Pas de crime ou délit sans intention de le commettre

L’élément moral ou psychologique : le dol en droit pénal

Pour qu’un acte (ou une omission) matériellement constitutif d’une infraction conduise au prononcé d’une peine prévue par la loi, il est nécessaire que ceci constitue une faute de la part de son auteur. Mais cette faute pénale – avec toute l’ambiguïté que peut renfermer l’idée de faute – connaît des degrés.

Et surtout, il est possible de l’insérer dans une dichotomie opposant la faute intentionnelle à la faute non intentionnelle.

En réalité, plus que le caractère moral, c’est l’état d’esprit de l’auteur de l’acte répréhensible qui importe au moment où il l’a commis. C’est cet élément qui doit être pris en considération pour décider si oui ou non l’infraction est réalisée. C’est donc un élément fondamental.

L’idée d’intention est le pivot de cet élément moral, et l’intention consiste dans la volonté d’accomplir un acte, avec la conscience qu’il est défendu par la loi pénale, ou encore de s’abstenir d’un acte avec la conscience qu’il est ordonné par cette même loi.

A noter que cette intention ne doit pas être confondue avec les motifs ou le mobile qui ont conduit l’agent à agir de la sorte. Ceci, à quelques exceptions près, importe peu (du moins au stade de la réalisation de l’infraction) car en effet ils pourront être pris en compte lors du jugement, et pourront parfois (ces motifs ou ces mobiles), s’ils sont jugés honorables, conduire à une certaine indulgence, voire à un abaissement de la peine.

Que l’on tue par haine ou par cupidité, ou que l’on tue par pitié (ou pour abréger les souffrances d’un malade), il y a toujours meurtre, même si au final la sanction sera sans doute différente. Car le mobile est en effet indifférent au stade de la constitution de l’infraction : la conscience d’accomplir un acte illicite suffit à déterminer la répression.

Indifférent en Droit en principe, le mobile ne l’est donc pas en fait, puisque le juge pourra le prendre en compte.

Examinons donc, une fois établie cette différence entre les mobiles et la conscience (= l’intention dolosive), l’élément moral dans les infractions intentionnelles.

Comme l’énonce clairement l’article 121-3 du Code Pénal : « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ».

Une intention, un dol, dont la nature est différente du droit civil est requis pour les infractions les plus graves : meurtre, viol, escroquerie, faux.

Mais qu’est-ce que le dol en droit pénal ?

Celui-ci est traditionnellement défini comme étant la volonté d’accomplir un acte défendu par la loi. Cette volonté est donc tendue vers un certain but : la recherche d’un résultat répréhensible. Et le législateur exprime à la fois cette exigence du dol en utilisant dans le texte des incriminations, des expressions telles que « volontairement », ou « sciemment », ou « en connaissance », ou « frauduleusement », ou encore « de mauvaise foi ».

Mais ce dol pénal, qui peut être prouvé par tous moyens, connaît des formes et des degrés différents, variables le plus souvent en fonction de l’intensité de cette volonté criminelle.

– On distingue généralement : le dol général: c’est la simple volonté consciente de violer la loi pénale. Mais la loi exige parfois, en plus de ce dol général, ce que l’on appelle un dol spécial.

Le dol spécial, c’est l’intention inscrite dans un but particulier. C’est la volonté de nuire, le but de troubler l’ordre public, la volonté de donner la mort (pour citer ses principaux exemples). En d’autres termes : c’est la conscience non pas seulement d’accomplir un acte illicite, mais de déterminer par cet acte, un préjudice pour la victime. Ainsi, la diffamation requiert pour son existence, la volonté de nuire à l’honneur ou à la considération d’une personne.

On est ici, en quelque sorte, entre l’objectif et le mobile. Et ce dol spécial doit être constaté par le juge, car il s’intègre dans la définition de l’incrimination. Donc si on n’établit pas le dol spécial, l’incrimination ne sera pas établie.

Ce dol pénal peut en outre connaître des degrés divers :

– le dol peut être simple, ce qui n’entraînera aucune conséquence particulière tant au plan de la qualification que de la répression ; il conduira au prononcé d’une peine ordinaire.

– En revanche, il peut parfois être aggravé. Il correspond dans ce cas à la préméditation. Il y a ici une antériorité de l’intention criminelle par rapport à l’action, une sorte de prolongation de cette intention, période pendant laquelle l’assassin a le temps de la réflexion, le temps de mûrir son projet. Le meurtre se transforme alors en assassinat. Mais la préméditation ne conduit pas toujours à un changement de qualification de l’infraction ; elle se contente assez souvent d’être une circonstance aggravante qui sera prise en compte lors du prononcé de la peine.

La préméditation n’est prévue par la loi qu’en cas d’atteinte à la vie ou à l’intégrité d’autrui.

De plus, certains mobiles peuvent parfois être pris en compte par le législateur pour renforcer la sanction.

Il y aura aggravation parce qu’il y aura eu mobile raciste, ou parce qu’il y aura eu un mobile terroriste, pour ne citer que ces 2 exemples.

– A l’inverse du dol aggravé, il y a aussi le dol atténué qui va ici conduire en principe à une diminution de la peine. C’est notamment le cas lorsque l’auteur de l’infraction est mineur (cas le plus fréquent).

Au lieu de prendre en considération l’intensité de la volonté, le résultat de cette volonté peut parfois être pris en compte. Et là, on va distinguer d’une part le dol déterminé, de l’autre le dol indéterminé.

Il y a dol déterminé lorsque le délinquant a voulu de façon précise, commettre telle ou telle infraction, et au préjudice d’une personne déterminée et identifiée.

Il y a dol indéterminé au contraire lorsque l’intention de l’agent était simplement de faire mal, peu important la gravité du résultat, ou l’identité de la personne.

L’indétermination porte ici sur la nature des événements.

En cas d’indétermination du résultat, le délinquant est en principe tenu pour responsable de toutes les conséquences de l’acte, y compris celles qu’il n’a pas souhaitées.

Celui qui va provoquer un incendie dans un lieu public ne sait pas s’il va tuer, blesser, ou simplement faire des dégâts matériels. Le juge fixe la peine, proportionnellement à la gravité du préjudice subi par la victime, et non pas en fonction de l’intention de l’auteur.

En cas d’indétermination de l’identité de la victime cette fois, et non pas du résultat, la loi assimile le dol indéterminé au dol déterminé, dans la mesure où cela ne change rien à l’intention criminelle ou dolosive de l’auteur. L’individu est considéré comme tout autant dangereux même s’il y a eu une confusion sur l’identité de la victime.

Un mot enfin sur le dol praeter intentionnel et sur le dol éventuel.

* Le dol est dit praeter intentionnel lorsque l’agent exprime une volonté dolosive bien déterminée, qu’il poursuit un objectif précis, mais que le résultat va dépasser l’intention initiale. Le législateur fait ici la part entre ce qui a été voulu et ce qui ne l’a pas été, entre l’intention et le résultat. L’exemple le plus parlant est celui des coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Le délinquant est allé au-delà ce qu’il avait l’intention de faire au départ, et la sanction sera alors 15 ans de réclusion, alors que s’il s’agissait d’un meurtre il y aurait eu une peine de 30 ans à la clé.

* S’agissant du dol éventuel, ici l’agent ne voulait aucun résultat dommageable, mais celui-ci s’est malheureusement produit : il a pris un risque. Le Code Pénal ne parle pas de ce type de dol, mais le législateur semble l’avoir pris en compte dans le cadre de la faute de « mise en danger délibérée d’autrui ». C’est par exemple le cas de l’automobiliste qui double en haut d’une côte sans visibilité, et va causer un accident grave. Le dol ici n’était qu’éventuel.

Mais l’élément moral n’est pas non plus totalement absent dans les infractions non intentionnelles, car il n’existe pas de responsabilité pénale sans faute. Cependant, elle va prendre des formes différentes. La volonté va être présente, mais la recherche d’un résultat répréhensible, lui, ne le sera pas.