Le matériel et outillage du fonds de commerce

Le matériel, un élément du fonds de commerce

Dans un fonds de commerce, il y a des marchandises et du matériel. Le matériel est constitué par l’ensemble des objets servant au fonctionnement de l’entreprise et qui ne sont pas destinés à être vendu. Tout ce qui n’a pas vocation à circuler.

Les biens qui composent ces objets sont des immobilisations par destination. Ils sont renouvelés plus souvent que les immeubles mais il y a quand même une certaine permanence dans l’entreprise. Ils sont soumis au régime des meubles sauf lorsque le commerçant est propriétaire des murs (rare), dans ce cas il s’agira d’immeubles par destination et non plus de meubles corporels. Il faut financer le matériel. Le commerçant devra donc contracter des crédits, il devra donc disposer de garanties.

Les garanties du droit civil sont possibles mais peu utilisée :

  • le privilège de l’article 1332 qui confère au vendeur non payé un privilège sur les biens vendus par exemple.

Le législateur a créé des garanties particulières qui laissent l’acheteur en possession :

  • 1 : Le nantissement de l’outillage et du matériel d’équipement, créé par une loi de 1951.

Article L 525-1 et suivants du code de commerce. Il est spécialisé par les biens qu’il peut grever et par les créances qu’il est susceptible de garantir.

Il ne peut porter que sur l’outillage et le matériel d’équipement professionnel. Cette expression couvre une grande quantité d’objet mais ne s’applique pas aux marchandises. Seuls les biens de production peuvent constituer l’assiette de ce nantissement.

La condition est stricte quant aux créances car le nantissement peut être constitué au profit au vendeur à crédit du matériel grevé soit au profit du prêteur des sommes qui ont servi à le payer. La loi prévoit que l’écrit qui constate le nantissement doit être contenu dans l’acte de vente ou l’acte de prêt (article 525-2). La plupart des sûretés conventionnelles peuvent garantir n’importe quelle créance alors que la loi de 1951 déroge au droit commun de la dépossession mais seulement dans le cas de l’achat d’outillage ou de matériel d’équipement. Comme toute sureté réelle, il a vocation à être utilisé que si l’entreprise qui l’a acquis a cessé ses paiements. Les droits reconnus au créancier nanti deviennent alors intéressants.

Quels sont ces droits ?

Il a un droit de préférence. Sur le prix du matériel grevé, il est payé avant les chirographaires et avant la plupart des créanciers munis de sûretés. La cour de cassation a même admis que le créancier nanti peut se faire attribuer le matériel en paiement. C’est un gros avantage car il ne subit pas la concurrence des autres créanciers mieux placés que lui : les privilèges des frais de justice, du conservateur et des salariés. On a mis en place une publicité écrite de la préférence ainsi accordée.

Le débiteur n’a pas à se déposséder et en contrepartie de cet avantage le nantissement peut être inscrit sur un registre au greffe du tribunal de commerce. Il y aussi le risque que le débiteur vende à un tiers de bonne foi le matériel grevé. La loi de 1951 a prévu deux sortes de palliatifs : On a mis en place des sanctions pénales pour le débiteur. On a conféré au créancier nanti un droit de suite pour le cas où le débiteur aurait passé outre ou vendu le matériel. Ce droit de suite permet au créancier nanti de saisir les biens des mains de l’acquéreur. Ce droit de suite est subordonné à la fixation d’une plaque sur le matériel et de nature à informer le tiers acquéreur et donne à le faire devenir de mauvaise foi.

  • 2 : Le crédit-bail mobilier (le leasing).

Le matériel est acquis par un établissement financier qui le donne en location aux commerçants avec une option d’achat in fine. L’établissement de crédit n’achète pas ça au hasard. C’est donc un mécanisme de crédit. A l’échéance, elle peut à son choix restituer le matériel à l’établissement de crédit, renouveler la location, ou acheter le matériel à un prix résiduel. Le droit de propriété est considéré comme une sureté. Mais il faut avertir les autres créanciers que le matériel n’appartient pas au commerçant. Les créanciers pourraient être abusés par l’apparence du matériel. Le crédit de bail doit donc être inscrit sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce (formalité de publicité). A défaut d’inscription, le propriétaire ne peut opposer aux tiers de bonne foi son droit de propriété sur le matériel grevé.

  • 3 : La clause de réserve de propriété (Article 2367 et suivant du Code civil et Article L. 624-16 et suivants du Code de commerce).

Une grande partie des biens utilisés sont la propriété d’autrui, de celui dont on les a acquis à crédit. Dans sa rédaction la CRP ne visait que les marchandises. Mais depuis 1994, le mot marchandises a été modifié par le mot bien, ce qui englobe désormais le matériel.

Cette clause est stipulée dans un contrat de vente de matériel au profit du vendeur et elle peut protéger, par le moyen d’une subrogation, celui qui a prêté les fonds nécessaires.

3 conditions à cette clause de réserve de propriété (action en revendication) :

  • Il faut que le revendiquant démontre sa qualité de propriétaire

Il faut que la clause ait été convenue entre les parties c’est-à-dire acceptée par l’acheteur, ce qui a posé un conflit lorsque les conditions générales de ventes comportent une clause de réserve de propriété et qu’elles entrent en conflit avec les clauses générales d’achat : « problème des clauses croisés ». Le législateur a donc complété l’article L 621 : « nonobstant toute clause contraire la CRP est opposable à l’acheteur et aux autres créanciers à moins que les parties n’aient convenu par écrit de l’écarter ou de la modifier ». Ordonnance du 23 mars 2006 qui a supprimé cette possibilité.

Il faut qu’elle soit prévue par écrit sur un document. L’écrit doit être établi au plus tard au moment de la livraison du bien de façon à prévenir la fraude.Autrement, Elle est opposable aux tiers sans publicité, ce qui est tout à fait remarquable. Ces clauses sont si nombreuses qu’il est apparu ni possible ni souhaitable de lutter contre l’apparence de solvabilité qui naît de la détention de la chose. Les textes exigent seulement qu’un écrit soit établi au moment de la livraison, pour contrôler que la clause n’intervient pas après coup, frauduleusement, pour accorder un traitement préférentiel au créancier qui en bénéficie.

  • Il faut que l’action en revendication soit exercée dans un délai de 3 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure. L’idée est d’être rapidement fixée sur l’étendue de l’actif et du passif du débiteur.
  • Il faut que le matériel se retrouve en nature dans le patrimoine de l’entreprise. Il peut être incorporé dans un autre bien meuble mais il ne faut pas qu’il ait été revendu où transformé en un bien d’une autre nature.

La CRP a largement remplacé le nantissement et le crédit-bail car elle offre une garantie à moindre frais.