Les PGD, une source du droit

Les principes généraux du droit

La notion de principes généraux du droit demeure complexe à définir, en raison de la multiplicité de ses origines et de la variété des termes employés. En droit constitutionnel, on fait référence aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR), présents dans le préambule de la Constitution de 1946. Ces principes, tels que la liberté d’association ou l’indépendance de la juridiction administrative, font partie intégrante du bloc de constitutionnalité, imposant leur respect dans l’élaboration de nouvelles lois.

Les principes généraux du droit jouent un rôle crucial dans l’élaboration et l’application du droit administratif, à la fois par leur quantité significative et par leur qualité, en grande partie issue du travail jurisprudentiel des juges administratifs. En dépit de leur absence d’ancrage dans des textes écrits, ces principes sont des normes incontournables qui s’imposent à l’administration et façonnent les relations entre les citoyens et les autorités publiques.

Nature et spécificités des principes généraux du droit

  • Les principes généraux du droit constituent une source majeure de la légalité administrative, comprenant l’ensemble des règles qui lient l’administration. Leur caractère non écrit les distingue nettement des autres sources normatives, telles que les lois ou règlements. Ils sont définis par le juge, qui en impose le respect, même en l’absence de texte formel.
  • Cependant, ils ne se confondent ni avec les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés dans l’article 34 de la Constitution, ni avec les principes à valeur constitutionnelle établis par le Conseil constitutionnel. Ces derniers possèdent un statut supérieur, ancré dans la Constitution de 1946, tandis que les principes généraux du droit relèvent de la création jurisprudentielle et ont une portée infralégislative et supradécrétale.

Création jurisprudentielle des principes

  • Le juge administratif, à travers ses décisions, crée les principes généraux du droit. L’arrêt « Aramu » de 1945 est souvent cité comme l’arrêt fondateur de cette démarche, affirmant l’application de principes généraux du droit même en l’absence de texte écrit, notamment en matière de respect des droits de la défense.
  • La création de ces principes s’effectue à deux niveaux :
    • La création de la catégorie elle-même, issue de la jurisprudence sans fondement textuel. Le Conseil d’État, dès le XIXe siècle, en a posé les premières pierres, notamment avec des décisions comme l’arrêt « Blanco » de 1873.
    • La création individuelle de chaque principe, comme la non-rétroactivité des actes administratifs ou la liberté du commerce et de l’industrie.

Reconnaissance et portée des principes généraux du droit

  • Ces principes, bien que d’origine jurisprudentielle, sont reconnus et consolidés par d’autres institutions comme le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), cette dernière ayant intégré des principes généraux issus des traditions constitutionnelles des États membres.
  • Les principes généraux du droit ont une portée variée :
    • Infralégislative : Ils se situent en dessous de la loi mais au-dessus des actes administratifs. Le juge peut annuler des règlements contraires à ces principes, mais pas les lois, même si celles-ci y dérogent.
    • Supradécrétale : Ces principes s’imposent aux actes réglementaires, y compris les décrets, et leur non-respect entraîne leur annulation.

Exemples de principes généraux du droit

  1. Liberté : Elle englobe la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et d’opinion, la liberté du commerce et de l’industrie, reconnue en tant que principe fondamental du droit économique.
  2. Égalité : Le principe d’égalité devant la loi, qui trouve des applications dans divers domaines comme l’égalité devant l’impôt ou l’égalité d’accès aux emplois publics.
  3. Sécurité juridique : Ce principe protège les individus contre les changements imprévisibles du cadre légal et assure une certaine stabilité dans l’application des normes.
  4. Non-rétroactivité des actes administratifs : Il empêche l’application rétroactive des décisions administratives, garantissant ainsi une prévisibilité juridique.

La fonction des principes généraux du droit

  • Complément au droit écrit : Ces principes servent à combler les lacunes des textes normatifs. Lorsque le législateur n’a pas prévu de disposition particulière, le juge peut se tourner vers ces principes pour encadrer l’action administrative.
  • Flexibilité : En tant que normes non écrites, ils s’adaptent aux évolutions sociales et aux besoins contemporains. Cette souplesse est essentielle dans une société en constante mutation, permettant de réagir face à des situations non prévues par le législateur.

Débats autour des principes généraux du droit

Les principes généraux du droit suscitent des controverses doctrinales. Certains estiment que le juge se contente de constater des normes déjà existantes, tandis que d’autres affirment qu’il s’agit d’une véritable création normative. La nature non écrite et jurisprudentielle de ces principes soulève également des craintes quant à une possible extension excessive du pouvoir judiciaire, au détriment de la législation démocratiquement établie.

Ainsi, les principes généraux du droit restent une composante clé de l’architecture juridique française, en constant équilibre entre tradition et modernité, tout en assurant la protection des libertés individuelles et le bon fonctionnement de l’administration publique.

Les PGD au niveau international et européen

En droit international, les principes généraux du droit sont reconnus par les nations civilisées et font partie des règles fondamentales de l’ordre juridique international. Un exemple emblématique est l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, une norme universelle incontournable.

Au niveau de l’Union européenne, la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) a, depuis sa décision du 17 décembre 1970 dans l’arrêt « Internationale Handelsgesellschaft », affirmé l’existence de principes généraux du droit de l’Union, issus des traditions constitutionnelles communes des États membres. Parmi ces principes, on retrouve :

  • Le principe de non-discrimination, garantissant l’égalité de traitement entre les citoyens européens.
  • Le principe de subsidiarité, qui veille à ce que l’Union intervienne uniquement lorsque les objectifs ne peuvent être atteints de manière suffisante par les États membres.
  • Le principe de sécurité juridique, qui protège les individus contre les effets rétroactifs des normes et les changements législatifs imprévisibles.

Les PGD au niveau français

En France, le Conseil d’État a rapidement admis l’existence de principes généraux du droit applicables même en l’absence de textes écrits. Dès 1945, avec l’arrêt « Aramu », il a officialisé cette notion. Les principes qu’il consacre peuvent être répartis en deux catégories :

  • Principes de philosophie politique, sur lesquels repose l’État républicain, tels que la liberté, l’égalité et la continuité du service public.
  • Principes de nature technique, comme le respect des droits de la défense, le droit au recours et la non-rétroactivité des actes administratifs, qui garantissent un cadre juridique cohérent et équitable.

La Cour de cassation n’est pas en reste et a également contribué à l’élaboration des principes généraux du droit. Dès le 19ème siècle, elle a consacré le principe d’équité, interdisant à quiconque de s’enrichir aux dépens d’autrui. Plus récemment, elle a affirmé le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui. Ce principe, souvent évoqué en matière contractuelle, vise à garantir une cohérence dans les comportements juridiques.

Le rôle de la sécurité juridique a été souligné par l’assemblée plénière de la Cour de cassation dans son arrêt du 21 décembre 2006, où elle a décidé de moduler dans le temps les effets d’un revirement de jurisprudence. Cette modulation permet de protéger les justiciables contre les effets rétroactifs imprévus, en évitant que de nouvelles règles soient appliquées à des situations passées, lorsque les individus ne pouvaient pas en anticiper les conséquences.

Le rapport annuel de la Cour de cassation en 2006 mettait en avant cette idée de prévisibilité des règles. Il soulignait que l’application rétroactive d’une norme que les justiciables ne pouvaient connaître au moment où ils ont agi serait contraire aux principes de sécurité juridique. Cela démontre bien que les principes généraux du droit forment une catégorie ouverte, susceptible d’une multitude d’applications.

D’où viennent les PGD ?

Le juge occupe une place centrale dans l’élaboration et l’évolution des principes généraux. Ceux-ci proviennent essentiellement des décisions jurisprudentielles, davantage que des textes législatifs. Cela leur confère une capacité d’adaptation en fonction des évolutions de la société, mais suscite également des craintes quant à un pouvoir excessif du juge dans la création du droit. Malgré leur origine souvent ancienne, ces principes sont consacrés officiellement par des arrêts qui leur confèrent force obligatoire.

Tous les principes généraux du droit ne possèdent pas la même force juridique :

  • Les principes généraux du droit public ont une valeur supérieure aux actes administratifs et s’imposent au pouvoir réglementaire.
  • En revanche, les principes généraux du droit privé ne peuvent prévaloir sur les lois en vigueur.
  • Enfin, les principes fondamentaux à valeur constitutionnelle guident le législateur, qui est tenu de les respecter lorsqu’il adopte de nouvelles lois.

Cette diversité rend les principes généraux du droit à la fois indispensables et dynamiques, en perpétuelle interaction avec les besoins sociétaux et les évolutions jurisprudentielles. Ils restent un outil puissant et parfois controversé du juge dans la construction d’un droit qui, bien que non écrit, possède une portée normative indiscutable.