La police de la conservation du domaine public

La police de la conservation du domaine public

On trouve au CODE GÉNÉRAL DE LA PROPRIÉTÉ DES PERSONNES PUBLIQUES dans sa 2e partie, un titre qui porte sur la police de la conservation du domaine, sachant que cette police de la conservation comprend les dispositions législatives et réglementaires qui ont pour objet d’assurer la protection de l’intégrité matérielle des dépendances du domaine public, leur conservation au sens propre du terme, ainsi que le respect de cette affectation de ces dépendances à l’utilité publique.

Cette police de la conservation qui a pour objet de conserver l’intégrité matérielle te de faire en sorte que l’affectation soit préservée, cette police a un particularisme accusé, et il ne faut pas se laisser égarer par son appellation de police, car contrairement à la police administrative, qui a un objet essentiellement préventif, la police de la conservation a pour vocation principale de réprimer les atteintes à l’intégrité du domaine public, ou réprimer les mauvaises utilisations du domaine public. Donc caractère répressif et pas seulement préventif, ce qui est le cas pour les polices administrative pourtant.

La police de conservation sanctionne des infractions qui prennent le nom de contravention de voirie, c’est le nom générique qu’on leur donne. Le terme contravention ne doit pas tromper, car il ne s’agit pas d’infraction à caractère pénal, il s’agit d’infraction purement administrative. Le régime de ces contravention est essentiellement administrative, même si dans la police de conservation il faut distinguer d’une part ce qui relève de l’action purement répressive, c’est-à-dire la sanction du comportement contraire à la conservation ou à l’utilisation de la dépendance domaniale, il faut le distinguer de ce qui relève de l’action domaniale, qui a pour objet de faire en sorte que le contrevenant répare les conséquences de son comportement lorsqu’il a porté atteinte à l’intégrité de la dépendance domaniale.

Cette police de conservation a une autre particularité, outre le fait qu’elle se compose de 2 actions, dont l’objet et le régime ne sera pas identique, cette autre particularité est liée au dualisme juridictionnel : le contentieux des contraventions de voirie fait l’objet d’un partage entre les 2 ordres de juridiction. Cet éclatement du contentieux résulte de l’histoire. Historiquement, c’est-à-dire notamment à la période révolutionnaire, la législation distinguait 2 types de contravention de voirie : les contraventions de grande voirie et les contraventions de petite voirie. La loi des 7 et 11 septembre 1990 avait attribué aux tribunaux judiciaires une compétence pour statuer en la matière en ce qui concerne la police de conservation, des grandes routes et chemins vicinaux, ce qui renvoie à la petite voirie. L’administration elle était compétente en matière de grande voirie (pas les routes et chemins vicinaux).

Il y a eu des évolutions. Il faut citer un décret-loi du 28 décembre 1926 qui confie aux tribunaux judiciaires compétence pour connaître des infractions à la police de la conservation des voies publiques, sans distinguer différentes catégories de voie, c’est de manière générale. Tandis que les tribunaux administratifs sont compétents pour connaître des contraventions qui ne portent pas sur des dépendances domaniales qui sont la voirie routière, mais pour les contraventions de grande voirie. Donc compétence judiciaire pour connaître des contraventions de voirie routière, et compétence administrative pour d’autres comportements qui concernent d’autres dépendances domaniales : les contraventions de grande voirie.

Ce double régime contentieux se traduit par le fait que le régime des contraventions de voirie routière fait l’objet d’un renvoi au code de la voirie routière, tandis que le CODE GÉNÉRAL DE LA PROPRIÉTÉ DES PERSONNES PUBLIQUES ne s’intéresse qu’aux contraventions de grande voirie → Articles 2132-1 à 2132-29 CODE GÉNÉRAL DE LA PROPRIÉTÉ DES PERSONNES PUBLIQUES.

Ce droit de la police de la conservation est un droit ancien, des règles archaïques, et le CODE GÉNÉRAL DE LA PROPRIÉTÉ DES PERSONNES PUBLIQUES modernise en partie le régime, mais sans faire disparaître des archaïsmes : donc un régime en demi-teinte : modernisé mais pas totalement.

§1 : Les contraventions de grande voirie

Ces contraventions ne portent pas sur la voirie routière mais ces CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE ne permettent pas de sanctionner toutes les atteintes à l’intégrité du domaine public. Il faut préciser le contenu de cette qualification de contraventions de grande voirie et dire quelques mots sur la procédure applicable.

  • a) La qualification de CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE

Il ne peut y avoir de CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE sans texte. Une CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE résulte nécessairement d’un texte ; c’est ce que rappelle l’article L 2132-2 du CODE GÉNÉRAL DE LA PROPRIÉTÉ DES PERSONNES PUBLIQUES «Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l’amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n’appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l’intégrité ou de l’utilisation de ce domaine public, soit d’une servitude administrative mentionnée à l’article L.2131-1. »

Les articles suivants du CODE GÉNÉRAL DE LA PROPRIÉTÉ DES PERSONNES PUBLIQUES visent 5 catégories du domaine public qui sont protégées au titre de cette police de la conservation, au titre des CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE.

Ces domaines publics sont les suivants :

  • le domaine public maritime
  • le domaine public fluvial
  • le domaine public ferroviaire
  • le domaine public aéronautique
  • le domaine public militaire (domaine public artificiel le plus souvent. Il est cerné par la fonction de ses instigations : installations à but militaire).

Les autres immeubles qui ne sont pas compris dans ces catégories sont exclus du champ de la police de conservation au titre de la CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE. Les meubles, qui peuvent relever du domaine public, ne sont pas protégés au titre de la police de conservation.

Le code va ensuite définir les différentes contraventions de grande voirie, mais cette définition ne concerne que le domaine public maritime et le domaine public fluvial.

Pour les autres domaines publics concernés, inclus dans le champ de cette police de conservation, le code procède à des renvois vers des lois qui régissent spécifiquement ces CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE pour le domaine public ferroviaire, aéronautique et militaire.

Pour le domaine public ferroviaire, il existe une loi ancienne du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer. Pour le domaine public aéronautique, c’est le code de l’aviation civile qui est pertinent, et pas l’article 282-14. Pour le domaine public militaire, c’est un renvoi vers le code de la défense, articles L5121-1 et L5121-2.

Il y a une assez grande diversité des infractions sanctionnées au titre de ces CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE. Ces infractions sont celles qui sont rappelées dans leur principe par l’article L2132-2, puisque ces CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE sanctionnent les atteintes à l’intégrité ou l’utilisation du domaine public, utilisation qui ne serait pas conforme ou compatible avec l’affectation, ou atteinte aux servitudes administratives qui pèsent sur les voisins de la dépendance domaniales, servitudes instituées dans l’intérêt de la dépendance.

Cela couvre une assez grande diversité de situations, comme la détérioration d’un passage à niveau, la pollution des eaux, l’occupation sans titre du domaine public naturel, les dégradations des dépendances domaniales…

Ces infractions, contrairement au terme, ne sont pas de nature pénale mais administrative. Ce que ces CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE répriment, ce sont des atteintes matérielles à l’intégrité du domaine, ou bien des utilisations pas conforment, compatibles avec l’affectation à l’utilité publique. Donc ces infractions sont objectives, matérielles peu importe l’intention de l’auteur, pas le peine de prouver qu’il avait l’intention de les faire, donc contravention de nature administrative.

  • b) La procédure applicable

Ces CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE sont réprimées dans le cadre d’une procédure administrative, dont les règles figurent au code de justice administrative aux articles L774-1 et suivants du Code de justice administrative. Le CODE GÉNÉRAL DE LA PROPRIÉTÉ DES PERSONNES PUBLIQUES procède par renvoi à ce code. On peut distinguer l’engagement des poursuites et les condamnations qui peuvent être prononcés.

1.L’engagement des poursuites

L’engagement des poursuites implique que soit établi un procès-verbal d’infraction par une autorité étatique. Il s’agira des officiers de police judiciaire ou tout autre agent habilité à dresser de tels procès-verbaux d’infraction. Une fois ce procès-verbal dressé, c’est le préfet qui entre en scène. Il dispose d’un délai de 10 jours pour notifier au contrevenant ce procès-verbal d’infraction. Cela résulte de l’article L774-2 du Code de justice administrative. C’est l’Etat, à travers le préfet, qui dispose d’une compétence exclusive pour engager les poursuites en matière de CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE. Ce sera souvent le préfet, mais il peut y avoir des exceptions, particularités : en matière aéronautique par ex, ce seront les représentants locaux de la direction de la sécurité et de l’aviation civile (les services déconcentrés). Mais il existe aussi d’autres dérogations, prévues par les textes. Ex : en matière de domaine public fluvial, c’est le directeur général des voies navigables de France (c’est un EP), qui se substitue au préfet, et qui est donc compétent pour réprimer les atteintes à la conservation du domaine public qui est confié à la garde de cet Etablissement Public. C’est le cas aussi à Paris : le directeur de port autonome de Paris.

En matière de domaine public ferroviaire : article L2232-1 Code des transports dispose que réseau ferré de France exerce concurremment avec l’Etat des pouvoirs en matière de répression des atteintes au domaine public ferroviaire. Compétence concurrente du préfet et du président de réseau ferré de France.

Les personnes qui peuvent être poursuivit au titre des CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE c’est soit la personne qui a commis l’action à l’origine de l’infraction, ou bien la personne pour le compte de laquelle a été commis l’action à l’origine de l’infraction, c’est ici généralement directement le contrevenant. Mais ça peut être aussi la personne sous la garde de laquelle a été commise l’action qui est à l’origine de l’infraction.

De manière plus simple, la personne contrevenante est nécessairement l’auteur matériel de l’infraction. Lorsque la contravention est le fait d’une chose, qui a par ex endommager le domaine public, la personne contrevenante est la personne qui avait la garde effective de la chose (celle qui exerce l’usage, la direction et le contrôle de la chose). Donc le propriétaire de la chose ne pourra pas être poursuivi s’il n’en n’a pas la garde effective alors que c’est son véhicule. C’est important en cas de vol ou location de la chose : c’est la personne qui avait la garde effective de la chose mais ce n’est pas le propriétaire qui sera poursuivi et responsable de la CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE: le propriétaire d’un véhicule volé, dès lors qu’il n’en a plus la garde effective, ne pourra pas être tenu pour responsable de la CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE. Règle qui résulte d’une évolution jurisprudence actée par une décision section 5 juillet 2000 Chevallier (recueil p.294).

Est-ce qu’il existe en la matière un principe d’opportunité des poursuites comme en matière pénale ? Non, pas de principe d’opportunité des poursuites en matière de grande voirie. Les autorités étatiques qui sont chargées de veiller à la bonne conservation du domaine sont tenues d’engager une telle procédure : ça résulte d’un arrêt de section Conseil d’Etat du 23 février 1979 Association des amis des chemins de ronde. Obligation de poursuivre qui conduit à distinguer la police de la conservation à la répression pénale. Ça distingue de la police administrative. Les fondements de cette obligation peuvent être trouvés dans la règle de l’inaliénabilité.

Mais il y a des limites à cette obligation lorsque d’autres Intérêts Généraux que la protection du domaine public font obstacle à l’exercice des poursuites. Toute raison d’Intérêt Général, pas les nécessités de l’ordre public, mais sous réserve que ces raisons que l’autorité administrative va opposer pour ne pas poursuivre, relèvent bien d’un Intérêt Général, et ne soient pas des raisons de pure convenance administrative (il ne faut pas ne pas poursuivre parce qu’on se dit que ça ne sert pas à grand-chose de poursuivre).

Il y a eu une application intéressante concernant l’obligation de poursuivre dans le naufrage de l’Erica : décision Conseil d’Etat 30 septembre 2005 Cacheux. Le préfet du Finistère avait refusé de poursuivre l’affréteur de l’Erica (Total), au titre de la police de la conservation (des CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE), alors qu’il y avait atteinte au domaine public fluvial.

Est-ce que le préfet était fondé à ne pas poursuivre ? Il devait y avoir un Intérêt Général faisant obstacle à ce que le préfet fasse de telles poursuites. Ici, c’était une transaction intervenue entre Total et l’Etat, au terme de laquelle Total s’était engagé au financement du nettoyage du littoral. Conseil d‘Etat dit qu’il était nécessaire de préserver la coopération avec Total pour assurer la dépollution des côtes bretonnes. le Conseil d’Etat a dit que cette exigence était un motif d’Intérêt Général suffisant pour que le préfet ne soit pas tenu d’exercer ses pouvoirs au titre de la police de la conservation. On n’est pas loin d’une convenance administrative.

En plus, le préfet a la possibilité de se désister de son action en cours de procédure lorsqu’au cours de la procédure le contrevenant accepte de verser des sommes nécessaires à la réparation du dommage qu’il a causé.

2.La condamnation

C’est la juridiction administrative qui est compétente pour statuer sur les condamnations encourues au titre des CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE. C’est un contentieux qui fait intervenir le TGI et qui statue à juge unique.

En quoi consistent les condamnations qui peuvent être prononcées ?

Il peut y avoir des condamnations à l’amende, à la réparation des dommages, et le contrevenant devra aussi verser les frais d’établissement du procès-verbal. C’est ce qu’encoure le contrevenant.

On trouve ici résumé la double nature du contentieux des contraventions de grande voirie : l’aspect répressif et réparateur.

En fonction de ces condamnations, selon qu’est en cause l’amende ou réparation du dommage, un régime distinct va s’appliquer, en ce qui concerne la prescription des actions qui peuvent donner lieu à réparation.

L’action répressive (c’est celle qui tend à la contravention d’une amende à la charge du contrevenant) est prescrite dans un délai de 1 an.

En revanche, en ce qui concerne qui doit conduire à la réparation du dommage, il s’agit de l’action domaniale, l’action en réparation du dommage : elle est imprescriptible, car ce qui est en cause c’est l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité du domaine public.

L’article 6 CEDH doit être respecté pour les condamnations.

Mais les réparations ne constituent pas une sanction qui est soumise à l’article 6.

L’amende en elle-même est généralement d’un faible montant. C’est là que le CODE GÉNÉRAL DE LA PROPRIÉTÉ DES PERSONNES PUBLIQUES apporte une forme de modernité à cette police. Généralement, les amendes sont prévues par différents textes, mais le CODE GÉNÉRAL DE LA PROPRIÉTÉ DES PERSONNES PUBLIQUES prévoit dans son article 2132-6, que le juge a toujours la possibilité de prononcer une amende d’un montant équivalent à celui des contraventions de 5e classe du Code pénal. Cette contravention de 5e classe ne peut pas dépasser 1500€. Donc quand Total a pollué les côtes bretonnes, la seule amende que le préfet aurait pu instituer était de 1500€.

Cette amende peut se cumuler avec une sanction pénale lorsqu’il existe une disposition qui prévoit une sanction pour des faits identiques. C’est le cas en matière aéronautique, car on trouve des sanctions qui sont prévues par le code des transports, et qui punissent des actes de malveillance qui concerne les aérodromes, par des peines de 5 ans d’emprisonnement et 5000 € d’amende.

Mais l’aspect proprement civil, réparation à l’atteinte au domaine public, au-delà de l’amende qui pourrait être prononcé, qui est d’un montant modeste, le contrevenant pourra être condamné, et sera condamné à réparer l’atteinte au domaine public, réparation qui donnera lieu au versement de dommages et intérêts, ou bien à une condamnation en nature, c’est-à-dire l’obligation faite au contrevenant de remettre le domaine public en l’état, à ses frais, à sa charge.

Le contrevenant peut être exonéré de cette obligation de réparer l’atteinte au domaine uniquement en cas de force majeure.

 

§2 : Les contraventions de voirie routière

Ces contraventions de voirie routière sont régies par l’article L116-1 et suivant Code de la voirie routière, et la liste de ces infractions est donnée par le code. Ce qui est en cause c’est le fait d’empiéter sur le domaine public routier, de dérober du matériel entreposé sur ce domaine public routier, d’occuper sans titre ce domaine public routier etc. → tout acte qui peut porter atteinte à l’intégrité de ce domaine et des ouvrages du domaine public routier.

Cet article donne compétence au juge judiciaire pour réprimer, pour connaître des litiges qui surviennent en la matière.

En ce qui concerne le régime des contraventions de voirie routière, il y a des similitudes avec celui de CONTRAVENTIONS DE GRANDE VOIRIE : les agents habilités à poursuivre. Ils sont mentionnés à l’article L116-2 code de la voirie routière. Un procès verbal en résulte et est transmis au procureur de la République, transmis aussi à la pers publique propriétaire de la voirie routière (le préfet pour les routes nationales, PDT du conseil général pour les routes départementales, le maire pour les routes communales). Ces autorités ont l’obligation d’engager des poursuites, et s’applique un régime identique. Le contrevenant encourt une peine d’amende, une obligation de réparer l’atteinte et le remboursement des frais de procédure.

C’est une procédure judiciaire