Organisation, rôle et fonctionnement du Conseil d’Etat

La plus haute juridiction administrative : le Conseil d’Etat

L’originalité des juridictions administratives, c’est qu’elles n’ont pas uniquement pour rôle de juger mais une grande partie des juridictions administratives et notamment du conseil d’Etat consiste à rendre des avis ou encore à contrôler la bonne gestion de l’Etat.

C’est la plus haute juridiction de l’ordre administratif. Il a été créé en 1799.Le Conseil d’État est le juge suprême des juridictions administratives. Le Conseil d’État assure l’unité de la jurisprudence administrative

Tous les litiges qui impliquent une personne publique (l’État, les régions, les départements, les communes, les établissements publics) ou une personne privée chargée d’un service public (comme les ordres professionnels, les fédérations sportives) relèvent (sauf si une loi en dispose autrement) de la compétence des juridictions administratives et donc, en dernier ressort, du Conseil d’État.

Tableau de répartition des compétences en fonctions des juridictions :

Types de contentieux1er RessortAppelCassation
Contentieux ordinaire
Tous leslitigesadministratifs, sauf les contentieux énumérés dans les rubriques suivantes du tableauTACAAConseil d’État
Litiges relatifs au rejet des demandes de visa d’entrée sur le territoire de la République française relevant des autorités consulairesTA de NantesCAA de NantesConseil d’État
Elections municipales et cantonalesTAConseil d’État
Questionspréjudicielles en appréciation de la légalité ou en interprétation d’actes relevant de la compétence des TA en premier ressort.TAConseil d’État
Décisions prises par la Commission nationale d’aménagement commercial (article L. 752-17 du code de commerce) et décisions prises par la Commission nationale d’aménagement cinématographique (article L.212-10-3 du code du cinéma et de l’image animée)CAAConseil d’État
Recours dirigés contre :
– les arrêtés du ministre chargé du travail relatifs à la représentativité des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs ;
– les décisions prises par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’exception de celles concernant les services de télévision à vocation nationale ;
– les décisions du ministre chargé de la culture relatives à la délivrance ou au refus de délivrance du visa d’exploitation cinématographique aux œuvres ou documents cinématographiques ou audiovisuels destinés à une représentation cinématographiques
CAA ParisConseil d’État
Litiges portant sur les décisions relatives :
– aux installations de production d’énergie renouvelable en mer et leurs ouvrages connexes ;
– aux ouvrages des réseaux publics d’électricité dont au moins une partie est située en mer, jusques et y compris aux premiers postes de raccordement à terre ;
– aux infrastructures portuaires rendues nécessaires pour la construction, le stockage et le pré-assemblage des installations de production d’énergie renouvelable en mer ainsi qu’aux opérations de transport et de dragage connexes
CAA NantesConseil d’État
Recours dirigés contre :
– les décrets ;
– les actes réglementaires des ministres ;
– les décisions prises par les organes de certaines autorités au titre de leur mission de contrôle ou de régulation
– les décisions ministérielles prises en matière de contrôle des concentrations économiques
Conseil d’État
– Contentieux relatif au recrutement et à la discipline des fonctionnaires nommés par décret du président de la République

– Contentieux des élections régionales et européennes

– Les actions en responsabilité dirigées contre l’État pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative
– Recours en interprétation et recours en appréciation de légalité des actes dont le contentieux relève en premier et dernier ressort du Conseil d’État
– Requêtes concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement, pour certains traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l’État

Conseil d’État
Litiges visés à l’article R.222-13 du code de la justice administrative, dont contentieux relatifs à
– situation individuelle des fonctionnaires
– pensions, aide personnalisée au logement
– redevance audiovisuelle
– permis de conduire
– etc…
TAConseil d’État
Contentieux spécialisé
Contentieux du stationnement payantJASConseil d’État
– Contentieux de l’asile –Juridictionsfinancières (chambres régionales des comptes, cour des comptes) – Ordres professionnels statuant en matière disciplinaire, –Juridictionsde l’aide sociale (jusqu’au 1er janvier 2018), – Contentieux des pensions, militaire, d’invalidité etc.JASJASConseil d’État

Paragraphe 1 : Organisation du conseil d’Etat

A) Le personnel du conseil d’Etat

Le personnel du conseil d’Etat n’est pas constitué de magistrats issus de l’ENM.

Il est organisé de manière très hiérarchique.

En bas de la hiérarchie on trouve les auditeurs, des auditeurs de deuxième classe et des auditeurs de première classe, ils préparent des dossiers et vont rapporter les affaires au conseil supérieur.

Au-dessus il y a les maitres des requêtes, les trois quart sont issus des auditeurs mais il y a aussi un quart des maitres des requêtes qui ont été recrutés parmi des agents publics qui avaient au moins 30ans et 10ans d’ancienneté dans la fonction publique. Leurs fonction est identique que celle des auditeurs mais ils gèrent le travail des auditeurs.

Au-dessus il y a les conseillers d’Etats, et parmi eux certains sont dit en service ordinaire et d’autres en service extraordinaire. Ceux en service ordinaire délibèrent sur des affaires consultatives et contentieuses, environ les deux tiers sont recrutés parmi les maitres des requêtes et un tiers sont nommés des tours extérieurs, pour ceux en service extraordinaire, ce sont des personnes nommées par le gouvernement pour 4ans, très souvent ces nomination se font avant des élections. Ils ne peuvent siéger que pour des affaires consultatives et ils ne vont pas donc faire partit des personnes qui donnent les décisions. Au-dessus il y a les présidents de section, ils sont au nombre de 6, ils sont choisis par les conseillers de service ordinaire. Et au sommet il y a le chef du conseil d’Etat et il s’appelle le vice-président du conseil d’Etat, c’est le chef effectif mais formellement on l’appelle comme cela car le premier ministre est le président mais il ne joue pas de rôle là-dedans. Le vice-président actuel s’appelle Jean-Marc Sauvé.

Les membres du conseil d’Etat ne sont pas juridiquement inamovibles, c’est-à-dire qu’ils peuvent être révoqués ou sanctionnés disciplinairement et notamment sur proposition du ministre de la justice. Néanmoins en pratique il faut reconnaitre que la pratique laisse ces membres relativement indépendants.

B) Les formations du conseil d’Etat

Le conseil d’Etat a à la fois des fonctions consultatives et contentieuses et on retrouve cette dualité dans les différentes formations du conseil d’Etat.

  1. Les formations consultatives

Le conseil d’Etat joue le rôle de conseiller juridique pour le gouvernement, il peut être saisi par le 1er ministre ou un ministre pour être éclairé sur une difficulté juridique. Par ailleurs le conseil d’Etat joue un rôle important dans la formation des lois car il intervient avant la discussion avec le parlement car il donne des avis pour des projets de loi. Dans le cadre de ces fonctions consultatives il y a 5 des 6 sections du conseil d’Etat sont concernés, on les appelle les sections administratives du conseil. Il y a la section de l’intérieur, la section des finances, la section des travaux publics, la section sociale et la section du rapport et des études. Chacune de ces sections est dirigées par un président et comprend toutes les fonctions que l’on a vues.

Elles ont un domaine de spécialisation, la cinquième section est celle qui prépare le rapport annuel du conseil d’Etat et c’est celle qui peut rendre des études qui sont demandés par le gouvernement. En cas d’affaire particulièrement importante, un avis peut émaner de l’assemblée générale ordinaire voir de l’assemblée générale plénière.

  1. Les formations contentieuses

Il y a 2 formations contentieuses, d’abord la section du contentieux, cela recouvre deux réalités différentes, on appelle section du contentieux la sixième division du conseil d’Etat, dans ce sens ça désigne l’ensemble des membres du conseil d’Etat qui sont affectées au jugement des affaires contentieuses, cette section est divisée en dix sous-sections. Elles traitent les affaires soumises au conseil d’Etat, les affaires ordinaires.

Cela désigne aussi une formation de jugement plus solennelle du conseil d’Etat qui traite des affaires particulièrement difficile.

La deuxième formation du contentieux on l’appelle l’assemblée du contentieux, c’est la plus solennelle du conseil d’Etat, elle se réuni très rarement mais pour les affaires les plus importantes.

Paragraphe 2 : Les attributions du conseil d’Etat

  • a) Les attributions consultatives du conseil d’Etat

Ces attributions consultatives se retrouvent dans différents domaines et en premier lieu dans le domaine législatif, l’article 39 de la constitution impose que le conseil d’Etat doit être compétent pour les projets de loi, cela doit être secret mais cela fuit par la presse. Dans le domaine réglementaire le conseil d’Etat est obligatoirement consulté en cas de projet d’ordonnance de l’article 38 de la constitution.

Par ailleurs le premier ministre ou le ministre peuvent saisir le conseil d’Etat pour vérifier un point de droit. Le conseil d’Etat peut attirer l’attention du gouvernement sur des réformes nécessaires selon lui notamment à travers la présentation de son rapport annuel.

  • b) Les attributions contentieuses du conseil d’Etat

L’originalité du conseil d’Etat est qu’il cumule les juridictions du premier degré, juge d’appel et juge de cassation. Ce cumule est inconnu en matière judiciaire.

  1. Le conseil d’Etat juge du premier degré

Il y a de très nombreux cas dans lequel le conseil d’Etat est juge du premier degré, dans ces hypothèses il statut en premier et dernier ressort.

Première hypothèse : Le recours pour excès de pouvoir, c’est un recours qui est formé par un particulier contre une décision de l’Administration lorsque cette décision viole une règle de droit. Il est contre des décrets ou des actes assimilé par des décrets doit être porté devant le conseil d’Etat directement et non devant le tribunal Administratif.

Deuxième hypothèse : Tous les litiges relatifs à la nomination par décret du président de la république pour des fonctionnaires.

Troisième hypothèse : Tout le contentieux relatif aux élections régionales et européennes, pour les élections parlementaires et présidentielles celui qui est compétent est le conseil constitutionnel.

25% des décisions rendues par le conseil d’Etat ont été rendues en premier ou dernier ressort.

  1. Le conseil d’Etat juge d’appel

C’est une fonction devenue assez rare car les cours Administratives d’appel ont été créées en 1987 précisément pour désengorger l’activité du conseil d’Etat.

Pour les questions de l’appréciation de la légalité des actes administratifs et pour le contentieux des élections municipales et cantonales le conseil d’Etat est compétent pour juger l’appel.

L’appréciation de la légalité des actes administratifs, c’est un recours qui a pour but d’obtenir du juge administratif non pas l’annulation d’un acte mais simple déclaration de son illégalité. C’est un recours que l’on qualifie d’incident et qui ne peut être exercé qu’à l’occasion d’une instance devant un juge judiciaire. Si l’acte de l’illégalité est soulevée le juge judiciaire doit sursoir à statuer renvoyer la question de la légalité de l’acte devant un juge administratif qui va se prononcer sur la légalité de l’acte.

Si une question a été tranchée par un tribunal Administratif en première instance il est possible de faire appel mais il ne peut que se faire devant le conseil d’Etat.

Le conseil d’Etat vas à la fois statuer sur le fond et le droit de l’affaire et il statut en dernier ressort, donc le pourvoi en cassation contre des décisions rendues par le conseil d’Etat en tant que juge d’appel.

Il peut infirmer ou confirmer la décision rendue en première instance s’il confirme la première instance c’est la décision de la première instance qui va s’appliquer mais s’il infirme c’est la décision du conseil d’Etat qui va s’appliquer.

  1. Le conseil d’Etat juge de cassation

Il statut sur les pourvois formé contre les cours administratives d’appel ou pour les décisions rendues par certaines juridictions spécialisées comme la cour des comptes ou encore le conseil de la magistrature. Le fonctionnement du pourvoi devant le conseil d’Etat ressemble au pourvoi devant la cour de cassation, sauf pour deux choses importantes, d’abord c’est que pour le conseil d’Etat il existe un mécanisme de filtrage de pourvoi, le pourvoi passe d’abord devant une commission des pourvois. Ce mécanisme n’existe pas devant la cour de cassation.

La seconde différence c’est que même en cassation le conseil d’Etat ne se contente pas de contrôler les motifs de droit, il contrôle aussi les motifs de fait, comme un juge du fond il va établir une certaine matérialité des faits, il retient certaines qualifications. Le conseil d’Etat n’est pas un pur juge du droit. Pour le reste le mécanisme du pourvoir est le même que celui de la cour de cassation.

Le conseil d’Etat n’est pas obligé de renvoyer l’affaire car il juge en fait et en droit.