Ouverture de la procédure de redressement / liquidation judiciaire

L’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire

Les procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire sont toutes les deux des procédures de sauvegarde des entreprises en difficulté financière, mais elles ont des objectifs et des conséquences différents.

La procédure de redressement judiciaire a pour objectif de permettre à l’entreprise en difficulté de retrouver une situation économique viable, en lui accordant un sursis de paiement de ses dettes et en lui permettant de mettre en place un plan de redressement. Le but est de permettre à l’entreprise de continuer à exercer son activité, et de payer ses créanciers dans la mesure du possible.

La procédure de liquidation judiciaire, quant à elle, a pour objet de mettre fin à l’activité de l’entreprise et de répartir les actifs restants entre les créanciers. Cette procédure est mise en œuvre lorsque la situation de l’entreprise est irrémédiable et qu’il n’est pas possible de la sauver.

Pour ouvrir une procédure de redressement judiciaire, il faut que l’entreprise présente des difficultés économiques mais qu’il existe des chances raisonnables de sauver l’entreprise et d’éviter la liquidation. Pour ouvrir une procédure de liquidation judiciaire, il faut que l’entreprise ne soit plus en mesure de faire face à ses dettes et que la poursuite de son activité soit devenue impossible.

La procédure de liquidation judiciaire est considérée comme plus sévère pour les entreprises car elle entraîne la cessation de leur activité, contrairement à la procédure de redressement judiciaire qui permet de continuer l’activité de l’entreprise sous certaines conditions.

 

Section 1 – L’ouverture de la procédure de redressement

I – La saisine du tribunal

À la différence de la procédure de sauvegarde qui est volontariste (c’est uniquement le débiteur qui peupla demander), la procédure de redressement peut être ouverte à l’initiative d’un créancier. Par ailleurs, le ministère public peut également saisir le tribunal aux fins d’ouverture de la procédure. Par contre, le Conseil Constitutionnel a privé le tribunal de la possibilité de se saisir d’office.

1- La saisine du tribunal par le débiteur

Comme en matière de sauvegarde, le débiteur peut demander l’ouverture de la procédure de redressement. Il doit pour cela déclarer son état de cessation des paiements (dépôt de bilan). Si le débiteur est une personne morale, le pouvoir pour déclarer la cessation des paiements n’appartient pas aux associés mais aux dirigeants sociaux. Au vu des éléments fournis par le débiteur (dont la liste est détaillée par l’article R.631-1 code de commerce), le tribunal a le choix entre ouvrir le redressement ou la liquidation.

Avant la loi de 2005, le tribunal avait beaucoup moins de marge de manœuvre car il devait obligatoirement passer par la case redressement avant de pouvoir prononcer la liquidation. Désormais, c’est une option qui se présente à lui. La liquidation sera privilégiée si le débiteur est dans une situation irrémédiablement compromise (cessation des paiements + situation grave qui rend inenvisageable un redressement).

2- La saisine du tribunal par un créancier

C’est la particularité du redressement que de permettre à un créancier que de saisir la juridiction consulaire. Sur la forme, cette saisine doit prendre la forme d’une assignation qui devra préciser la nature et le montant de la créance impayée. Il y a eu une évolution car l’assignation n’a plus à indiquer les voies d’exécution engagées par le créancier pour recouvrer sa créance. Cette demande peut-elle être jugée abusive ? La réponse est oui.

Lorsqu’il est saisi par un créancier, le tribunal va se livrer à une appréciation des éléments qui lui sont fournis par le créancier. La demande du créancier peut apparaître abusive si l’état de cessation des paiements n’est pas avérée (incident de paiement isolé) et si en réalité, la seule motivation du créancier était de faire pression sur le débiteur. Conséquence : la responsabilité civile pourrait être engagée le cas échéant. Le préjudice dont va se prévaloir le débiteur est un préjudice moral de part la mauvaise publicité qui pourrait lui être faite.

Le législateur a prévu un contre pouvoir afin d’éviter les assignation-pression. La demande d’ouverture de la procédure de redressement doit être exclusive de toute autre demande et notamment d’une demande de paiement de la créance.

Par exception, on admet toutefois que l’assignation puisse, à titre subsidiaire, contenir une demande d’ouverture d’une liquidation judiciaire (avec des éléments solides en sa possession).

3- La saisine du tribunal par le Ministère Public

Parce que la disparition de certaines entreprises dépassent les intérêts strictement privés ; le code de commerce ouvre la possibilité au ministère public de saisir le tribunal aux fins d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Quels éléments vont lui permette de solliciter cette ouverture ? Il s’agira des éléments qui lui auront été transmis par les IRP (Délégués du Personnel ou Comité d’entreprise).

4- La suppression récente de la saisine d’office du tribunal

Jusqu’au 8 décembre 2012, l’article L.631-5 du code de commerce, permettait au tribunal de se saisir d’office en vue du prononcé de l’ouverture du redressement judiciaire. Saisie par le biais d’une QPC, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 7 décembre 2012, a considéré que cette disposition était contraire à la Constitution.

Trois observations :

1_ Le Conseil Constitutionnel considère que la saisine d’office, si elle répond bien à un motif d’intérêt général n’est pas conforme au principe d’impartialité. Il convient de rappeler que la saisine d’office passe par une convocation du débiteur, par son audition en chambre du conseil et surtout par la rédaction d’une note du président du Tribunal de Commerce sur les faits de nature à motiver cette saisine. Cette note doit « décrire une situation objective » ; sauf que cette exigence est insuffisante notamment si le président est amené par ma suite à faire partie de la juridiction de jugement. Pour le Conseil Constitutionnel, rien de garantit que le tribunal ne préjuge pas sa position lorsqu’il est amené à statuer sur le fond du dossier. La solution serait sans doute d’interdire au président qui a rédigé la note, de présider par la suite.

2_ Cette déclaration d’inconstitutionnalité a pris effet dès le 8 décembre 2012 sans toutefois remettre en cause les procédures précédemment ouvertes par le biais de cette saisine d’office.

3_ Quelle portée ? D’autres textes consacrent des saisines d’office du tribunal. Quel est leur devenir suite à la décision du Conseil constitutionnel. On pense par exemple à la saisine d’office en vue de l’ouverture d’une liquidation judiciaire. On pense aussi à la conversion d’une sauvegarde en redressement judiciaire. Dans toutes ces hypothèses il est fait renvoi à l’article L.631-3 du code de commerce relatif à la note du président dans laquelle il expose les faits de nature à motiver la saisine d’office. Pas de raison que ça n’apparaisse pas inconstitutionnel dans tous ces cas …

DONC, le Conseil Constitutionnel semble, dans sa décision du 7 décembre 2012, inviter à vérifier la conformité de toutes les saisines d’office à la Constitution.

II- L’information du tribunal

Cette information se déroule conformément aux dispositions évoquées en matière de sauvegarde. Mais en matière de redressement, le tribunal peut désigner un juge sui aura pour mission de déterminer la situation active et passive du débiteur et l’état de cessation des paiements. Cette enquête pré-faillite est souvent mise en œuvre lorsque la saisine du tribunal est l’œuvre d’un créancier.

III- Les organes de la procédure

Mêmes organes que pour la sauvegarde, à quelques différences prés : le débiteur ne peut pas proposer au tribunal le nom d’un administrateur judiciaire. Il le peut en matière de sauvegarde, il ne le peut pas en matière de redressement. Par ailleurs, les experts-assistants en gestion (techniciens évoqués plus haut) doivent obligatoirement être désignés en matière de redressement.

Le ministère public joue un rôle central. Le code de procédure civile prévoir que le ministère public doit avoir communication de toutes les procédures de redressement. Cette formalité est d’Ordre Public et son absence entraine nullité du jugement d’ouverture. Le ministère public doit être informé de toutes les audiences intéressant le sort de l’entreprise et là aussi, il reçoit communication de l’administrateur du rapport contenant le bilan économique et social. Comme en matière de sauvegarde, il peut demander le renouvellement de la période d’observation, et il peut encore subordonner l’adoption du plan de redressement à l’éviction du dirigeant ou de leurs parts sociales ou actions.

Section 2 : L’ouverture de la procédure de liquidation

I- La saisine du tribunal

La procédure de liquidation peut être ouverte à l’initiative du débiteur ou d’un créancier qui devra accompagner sa demande de pièces établissant l’impossibilité manifeste du redressement de son débiteur. À la différence de la sauvegarde ou du redressement, le jugement d’ouverture ne laisse pas la place à une période d’observation puisque l’entreprise n’a pas vocation à être sauvée. En principe, l’activité de la Sté va cesser à moins que ne soit décidé (par le tribunal), une poursuite provisoire d’activité pour une durée limitée.

II- Les organes

1- L’administrateur judiciaire

Si al poursuite de l’activité est autorisée, un administrateur judiciaire doit obligatoirement être nommé. Lorsque l’entreprise emploie au moins 20 salariés ou réalise au moins 3 millions HT de CA annuel. En deçà de ces seuils, désignation facultative.

2- Le liquidateur : l’organe central

Lorsqu’une procédure de liquidation est ouverte ou lorsqu’une liquidation est prononcée à la suite de la conversion d’une sauvegarde ou d’un redressement plus vraisemblablement, un liquidateur doit obligatoirement être désigné. Dans la mesure où le débiteur est dessaisi de l’administration, de l’entreprise, le liquidateur le représente pour tous les actes de nature patrimoniale. Le liquidateur peut administrer l’entreprise en cas de poursuite de l’activité.

3- Le Ministère Public

Le ministère public doit avoir connaissance des procédures de liquidation judiciaire. Cette obligation est capitale, son omission entraine la nullité du jugement d’ouverture. Le liquidateur doit le tenir informé du déroulement de la procédure et il doit remettre au Procureur, des informations trimestrielles et au moins une fois par an, un rapport indiquant les différentes opérations de réalisation des actifs et l’état des répartitions entre les créanciers.

C’est également le ministère public qui reçoit le cas échéant, les offres de reprise de l’entreprise. Enfin, il bénéficie de prérogatives propres dans le cadre de la procédure. Il peut tout d’abord demander l’ouverture de la procédure, il peut demander l’engagement de la responsabilité pour insuffisance d’actifs contre les dirigeants et il peut également demander le déclenchement de sanctions (faillite personnelle, interdiction de gérer ou banqueroute). C’est un organe qui est informé, mais qui doit informer : le Ministère Public a l’obligation de communiquer au juge-commissaire, les informations dont il dispose et ce, à tous les stades de la procédure.