Le Pouvoir exécutif renforcé sour la Vème République
La Constitution du 4 octobre 1958, fondement de la Vème République, organise un pouvoir exécutif bicéphale partagé entre le Président de la République et le Gouvernement. Cependant, ce partage des compétences est influencé par le contexte politique, notamment la majorité parlementaire en place. Ce système, conçu pour assurer la stabilité de l’État, reflète une prééminence présidentielle renforcée par l’élection au suffrage universel direct depuis 1962.
§1. La prépondérance du président de la République
Elle se manifeste de 2 manières : par son élection et son statut, puis par ses compétences.
- Cours de droit public (L1)
- Nature et origine de l’État : contrat social ou État de nature
- La définition de l’État, caractères et éléments constitutifs
- Formes de l’État : déconcentration, décentralisation, fédéralisme…
- La souveraineté : les théories théocratiques et démocratiques
- La démocratie : définition, formes, mode de scrutin
- La séparation des pouvoirs : principe et critiques
A. L’élection et le statut du président de la République
La fonction présidentielle en France, cœur du système semi-présidentiel de la Vème République, est définie par un processus électoral rigoureux et des règles encadrant son exercice. Depuis l’adoption de la Constitution en 1958, le statut et l’élection du président ont évolué pour s’adapter aux exigences démocratiques et institutionnelles.
1. L’élection du président de la République
Évolution du mode de scrutin
Avant 1962, le président de la République était élu au suffrage indirect par environ 80 000 grands électeurs, incluant des parlementaires et des élus locaux. Ce système, qui favorisait les notables, a été jugé peu représentatif. Le référendum du 28 octobre 1962, initié par Charles de Gaulle, a introduit l’élection au suffrage universel direct, renforçant ainsi la légitimité démocratique du président.
Conditions d’éligibilité
Pour être candidat à la présidence de la République, la Constitution et la loi organique exigent que l’on remplisse plusieurs conditions :
- Être âgé d’au moins 18 ans (depuis 2011, ce seuil de 23 ans a été abaissé à 18 ans).
- Être de nationalité française.
- Ne pas être frappé d’inéligibilité ou d’incapacité juridique.
- Être parrainé par 500 élus, issus d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer, sans dépasser 10 % des signatures d’un même département (loi organique du 18 juin 1976).
Cette règle vise à éviter les candidatures fantaisistes tout en assurant un certain pluralisme.
Organisation de l’élection
L’élection présidentielle est organisée selon des règles strictes :
- Elle se déroule au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
- Premier tour : un candidat est élu s’il obtient la majorité absolue des suffrages exprimés.
- Deuxième tour : seuls les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix au premier tour peuvent se présenter.
- L’élection doit se tenir entre 20 et 35 jours avant la fin du mandat présidentiel sortant (article 7 de la Constitution).
Encadrement financier et transparence
Depuis plusieurs décennies, des mécanismes encadrent strictement les dépenses électorales :
- Le décret n° 2001-2130 du 12 février 2001 fixe un plafond : 14,8 millions d’euros pour le premier tour et 19,7 millions d’euros pour le second.
- Chaque candidat doit transmettre ses comptes de campagne au Conseil constitutionnel dans les deux mois suivant l’élection.
- Une aide financière publique partielle est accordée aux candidats ayant obtenu au moins 5 % des voix.
Exemple récent : en 2017, François Fillon et Marine Le Pen ont vu leurs campagnes scrutées de près par les autorités pour des irrégularités potentielles, mettant en lumière l’importance des mécanismes de contrôle.
Régularité de l’élection
Le Conseil constitutionnel joue un rôle clé :
- Il contrôle la conformité du processus électoral : collecte des parrainages, organisation des scrutins et proclamation des résultats.
- Il peut reporter les élections en cas de décès d’un candidat, comme le prévoient les textes (article 7).
Depuis 1958, dix élections présidentielles ont eu lieu, avec des présidents emblématiques comme :
- Charles de Gaulle (1958, 1965).
- François Mitterrand (1981, 1988), premier président à accomplir deux septennats consécutifs.
- Emmanuel Macron (2017, 2022), plus jeune président élu, à l’âge de 39 ans.
2. Le statut du président de la République
Durée et renouvellement du mandat
L’article 6 de la Constitution fixe la durée du mandat présidentiel à cinq ans (quinquennat), suite à une réforme adoptée par référendum en 2000. Cette durée, alignée sur celle des législatures, vise à limiter les périodes de cohabitation, qui avaient marqué les années 1980 et 1990.
Le mandat est indéfiniment renouvelable. Toutefois, cette possibilité suscite des débats : certains pays, comme les États-Unis, limitent à deux le nombre de mandats présidentiels consécutifs.
Conditions d’exercice du mandat
Le président dispose d’une résidence officielle, l’Élysée, et de ressources matérielles et humaines :
- Une administration civile et militaire : le président est assisté par un cabinet civil, un cabinet militaire et le secrétariat général de l’Élysée, chargé de coordonner ses actions.
- Une dotation budgétaire annuelle pour le fonctionnement de la présidence, qui inclut notamment les frais de déplacement.
Depuis quelques années, des efforts ont été faits pour améliorer la transparence financière de l’Élysée, avec la publication des rapports sur les dépenses présidentielles.
Cas d’interruption du mandat
La fonction présidentielle peut prendre fin avant l’échéance prévue pour plusieurs raisons :
- Démission : Exemple historique, Charles de Gaulle a démissionné le 27 avril 1969, après l’échec d’un référendum.
- Décès : Georges Pompidou est décédé en cours de mandat, le 2 avril 1974.
- Incapacité physique ou vacance : La vacance doit être constatée par le Conseil constitutionnel, souvent à la demande du gouvernement.
- Destitution : L’article 68 de la Constitution prévoit la possibilité de destituer le président en cas de manquement grave à ses devoirs (réforme de 2007). La procédure, initiée par le Parlement, est extrêmement rare.
En cas de vacance, le président du Sénat assure l’intérim, mais ses pouvoirs sont limités. Par exemple, il ne peut ni dissoudre l’Assemblée nationale ni réviser la Constitution. Ce fut le cas d’Alain Poher, président intérimaire après la démission de De Gaulle et le décès de Pompidou.
Irresponsabilité présidentielle
Le président bénéficie d’une irresponsabilité quasi totale pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions :
- Il ne peut être tenu pénalement, civilement ou politiquement responsable.
- Une exception demeure : la procédure de destitution prévue par l’article 68, applicable en cas de manquement grave.
Cette irresponsabilité reste controversée, notamment lorsque des affaires touchant le chef de l’État surviennent. Par exemple, les révélations sur l’affaire des « écoutes de l’Élysée » sous François Mitterrand ont alimenté les débats sur l’immunité présidentielle.
B. Les compétences du président de la République
Le président de la République, sous la Vème République, dispose d’un large éventail de compétences, qui font de lui un acteur central du système politique français. Ces pouvoirs se répartissent entre des pouvoirs propres, qu’il exerce seul, et des pouvoirs partagés, qui nécessitent le contreseing du Premier ministre ou des ministres concernés. La centralité de sa fonction repose également sur son rôle de garant de la Constitution et d’arbitre des institutions, tel que défini par l’article 5 de la Constitution de 1958.
1. Les fonctions fondamentales du président
L’article 5 de la Constitution fixe trois grandes missions au président de la République :
-
Veiller au respect de la Constitution : Le président est le garant de la Constitution et peut à ce titre saisir le Conseil constitutionnel pour vérifier la conformité des lois ou engagements internationaux. Par exemple, Emmanuel Macron a utilisé cette prérogative pour la réforme des retraites en 2023, face à des contestations juridiques sur son adoption par l’article 49.3.
-
Arbitrer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics : En cas de désaccord entre le gouvernement et le Parlement, ou en période de crise institutionnelle, il peut dissoudre l’Assemblée nationale ou nommer un nouveau Premier ministre. Par exemple, François Hollande a nommé Manuel Valls en 2014 pour relancer l’action gouvernementale après les tensions avec Jean-Marc Ayrault.
-
Assurer la continuité de l’État : Le président incarne la souveraineté nationale et veille à l’intégrité du territoire ainsi qu’à l’indépendance de la Nation, notamment dans les affaires de défense et de relations internationales.
2. Les pouvoirs propres du président
Les pouvoirs propres du président, énumérés à l’article 19 de la Constitution, sont exercés sans contreseing ministériel. Ces prérogatives renforcent son rôle prééminent dans le système institutionnel.
A. La nomination du Premier ministre
Conformément à l’article 8 alinéa 1, le président nomme le Premier ministre. En pratique, il désigne le chef de la majorité parlementaire, sauf en période de cohabitation.
- Exemple récent : Après la réélection d’Emmanuel Macron en 2022, Élisabeth Borne a été nommée Première ministre pour piloter la politique gouvernementale, bien que la majorité présidentielle soit relative à l’Assemblée nationale.
Le président peut également demander la démission du Premier ministre en cas de désaccord majeur, comme ce fut le cas avec Édouard Philippe en 2020.
B. Le recours au référendum
L’article 11 permet au président de soumettre au peuple des projets de loi portant sur :
- L’organisation des pouvoirs publics.
- La politique économique ou sociale de la Nation.
- La ratification de traités.
Cette prérogative illustre le lien direct entre le président et les citoyens. Cependant, l’usage du référendum est rare. Le dernier référendum national date de 2005, sous Jacques Chirac, sur la Constitution européenne, qui a été rejetée.
C. Les pouvoirs exceptionnels (article 16)
En cas de crise grave, le président peut concentrer tous les pouvoirs entre ses mains, sous réserve que :
- Les institutions de la République soient menacées.
- Le fonctionnement des pouvoirs publics soit interrompu.
Cette disposition, qualifiée de « dictature légale », a été utilisée une seule fois, par Charles de Gaulle, lors du putsch d’Alger en 1961. Bien que cet article reste controversé, il n’a pas été invoqué lors de crises récentes comme les attentats de 2015 ou la pandémie de COVID-19, où des états d’urgence spécifiques ont été privilégiés.
D. Relations avec le Parlement
Le président dispose de deux prérogatives majeures en relation avec le Parlement :
- Le droit de dissolution (article 12) : Il peut dissoudre l’Assemblée nationale pour provoquer de nouvelles élections, comme ce fut le cas en 1997 sous Jacques Chirac.
- Le droit de message (article 18) : Depuis une réforme de 2008, le président peut désormais s’adresser directement au Parlement réuni en Congrès, renforçant sa capacité d’influence.
E. Saisine et nomination au Conseil constitutionnel
Le président nomme trois des neuf membres du Conseil constitutionnel, dont son président (article 56). Il peut également saisir cette instance pour contrôler la constitutionnalité des lois (article 61) ou la conformité des engagements internationaux (article 54).
3. Les pouvoirs partagés
Les pouvoirs partagés nécessitent un contreseing ministériel et relèvent généralement des fonctions régaliennes ou des relations institutionnelles.
A. Les fonctions régaliennes
-
Chef des armées (article 15) : Le président est la plus haute autorité en matière de défense. Il préside les conseils de défense et décide de l’emploi de la force nucléaire.
- Exemple : En 2019, Emmanuel Macron a annoncé la création d’un commandement militaire spatial, soulignant son rôle dans la stratégie de défense.
-
Affaires étrangères :
- Il nomme les ambassadeurs (article 13) et accrédite les représentants étrangers (article 14).
- Il joue un rôle clé lors des crises internationales, comme le conflit en Ukraine, où Emmanuel Macron a multiplié les rencontres diplomatiques en 2022.
-
Droit de grâce (article 17) : Bien que symbolique, ce pouvoir permet au président de gracier des condamnés. Ce droit a été exercé, par exemple, par François Hollande en faveur de Jacqueline Sauvage en 2016.
B. Relations avec le Parlement
-
Promulgation des lois : Le président dispose d’un délai de 15 jours pour promulguer une loi ou demander une nouvelle délibération.
- Exemple récent : Emmanuel Macron a promulgué la réforme des retraites en avril 2023 malgré une forte opposition sociale et parlementaire.
-
Convocation en session extraordinaire (article 29) : Le président peut réunir le Parlement en dehors des sessions ordinaires, sur proposition du Premier ministre.
-
Révision constitutionnelle (article 89) : Le président peut réunir le Parlement en Congrès pour voter une révision constitutionnelle. Une telle réunion a eu lieu en 2008 pour adopter la réforme constitutionnelle sur la modernisation des institutions.
C. Relations avec le gouvernement
Le président, sur proposition du Premier ministre, nomme les ministres (article 8 alinéa 2). Il joue un rôle clé dans la composition du gouvernement, en veillant à refléter les équilibres politiques.
D. Pouvoir réglementaire
Le président signe les décrets et ordonnances adoptés en Conseil des ministres (article 13). Ce pouvoir réglementaire s’exerce dans des domaines variés, comme la nomination aux plus hauts postes civils et militaires.
§2 La dépendance du gouvernement
A. Le statut des membres du gouvernement
Le statut des membres du gouvernement sous la Vème République est encadré par des règles précises qui reflètent la répartition des pouvoirs au sein de l’exécutif. Ces dispositions concernent à la fois le Premier ministre, chef du gouvernement, et les ministres, qui œuvrent sous son autorité. Voici une présentation actualisée et approfondie de leur statut.
1. Le statut du Premier ministre
Nomination et fonctions du Premier ministre
Conformément à l’article 8 de la Constitution, le Premier ministre est nommé par le président de la République, qui peut également mettre fin à ses fonctions. Cette nomination repose généralement sur la capacité du Premier ministre désigné à constituer une majorité parlementaire stable.
- En période normale, le président joue un rôle déterminant, comme le montre la nomination d’Élisabeth Borne en 2022, choisie pour conduire les réformes prioritaires du président Emmanuel Macron.
- En période de cohabitation, le président est contraint de désigner un Premier ministre issu de l’opposition parlementaire, comme ce fut le cas avec Jacques Chirac en 1986 ou Lionel Jospin en 1997.
Le Premier ministre dispose d’une résidence officielle, l’hôtel de Matignon, et bénéficie d’un ensemble de services pour l’aider à exercer ses fonctions.
Les services du Premier ministre
Les services attachés au Premier ministre jouent un rôle clé dans le fonctionnement du gouvernement. Ils se déclinent en trois catégories principales :
- Le cabinet ministériel : Composé de conseillers politiques et techniques, il assiste directement le Premier ministre dans la prise de décision. Ce cabinet agit comme un mini-gouvernement parallèle, influençant les orientations stratégiques.
- Le secrétariat général du gouvernement (SGG) : Cet organe permanent garantit la coordination entre les différents ministères et la continuité de l’État. Dirigé par un conseiller d’État, il supervise notamment la préparation des conseils des ministres et le suivi des textes législatifs.
- Les services rattachés au Premier ministre : Ces entités spécialisées incluent des organismes comme la Documentation française, la Direction du Journal Officiel, ou des institutions telles que l’École nationale d’administration (ENA, remplacée en 2021 par l’Institut national du service public – INSP) et le Commissariat général au Plan, relancé en 2020 sous la forme d’un Haut-Commissariat au Plan pour anticiper les grandes transformations économiques et sociales.
2. Le statut des ministres
Nomination et hiérarchie des ministres
Les ministres sont nommés par le président de la République, sur proposition du Premier ministre. Dans la pratique, le choix des ministres résulte souvent d’un équilibre entre :
- La nécessité de représenter la majorité parlementaire.
- L’exigence de diversité géographique, politique et sociale.
La composition du gouvernement reflète souvent des enjeux stratégiques. Par exemple, en 2020, un ministère de la Transition écologique renforcé a été créé pour répondre aux préoccupations croissantes liées au changement climatique.
Les ministres se distinguent par une hiérarchie officielle qui comprend :
- Les ministres d’État : Ce titre honorifique désigne une personnalité ou une mission jugée particulièrement importante, comme ce fut le cas pour Nicolas Hulot, ministre d’État chargé de la Transition écologique en 2017.
- Les ministres : Ils dirigent des portefeuilles ministériels classiques (Éducation nationale, Défense, etc.).
- Les ministres délégués : Placés sous l’autorité d’un ministre, ils interviennent dans des domaines spécifiques.
- Les secrétaires d’État : Ils disposent de compétences limitées et ne participent pas systématiquement aux réunions du Conseil des ministres.
Responsabilités et fonctionnement collectif
Chaque ministre est à la tête d’un département ministériel, défini par décret, et participe collectivement aux décisions gouvernementales lors des conseils des ministres. À titre individuel, ils sont responsables de la gestion de leur portefeuille et peuvent édicter des actes réglementaires pour organiser leur ministère.
Par exemple, le ministre de la Santé a pris des arrêtés déterminants durant la crise sanitaire du COVID-19, notamment sur l’organisation des campagnes de vaccination en 2021.
Régime d’incompatibilités et fin des fonctions
L’article 23 de la Constitution prévoit que les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec :
- Tout mandat parlementaire.
- Toute fonction professionnelle ou publique à caractère national.
En pratique, cette règle est parfois contournée. De nombreux ministres conservent des mandats locaux, tels que celui de maire, sous prétexte de rester en contact avec leurs administrés. C’est par exemple le cas de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, qui a conservé son mandat local à Tourcoing pendant une partie de ses fonctions ministérielles.
La fin de fonction des ministres est liée à celle du gouvernement dans son ensemble, mais elle peut également survenir individuellement, en cas de remaniement ou de désaccord politique. Par exemple, Nicolas Hulot a démissionné en 2018, dénonçant un manque d’ambition écologique au sein du gouvernement.
Responsabilité et sanctions des membres du gouvernement
- Responsabilité politique
Les ministres sont collectivement responsables de l’action gouvernementale devant l’Assemblée nationale. Une motion de censure, votée à la majorité absolue, peut entraîner la démission du gouvernement, comme ce fut le cas pour Georges Pompidou en 1962 après un désaccord sur l’élection présidentielle au suffrage universel.
- Responsabilité pénale
Les ministres ne bénéficient pas d’immunité particulière. Pour les actes commis dans l’exercice de leurs fonctions, ils sont jugés par la Cour de justice de la République (CJR), composée de 15 membres :
- 12 parlementaires (6 députés et 6 sénateurs).
- 3 magistrats de la Cour de cassation.
La CJR examine les plaintes déposées par les citoyens lésés par l’action d’un ministre. Par exemple, Édouard Balladur a été jugé devant cette juridiction en 2021 dans l’affaire Karachi, concernant des soupçons de financement illégal de campagne.
En dehors de leurs fonctions, les ministres relèvent des juridictions pénales ordinaires. Un exemple notable est l’affaire judiciaire visant François Fillon, ancien Premier ministre, pour des soupçons d’emplois fictifs.
B. Les attributions du gouvernement
1. Les compétences générales du gouvernement
Conformément à l’article 20 de la Constitution de 1958, le gouvernement dispose d’une compétence générale pour déterminer et conduire la politique de la Nation. Cela signifie qu’il a la charge des grandes orientations politiques dans tous les domaines, qu’ils soient économiques, sociaux, culturels ou diplomatiques. Cette disposition souligne que le gouvernement est l’organe principal de mise en œuvre des politiques publiques.
Dans la pratique, cependant, les marges de manœuvre du gouvernement dépendent largement de la relation entre le Premier ministre et le président de la République. Dans des périodes normales, sans cohabitation, le gouvernement suit généralement les priorités définies par le chef de l’État. Par exemple, les grandes réformes économiques menées sous le mandat d’Emmanuel Macron, telles que la réforme du Code du travail ou celle des retraites, illustrent cette coordination entre le président et le gouvernement.
En période de cohabitation, le gouvernement peut adopter une ligne politique différente de celle du président. C’est ce qui s’est produit durant la cohabitation de 1986-1988 avec Jacques Chirac comme Premier ministre, qui a initié un programme de privatisations en dépit de l’opposition de François Mitterrand, alors président.
Le gouvernement dispose également de moyens matériels et humains pour conduire ses politiques :
- L’administration publique, comprenant des ministères, agences et fonctionnaires.
- Les forces armées, placées sous l’autorité du gouvernement pour les opérations courantes (article 20 de la Constitution). Cependant, les décisions stratégiques majeures, comme l’utilisation de l’arme nucléaire, restent la prérogative exclusive du président.
2. Les compétences spécifiques du Premier ministre
L’article 21 de la Constitution désigne le Premier ministre comme le chef du gouvernement, doté d’un pouvoir d’arbitrage et de coordination. Ses attributions spécifiques en font une figure centrale de l’exécutif.
Attributions générales :
- Le Premier ministre dirige l’action gouvernementale et exerce une autorité sur l’ensemble des ministres. Dans les faits, il peut demander au président de révoquer un ministre en cas de désaccord majeur.
- Il est responsable de l’organisation des élections législatives et de la majorité parlementaire qui soutient le gouvernement.
Pouvoir réglementaire : Le Premier ministre détient un pouvoir réglementaire général qui se manifeste par :
- Des décrets pris en application des lois pour en préciser les modalités d’exécution.
- Des règlements autonomes (article 37 de la Constitution) pour des matières ne relevant pas du domaine législatif.
Par exemple, en 2020, pendant la crise sanitaire liée au COVID-19, des décrets réglementaires ont été pris par le Premier ministre pour imposer des mesures comme les confinements ou l’obligation du port du masque.
Ces actes réglementaires doivent souvent être contresignés par les ministres responsables, conformément à l’article 22 de la Constitution, pour assurer leur exécution.
Pouvoir de nomination : Le Premier ministre nomme certaines autorités administratives, à l’exception de celles dont la nomination revient au président (ambassadeurs, préfets, directeurs d’administration centrale).
Compétences propres : Le Premier ministre exerce également des prérogatives spécifiques en tant que chef du gouvernement :
- Il peut saisir le Conseil constitutionnel pour contrôler la conformité des lois ou des engagements internationaux à la Constitution.
- Il donne son avis sur des décisions présidentielles importantes, comme la dissolution de l’Assemblée nationale ou l’utilisation des pouvoirs exceptionnels de l’article 16.
Par exemple, Élisabeth Borne, actuelle Première ministre, a utilisé son rôle d’arbitre pour gérer les tensions autour de la réforme des retraites en 2023, tout en maintenant l’équilibre budgétaire du gouvernement.
C. Les attributions des ministres
1. Les attributions spécifiques des ministres
Les ministres participent collectivement à la prise de décision en Conseil des ministres, mais chacun d’eux dispose aussi de compétences propres dans son domaine de responsabilité. Ces compétences sont définies par des décrets de répartition, publiés au Journal Officiel, qui précisent les missions et les prérogatives de chaque ministère.
Exemples récents :
- Le ministre de l’Éducation nationale peut être responsable de la réforme des programmes scolaires ou de la gestion de crises spécifiques, comme la rentrée scolaire pendant la pandémie de COVID-19.
- Le ministre de la Transition écologique est chargé de la mise en œuvre des politiques environnementales, comme le plan de sobriété énergétique en 2022 pour faire face à la hausse des prix de l’énergie.
Cependant, certains dossiers peuvent relever de la compétence partagée entre plusieurs ministères. Par exemple, les questions de sécurité intérieure impliquent souvent une collaboration entre le ministère de l’Intérieur et celui de la Justice.
2. Le pouvoir réglementaire des ministres
Bien que théoriquement limités, les ministres disposent d’un pouvoir réglementaire spécifique en tant que chefs de service de leurs départements ministériels. Cela leur permet :
- D’organiser les services relevant de leur ministère.
- De prendre des décisions d’ordre interne pour gérer les ressources humaines ou budgétaires.
Dans certains cas, une loi habilite un ministre à prendre des règlements ayant une portée générale. Par exemple, le ministre de la Santé a édicté des règles générales pour la vaccination obligatoire dans certains contextes en 2021.
Les ministres n’exercent toutefois pas de pouvoir réglementaire autonome, celui-ci étant réservé au Premier ministre et, dans une moindre mesure, au président de la République.