L’ouverture des procédures collectives en droit marocain

L’ouverture des procédures collectives

Le redressement ou la liquidation judiciaire débute par un acte juridictionnel dénommé «jugement d’ouverture» (avant était jugement déclaratif), ce jugement marque la naissance d’une situation juridique nouvelle à la fois à l’égard des créanciers (action collective), à l’égard du débiteur (restriction de ses pouvoirs d’administration et de gestion) et à l’égard des tiers (changement du statut de l’entreprise)

Section 1 : conditions d’ouverture

Paragraphe 1 : Conditions relative à la qualité du débiteur

Traditionnellement en droit Marocain comme en droit Français «la faillite» était réservée au commerçant, cependant le nouveau code de commerce, dans une appréciation très large du concept d’entreprise et de commerçant, applique désormais, les procédures collectives aux artisans : c’est une extension importante du champ d’application des procédures collectives qui marque le dépassement du droit commercial par le droit de l’économie. C’est un mouvement encore plus marqué dans le cas du droit Français puisque aujourd’hui les procédures collectives s’appliquent plus au-delà du critère de la commercialité, elles englobent tout le champ des activités professionnelles civiles ou commerciales (agriculture et professions libérales).

A noter que le commerçant de fait, qui accomplit les actes de commerce à titre habituel sans être inscrit au registre de commerce ne peut prétendre échapper à l’application des procédures collectives en invoquant le défaut d’inscription au registre de commerce. La même solution s’applique pour les cas d’exercice de l’activité commerciale en dépit d’incompatibilité, déchéance ou interdiction.

Paragraphe 2 : conditions relatives à la situation économique du débiteur

Les procédures collectives sont applicables aux commerçants qui ne sont pas en mesure de régler à leurs échéances les dettes exigibles, c’est la notion de cessation de paiement qui résulte de la réunion de 3 éléments à savoir :

a. Un passif exigible : la cessation du paiement des dettes qui sont arrivées à l’échéance suppose également des dettes qui ont été exigées c.à.d. qui ont fait l’objet d’action au paiement (actif exigible et exigé). Les dettes doivent être certaines c.à.d. non litigieux à moins que l’action en contestation soit uniquement à but dilatoire. L’importance des dettes n’a aucune incidence puisque la loi ne fixe pas des limites minimales. Théoriquement le redressement judiciaire peut être décidé alors même qu’une seule dette échue est impayée.

b. Actif disponible: il fait référence à la capacité actuelle du débiteur à faire face à ses dettes. Pour être considérés comme disponible, les éléments de l’actif doit être liquides (monnayables). ce sont les sommes en caisse ou en compte, également les titres cotés en bourse, les obligations du trésor et les prêts avancés par les Banques ou d’autres partenaires financiers.

c. Balance entre le passif exigible et l’actif disponible: le débiteur doit être dans l’impossibilité de faire face, avec l’actif disponible, à son passif exigible. La cessation du paiement n’est pas un des équilibres financiers quelconque, aussi n’est pas constitutif de cessation de paiement, les difficultés de trésorier (gêne financière momentanée), le résultat déficitaire d’un exercice, de même le défaut d’exécution d’un jugement

Section 2 : Saisine du tribunal

1. Saisine par un créancier : L’art. 563 dispose que «l’entreprise débitrice peut être assignée par un créancier quelque soit le montant et la nature de sa créance. Le non paiement d’une dette civil est tout aussi constitutif de cessation de paiement que le non paiement d’une dette commerciale».

2. Saisine par le chef de l’entreprise : il s’agit d’une obligation et non pas d’une faculté, article 561 le chef d’entreprise dispose d’un délai de 15 jours pour déposer son bilan.

3. Saisine par le ministre public : l’article 563 dispose que le tribunal peut ouvrir une procédure à la demande du ministère publique, celui ci peut avoir connaissance d’informations faisant état de cessation de paiement suite à une enquête de police (ce qui est très rare en pratique).

4. La saisine d’office : le droit reconnu au tribunal de se saisir d’office est traditionnel en matière des procédures collectives, mais il est tout à fait exceptionnel dans le droit commun des procédures judiciaires. En pratique ça pourrait être le cas suite à une assignation inaboutie par les créanciers, soit parce qu’elle était irrégulière sur la forme mais fondée sur le fond soit suite au désistement des créanciers.

Section 3 : le jugement d’ouverture

1. Les auditions préalables : l’article 567 impose au tribunal de ne statuer sur l’ouverture de la procédure qu’après avoir entendu au préalable le débiteur, se trouve ainsi condamné la possibilité autrefois reconnue au tribunal d’ouvrir à l’insu (dans l’ignorance) du débiteur. Le même article précise que le juge peut entendre toutes personnes dont l’audition lui semble utile. Il peut exercer son droit de communication, le secret professionnel lui est imposable. A noter que les auditions se font en chambre du conseil (en dehors de la présence du public).

2. Contenu du jugement : le juge statu dans les 15 jours de sa saisine, il peut décider le redressement, la liquidation ou tout simplement le rejet.

3. La publicité du jugement : l’état de redressement ou de liquidation judiciaire va s’imposer à tous d’où la nécessité d’en informer les tiers au temps utile, notamment pour permettre aux créanciers de déclarer leurs créances. L’article 569 précise les formalités de publicité. (Dans 8 jours du jugement dans le registre de commerce, B.O, et un journal d’annonces légales).