L’orléanisme

Le parlementarisme orléaniste, un modèle français original

L’orléanisme est un double compromis entre le principe monarchique et le principe électif et entre les deux centres, deux pouvoirs que sont le Roi et la Chambre élue. L’originalité du parlementarisme orléaniste est de placer le ministère dans une double responsabilité et de rester flou sur la répartition des compétences entre le Roi et le Ministère.

Paragraphe 1 : la Charte réformée et les lois organiques

  • Les changements limités

Tout lien avec l’Ancien Régime est rompu et le Roi perd la possibilité normative très large que lui conférait l’article 14. Le rôle des Chambres est accru, l’initiative des lois désormais est partagée entre le Roi et les Chambres. Le droit d’amendement est libéré de toute entrave. Dès août 1830 on admet que les propositions viennent en discussion. On soumet au préalable, l’adoption d’une proposition de lois par un comité des Chambres. Les séances de la Chambre des pairs sont désormais publiques et toutes les nominations faites in extremis par Charles X sont annulées. En 1830, on renvoie la question à plus tard, et en 1831, on supprime l’hérédité au sein de la Chambre des Pairs.

La Chambre des députés des départements devient Chambre des Députés mais reste une Chambre censitaire c’est une loi électorale d’avril 1831 qui en fixe les conditions. Enfin, pour bien clarifier le fait que ces modifications sont limitées, le dernier article, le 69 énumère les matières auxquels elles devront être pourvues par des lois.

La magie constitutionnelle s’efface et l’on renvoie à des lois organiques la mise en place des questions politiques les plus tendues.

  • Le suffrage capacitaire, support de la bourgeoisie orléaniste

Un suffrage capacitaire dont le caractère censitaire n’est que l’élément technique répond à deux impératifs : un politique, il s’agit de s’opposer à l’anarchie qui résulte de la participation des foules au débat politique. Ce que l’on ne va pas c’est l’ochlocratie. Et deuxième élément, élément philosophique, le suffrage est pensé pour assoir la souveraineté de la raison qui permet d’éviter deux écueils : l’écueil entre la légitimité ou la nomophilie (= qui aime la loi). Le souverain est avant tout, la raison. C’est une idée philosophique que les doctrinaires ont promu de façon à évacuer le conflit autour de la question de l’attribution de la souveraineté au Roi ou à la Nation. C’est à dire que la souveraineté est déportée des acteurs politiques préexistants à la Constitution vers une finalité théorique et à la fois modalité et capacité d’action. C’est la raison qui est souveraine. Donc on est bien toujours dans la continuité de la philosophie des lumières qui fait primer la raison mais on la dépersonnalise : elle n’est pas dans le Roi ou dans la représentation de la Nation. Et il s’agit pour eux, de se rapprocher de ce qui est la Raison. Donc cette dépersonnalisation permet en quelques sortes de pacifier le débat et de légitimer le juste milieu. La loi électorale de 1831, prévoit d’abord l’abolition du double vote qui a apparu en 1820 et rétablit le principe de l’égalité électorale. Les députés sont élus par 459 collèges d’arrondissement donc une répartition territoriale. Le Corps électoral est élargi par l’abaissement du cens. On passe de 89 000 électeurs à 166 000. A la fin de la monarchie de Juillet il sera 249 000. Après le suffrage universel masculin ils seront 9 millions. L’impôt censier reste l’essentiel du critère électoral ce qui permet la prédominance de la France rurale. La loi de 1831 n’élargit pas la participation politique à des groupes sociaux nouveaux, elle se contente d’améliorer la représentation de la bourgeoisie. Il faut noter une nuance à cela : la participation politique ou publique est plus large. La loi de 1834 sur la réorganisation des conseils généraux et municipaux fait intervenir beaucoup plus d’électeurs pour la désignation des conseillers généraux et des conseillers municipaux. On reste dans la logique administrative de l’an VIII à savoir qu’ils restent des organes administratifs et pas politiques mais il est prévu que les électeurs de la commune et du département élisent les conseilles et la participation à ce processus électoral quand bien même il est dénué de cela, il acclimate la population à l’idée du suffrage, à la chose publique.

En 1848, la Province rejoint comme un seul Homme la révolution de Paris contrairement à celle de 1830, car elle est maintenant politisée. Ce qui va permettre d’expliquer le suffrage universel et de régime.

  • Une évolution parlementaire inachevée

La réforme de la Charte ne consacre pas la pratique parlementaire de la Seconde Restauration. En particulier, un élément fondamental de l’adresse des 221 est absent : le principe de la responsabilité collective des ministres devant la Chambre Basse.

L’adresse des 221 fut adressée le <time datetime= »1830-03-18″>18 mars 1830 par la Chambre des députés à l’intention du roi de France, Charles X. À l’occasion de l’ouverture de la session parlementaire de 1830, elle exprime la défiance de la majorité libérale de la Chambre, forte de 221 députés, à l’égard du ministère dirigé par le prince de Polignac.</time>

Le texte de la Charte se contente d’élargir les bases de la responsabilité pénale. L’article 69 annonçait une loi sur la responsabilité qui n’a jamais vu le jour. Donc, comme sous la Restauration, le parlementarisme progresse comme une pratique, comme une « Convention de la Constitution » disent les Anglais, « Dicey », façon dont on pratique la Constitution, façon qui n’est pas écrite par la Constitution.

Albert Venn Dicey (né le 4 février 1835 et mort le 7 avril 1922) est un juriste britannique, théoricien des lois constitutionnelles

C’est un parlementarisme dualiste. A côté des moyens de contrôle du ministère par la Chambre, développé sous la Restauration, s’ajoute l’interpellation et la question de confiance. L’interpellation, quid ? Elle permet aux Chambres de questionner les ministres sur les objets les plus diverses. A partir de 1831, il est admis que l’interpellation peut se terminer par un ordre du jour motivé. En réalité, un ordre du jour motivé est un blâme adressé au gouvernement, c’est une condamnation de l’action gouvernementale.

La question de confiance est posée directement par le ministère qui met en jeu lui même sa responsabilité En 1831, Casimir Perrier pour renforcer sa majorité pose la question de confiance. La pratique parlementaire orléaniste va aussi imposer une tradition française : celle de l’inégalité des Chambres. Rien ne s’oppose à ce que la Chambre des Pairs renverse un ministère, mais dans la réalité, pendant toute la Monarchie de Juillet aucun ministère ne sera remis en cause par la Chambre des Pairs. C’est à dire qu’un ministère qui rencontre de l’hostilité à la Chambre des Pairs, va chercher auprès de la chambre des députés, confirmation des députés, et c’est la perte de confiance auprès de la Chambre des Députés qui va entraîner sa perte.

L’usage de dissolution revêt un caractère exclusivement parlementaire. Les six dissolutions du régime ont toutes pour objectif de renforcer la majorité qui soutient le ministère. Toutes sont un succès à l’exception de celle de 1846 en raison de la corruption généralisée des élections.

Il faut souligner trois distinctions de l’orléanisme avec l’Angleterre :

En France, le Roi se mêle de politique. En Angleterre, la Reine Victoria s’efface systématiquement derrière ses ministres. Le régime censitaire français est largement plus fermé que le régime anglais qui dès 1832, permet d’avoir 800 000 électeurs. Enfin, en Angleterre il y a traditionnellement deux partis politiques, en France il n’y a pas de parti politique il n’y a guère que des tendances.

En faisant du Roi un représentant de la Nation au même titre que la chambre élue, la Charte permettait une interprétation dualiste du système politique.

On a parlé de théorie du gouvernement parlementaire dualiste, cette théorie n’a été construire qu’a posteriori c’est à dire au regard de la pratique de la monarchie de Juillet.

Le Roi tient de la Charte le droit de révoquer ses ministres et la Chambre s’est progressivement octroyée, arrogée ce droit en imposant le principe de la responsabilité. En théorie donc, un ministre ne peut rester en place que s’il a la confiance et du Roi et de la Chambre.

La nomination du ministère et le contenu de sa politique, ne peuvent être donc que le fruit d’un compromis entre les deux autorités dont le ministère dépend. Le Ministère devient donc le point d’équilibre du régime. En d’autres termes, quel est l’inflexion ?

Sous la Restauration, les libéraux imaginent que le Roi sera l’arbitre des conflits entre les organes constitutionnels. Avec le système dualiste, le Roi et la Chambre sont obligés d’être d’accord pour nommer un ministère. Donc le Ministère dure autant que l’accord dure. Et le Ministère est ce point d’équilibre qui ne cesse de changer. D’où Une forte instabilité ministérielle. Pour les hommes du mouvement ? L’idée de benjamin constant selon laquelle le Roi est un pouvoir neutre aurait dû se maintenir. Mais cette interprétation va se heurter à la Résistance pour laquelle le trône n’est pas un fauteuil vide. Du coup, le Roi, nomme ses ministres et il appartient à ses ministres de se trouver une majorité à la Chambre, cela conduit inéluctablement à la corruption. Dans un système censitaire, en l’absence de parti politique, comment un ministère se trouve des appuis à l Chambre ? Et bien, le député de tel circonscription va dire chez nous on a besoin d’argent pour construire un pont, une route, et donc les ministres vont acheter les voies des députés. Autre moyen de corruption, faire élire des députés fonctionnaires. En faisant cela, on assure leur promotion dans la carrière en fonction de la fidélité à la Chambre. A un seul moment en 1939, la crise de la coalition, l’Assemblée a été capable de forger une majorité pour remettre en cause un Ministre. Mais, ce ministre avait donc été nommé par le Roi. Et cette crise va réunir tous les ennemis du Ministère, mais ces ennemis vont être incapables de renverser le ministre du Roi, parce que la coalition est une coalition qui s’entend contre mais qui est incapable de s’entendre autour d’un projet commun. En quelque sorte, c’est la coalition de toutes les oppositions de droite et de gauche au Ministère qui pourrait bien renverser le ministère mais qui est incapable d’avoir un projet commun. De plus le Roi va s’impliquer dans le jeu politique de trois façons :

  • il va présider autant que faire ce peu, le Conseil des Ministres, comme ça il est sûr qu’il n’y a pas dualité du pouvoir exécutif.
  • Il va nommer comme ministre, des « vieilles épées » ou des bustes, des personnalités prestigieuses mais pas toujours pourvu du plus grand sens politique. En particulier le militaire Soult va revenir deux fois aux affaires car Soult n’est pas l’homme politique le plus habile du monde et comme Soult manœuvre mal, le Roi peut manœuvrer dans son dos.
  • Ensuite, le Roi va jouer un rôle actif dans la chute des ministères. Il peut tendre un piège à Lafitte pour avoir un prétexte et le renvoyer. En 1836 et en 1840, le Roi renvoie Adolf Tiers, car c’est un homme d’autorité, qui n’a pas du tout l’intention de se laisser dicter la politique gouvernementale par le Roi.
  • Enfin, le Roi intervient directement dans le choix des ministres à la place des Président du Conseil, du coup le Roi nommera des ministères qui lui obéiront à lui plus qu’au Président du Conseil. Le risque dans cela c’est que le Roi en intervenant dans le jeu politique met en balance sa propre légitimité. En faisant d’un ministère beaucoup trop fortement son ministère, la remise en cause par la Chambre peut conduire à la remise en cause du Roi. Par ailleurs, et c’est là l’ambigüité, le Roi n’a pas de légitimité forte et du coup, c’est par son action politique qu’il cherche à imposer l’idée selon laquelle il est nécessaire à la France. Donc pour renforcer son pouvoir, il doit intervenir pour prouver qu’il est nécessaire mais en même temps s’il se trompe, s’il va trop loin, les ministres qu’il choisit en pendant la confiance peuvent entraîner le Roi.

Entre 1830 et 1840 c’est toute une période au cours de laquelle il y a une instabilité ministérielle entretenue.

Paragraphe 3 : Les luttes pour la prépondérance politique dans un régime parlementaire dualiste/ Une instabilité ministérielle entretenue entre 1830 et 1840.

C’est pendant cette période que le Roi utilise toutes les ficelles pour imposer son point de vue et parfois, il est obligé d’admettre des ministres qu’ils le conduisent à ne faire que régner.

La division entre ministre forts et ministres faibles n’est pas une division résistance/mouvement, en réalité Casimir (résistance) ou Adolf Tiers (mouvement) s’opposent tous les deux au fait que le Roi se mêle des affaires des ministres.
En 1840 le Roi trouve en François Guizot, la personne qui va lui permettre de diviser les champs d’action entre les deux têtes de l’exécutif. Guizot en octobre 1840, n’est pas nommé président du Cabinet mais ministre des affaires étrangères. Le président du cabinet est un personnage qui laisse à Guizot la direction fantôme du Cabinet.
Guizot, laisse au Roi, l’action libre à la commission internationale et dans les domaines qui ressort de la souveraineté. Le ministère ne s’occupe que des questions intérieures.

Pendant le ministère Guizot, deux lois très importantes sont prises : en 1841, la première loi sur le fait que les enfants doivent avoir 6 ans pour travailler dans les manufactures, et la construction des chemins de fer.

En 1842, un mauvais accident arrive, et le fils de Louis Philippe meurt. Il y aura une crise-passion du régime, les gens du mouvement admettaient l’archaïsation du régime avec un vieillard devenant de plus en plus acariâtre et autoritaire parce que son fils incarnait un renouveau libéral pour la suite du régime. Sa mort qui dénote la fragilité des monarchies, ferme l’espoir d’une évolution progressive du régime.

En 1846, suite à une nouvelle dissolution, Guizot obtient une majorité renforcée et sera nommé Président du Conseil. Le problème est que cette élection a été en succès qu’en raison de la corruption qui sera de plus en plus dénoncée et en raison du nb très importants de députés fonctionnaires.

Section 3 : la monarchie de Juillet, période de mutation. Des questions économiques, politiques et sociales nouvelles

C’est sous la Monarchie de Juillet que l’on élabore une nouvelle vision de la société, que naissent les différentes tendances du socialisme français, tendances utopiques mais qui renouent avec l’idée que la société n’est pas qu’un amalgame d’individus dont l’égalité n’est que théorique. Mais doit être une communauté dont chaque membre tire des bénéfices. Cette pensée socialiste traite et s’intéresse en particulier à la question sociale. La question sociale c’est le fait que de plus en plus de prolétaires travaillent dans des usines, dans des conditions sordides avec des salaires misérables. Ce qui conduit à un changement de paradigme. Jusqu’alors, on était pauvres car on ne travaillait pas. Avec les salaires distribués dans les usines et un droit du travail inexistant, on est pauvres parce que l’on travaille dans les usines. Les modalités du travail sont cause de la pauvreté.

De cette façon vont naître plusieurs mouvements socialistes, certains utopiques certains insurrectionnelles. A partir de 184, le cycle économique est négatif, la crise provoque des difficultés graves. (Récession industrielle, bancaire, chômage)

On cherche alors à élargir l’assise du régime. On ne réclame pas encore un suffrage universel mais l’on veut abaisser le cens. Ces propositions qui prospèrent dans la (?) arrivent à l’assemblée en (?).

Les députés fonctionnaires sont au service de Fr Guizot. Guizot dit que s’ils veulent voter ils n’ont qu’à devenir riches. Du coup, il va devenir difficile d’espérer une modification légale des choses. Les associations à caractère politiques étant interdites, les Républicains vont commencer à animer des réunions politiques en organisant des banquets.

Et c’est ainsi qu’on demande une réforme du suffrage
En novembre 1847, le mouvement se radicalise. On propose dans un banquet à Lille, un suffrage universel comme un moyen d’améliorer la condition ouvrière.

Dans le 12 arrondissement, suite à l’interdiction d’un banquet, des émeutiers rencontrent une troupe armée qui tire. Et voilà que Louis Philippe fait couler le sang du peuple pour la première fois. Deux jours plus tard, la monarchie tombe et la république est proclamée.