Les personnes soumises à la procédure collective

quelles sont les personnes  soumises à l’ouverture de la procédure collective?

L’option de ces trois procédures est fonction des difficultés plus ou moins avérées rencontrées par le débiteur. Par ailleurs l’initiative de la procédure diverge également selon la procédure envisagée. Ainsi la procédure de sauvegarde est une procédure volontariste qui repose sur la seule initiative du débiteur. Le redressement judiciaire, la liquidation judiciaire peuvent être mis en œuvre par d’autres protagonistes lorsque le débiteur est en cessation des paiements. Autrement dit, le débiteur peut se voir imposer l’ouverture de l’une de ces procédures.

Pour pouvoir prétendre au bénéfice d’une procédure collective le débiteur doit présenter une certaine qualité. Cet élément qui est commun aux trois procédures se double d’un critère qui est lui bien plus discriminant à savoir la situation financière du débiteur.

Initialement seuls les commerçants relevés du droit des procédures collectives. Les évolutions successives ont élargis le champ d’application desdites procédures. La loi du 13 juillet 1967 a appliqué le droit des procédures collectives aux personnes morales de droit privé non commerçantes. La loi du 25 janvier 1985 y a soumis les artisans. La loi du 30 décembre 1988 y a soumis les agriculteurs.

La nouveauté de la loi du 26 juillet 2005 a été d’admettre au bénéfice des procédures collectives les professions indépendantes. Par la suite pas de modifications majeurs si ce n’est que le champ d’application des personnes visées par la procédure a été légèrement modifié par une ordonnance de décembre 2008. Jusqu’alors la procédure était ouverte à tous commerçants et toutes personnes inscrites au répertoire des métiers. Désormais elle est applicable à toutes personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale (on inclut les artisans de fait et les commerçants de fait).

L120-2 du code du commerce prévoit dans sa nouvelle rédaction que la procédure de sauvegarde est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendant y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire. Ainsi qu’à toute personne morale de droit privé, ces éléments sont repris par l’article L631-2 pour le redressement judiciaire et par l’article L640-2 pour la liquidation judiciaire.

Par ailleurs l’article L621-2 al 2 du code de commerce précise que la procédure pourrait être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui de leur débiteur. Ou en cas de fictivité de la personne morale ces cas d’extension de la procédure sont également applicables au redressement judiciaire et à la liquidation.

I- Les personnes principalement soumises à la procédure

A- Les personnes physiques

1- Les personnes exerçants une activité commerciale

La législation relative aux procédures collectives a toujours fait référence à la qualification de commerçant, jamais à l’immatriculation au RCS.

Sont commerçants conformément à L121-1 du Code de commerce ceux qui exerçant des actes de commerce et en font leur profession habituelle. L’ordonnance de 2008 abandonne cette notion de commerçant pour y substituer celle de « personne exerçant une activité commerciale ». A priori, la modification est sans grande conséquences car depuis longtemps la doctrine considère que c’est la réalité de la profession commerciale qui doit être prise en compte.

En réalité, il était déjà envisageable d’ouvrir une procédure à l’encontre d’un commerçant de fait mais la question essentielle était de savoir si le commerçant de fait pouvait lui même demander à être admis au bénéfice d’une procédure collective. Jusqu’alors, la chambre commerciale s’y était opposée, notamment par le biais d’un arrêt rendu par la chambre commerciale le 25 Mars 1997. Si on avait maintenu cette jurisprudence sous l’empire de la loi de 2005, on aboutissait à exclure le commerçant de fait de la procédure de sauvegarde puisque cette procédure repose sur la seule initiative du débiteur. En ne faisant plus référence au commerçant, l’ordonnance de 2008 permet l’ouverture d’une procédure de sauvegarde à la demande d’un débiteur sans que l’on ait à se soucier d’une immatriculation au RCS.

Une attention toute particulière doit être réservée au conjoint qui collabore à l’activité professionnelle de l’autre.

L’article R121-1 Code de commerce : « est considéré comme conjoint collaborateur le conjoint du chef d’une entreprise commerciale, artisanale ou libérale qui exerce une activité professionnelle régulière dans l’entreprise sans percevoir de rémunération et sans avoir la qualité d’associé au sens de l’article 1832 du Code civil ». Dès lors, si un époux exerçant une activité commerciale est soumis à l’ouverture d’une procédure collective, le conjoint collaborateur ne peut se voir étendre le bénéfice de la dite procédure. L’article L121-3 du Code de commerce énonce que le conjoint d’un commerçant n’est réputé lui même commerçant que s’il exerce une activité commerciale séparée de celle de son époux, c’est à dire s’il exerce une profession de façon indépendante et pour son compte personnel. Dès lors s’il ne fait que collaborer, la chambre commerciale, dans un arrêt de principe en date du 11 Février 2004 a donc en toute logique énoncé qu’une personne mentionnée au RCS en qualité de conjoint collaborateur ne peut être admise au bénéfice de la liquidation judiciaire. Cette situation est-elle pour autant inévitable ? En théorie non, en pratique oui.

En théorie, le conjoint collaborateur qui agit pour les besoins de l’entreprise est présumé avoir reçu mandat du commerçant et ce sur le fondement de L121-6 du Code de commerce. Dans la limite de la présomption de mandat de cet article, on ne peut pas lui reconnaître la qualité de commerçant car même s’il accomplit des actes de commerce, il ne les réalise pas pour son propre compte. Il pourrait toutefois invoquer le dépassement de ce mandat pour faire tomber la notion de collaborateur.

Le dépassement du mandat, s’il est avéré, aurait pour conséquence de lui conférer la qualité de co-exploitant. Cette notion de co-exploitant n’est pas expressément consacrée par le Code du commerce mais elle reconnaît à chaque époux une qualité professionnelle identique. En raison de l’ampleur du mandat, le conjoint collaborateur ne peut pas effectuer des actes de dépassement de ce mandat. La jurisprudence a déjà pu considérer qu’entre dans le cadre du mandat :

  • le fait que certaines opérations bancaires transitent par son compte
  • la prise en charge quotidienne du fond de commerce
  • les retraits effectués sur le fond de commerce.

Ex de dépassement de mandat, chambre commerciale 15 Octobre 1991 : le conjoint avait dépassé le mandat, le conjoint était le collaborateur de son épouse : la chambre commerciale a considéré que les actes accompli par le conjoint avaient justifié une extension de procédure. En l’espèce le mari avait procuration sur le compte bancaire de son épouse. Il avait contracté lui même le contrat d’assurance du fond et son nom figurait sur l’enseigne de son magasin.

Hormis cette hypothèse très isolée, le conjoint qui ne va pas bénéficier de l’ouverture de la procédure peut se trouver dans une situation très difficile dans l’hypothèse où il s’est porté caution s’il a la qualité de co-emprunteur.

(Le droit du cautionnement pourrait dans une certaine idée permettre la délivrance du conjoint).

S’il a la qualité de co-emprunteur, dans certains cas, il ne pourra pas bénéficier de l’arrêt des poursuites individuelles. La question est alors de savoir si ce conjoint peut être éligible à une procédure de surendettement des particuliers qui est consacrée par une loi du 1er Aout 2003 aux articles L330-1 et suivant du Code de la consommation.

Le principal problème aujourd’hui va concerner la qualité des dettes car conformément à l’article L330-1 du Code de la consommation, les dettes invoquées devant la commission de surendettement ne doivent pas avoir un caractère professionnel.

Décision, 2ème chambre civile, 27 Mai 2004 : la dette d’emprunt pour l’acquisition d’un fond de commerce ne présente pas un caractère professionnel pour le conjoint collaborateur du commerçant alors même qu’il aurait la qualité de co-emprunteur.

Dans une décision du 24 Mai 2007, la 2ème chambre civile a considéré que le fait d’être marié avec un commerçant n’est pas à lui seul une cause d’exclusion de la procédure de surendettement.

2ème chambre civile, 27 Septembre 2012 : il appartient au juge de se prononcer sur la nature de l’endettement du conjoint d’une personne relevant des procédures collectives.

Enfin, une protection indirecte de ce conjoint peut également être trouvée dans une décision du Conseil constitutionnel du 20 Janvier 2012 qui a déclaré contraire à la Constitution l’article L624-6 du Code de commerce. Cet article énonçait que le mandataire judiciaire ou l’administrateur peut en prouvant par tout moyen que les biens acquis par le conjoint du débiteur l’ont été avec des valeurs fournies par lui, demander que les acquisitions ainsi faites soient réunies à l’actif de la procédure.

Chambre commerciale, 11 Avril 2012, la chambre commerciale a précisé que l’abrogation de ce texte par la décision du 20 Janvier 2012 avait pris effet à compter de la publication de la décision et cette abrogation était applicable à toutes les instances non jugées définitivement à cette date.

2- Les personnes exerçant une activité artisanale

L’artisan est une personne qui tire l’essentiel des revenus de son travail manuel. La différence entre les commerçants et les artisans s’est atténuée puisque désormais les deux sont soumis à des procédures identiques et relèvent de la compétence du tribunal de commerce.

L’ordonnance de 2008 a substitué au mot artisan la formule « personne immatriculée au répertoire des métiers ». Dès lors, les artisans de fait qui n’étaient pas inscrits au répertoire des métiers relevaient t-ils du droit des procédures collectives ? La réponse est positive puisque les artisans de fait exercent une activité indépendante et qu’ils relèvent du champ d’application des trois procédures collectives.

3- Les agriculteurs

Depuis une loi du 30 Décembre 1988, une procédure de redressement et de liquidation judiciaire a été consacrée au profit des agriculteurs. La loi du 26 Juillet 2005 leur a naturellement ouvert le bénéfice de la procédure de sauvegarde à la condition toutefois qu’ils exercent cette profession agricole de manière habituelle.

Par contre, une différence va exister pour eux entre l’ouverture d’une procédure de sauvegarde et l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. En effet, dans ces deux derniers cas l’article L631-5 alinéa 3 du Code de commerce dispose que la procédure ne peut être ouverte que si le président du TGI a été saisi préalablement à l’assignation d’une demande tendant à la désignation d’un conciliateur, demande présentée en application de l’article L351-2 du Code rural régissant le règlement amiable agricole. Cette spécificité n’est pas reprise pour la procédure de sauvegarde qui peut donc être demandée sans avoir à solliciter au préalable ce fameux règlement amiable.

4- Les personnes exerçant une activité libérale

C’est la nouveauté de la loi du 26 Juillet 2005 que d’avoir admis au bénéfice de la procédure de sauvegarde les personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou règlementaire ou dont le titre est protégé. La formule vise les libéraux tels que les avocats, les médecins, architectes, notaires, expert comptable, vétérinaire, huissier, commissaire priseurs.

Avant la réforme de 2005, certains libéraux relevaient du droit des procédures collectives : quand ils exerçaient leur activité sous une forme sociétaire.

Toutes ces personnes sont incluses dans le champ d’application de la loi.

Dès qu’une procédure est ouverte à l’encontre de l’une de ces personnes, l’ordre professionnel ou l’autorité compétence doit être informée ou consultée pour les décisions importantes. L’ouverture de la procédure de conciliation est d’ailleurs communiquée à l’ordre professionnel ou à l’autorité compétence.

5- Les cas des personnes décédées ou qui ont cessé leur activité

Lorsque le débiteur cesse son activité professionnelle alors que celle ci a généré un passif important, il ne pourra pas bénéficier d’une procédure de sauvegarde. Par contre, il pourra accéder à une procédure de redressement judiciaire qui lui permettra via un plan de redressement d’apurer ce passif avec des délais de paiement ou des remises de dette. Une application spécifique peut être trouvée dans une décision de la chambre commerciale du 9 Février 2010 dans laquelle la Cour de cassation a considéré que l’avocat qui a cessé son activité à titre individuel pour devenir associé n’agit plus en son nom propre et cesse d’exercer une activité indépendante. Il peut toutefois être assigné en redressement judiciaire dans le délai d’un an à compter de la cessation de l’activité individuelle pour l’apurement du passif provenant de l’activité antérieure.

Lorsque le débiteur décède alors qu’il est en cessation des paiements, une procédure de redressement judiciaire peut également être ouverte.

Dans cette perspective, seul un créancier ou le ministère public pourra saisir le tribunal.

Le tribunal doit être saisi dans l’année du décès. Les héritiers du débiteur peuvent également saisir le tribunal aux fins d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation sans condition de délai.

B – Les personnes morales

Depuis la loi du 13 Juillet 1967, les personnes morales de droit privé relèvent du droit des procédures collective et ce, quelque soit la nature de leur activité commerciale ou civile. Seul est pris en compte leur statut juridique. Sont visées les sociétés commerciales mais également les sociétés civiles ou les sociétés agricoles. Sont également visés les GIE, les associations déclarées quelles soient ou non d’utilité publique ou encore les clubs sportifs.

Tous ces groupements ne seront admis au bénéfice de la procédure qu’autant qu’ils seront dotés de la personnalité morale. Les sociétés en formation, de même que les sociétés en participation ou les sociétés crées de fait ne peuvent pas bénéficier de la procédure collective.

Par contre, une société dissoute qui conserve sa personnalité morale pour les besoins de la liquidation peut elle faire l’objet d’une procédure collective.

Enfin, les procédures ne s’appliquent pas non plus aux personnes morales de droit public à savoir les collectivités territoriales ou les personnalités publiques telles que les universités, les hôpitaux car s’ils sont en cessation des paiements, c’est l’Etat qui prend en charge leurs dettes.

II- L’extension de la procédure

L’article L621-2 du Code de commerce qui a été modifié par l’ordonnance du 18 Décembre 2008 prévoit qu’à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public, la procédure de sauvegarde peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes dans deux hypothèses :

– en cas de confusion de leur patrimoine avec celui de leur débiteur

– en cas de fictivité de la personne morale.

À cette fin, le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent.

L’extension, si elle est prononcée, aboutit à rétablir le gage des créanciers en englobant dans une procédure unique le patrimoine du débiteur mais aussi celui de la personne publique ou morale objet de l’extension.

A- Les cas d’extension de la procédure

La loi du 26 Juillet 2005, tout en consacrant les deux causes d’extension précitées, n’en a donné aucune définition. Les critères précédemment dégagés par la jurisprudence ont donc du être repris sous l’empire de la loi nouvelle.

1- La confusion des patrimoines

Il y a un flou jurisprudentiel évident.

Cette confusion des patrimoines autorise l’extension de la procédure à un autre débiteur mais elle est subordonnée à la constatation de deux critères qui sont en principe alternatifs.

Le premier critère repose sur la présence d’éléments d’actifs et de passif mélangés de sorte que l’on ne peut pas les rattacher précisément à l’un des patrimoines. Concrètement, les deux personnes ont entendu se comporter comme s’il n’y avait qu’un seul patrimoine. Cette confusion se manifeste par une imbrication des comptabilités de sorte qu’on ne peut répartir les opérations entre les deux personnes.

Le deuxième critère : la présence de flux financiers anormaux. La chambre commerciale emploi plus l’expression de relations financières anormales. Ce deuxième critère est réservé aux personnes morales.

Ces relations financières anormales peuvent résulter de versements de fond sans contreparties ou alors d’une renonciation à percevoir un loyer.

Application des critères ;

° Chambre commerciale, 1er Octobre 2013 : le liquidateur a demandé que la procédure ouverte à l’encontre d’une SARL soit étendue à sa gérante en raison de la confusion de leur patrimoine. Cette dernières était en effet propriétaire de terrains et les avait donnés à bail à la société. Aucun loyer n’avait été réclamé à la société depuis plusieurs années et aucune quittance n’avait été produite. La chambre commerciale a logiquement étendu la procédure à la gérante.

Le non paiement des loyers n’est pas forcément toujours un élément suffisant pour caractériser la confusion des patrimoines comme en témoigne l’abondant et aléatoire contentieux relatif aux relations financières existant entre une société d’exploitation et une SCI. La seconde est bailleur et la première ne lui verse pas de loyer. Ce défaut de paiement ne semble pas constitutif à lui seul d’une relation financière anormale caractéristique d’une confusion des patrimoines.

° chambre commerciale, 10 Juillet 2012 : la chambre commerciale considère que les flux financiers anormaux suffit à caractériser l’imbrication inextricable des patrimoines personnels des deux personnes. La Cour semble se diriger vers une application cumulative des deux critères de confusion à savoir.

° Trois mois plus tard elle semble dire le contraire : chambre commerciale, 30 Octobre 2012 : les constatations et appréciations de la Cour d’appel font ressortir l’existence de relations financières anormales entre la société et l’épouse du dirigeant de la dite société caractérisant la confusion de leur patrimoine. En l’espèce, la société avait pour objet la création et l’entretien de parcs paysagers et cette société avait réalisé d’importants travaux sur des parcs appartenant à l’épouse du dirigeant sans contrepartie. La chambre commerciale prononce l’extension mais sans faire allusion à une imbrication des patrimoines de la société et de l’épouse du dirigeant.

° La chambre commerciale s’est prononcée sur ces aspects là par trois décisions rendues le 8 Janvier 2013, 19 Février 2013 et 26 Mars 2013. Dans la décision du 19 Février, elle sème le doute à nouveau parce qu’elle considère que « la seule constatation du défaut de paiement des loyers permettant la prise en charge par la locataire de travaux d’aménagement du local loué n’est pas de nature à établir l’imbrication des éléments d’actifs et de passif composant les patrimoines des deux personnes morales. Là, l’extension de procédure est refusée.

On est donc sur une incertitude jurisprudentielle.

Ce principe de confusion des patrimoines est par ailleurs appliqué de façon très rigoureuse par la Cour de cassation comme en témoigne une décision rendue par la chambre commerciale le 17 Septembre 2013. En l’espèce deux sociétés sont placées en redressement judiciaire et la confusion de leurs patrimoines est prononcée par le tribunal. Elles bénéficient toutes les deux d’un plan de redressement qui suite à la défaillance de l’une des deux sociétés est résolu, ce qui entraine l’ouverture d’une liquidation judiciaire à l’égard des deux sociétés, y compris celles qui n’avaient pas été défaillantes dans le cadre du plan. La Cour de cassation considère que la confusion du patrimoine a eu pour objet de créer une seule masse active et passive prise en compte dans une procédure unique et dès lors, le sort du plan de continuation adopté au profit des deux sociétés était nécessairement commun. Depuis la loi du 15 Juin 2010, on doit également tenir compte de la spécificité de l’EIRL.

La loi prévoit en effet la possibilité d’une action en réunion des patrimoines. Elle consiste à faire rentrer dans le patrimoine affecté les biens compris dans le patrimoine non affecté et ce, conformément aux causes classiques de confusion des patrimoines.

2 – La fictivité des sociétés

La notion de fictivité renvoi à la notion de simulation. C’est généralement un critère qui sera évoqué en présence d’une personne morale. Pour qu’il y ait fictivité de la personne morale et extension de la procédure à un autre débiteur, il faut que l’un des éléments requis pour la validité du contrat de société fasse défaut. Le plus souvent, l’élément qui fera défaut sera l’affectio societatis. Les décisions ont aussi pu faire état d’assemblées générales qui n’étaient pas tenues.

Concrètement, il n’y a donc qu’une apparence de personne morale. Ce sera le cas principalement en présence d’un dirigeant de fait ou de droit d’une personne morale qui en réalité exploite le fond à titre individuel et non pas réellement par l’intermédiaire de la personne morale. Dans cette perspective, on peut citer une décision de la chambre commerciale le 15 Octobre 2013. En l’espèce, un artisan avait donné en location gérance à une société le fond de commerce qu’il exploitait depuis plusieurs années. La chambre commerciale a retenu que la dite société ne faisait que continuer l’activité précédente de son dirigeant et qu’elle n’avait aucune autonomie décisionnelle. La procédure de liquidation ouverte à l’encontre de la société a donc été étendue à son dirigeant personne physique.

Ce critère de la fictivité des sociétés sera également appliqué ou retenu dans le cas de deux sociétés qui tout en étant juridiquement autonomes forment en réalité une seule entité.

B – Le régime de l’extension de procédure

1- Les modalités procédurales de l’extension de procédure

Il était traditionnellement convenu que le débiteur ne pouvait pas demander l’extension de procédure (chambre commerciale, 28 Mai 2002) pas plus que ses créanciers.

Seul le mandataire judiciaire, le liquidateur voire l’administrateur judiciaire pouvaient eux demander l’extension de la procédure. Ces possibilités ont été reconduites par l’ordonnance du 18 Décembre 2008. Le tribunal compétent pour l’ouverture de la première procédure sera également compétent pour connaître de l’extension et notamment de l’extension à d’autres personnes morales et ce, où que soit leur siège social.

L’action en extension n’est contenue dans aucun délai. Toutefois, l’extension ne pourra plus intervenir si un plan de sauvegarde ou de redressement a été arrêté au profit du débiteur ou de la personne à laquelle il est envisagé d’étendre la procédure. Par contre, le prononcé de la liquidation judiciaire ne fait pas lui obstacle à l’extension de la procédure qui pourra être prononcée jusqu’à la clôture de la procédure de liquidation.

La chambre commerciale a rappelé dans une décision du 16 Octobre 2012 que seuls les faits antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective peuvent justifier l’extension de la procédure à une autre personne physique ou une autre personne morale. Il peut s’agir de faits intervenus entre la cessation des paiements et la date d’ouverture du jugement mais également de faits qui se sont déroulés sur la période antérieure.

2 – Les effets de l’extension de procédure

L’extension va entrainer l’ouverture d’une procédure unique qui va reconstituer et donc unifier l’actif et le passif entre le débiteur et la personne qui fait l’objet de l’extension.

En conséquence, les créanciers du débiteur en difficulté voient leur gage étendu à la totalité du patrimoine commun. Par contre, les créanciers de la personne à qui la procédure est étendue vont eux subir le concours des créanciers du débiteur en difficulté.

En ce qui concerne les créanciers munis de sûreté, ils conservent leur sureté sur les biens confondus mais uniquement lorsqu’ils sont titulaires de sûreté spéciale comme par exemple une hypothèque puisqu’elle porte sur un bien déterminé.

Par contre, s’agissant de suretés personnelles, le principe est protecteur puisque ces suretés restent cantonnées à la dette initiale.

En pratique, si un cautionnement garanti les engagements d’une société mère il ne peut pas être étendu des engagements des filiales.

La procédure de sauvegarde concerne un débiteur in bonis (pas en cessation des paiements). Il peut être surprenant d’étendre une procédure de sauvegarde d’un autre débiteur alors que le premier n’est pas en cessation des paiements. La justification de cette application se trouve dans la protection des droits des créanciers puisque l’objectif de cette extension est de reconstituer la réalité du patrimoine du débiteur. Dès lors, le seul constat de cessation des paiements ne doit pas aboutir à l’éviction d’une partie du patrimoine du débiteur de la procédure.

Ce faisant, les risques d’extension de la procédure de sauvegarde resteront rares en pratique. En effet, le tribunal qui va décider de l’extension de la procédure à un autre débiteur doit vérifier que la corrélation entre l’actif et le passif qui sera apprécié au regard des deux débiteurs & ne caractérise pas un état de cessation des paiements. Si tel est le cas, le tribunal doit convertir la sauvegarde en redressement judiciaire.

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