel se fait devant la cour des comptes et la cassation devant le Conseil d’Etat.

La cour de discipline budgétaire et financière, lien étroit avec la cour des comptes. Elle statue en 1er et dernier ressort avec cassation possible devant le Conseil d’Etat.

Les organes disciplinaires, et notamment les ordres professionnels qui ont une triple casquette, ce sont des structures privées, administratives et des juridictions à la fois. Quand l’ordre professionnel intervient en tant que juridiction il statue sur des fautes, des abus des fraudes, et ils sont alors de véritables juridictions administratives dont les membres sont des professionnels qui jugent leurs pairs. Cela permet un désengorgement des Tribunaux Administratifs. L’appel est possible ainsi qu’un recours en cassation.

Il y a aussi les sections disciplinaires des universités, composées d’enseignants et d’étudiants.

La commission centrale d’aide sociale, des travailleurs handicapés et des mutilés de guerre.

Il n’est pas toujours facile de dire quand est-ce qu’on est face à un organe administratif ou juridictionnel. On s’est ainsi posé la question sur les Actes Administratifs Individuels, le Conseil d’Etat a dit que c’étaient des administrations et pas des juridictions. Pour contester la décision d’une administration il faut aller devant un Tribunal Administratif et pour une juridiction il faut aller en appel.

Chapitre 1. Les origines historiques et les fondements actuels.

Les pays anglo-saxons n’ont pas de juridiction administrative.

  • 1. Les origines historiques.

L’idée de base a été la séparation des autorités administratives et judiciaires (Montesquieu). On a considéré que l’administration était la continuité du pouvoir exécutif et que si le juge judiciaire intervenait ici, et que cela constituait une interférence avec l’exécutif.

Il y a une tradition de l’existence d’une juridiction administrative.

  1. Les 1ers éléments.

Sous l’ancien régime le roi reconnaissait à ses intendants le pouvoir de juger, c’était une esquisse. Mais il y avait une situation de conflit. Les parlements, cours de justice ordinaires, entraient en conflits avec les intendants qui jugeaient les affaires administratives. En 1641, un édit interdit au parlement de juger les affaires de l’état. Parlements et cours de justices ordinaires ne pouvaient juger que les affaires entre les particuliers. Cependant, les parlements vivaient très mal cette situation. C’est pendant la période révolutionnaire qu’apparait clairement la séparation. A l’époque, les révolutionnaires se méfient des parlements jugés hostiles à la révolution, aux réformes, aux agents administratifs, et c’est pourquoi sera décidé la séparation. La loi des 16 et 24/08/1790 proclame le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, c’est l’interdiction faite au juge judiciaire de juger les litiges de l’administration (16 fructidor an III, décret qui va dans le même sens).

Les affaires locales seront jugées par l’administration locale, et les affaires nationales seront jugées par les ministres, c’est la période de l’administration juge.

  1. Les réformes au 19ème.

L’idée que juger l’administration est aussi administrer était très ancrée dans l’époque, mais une évolution se fera progressivement. En 1808 le consulat crée une administration consultative, le Conseil d’Etat (successeur du Conseil du Roi). La constitution de l’an VIII établit que sous la direction des consuls un conseil d’état est chargé de rédiger les projet de loi et les règlements et de résoudre les difficultés en matière administrative. En 1806 sera créée une commission du contentieux au sein du Conseil d’Etat, qui ne peut que donner des avis et conseiller, mais il y a là une spécialisation qui se fait et pose les bases de la future juridiction administrative. Ici, c’est le chef de l’état qui intervient en tant que juridiction suprême, c’est la période de la justice retenue. Le plaideur devait d’abord saisir le ministre compétent qui tranchait en tant que juge de droit commun (ministre juge) en premier ressort et le chef de l’état, en tant que juge commun ou juge d’appel rendait sa décision après avis du conseil d’état.

Le 24/05/1872, la loi prévoit que le conseil d’état agisse désormais en tant qu’autorité souveraine et indépendante au nom du peuple français. Apparait ainsi la justice déléguée. C’est la fin de l’intervention du chef de l’état en tant que juge d’appel, mais le ministre compétent restait juge en premier degré. C’est l’arrêt du 13/12/1899 (CADOT) qui met fin à cela, il met fin à la pratique du ministre juge et le conseil d’état admet qu’on porte directement devant lui les litiges. Se pose dès lors le problème du partage de compétence dans certains cas. On met ainsi en place le tribunal des conflits qui sera chargé de départager les compétences des 2 ordres de juridiction. En l’an VIII avaient aussi été créés les conseils de préfecture qui avaient aussi des compétences en matière de litiges relatifs aux travaux publics. Un appel a été rendu possible auprès du conseil d’état, mais cet appel se faisait devant l’administration dans les faits.

  • 2. Les fondements actuels de la juridiction administrative.

Il existe un débat sur la nécessité de maintenir la juridiction administrative. Certains auteurs pensent que non. Certains y ont vu une faveur faite à l’administration et on a considéré que le juge administratif pourrait être tenté de favoriser l’administration et que l’existence de cette juridiction pouvait constituer un privilège fait à l’administration (c’est pourquoi dans les pays anglo-saxons elle n’existe pas).

Loin de favoriser l’administration, le juge administratif a au contraire établit une jurisprudence à l’encontre de la toute-puissance de l’administration pour protéger les citoyens. Il a largement permis aux citoyens d’agir à l’encontre de l’administration et la jurisprudence est jalonnée de telles décisions. Le REP en est la meilleure manifestation et offre au citoyen la possibilité d’attaquer facilement les décisions administratives, il y a en effet très peu de formalisme et l’absence d’avocat favorise une certaine gratuité. Il est aussi admis que les agents eux-mêmes puissent attaquer les décisions qui les lèsent.

On chercher à établir un équilibre entre protection du citoyen et efficacité administrative. Ceci est à l’origine du développement d’un droit original, distinct du droit commun privé. C’est le soucis de défendre l’indépendance de l’exécutif face au judiciaire. Son existence se justifie aujourd’hui par la nécessité de juges spécialisés en matière administrative, ce juge est spécialisé dans le déséquilibre administratif.

L’existence de la juridiction administrative ainsi que la dualité juridictionnelle est consacré au niveau constitutionnel, ce qui interdit au législateur de supprimer la juridiction administrative, sauf modification de la constitution.