Pourquoi et comment est née la Constitution de la Ve République?

La Constitution de la Ve République ?

  • 08/01/1959 de Gaulle devient le 1er président de la vème République (élu le 21 décembre 1958 par de grands électeurs), la nouvelle constitution qu’il a voulue et conçue a été largement approuvée 3 mois plus tôt. Ce nouveau texte fait du Président de la République la clé de voute des institutions.
  • Janvier 2005 Chirac (1995 à 2002 et 2002 à 2007) est le 5ème Président, mais depuis la dissolution ratée de l’assemblée nationale en 1997 (21 avril 1997) et la victoire de la gauche aux législatives (25 mai et 1er juin 1997), le Président assiste à la mise en œuvre d’une politique intérieure sur laquelle il n’a pas d’emprise ; nous sommes dans la 3ème cohabitation et c’est Jospin qui est 1er ministre depuis 5 ans (1997 à 2002) ; le Président est marginalisé et reste cantonné dans un rôle d’observateur depuis 5 ans.
  • Janvier 2008, son successeur élu en mai 2007, Sarkozy redevient le souverain de la République et en raison de la réforme du quinquennat, s’approprie les pouvoirs du 1er Ministre (hyper présidence).
  • Janvier 2014, après la victoire de Hollande et des socialistes aux législatives de juin 2012, la gauche est revenue au pouvoir depuis 10 ans et pour la première fois contrôle tous les pouvoirs (régionaux et départementaux y compris).

Ces datent illustrent la souplesse et la continuité du régime constitutionnel instauré en 1958.

Les nouvelles institutions instaurées comme thérapie à la crise parlementaire de la 4ème république, ont su absorber toutes les dérives possibles (tentatives de coups d’état, etc…). Il y a une lecture présidentialiste et une autre parlementaire.

Depuis 1958, il y a eu 7 Président de la République et 19 1ers ministres, au fil des alternances politique.

Malgré le fait que 2 candidats avaient en 2012 inscrit dans leur programme l’institution d’une 6ème République, cette chimère s’est estompée. Il y a eu plusieurs révisions. Les modifications constitutionnelles annoncées en 2012 par Hollande sont restées lettre morte (manque de majorité).

C’est le plus long régime excepté la 3ème République.

Section 1. La genèse – la transition constitutionnelle.

Paragraphe 1. Les causes.

Il y a 2 causes identifiables.

A. La faillite constitutionnelle de la 4ème République.

Si la 4ème république a un bon bilan social et économique, sur le plan institutionnel c’est un échec.

1. Un constat édifiant.3 éléments : 

a) L’instabilité ministérielle chronique.

Un gouvernement tous les 6 mois (24 en 12 ans). Cette instabilité illustre l’impossible collaboration entre parlement et gouvernement.

b) Incapacité de l’assemblée nationale à exercer ses fonctions

Difficultés notamment dans sa fonction de voter de la loi ; elle a du mal à trouver des solutions aux problèmes que connait la France, ainsi contrairement à la constitution elle délègue le pouvoir législatif (lois de pleins pouvoirs, il y en eu 31).

c) Le paradoxe institutionnel 

La crise gouvernementale est devenue la modalité usuelle de l’exercice du pouvoir politique. Il n’y a jamais eu de majorité stable au sein de l’assemblée, uniquement des coalitions instables et changeantes ; à chaque problème, un gouvernement (Edgar Faure, le gouvernement à secousses).

2. Les raisons constitutionnelles et politique.

Raisons Constitutionnelle : la 4ème République, c’était la prééminence de l’assemblée nationale (dans la théorie régime parlementaire, mais dans les faits régime d’assemblée).

Raison politique : en raison du mode de scrutin (représentation proportionnelle), il n’existait pas pour un parti politique de majorité absolue à l’assemblée nationale. Les conséquences ont fait que s’est développée la partitocratie.

B. L’incapacité de la 4ème république à résoudre la crise algérienne.

L’impuissance du régime à résoudre la crise algérienne. Cette guerre coloniale (« Evènements d’Algérie ») débute à la toussaint 1954. Elle s’inscrit dans un processus de décolonisation et voit une partie de la population algérienne (FLN) militer pour l’indépendance. La police, puis la gendarmerie, puis l’armé (qui arrive en 1956), vont intervenir. C’est Guy Mollet qui enverra le contingent en 1956 contre l’avis de tous.

En mai 1958, après 3 ans et demi de conflit, les autorités politiques sont incapables de résoudre cette crise. L’armée échappe de plus au contrôle du  gouvernement.

En avril 1958, le gouvernement Félix Gaillard est contraint de démissionner, car l’armée de l’air a bombarder en territoire tunisien (février 1958) des concentrations de soldats FLN sans l’accord du gouvernement (victimes civiles et militaires). Durant 5 semaines, il y aura une vacance du pouvoir face à  l’incapacité de former un gouvernement.

Paragraphe 2. Le détonateur, le 13 mai 1958

Le 13 mai à lieu une manifestation à Alger pour protester contre l’assassinat de 3 soldats français prisonniers du FLN et contre le processus d’investiture de Pierre Pflimlin, qui est perçu comme un libéral qui n’est pas hostile à des négociations avec le FLN. La manifestation dégénère avec la complicité de l’armée en émeute, le siège du gouvernement général d’Alger est pris d’assaut et se constitue le soir même un comité de salut public présidé par le général Massu.

A l’annonce de ces évènements, le processus d’investiture de Pflimlin va s’accélérer, l’assemblée Nationale va l’investir le 14 mai, puis son premier geste sera d’investir des pleins pouvoirs civils et militaires en Algérie, le Général Salan (chef de l’armée en Algérie). Mais Salan fait partie depuis la veille du comité de salut public et est donc factieux, le ver est dans le fruit. Le comité de salut public, Salan convaincu par Massu, lance le jour même un appel pour le retour au pouvoir du Général de Gaulle (qui avait quitté le pouvoir en janvier 1946, il crée le RPF en 1947, il quittera la vie politique en 1952 pour rédiger ses mémoires de guerre, ce sera la traversée du désert, en janvier 1958 moins d’1% des français pensent qu’il reviendra au pouvoir, mais Maurice Duverger dans un article du monde de janvier 1958 titre « Quand » sur le moment du retour au pouvoir de de Gaulle).

Le 15 mai 1958 de Gaulle fait connaitre ses intentions.

Paragraphe 3. Le processus constitutionnel du retour au pouvoir de de Gaulle.

De Gaulle apparait comme le seul homme politique capable de résoudre la crise algérienne. Le 16 mai 1958 il publie un communiqué : « Je me tiens prêt à assumer les pouvoirs de la République ».

Le 19 mai 1958, il tient une conférence de Presse il dira : « utile, si le peuple le veut, comme dans la précédente grande crise nationale (1940)  à la tête du gouvernement de la République française » et « ce n’est pas à 67 ans que je vais commencer une carrière de dictateur » ; désormais son engagement est plus net.

La classe politique freine son retour mais les militaires l’accélèrent.

Le 24 mai, la contagion s’étend à la Corse, où un comité de salut public est instauré et prépare le plan « résurrection » qui consiste en l’envoi de militaires pour prendre le contrôle de la capitale.

De Gaulle veut revenir légalement, mais il se sert de ces pressions. Le 27 mai il dit : « j’ai entamé le processus régulier nécessaire à  l’établissement d’un gouvernement républicain ».

Le 28 mai a lieu une manifestation hostile de la gauche sur le retour de de Gaulle.

Le 29 mai, étape essentielle, le président de la république René Coti adresse un message solennel au parlement qui dit : « soit de Gaulle est investi comme président du Conseil, soit je démissionne ».

Le 30 mai les socialistes se rallient au Général et il est investi le 1er juin comme président du Conseil (329 pour, 224 contre, 36 abstentions).

·         Les « Pour » sont, toute la droite, le MRP et une partie de la SFIO.

·         Les « Contre », les communistes, une partie des socialistes, et le parti  de Mitterrand (UDSR).

Si de Gaulle a accepté c’est sous conditions :

·         Le vote d’une loi de pleins pouvoirs pour son gouvernement pour une durée de 6 mois.

·         La mise en congés du parlement de la 4ème République

·         L’élaboration d’une constitution

Section 2. Elaboration de la constitution du 04/10/1958.

Paragraphe 1. La loi constitutionnelle du 03/06/1958

Attention il y a 2 autres lois à cette même date.

Cette loi constitutionnelle prévoit quelle sera la procédure d’élaboration de la nouvelle constitution.

Une étape préalable est la révision de l’article 90 de la constitution de 1946, qui prévoit la procédure de révision de la constitution et le titulaire du pouvoir constituant dérivé qui est alors le parlement. De Gaulle souhaite modifier le titulaire ; cette loi confie donc le pouvoir constituant dérivé au gouvernement investi le 1er juin 1958.

Hors le gouvernement ne va pas réviser la constitution, mais en changer, d’où fraude à la constitution, qui ressemble à la loi du 10 juillet 1940, mais il ya de grandes différences :

·         En 1940 on n’a pas modifié le titulaire du pouvoir constituant dérivé.

·         En 1940 les pleins pouvoirs constituants sont accordés à un seul homme, en 1958 il est confié au gouvernement.

·         En 1940, le pouvoir constituant de Pétain est illimité, en 1958, la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 prévoit des conditions, des limitations :

5 Limitations sur le fond : 

·         Le suffrage universel (direct ou indirect) est l’unique source du pouvoir.

·         La séparation des pouvoirs exécutifs et législatifs.

·         Le gouvernement est responsable devant le parlement (qualifie la séparation des pouvoirs), ceci indique que le régime est parlementaire et moniste (responsable seulement devant le parlement) selon une séparation souple.

·         L’autorité judiciaire est indépendante.

·         La future constitution devra prévoir des dispositions régissant les relations entre la République Française et les peuples qui lui sont associés.

2 Limitations de procédure ou de forme : 

·         Le gouvernement devra consulter 2 organismes :

o   Le comité consultatif constitutionnel (spécialement créé à l’occasion), il comprend 39 membres, dont 26 représentent le parlement et 13 sont des personnalités qualifiées nommées par le gouvernement.

o   Existe depuis 1800, c’est le Conseil d’Etat, non pas en tant que juge administratif, mais en tant que conseil du gouvernement.

·         Une fois le projet définitivement adopté en conseil des ministres, il sera soumis à référendum.

Paragraphe 2. La procédure d’élaboration et d’adoption.

A. La procédure d’élaboration.

De Gaulle a donné des instructions aux constituants : « Travaillez vite ».

Il faut que le projet soit adopté en conseil des ministres avant le 4/09/1958, date qui a valeur symbolique (04/09/1870 proclamation de la République suite à la chute de Napoléon III).

1. L’élaboration de l’avant-projet gouvernemental. 

Il sera rédigé par 2 organismes qui vont travaillez en parallèle : 

·         Le groupe de travail présidé par Michel Debré (ministre de la justice), il est composé de conseillers d’état et par des professeurs de droit constitutionnel ; ce groupe fait des propositions transmises au comité interministériel.

·         Le comité interministériel, présidé par de Gaulle, avec 4 ministres d’état qui représentent les principaux partis (Guy Mollet, leader de la SFIO – Pierre Pflimlin, un des leaders du MRP ou démocrates-chrétiens – Louis Jacquinot, leader des indépendants – Félix Houphouët Boigny RDA, rassemblement démocratique Africain).

Après un mois et demi, le 29/07/1958, le conseil de cabinet adopte l’avant-projet (tous les membres du gouvernement sous la présidence de son chef).

On y reconnait une triple influence : 

·         Les idées constitutionnelles du Général de Gaulle, qui ont un lien avec l’auteur Raymond Carré de Malberg qui inspire de Gaulle (contribution à la théorie générale de l’état). Dans son discours de Bayeux et dans celui d’Epinal en 1946, de Gaulle avait déjà développé ces idées :

o   L’exécutif ne doit pas procéder du législatif et le président de la République ne doit donc plus être élu par le parlement.

o   Le président de la République nommera le 1er ministre.

o   Le président doit être un arbitre au-dessus des partis politiques (fin de la partitocratie).

o   Le président doit disposer de pouvoirs propres (sans contreseing) et de pouvoirs exceptionnels en cas de crise (futur article 16).

o   L’incompatibilité entre la fonction gouvernementale et la fonction parlementaire.

o   La responsabilité ministérielle devant le parlement.

·         Les idées du principal rédacteur, à savoir de Michel Debré :

o   La rationalisation du parlementarisme

·         L’influence des ministres d’état.

Le principal apport est la rationalisation du parlementarisme (qui deviendra l’article 49-3, héritage de la 4ème République qui alors n’avait pas abouti).

2. La consultation des 2 organismes. 

Le comité consultatif constitutionnel : Il siègera du 29/07 au 14/08/1958 et son influence sera relativement faible, sauf dans les relations entre la République Française et les peuples d’Outre-Mer (dispositions relatives à la communauté).

Le Conseil d’Etat, il en discutera une semaine et après délibération, le 28 août, le conseil d’état transmet son avis à de Gaulle. Le gouvernement de Gaulle opérera les dernières modifications et le 03/09/1958, le projet définitif est adopté en conseil des ministres devant René Coty. Le 04/09/1958 de Gaulle présente au peuple le projet, place de la République à Paris. Lors de cette présentation, l’intervention de de Gaulle est précédée par celle d’André Malraux qui mettra l’accent sur l’aspect plébiscitaire « au-delà du projet vous voterez en réponse à un homme qui tient de l’histoire le droit de nous appeler en témoignage » (ce qui compte c’est de Gaulle pas le texte).

B. L’adoption définitive du projet de constitution.

Ce projet devait être soumis à référendum, qui est organisé le 28/09/1958. Participation 85%, pour un peu moins de 80% de Oui en métropole, Algérie 96% de Oui, dans les territoires d’Outre-Mer ce référendum a une double signification juridique :

·         On accepte ou on rejette la constitution

·         Il fait ici office de scrutin d’auto-détermination (le Non vaut donc indépendance) Le seul à voter NON sera la Guinée qui deviendra donc indépendante (1er président dictateur Seko Touré)

Le 04/10/1958, la constitution est promulguée et entre en vigueur le lendemain après sa publication au JORF.

Paragraphe 3. Les caractéristiques principales du nouveau texte constitutionnel.

La constitution est à la fois de rupture et de continuité. 

C’est une rupture institutionnelle, mais une continuité des grands principes républicains et certaines dispositions avaient été avancées dans les années 30 .

·         Séparation des pouvoirs.

·         Régime parlementaire.

·         Exécutif bicéphale.

·         Parlementarisme rationnalisé.

·         La loi n’est plus à  la première place, contrôle constitutionnel

·         Pouvoirs exceptionnels, article 16.

Paragraphe 4. Mise en place progressive des nouvelles institutions.

L’article 92 (aujourd’hui abrogé) prévoyait des dispositions transitoires, il prévoyait que les nouvelles institutions devaient être mises en place dans un délai de 4 mois après promulgation.

Comme le parlement était en congés, le gouvernement devait prendre par voie d’ordonnances (ayant valeur de lois organiques) la mise en place de ces institutions, le gouvernement en prendra près de 300.

La première institution mise en place est l’assemblée nationale, les élections se déroulent en novembre 1958 (les 23 et 30). Un nouveau parti, l’UNR (Union pour la nouvelle république) n’a pas la majorité mais est soutenu par d’autres partis.

Le 21 décembre 1958 de Gaulle est élu président de la république par des grands électeurs.

Le 08/01/1959 de Gaulle entre en fonction et nomme Michel Debré 1er ministre qui formera un gouvernement de 26 membres dans les jours qui suivent.

Mars 1959, le Conseil Constitutionnel entre en fonction avec 9 membres nommés et 2 membres de droit Vincent Auriol et René Coti (anciens présidents de la république).

Avril 1959 le sénat est élu, tous les pouvoirs publics sont ainsi institués.

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