Paiement et répétition de l’indu.
On évoque la paiement de l’indu ou la répétition de l’indu dans le cas suivant : Il suppose un individu qui a payé une dette dont il n’était pas tenu. Cet individu dispose d’une action reprendre (pour répéter) ce qu’il a versé en trop (en Droit : la répétition de l’indu). Celui qui reçoit à titre de paiement est l’ACCIPIENS et celui qui doit est le SOLVENS.
L’article 1235 du code civil dispose que tout payement suppose une dette, et que donc ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition. Si la loi et la jurisprudence posent plusieurs conditions à la répétition de l’indu, qui est l’action engagée par le solvens pour récupérer ce qu’il a payé alors qu’il ne le devait pas, ses effets peuvent être différents suivant le comportement de l’accipiens (A) ou du solvens (B).
A- le comportement de l’accipiens.
On sait qu’aux termes de l’article 1378 la mauvaise foi de l’accipiens est sanctionnée non seulement par la restitution du capital indûment perçue, mais aussi par celle des intérêts et les fruits. Mais, l’article 1377 al.2 prévoit d’autres possibilités d’exception à la restitution de la créance suite à un fait de l’accipiens. C’est ce qu’illustre l’arrêt du 5 décembre 1995 (arrêt 4).
En l’espèce, une machine non assurée est détruite par une explosion suivie d’un incendie. Son propriétaire fait alors une fausse déclaration de sinistre, en prétendant que c’était une autre machine, assurée, mais grevée d’un nantissement, qui avait été détruite. L’assurance indemnise donc la société créancière du propriétaire, cette dernière ayant alors donné mainlevée de l’inscription provisoire de l’hypothèque judiciaire prise sur l’immeuble de son débiteur. S’étant aperçue de la supercherie, l’assurance assigne alors l’accipiens en répétition de l’indu. La Cour d’appel fit droit à cette demande, mais son arrêt est cassé.
La Cour de renvoi résiste alors et persista à accueillir l’action en répétition de l’indu, aux motifs que la société créancière du propriétaire de la machine détruite ne « justifie pas avoir fait rayer l’inscription du privilège de nantissement dont elle disposait » si bien que les dispositions de l’article 1377 al.2 ne sont pas applicables. La restitution doit donc avoir lieu.
Sur le pourvoi de l’accipiens, la Cour de cassation dut répondre à la question de savoir si après la disparition d’un nantissement résultante de la destruction fortuite de la chose grevée, la société qui en bénéficiait ayant donné mainlevée d’une autre sûreté, elle peut quand même se prévaloir des dispositions de l’article 1377 al.2.
Elle y répondit par l’affirmative, dans un arrêt de cassation sans renvoi, en se bornant à relever que le nantissement ayant disparu avec l’incendie, l’accipiens ne se trouvait alors plus en possession que d’une seule sûreté, à savoir l’hypothèque, et que puisqu’elle y a renoncé, alors l’art 1377 al.2 s’applique. La répétition de l’indu est donc impossible.
On peut s’étonner à première vue de l’énoncé du principe. En effet, la Cour affirme que, eu égard à l’article 1377 al.2, l’action en répétition de l’indu ne peut être exercée, non seulement lorsque le créancier a supprimé son titre, mais aussi lorsqu’il a renoncé à ses sûretés. Soit. Mais justement, lorsqu’on lit ce texte, on cherche désespérément une référence aux sûretés… En vain ! L’arrêt du 5 décembre 1995 aurait-il, une fois n’est pas coutume, réalisé un « coup d’Etat judiciaire » en élargissant à ce point la portée d’un texte ? Et non ! En effet, l’arrêt 4 fait référence explicitement à un principe déjà ancien posé par un arrêt du 27 novembre 1912
Cette solution en est-elle pour autant justifiée ? Il semblerait que oui, si l’on considère que l’accipiens, payé par une autre personne que son débiteur, a détruit son titre de créance, ou s’est débarrassé de ses sûretés, pensant du fait même de son payement ne plus en avoir besoin. De plus, la répétition lui porterait préjudice, en ce sens qu’il ne pourrait pas se retourner contre le véritable débiteur, ni faire jouer ses anciennes sûretés, dans la mesure où il ne possédait plus la preuve de ses créances ou de ses sûretés.
C’est ce raisonnement qu’avait adopté la jurisprudence de 1912 en posant que les dispositions de l’article 1377 al.2 comprennent non seulement la destruction matérielle du titre de créance, mais aussi la perte des sûretés destinées à en assurer le remboursement, de telle sorte qu’il ne soit plus possible de replacer le créancier dans la situation où il se trouvait avant le payement. L’explication de la position de l’arrêt de 1995 doit donc être recherchée dans une solution datant de 1912…
Enfin, on pourrait quand même objecter qu’en équité cette décision est discutable, puisqu’elle permet à un propriétaire malin et fraudeur de toucher une assurance pour l’incendie fortuit ( ??) d’une machine non assurée, et de se voir débarrasser en même temps d’une hypothèque sur l’un de ses immeubles. Curieuse conséquence d’un principe remarquable.
Mais si le comportement de l’accipiens peut influer sur les effets de l’action en répétition de l’indu, en est-il de même pour la faute du solvens ? (B)
B- La faute du solvens.
La Cour de cassation dans un arrêt de la Chambre sociale a posé le principe que la faute du solvens ne faisait pas obstacle à la restitution (Soc., 3 novembre 1972). La Chambre commerciale s’est également emparée de ce principe comme le montre l’arrêt du 15 octobre 1996 (arrêt 7).
En l’espèce, une banque commerciale qui assurait la gestion de titres avait crédité deux fois le compte d’un de ses clients du montant de la vente des mêmes actions. Après la découverte de cette erreur, l’établissement financier de réclamer la restitution du trop perçu. Le client refuse et riposte par un engagement de la responsabilité pour faute de son gestionnaire patrimonial.
La Cour d’appel de Versailles fait droit à la demande de la banque et condamne le client à rembourser ce qu’il avait indûment perçu. Ce dernier se pourvoit alors en cassation en opposant la faute de l’agent financier.
Se posait alors la question de savoir si les fautes grossières du solvens qui paye une dette supérieure au montant prévu sont de nature à faire obstacle pour tout ou partie à la répétition de l’indu. Par un arrêt de cassation, la Haute Juridiction se rangea derrière la jurisprudence de 1972 en considérant que la faute du solvens ne « constitue pas une condition de mise en œuvre de l’action en répétition de l’indu », mais peut engager sa responsabilité vis à vis de l’accipiens.
Satisfaisant de prime abord, on pourrait quand même reprocher à cette décision, même si en effet l’article 1377 al.1er ne vise que les cas d’erreur du solvens, mais reste silencieux quant à son éventuelle faute, d’avoir confondu la faute, condition de mise en œuvre de l’action en répétition, de la faute qui fait obstacle à la restitution.
En effet, seules l’erreur ou la contrainte depuis 1993 (Cass. Ass. Pl., 2 avril 1993, GA n0153) sont des conditions de mise en œuvre de cette action. La faute n’a donc pas à être prise en compte lors de l’engagement de l’action en répétition. Par contre, la faute du solvens ne fait pas obstacle à la restitution : elle est donc prise en compte pour connaître les effets de l’action en répétition.
Ainsi, si le solvens peut se voir restituer ce qu’il a indûment payé, ce n’est pas parce que la faute ne constitue pas une condition de mise en œuvre de l’action en répétition de l’indu, mais parce que sa faute ne fait pas obstacle à l’un des effets de cette action, à savoir la restitution.
Quant à l’engagement de la responsabilité du solvens, on ne peut que s’en féliciter en ces temps de déclin de la responsabilité civile. Concrètement, si la responsabilité du solvens est engagée, alors le remboursement mis à la charge de l’accipiens pourra être diminué du montant de son préjudice. Cette faute pouvant même être une simple négligence (cf. Civ., 18 juillet 1979).
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