La police administrative : une fonction régalienne au service de l’intérêt général et de la préservation de l’ordre public
La police administrative, en tant qu’instrument de l’administration, poursuit principalement deux objectifs :
- l’intérêt général, notamment par le développement des services publics,
- et la défense de l’ordre public. Ce dernier objectif implique souvent des mesures restrictives vis-à-vis des libertés individuelles. La police administrative, centrée sur la préservation de l’ordre, s’exerce ainsi au travers de prescriptions et d’interdictions visant à encadrer le comportement des individus. Bien que cette activité puisse restreindre certaines libertés, elle est acceptée dans un État de droit tant qu’elle respecte des critères de proportionnalité, de légalité et de nécessité.
la police administrative est une composante de l’action régalienne, servant non seulement à protéger l’intérêt général par le biais des services publics mais aussi à garantir la stabilité de la société en veillant à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques. Elle est donc autorisée à limiter certaines libertés pour protéger un intérêt public supérieur, dans les limites de la proportionnalité et du contrôle juridique exercé par le juge administratif.
René Chapus définit la police administrative comme une activité de service public destinée à maintenir l’ordre public en prévenant les troubles qui pourraient lui nuire. Cette définition met en lumière plusieurs caractéristiques essentielles de la police administrative :
II – La notion de police administrative
1. La police administrative, une activité de service public régalienne
- La police administrative est intimement liée aux missions régaliennes de l’État. Elle diffère des autres services publics en raison de son caractère non déléguable : il est juridiquement impossible pour les collectivités de transférer les pouvoirs de police administrative à des entités privées. Cette interdiction de délégation a été affirmée par la jurisprudence, notamment dans l’arrêt Conseil d’État, 1932, Ville de Castelnaudary, où il fut jugé qu’un maire ne pouvait déléguer les activités de surveillance à une entreprise privée. Cette position a été confirmée par le Conseil d’État, 1994, Commune de Menton, qui réaffirme l’interdiction pour un maire de conclure des contrats de surveillance avec des sociétés privées.
- La police administrative s’inscrit dans une logique de service public non marchand qui vise à préserver l’ordre public à travers des actions de prévention, assurant ainsi la sécurité et la tranquillité publiques.
2. Le maintien de l’ordre public, une priorité de la police administrative générale
- La police administrative générale est destinée à préserver un ordre public global et couvre ainsi divers aspects de la vie sociale, tels que la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques. Cela la distingue des missions spécifiques de la police administrative spéciale, qui s’appliquent à des secteurs particuliers comme la sécurité des transports (police des chemins de fer) ou la protection de l’environnement. Certaines autorités, comme les préfets, disposent de pouvoirs généraux et spéciaux, leur permettant d’intervenir dans divers domaines pour assurer l’ordre public.
- Cette mission préventive est essentielle pour distinguer la police administrative de la police judiciaire, laquelle intervient de manière répressive pour sanctionner les troubles une fois qu’ils se sont manifestés.
3. La notion de police administrative : entre prévention et ordre public
Pour mieux comprendre la police administrative, il est utile de l’examiner sous deux angles :
- La définition du Service public en droit administratif
- Droit administratif L2 : cours et fiches
- La crise du service public
- Les critères d’identification du service public
- Les critères de la distinctions SPA / SPIC
- La distinction SPA / SPIC
- Création et suppression des services publics
- Négativement, elle exclut toute mission de répression. En ce sens, elle se distingue fondamentalement de la police judiciaire, qui se concentre sur la sanction des infractions.
- Positivement, la police administrative est indissociable de la notion d’ordre public, qui représente son objectif central. La police administrative prévient et gère les troubles potentiels, cherchant à maintenir l’harmonie sociale et la paix publique.
II – La distinction entre la police administrative et la police judiciaire
La police administrative et la police judiciaire sont deux composantes essentielles à la préservation de l’ordre public, mais leur distinction repose principalement sur leur finalité respective, ce qui entraîne des conséquences juridiques importantes. Leur différenciation ne peut pas être établie selon des critères organiques, car les mêmes agents sont souvent chargés de missions dans les deux domaines, comme en témoigne l’exemple du gardien de la paix, qui assure tour à tour des missions de maintien de l’ordre (police administrative) et de répression des infractions (police judiciaire). En raison de l’importance de cette distinction, le juge a établi des critères pour définir clairement chaque activité.
- La police administrative et la police judiciaire sont différenciées principalement par leur finalité. La première est préventive et vise à empêcher les troubles à l’ordre public, tandis que la seconde est répressive, avec un objectif de sanction. Cette distinction est importante puisqu’elle implique des régimes juridiques différents : les actions de la police administrative relèvent de la compétence du juge administratif, tandis que celles de la police judiciaire sont placées sous l’autorité du juge judiciaire.
- Cependant, les frontières entre les deux ne sont pas toujours nettes : une opération de police administrative peut devenir judiciaire si une infraction est constatée, par exemple lors de la surveillance d’un événement public. Ce manque de distinction organique pose des défis juridiques, obligeant les autorités à évaluer la finalité de chaque action pour déterminer quel régime de droit s’applique.
A) Le principe de distinction entre la police administrative et la police judiciaire
a) Critère de distinction basé sur la finalité de l’intervention
La distinction se fonde traditionnellement sur la finalité de l’intervention : la police administrative agit de manière préventive, visant à éviter les troubles à l’ordre public, tandis que la police judiciaire est répressive et a pour objectif de constater les infractions et d’en poursuivre les auteurs. Cependant, cette distinction fondée sur la prévention et la répression se révèle insuffisante dans certaines situations, car des actions de police administrative peuvent être entreprises pour mettre fin à un trouble, et certaines opérations de police judiciaire peuvent également viser à prévenir des infractions.
Pour mieux différencier les deux, la jurisprudence a développé un critère finaliste basé sur la finalité de l’opération. Ce critère a été consacré en 1951 par deux décisions majeures :
- Conseil d’État, 11 mai 1951, Consorts Baud : si l’opération est liée à une infraction pénale, elle relève de la police judiciaire.
- Tribunal des conflits, 7 juin 1951, Dame Noualek : si aucune infraction n’est déterminée, il s’agit d’une mission de police administrative.
Ce critère est appliqué de manière large, incluant même les infractions imminentes, éventuelles ou suspectées. Par exemple :
- Dame Barbier (1955) : une intervention visant à intercepter un délit imminent est considérée comme relevant de la police judiciaire.
- Volbrecht (1982) : la poursuite d’un suspect engage la police judiciaire.
- Consorts Ferrand (1981) : l’enlèvement d’un véhicule pour suspicion de stationnement illégal, même infondée, reste du domaine de la police judiciaire.
b) Régimes juridiques distincts
La distinction entre police administrative et police judiciaire a des implications juridiques marquées :
- Compétence juridictionnelle : les litiges liés aux actions de la police administrative relèvent du juge administratif, tandis que ceux de la police judiciaire sont du ressort du juge judiciaire.
- Responsabilité et droit applicable : La police administrative peut être exercée par diverses autorités (État, communes), et les dommages sont pris en charge par la collectivité concernée. La police judiciaire, exclusive à l’État, implique une responsabilité de l’État en cas de dommage.
B) Les difficultés d’application de la distinction
Bien que simple dans son principe, la distinction entre police administrative et police judiciaire pose des problèmes dans les situations où une même intervention pourrait relever des deux catégories, ou lorsque les missions de police changent de nature :
- Opérations mixtes : Les missions mixtes, impliquant à la fois des objectifs de police administrative et judiciaire, sont courantes. Par exemple, lors d’une patrouille visant à assurer la sécurité et à interpeller des suspects, la nature de l’action est qualifiée selon le moment précis où le dommage survient (Tribunal des conflits, Mademoiselle Morvan, 1990).
- Changement de nature d’une opération : Une mission de police peut évoluer d’un type à l’autre :
- De judiciaire à administrative : En cas de mise en fourrière d’un véhicule, l’enlèvement est une opération judiciaire si lié à une infraction ; cependant, la surveillance en fourrière relève de la police administrative.
- D’administrative à judiciaire : Dans l’arrêt Demoiselle Motsch (1977), une opération de contrôle routier se transforme en mission judiciaire lorsque le conducteur tente d’échapper aux autorités, menaçant ainsi l’ordre public.
Lorsque l’enchevêtrement des missions empêche de déterminer précisément la nature de l’opération, le juge privilégie l’origine principale du préjudice. Cette approche a été adoptée dans l’affaire Société Le Profil (1978), où le Tribunal des conflits a tranché que le préjudice résultait principalement d’une mission de police administrative, facilitant ainsi la recherche de responsabilité.
En résumé, la distinction entre police administrative et police judiciaire repose sur la finalité de l’intervention, impliquant des régimes juridiques différents, mais elle s’accompagne de complexités pratiques. Le juge a mis en place des critères pour déterminer la nature de l’intervention, mais les situations mixtes ou évolutives illustrent les limites d’une distinction nette, ce qui entraine parfois des décisions sur la base de l’origine prédominante du préjudice pour simplifier la résolution des litiges.
Questions fréquentes sur la police administrative et son rôle dans la protection de l’intérêt général
Qu’est-ce que la police administrative ?
La police administrative est une composante de l’action régalienne de l’État. Elle vise à protéger l’intérêt général en assurant la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques. Elle se distingue de la police judiciaire en ce qu’elle est préventive : son rôle est de prévenir les troubles à l’ordre public avant qu’ils ne surviennent, par le biais de mesures restrictives et préventives.
Quels sont les objectifs de la police administrative ?
Les principaux objectifs de la police administrative sont de garantir la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques. Elle intervient pour empêcher les comportements et les situations qui pourraient compromettre ces éléments essentiels à la stabilité de la société. Cela inclut la gestion des rassemblements publics, la prévention des nuisances, et la protection contre les risques sanitaires.
La police administrative peut-elle restreindre les libertés individuelles ?
Oui, la police administrative est autorisée à limiter certaines libertés individuelles pour protéger un intérêt public supérieur. Toutefois, ces restrictions doivent respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elles ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de sécurité, de tranquillité ou de salubrité publiques.
Qu’est-ce que le principe de proportionnalité dans l’exercice de la police administrative ?
Le principe de proportionnalité exige que les mesures de police administrative soient adaptées, nécessaires et proportionnées aux risques ou menaces à l’ordre public. Cela signifie qu’une restriction de liberté doit être justifiée par l’ampleur du danger et ne pas dépasser ce qui est strictement requis pour le prévenir. Par exemple, une interdiction totale d’un rassemblement doit être justifiée par des risques graves que des mesures moins restrictives ne pourraient pas encadrer efficacement.
Quel est le rôle du juge administratif dans le contrôle de la police administrative ?
Le juge administratif contrôle les actes de la police administrative pour s’assurer qu’ils respectent la légalité et le principe de proportionnalité. Il vérifie notamment que les mesures de police sont justifiées par des motifs d’ordre public et qu’elles n’imposent pas de restrictions excessives aux libertés individuelles. En cas d’abus ou de disproportion, le juge peut annuler ou ajuster les décisions de police administrative.