Organisation internationales : compétences et personnalité juridique

A – La personnalité juridique internationale des Organisations Internationales

L’organisation a une existence distincte que la somme des États membres. Elle peut agir sans faire agir tous les États membres, sans l’unanimité. C’est une entité qui a une existence autonome. En droit français, si on crée une société, on créé un nouveau sujet de droit avec une personnalité juridique propre. Cela a des conséquences très concrètes. Il y a une séparation des personnalités juridique.

Au niveau international c’est la même chose. L’organisation se distingue de ses États membres. Pendant un certain temps on avait du mal à envisager une entité à la personnalité juridique.

1. L’affirmation de la personnalité juridique internationale des Organisations Internationales

C’est la personnalité juridique internationale de l’organisation et la personnalité juridique interne. C’est la possibilité d’agir sur la scène internationale et d’agir dans les ordres juridique étatiques.

En 1949 la Cour Internationale de Justice a rendu un avis consultatif « réparations des dommages subit au service des nations unies ». La conception qui prévalait à cette époque était que seul les États pouvaient agir dans l’ordre juridique international. Donc les Organisations Internationales ne le peuvent pas ou que par leur États membres. Cette vision a été anéantie par l’avis consultatif.

Sur une partie de la Palestine, l’État d’Israël a été constitué. Va se déclencher une guerre. A cette époque, l’ONU a envoyé en Palestine un médiateur chargé de négocier une solution pacifique. Le comte Folke Bernadotte. L’ONU pouvait elle demander réparation à Israël. L’argument était de dire que l’ONU n’avait pas la personnalité juridique. L’ONU a saisie la CIJ. L’ONU peut il demander réparation pour l’assassinat du médiateur. La Cour Internationale de Justice a répondu tout d’abord sur la question de la personnalité juridique de l’ONU. Puis elle a du dire si cette personnalité juridique était opposable à Israël puisqu’à l’époque Israël n’était pas membre de l’ONU.

– La charte des nations unies ne dit rien sur la personnalité internationale. La Cour va chercher si de manière implicite, les États membres ont entendu reconnaître cette personnalité juridique. La Cour va répondre positivement au terme d’un raisonnement déductif. La Cour constate que l’ONU s’est vu confier une mission internationale par les États membres. Pour la Cour quand on confie une mission à quelqu’un, on lui confie les moyens qui vont avec. Elle va mettre en œuvre la théorie des pouvoirs implicites en disant que pour atteindre ce but il est indispensable que l’ONU ait la personnalité internationale.

La Cour va appliquer à la question particulière du droit de demander réparation au travers de la théorie des pouvoirs implicites. Est-ce qu’il faut que l’ONU ait ce pouvoir de demander réparation ? La Cour répond positivement. L’ONU ne peut pas passer systématiquement par les 58 ministères des affaires étrangères des États membres.

Cette théorie repose sur un raisonnement qui consiste à analyser un texte au regard de ses finalités et c’est ainsi qu’on en déduit le fait qu’elle ait la personnalité internationale. C’est un raisonnement téléologique. C’est un mode d’interprétation du droit auquel les juges communautaires recourent.

– L’opposabilité de la personnalité à un État tiers. Cette opposabilité n’est en principe opposable qu’aux États membres de l’Organisation Internationale. Hors pour l’époque cette Organisation Internationale n’a pas d’existence pour Israël. La Cour Internationale de Justice va considérer que l’Organisation Internationale peut demander réparation à un État non membre. En 1950, quand l’ONU a été créée par 50 États fondateurs, ils représentaient la quasi-totalité de la planète. Ce que dit la Cour est que cette Organisation Internationale a pu créer une personnalité objective c’est-à-dire qui vaut à l’égard de tous (erga omnes) selon le critère de la majorité significative. Dès lors elle serait opposable à toute la communauté internationale même si le raisonnement est beaucoup moins convainquant.

Depuis 1949 on considère que toute Organisation Internationale dispose de la personnalité juridique internationale même si sa charte constitutive ne la prévoit pas. Le raisonnement de la Cour Internationale de Justice est transposable à toutes les Organisations Internationales de la planète. Le fait est que les États reconnaissent la personnalité juridique des Organisations Internationales. Exemple : dans l’art 281 du TCE. Il est précisé que la communauté a la personnalité juridique internationale. Le traité le Lisbonne reconnaît la personnalité juridique de l’UE.

2. L’étendu de la personnalité (les capacités) juridique des Organisations Internationales

Quels sont les pouvoirs attachés à leur personnalité juridique. La conséquence de ces personnalités est que chaque Organisation Internationale est une personne distincte des pays qui la composent.

l’Organisation Internationale est intégrée dans l’ordre juridique international, elle est donc soumise au Droit International. Elle dispose de pouvoirs juridiques qui ne sont pas nécessairement énoncés tel quel mais qu’on considère attachés à toute Organisation Internationale.

La capacité de conclure des traités : cette capacité/pouvoir de faire des traités prend plusieurs formes. Le type de traité le plus courant est ce que l’on appel les accords de sièges. Ces accords sont des traités qui ont pour but de réglementer les relations entre l’Organisation Internationale et l’État qui l’héberge. Les relations entre l’Organisation Internationale et l’État d’accueil doivent être réglementées, le but étant d’éviter que l’État du siège ait plus de pouvoirs que les autres Etats. Il s’agit d’éviter que l’État ait des avantages financiers et une influence sur l’Organisation Internationale. Ce sont ces accords de siège qui viennent régir toutes ces questions. Exemple : 1/accord de siège Etats-Unis ONU, 1947. 2/ accord France UNESCO, 1956.

On a des traités de coordination entre les Organisations Internationales. Exemple : traité entre ONU et UNESCO.

Accord bilatéraux conclus avec des États en matière d’assistance technique et financière, telle organisation vient assister tel Etat. Exemple : la banque mondiale vient financer certains projet et prête de l’argent à certains États en voie de développement. Ce prêt passe par un traité entre la banque internationale et l’Etat. Même chose concernant le FMI ou lorsque l’ONU envoie des casques bleus au Liban, on passe par un accord entre le l’ONU et le Liban.

Les traités multilatéraux avec plusieurs Etats. La pratique est relativement rare. Exemple : convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies. Tous les membres de l’ONU sont partis à la convention y compris l’ONU et cette convention vient régir les relations entre l’ONU et tous les États membres en garantissant à l’ONU son indépendance. L’ONU mène des actions dans tous les États de la planète. Les États s’engagent à assurer une certaine protection à l’ONU.

La capacité d’entretenir des relations diplomatiques : cette capacité est étendue aux Organisation Internationale. Il faut bien comprend l’expression relation diplomatique. Il a un sens juridique particulier, c’est l’envoie réciproque de représentants officiels entre les deux entités qui entretiennent des relations diplomatiques. On parle de légation. Les Organisations Internationales entretiennent également des relations diplomatiques. Elles envoient des légations auprès des États et inversement, les États envoient des délégations auprès des Organisations Internationales. Exemple : tous les États membres de l’ONU ont à NY une délégation pour la représenter.

La capacité en matière de responsabilité (active/passive) :

La responsabilité active est le pouvoir de demander réparation si l’Organisation Internationale subit un dommage à la suite d’une violation du Droit International. Elle est reconnue par l’avis consultatif de 1949.

La capacité passive est la capacité de voir sa responsabilité engagée. Si l’Organisation Internationale viole le DI, sa responsabilité pourra être réclamée par un Etat. Exemple : l’ONU agit au Kosovo. Elle a envoyé une mission qui mène des activités sur le territoire kosovar. Elle peut engager sa responsabilité.

La capacité processuelle : pouvoir d’agir devant un juge international (relativement limité). La Cour Internationale de Justice ne connait que des litiges entre Etats. Elle ne peut être saisie par les Organisations Internationales qu’uniquement à titre consultatif. Exemple : 1/avis consultatif de 1949. 2/ à l’heure actuelle la Cour Internationale de Justice est saisie d’un avis consultatif relatif à la proclamation d’indépendance du Kosovo. Cela étant, il peut y avoir capacité processuelle contentieuse lorsque les parties choisissent leurs juges. Exemple : lorsqu’il y a litige sur les accords de sièges.

B- Les compétences des Organisations Internationales

Ce que l’on entend par pouvoir, ce sont les moyens d’action. Ce que l’on entend par compétence concerne plus le champ dans lequel les pouvoir pourront être exercés. Cette distinction entre pouvoir et compétence n’est pas toujours claire.

1. L’étendu des compétences

a) Principe de spécialité

La personnalité juridique des Organisations Internationales et au delà les compétences données dépendent des objectifs. Missions assignées à ces Organisations Internationales. On les trouve dans le traité institutif. l’Organisation Internationale ne peut agir que dans les domaines qui lui ont été assignés. l’Organisation Internationale est limité à sa charte constitutive.

Exemple : deux demandes d’avis consultatifs, Cour Internationale de Justice 1996, est ce que l’usage ou la menace de l’arme nucléaire est autorisé par le Droit International ? la même question ayant été posé par l’OMS et l’ONU. Les deux Organisations Internationales ont la capacité de saisir la Cour Internationale de Justice mais n’intervient que dans le domaine de compétence de l’Organisation Internationale. La Cour Internationale de Justice va considérer que l’OMS n’a pas de compétence en matière d’arme nucléaire alors que l’assemblée générale de l’ONU pouvait faire une telle demande d’avis consultatif. La question entrait dans son champ de compétence. Pour la Cour Internationale de Justice « l’OMS n’a pas reçu mandat…pour traiter elle même de la licéité ou de l’illicéité de l’utilisation d’armement au cours d’hostilité ». Pour la Cour Internationale de Justice la question de l’arme nucléaire est une question d’armement notamment lors de conflit. Pour la Cour Internationale de Justice les effets sanitaires ne sont pas au centre de la question. En revanche pour ce qui est de l’assemblée général de l’ONU, la Cour constate que l’utilisation de l’arme nucléaire entre dans les compétences de l’assemblée générale puisqu’elle a une compétence générale « en ce qui concerne la menace ou emploi de la force dans les relations internationales, le processus de désarmement et de développement progressif du droit international ». La réponse de la Cour Internationale de Justice est que l’usage de l’arme atomique est licite dans certaines hypothèses. En cas de légitime défense et si la survie de l’État est menacée. On voit la différence entre capacité et compétence. Les deux Organisations Internationales ont la capacité mais seule l’assemblée générale de l’ONU était compétente.

b) La question des compétences implicites

Est ce que l’Organisation Internationale a des compétences implicites ? Elle peut avoir des pouvoirs implicites, si elle subit un dommage, elle peut demander réparation (avis consultatif 1994). La théorie des compétences implicites est applicable et est établie depuis un avis de la CPIJ. Compétence de l’OIT pour réglementer accessoirement le travail personnel du patron. La SDN avait saisi la CPIJ car l’OIT avait élaboré un projet de traité sur la réglementation du travail et en particulier sur le travail des patrons. Dans une boulangerie le patron doit travailler en dehors des horaires habituels. Un projet de convention de la part de l’OIT visait à interdire le travail de nuit dans les boulangeries et incluant le travail du patron. L’argument soulevé était que l’OIT n’avait compétence que pour réglementer le travail des salariés et pas des patrons.

Pouvait-elle étendre sa compétence ? La CPIJ a regardé quels étaient les buts de l’OIT. « Assurer une paix universelle par la protection des travailleurs ». La réponse : l’OIT a ces compétences étendues qui n’excluent pas le travail des patrons. Il n’y a aucune raison que l’OIT soit privée de réglementer le travail des patrons. La Cour a constaté que la convention de l’OIT contient des dispositions qui concernent les patrons. Exemple : le repos hebdomadaire d’au moins 24h, cette disposition implique tout le monde y compris les patrons. Implicitement la Cour a déduit les missions de l’OIT. Cf CJCE, 1971, AETR ; CJCE, Kramer 1976.

2. La nature des compétences

Chaque traité constitutif confère tel ou tel type de compétence à l’organisation.

a) Les compétences normatives

C’est la compétence pour l’Organisation Internationale de proposer des normes voire de les adopter elle même.

L’élaboration de traité : l’Organisation Internationale a compétence pour rédiger un traité. Elle n’est pas partie et se contente de proposer un traité. C’est une enceinte au sein duquel un traité sera rédigé et proposé aux Etats. Exemple : L’OIT n’est pas partie au traité mais le propose aux Etats. On peut voir un substitue de pouvoir législatif. En Droit International il n’y a aucun processus législatif. Le Droit International s’élabore en grande partie par la voie de traité. Les Organisations Internationales ne sont pas ce pouvoir supranational. (Décentralisation de l’ordre juridique international). Il est difficile de parler d’un pouvoir législatif car il faut l’accord de l’Etat. Exemple : 1/assemblée générale de l’ONU. On a la convention de 1948 sur le génocide qui a été proposé par l’assemblée générale de l’ONU aux États membres. La convention EDH a été négociée au sein du Conseil de l’Europe.

Les compétences auto-normatives : c’est l’idée de l’autorégulation de l’Organisation Internationale. C’est l’idée d’un droit dérivé interne. Exemple : les règlements propres à l’Organisation Internationale : le règlement financé ou un règlement de sécurité.

Les compétences hétéro-normatives : les règles s’appliquent à destination de l’extérieur et plus particulièrement à destination des Etats. Deux types de compétence hétéro-normative :

La compétence auto-normative incitative : Les Organisations Internationales ne peuvent qu’inciter les États à adopter tel ou tel comportement. A l’occasion de l’an 2000 tous les chefs de gouvernement se sont réunis à NY pour le sommet du millénaire. Une résolution a été adopté que l’on appel la déclaration du millénaire. Cette déclaration n’a qu’une portée incitative. C’est un plan d’action avec des grands principes. Mais aucune norme obligatoire.

La compétence auto-normative obligatoire : Il y a des rares cas où les Organisations Internationales ont des compétences hétéro-normative obligatoire. On parle de compétence normative réglementaire. Exemple : 1/l’OACI (aviation) qui adopte des règles qui s’imposent aux États membres. Des règles techniques en matière de réglementation aérienne : concernant la détermination des voies aériennes. 2/ l’OMS détient ou pouvoir réglementaire d’urgence en cas de pandémie mondiale. Elle peut prendre des mesures de quarantaines. 3/ le conseil de sécurité qui n’intervient que de manière ponctuel pour gérer les conflits. 4/ la communauté européenne.

b) Les compétences opérationnelles

Les formes d’actions des Organisations Internationales sur le terrain notamment en matière d’assistance aux Etats. Exemple : 1/ FMI qui mène des activités opérationnelles lorsqu’ils prêtent de l’argent aux Etats. 2/ le HCR intervient dans les zones de conflits et apporte une protection aux réfugiés. On a une compétence opérationnelle de l’ONU. 3/ l’ONU qui envoie des casques bleus dans une zone de conflit pour faire tampon. On a là aussi une activité sur le terrain de l’Organisation Internationale. 4/ l’OTAN mène de nombreuses opérations notamment en Afghanistan.

c) Les compétences de contrôle et de sanction

On a l’idée que l’Organisation Internationale vérifie l’activité des États et notamment le respect de leur engagement, voir qu’elle peut sanctionner. Certains traités mettent en place des organismes de contrôle. Exemple : les pactes sur les droits de l’homme. Ce comité des DH vérifie que les États respectent les DH sur leur territoire. Exemple : l’OIT intervient et vérifie que les États respectent les conventions et ils doivent fournir des rapports réguliers. Elle peut dépêcher des comités d’enquête si elle soupçonne une violation des conventions.

d) Les compétences de sanction

On distingue deux types de sanctions :

  • Sanction interne au sein de l’Organisation Internationale contre un État membre. Exemple : un État qui ne paye pas sa cote part peut voir ses droits de vote suspendus et peut même être renvoyé de l’Organisation Internationale.
  • Sanction externe qui n’est pas liée à la qualité de membre. Il ‘agit des sanctions économiques dans le cadre de l’ONU pour sanctionner certains États notamment avec un embargo économique ou sur l’armement.