Le pouvoir législatif, critère de la souveraineté royale

Le pouvoir législatif, critère de la souveraineté.

Pouvoir législatif croît de manière continue mais irrégulière entre 14ème et 16ème siècle -> vient de la puissance dont jouit le roi face aux seigneurs féodaux. Entre 16ème et 18ème siècle, tendance générale = intrusion de législation royale dans presque tous domaines du droit. A partir du 16ème siècle, à la suite des écrits d’un philo/juriste J. Bodin, pouvoir législatif = considéré comme 1er pouvoir du roi parmi prérogatives royales. J. Bodin = celui qui va fermement affirmer que pouvoir législatif = en théorie critère de souveraineté. Dans les faits, évolution demeure lente -> jusqu’en 1789, droit privé reste largement régi par coutumes qui sont rédigées donc qui deviennent des lois et dans Sud de la France, droit privé régi par droit romain. Respect pour spécificités locales pour autonomie fait que roi n’intervient pas par la loi dans domaine du droit privé -> ce serait considéré comme atteinte aux libertés privées. Dans domaine du droit public, législation royale prend grand essor entre le 16ème et 18ème siècle car acception plus large -> concerne droit pénal. On considère que droit pénal = rapport public entre un agresseur et toute la société. Essor du pouvoir législatif = corrélée à développement de la monarchie absolue.

Section 1 – Affirmation philosophique de la monarchie absolue.

Entre 13ème et 16ème siècle, mode de pensée dominant = celui de l’idée que justice et droit = immuables et que roi = serviteur & gardien du droit et de la justice. Mais à cette période, position du roi au sein de son royaume s’affermit. On passe de l’idée d’un roi (roi des seigneurs) à un roi souverain dans son royaume. Idée de respect de l’indépendance du peuple s’affaisse -> roi peut toucher par ses lois tous les sujets sans l’écran féodal. Utilisation du concept de justice fait qu’on passe d’une notion de suzeraineté à une notion de souveraineté. Roi parvient à revendiquer statut de celui qui détient monopole de la garde du droit et de la justice -> roi = source de toute justice de telle sorte que, concrètement, on dit que tout justiciable/individu dans le royaume peut faire appel au roi d’une décision judiciaire prise par un seigneur => sujet peut mettre en cause décision du suzerain devant le roi qui ne tranche pas personnellement toutes les affaires -> mise en place d’agents (baillis et sénéchaux) qui rendent justice en appel au nom du roi voire même parfois en 1ère instance lorsqu’ils sont directement saisis. Baillis inventent justice gratuite -> élément de succès des justices royales contre justices seigneuriales. A partir du 14ème siècle, le roi devient producteur du droit mais il ne légifère seulement lorsque c’est, à ses yeux, indispensable. Mais sa volonté est présente. Lois prennent forme d’ordre/commandement. Emergence de conception : loi = volonté du roi. Crise au 16ème siècle : apparition de la religion réformée (Réforme protestante). Chacun se rend à l’évidence qu’on ne peut pas voir monde comme voulu par Dieu, tendu vers sa perfection car on assiste à un déchirement de l’Europe entière dans les guerres violentes que sont les guerres de religion (guerres civiles). Chacun en France, quelque soit issue de ces guerres, est empli du doute quant à capacité à avoir ordre naturel. Naturel = chaos/désordre -> époque au cours de laquelle images/métaphores utilisées pour décrire monarchie changent. Au Moyen-âge, on utilise volontiers image du corps humain mais, à partir du 16ème siècle, métaphore utilisée = celle du roi qui tient gouvernail du navire dans un contexte dangereux. Gagnant des guerres de religion = Etat moderne (institution capable de produire de l’ordre). Pour arriver à produire de l’ordre public, il faut donner des ordres/commander. Le roi n’a plus à se préoccuper principalement de la justice, de l’harmonie –> roi doit être davantage et principalement obéi. Raison d’Etat pas conçue de manière péjorative mais raison raisonnable particulière à l’Etat pour prendre des décisions. Raison d’Etat largement nourrie par source : Machiavel.

1er auteur à conceptualiser loi comme pur commandement : J. Bodin (1576) -> rupture totale avec tradition médiévale sur un certain nombre de points :

  •  Bodin n’estime pas que lois divines & naturelles doivent être chassées du champ politique et juridique

Etape suivante franchie par Thomas Hobbes (1651 Le Léviathan).

2 auteurs ont contribué au positivisme juridique -> est du droit ce qui est posé dans la loi écrite.

  • &1. La révolution machiavélienne.

Machiavel = auteur emblématique de la Renaissance italienne qui se déroule à peu près 1 siècle avant reste de l’Europe. 1er auteur certainement qui a pensé la politique et le droit en rupture complète avec les schémas de pensée du Moyen-âge. C’est un haut fonctionnaire de Florence (secrétaire à chancellerie de Florence) qui connaît très bien relations internationales de son époque. Il n’est pas un homme politique au sens décideur mais ce n’est pas non plus un pur intellectuel. Ouvrage le plus célèbre : Le Prince qui est un recueil pour aider les princes à accéder et à se maintenir au pouvoir. Péninsule italienne au 16ème siècle # Etat mais un agglomérat de petits Etats (principautés, républiques…). Machiavel s’interroge sur problèmes politiques de l’époque : argent,…

A) Les moyens et les fins du politique.

Machiavel se veut avant tout un réaliste -> il ne veut pas montrer monde comme il devrait être mais tel qu’il est (ambitions, conflits…). Conception de l’homme de Machiavel = conception dans laquelle sociabilité # harmonieuse mais conflictuelle. Machiavel ne se préoccupe pas de la question de la justice, de la morale, du droit en soi mais il pense que ces domaines doivent être séparés de se qui est au cœur de la politique -> pour ça, morale, théologie… sont des obstacles et non des moyens de faciliter les choses. Pour conquérir et conserver le pouvoir, il faut 2 choses : force et ruse + accessoirement de la fortune (chance). Formulation nouvelle du rapport entre droit et politique -> avant Machiavel, c’est le fait d’être juste qui justifiait roi. Pour M., justice peut être un obstacle pour le roi pour se maintenir au pouvoir. Ecrits de Machiavel condamnés dans Europe entière -> auteur abject/impie mais auteur qui avait dit une chose importante. Pratiquer crime d’Etat n’est pas du tout quelque chose qui choque dans la logique machiavélienne car il se peut qu’il soit nécessaire pour le maintien au pouvoir mais, en même temps, quelqu’un qui le pratiquerait de manière trop visible, s’exposerait à la détestation de son peuple et pourrait être renversé. Question # justice en soi mais moyens adéquats afin d’arriver au pouvoir. Dans pensée de Machiavel, plus d’opposition entre roi, tyran et résistants à l’oppression (quelqu’un qui veut conquérir le pouvoir). Pas de hiérarchie morale dans pensée machiavélienne. De même pour religion, question # Prince doit respecter religion ou non mais de savoir si religion = utile au Prince pour se maintenir au pouvoir ou non. Certaines religions prônent obéissance au pouvoir politique -> utile pour le Prince.

«Il n’est de pouvoir qui ne vienne de Dieu. Celui qui se rebelle contre l’autorité voulue par Dieu se rebelle contre Dieu lui-même» Paul, Epître aux romains.

«Il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes» Pierre, Nouveau Testament.

Prince doit préférer principe paulinien à principe pétrinien. Machiavel n’est pas hostile à religion mais la juge utile pour maintenir cohésion sociale -> quand il y en a plusieurs, c’est mauvais.

B) La science politique.

Description que fait Machiavel qui considère que justice, religion peuvent aussi bien faciliter que nuire au maintien au pouvoir -> signifie qu’en soi, politique obéit à d’autres lois que celles de la religion ou du droit. Lois de la conquête et maintien au pouvoir sont ceux de la science politique. Il existe un ordre particulier de connaissances/savoirs qui sont lois propres à la science politique. Voie ouverte pour concevoir droit comme simplement mise en œuvre/traduction de ces lois de la Science Politique. Quelles seront lois qu’adopteront Princes ? Celles qui facilitent son accession/maintien au pouvoir. Les Lois sont ni bonnes ni mauvaises seulement utiles au Prince, à la science Politique. On est passé de la souveraineté de la justice à souveraineté du roi. En France, on considère que roi est toujours tenu à justice et religion. Pour Machiavel, Etat = vaisseau dans un monde hostile -> va alimenter conception absolutiste de la monarchie (doctrine différente de la conception médiévale). Autre différence importante entre conception de Machiavel et conception monarchique française (16ème au 18ème siècle), Machiavel n’a pas pensé roi comme personne et comme administrateur d’un pays. Or entre 16ème et 18ème siècle, distinction s’impose en France. Roi de France, à partir du 16ème siècle, n’est pas individu qui par son charisme est à la tête de l’Etat mais il occupe une fonction qui le dépasse (administrateur d’un Etat). Au Moyen-âge, il y a succession de rois et au 16ème siècle, le roi est désigné par les lois fonda du royaume -> Etat devient entité fictive/institutionnelle qui dépasse personne mortelle du roi.

  • &2. La systématisation de J. Bodin.

Bodin = juriste, philosophe et intellectuel du droit angevin qui écrit pendant guerres de religion. Très grande aspiration au respect de l’autorité royale aux vues des désastres que sont guerres de religion. Au-delà ces questions contextuelles, Bodin est un philosophe qui va penser concept moderne de souveraineté qui va être hérité par révolutionnaires.

A) Distinction entre Droit et loi.

Bodin = 1er auteur qui va définir loi au sens moderne («Il y a bien différence entre le droit et la loi. L’un n’emporte rien que l’équité, la loi emporte commandement car la loi n’est autre chose que le commandement du souverain usant de sa puissance») -> nouvelle conception de la loi qui n’a pas à être juste/injuste, bonne/mauvaise… On obéit à la loi parce qu’elle émane d’une autorité jugée légitime. Au 16ème siècle, on croit que pouvoir vient de Dieu et qu’il a choisi telle famille pour gouverner la France. Aujourd’hui, on croit que le pouvoir vient du peuple et que peuple = représenté par classe politique. Question fonda de Bodin -> on obéit à la parce qu’elle émane du souverain. Manière d’être de la loi va changer car elle n’a plus de stabilité intrinsèque car elle n’est qu’un commandement qui peut changer à tout moment en fonction de la volonté du roi. Conviction radicalement nouvelle au 16ème siècle. Bodin distingue loi qui est mouvante, volonté, commandement et droit qui est stable (« emporte équité »). Droit = ce qui reste du sentiment de justice immanente dans le vide/silence de la loi. Juge/roi doit appliquer loi qui est un commandement et quand loi = obscure, il doit appliquer vertu d’équité. Juge peut s’écarter de la lettre de la loi pour laisser plus de place à l’équité -> question du pouvoir d’interprétation du juge et de son ampleur qui est jugée. Pour comprendre cette distinction, exemple du vol en cas de nécessité : une personne vole pour nourrir son enfant promis à une mort certaine s’il n’est pas nourri alors que ses parents n’ont rien. Interprétation stricte de la loi impliquerait que les parents soient punis du fait de la loi qui interdit de voler mais il faut être humain et juste. Que penser d’un juge qui ignorerait le commandement du souverain (roi/peuple) ? Au Moyen-âge, loi n’a existence que si elle est conforme à justice donc, à l’évidence, dans un cas pareil, il faudrait ignorer la loi et appliquer règle de justice. Avec conception de Bodin, il faut appliquer loi si elle n’est pas douteuse et donc on est obligé de condamner acte des parents au nom de la loi en essayant au max de la dispenser d’une peine lourde. Question qui a fait objet d’une jurisprudence célèbre au XIXème siècle (cas de Louise Ménard et juge Magnaud). Mais aujourd’hui, le vol en cas de nécessité n’est pratiquement jamais admis (cas de Françoise B. en 1997).

B) Loi comme expression d’une juste volonté politique.

Si loi n’est que commandement voulu par le souverain, comment ne pas aboutir à un système politique dans lequel roi = despote qui édicte volontés au gré de ses caprices personnels ? Bodin dit que roi = soumis aux lois divines et naturelles mais cette soumission = en quelque sorte chassée du droit positif. Dans cadre de réflexion de la loi, respect des lois divines et naturelles doit fabriquer opinion du roi. Au fond, lois divines et naturelles qui étaient du droit positif car elles obligeaient chacun au Moyen-âge en sont chassées pour devenir considérations politiques, philosophiques qui doivent animer roi en amont de la production de la loi. Finalement, exigence de justice perd de sa juridicité pour rejoindre champ de la morale/politique/du comportement convenable. Aujourd’hui, lorsqu’on entend les personnages politiques, ils entendent tous privilégier droit de chacun et/ou justice -> justice est devenue depuis le 16ème siècle aussi une considération politique et dans rapport de forces politiques, chacun va faire valoir la + grande justice de ce qu’il promet. On est arrivé à la conception que le pouvoir vient du peuple et que ses représentants traduisent sa volonté. Bodin pense que rois devront rendre compte au jour du Jugement dernier du respect des lois. Cependant, en tant que personnalité politique, le roi ne doit pas pouvoir être contesté -> loi reste un commandement unilatéral/incontestable. Roi détient pouvoir absolu (sans liens).

Section 2 – L’exercice du pouvoir législatif royal à l’époque moderne.

  • &1. L’initiative.

En théorie, dans monarchie française, l’initiative du pouvoir législatif appartient au roi seul. En réalité, le roi est certes monarque absolu (nul ne peut s’opposer à sa volonté) mais il gouverne par Conseil/Grand Conseil. En matière législative, conseillers du roi = chancelier du royaume/garde des Sceaux (L’Hospital, D’Aguesseau, Maupeou…), ministres de la Guerre, de la Marine et le contrôleur général des Finances. Etats généraux rassemblent représentants des 3 ordres (députés) à la demande du roi pour savoir quelles lois seraient justes à appliquer. Pas contre-pouvoir mais roi prend décisions sur base de suggestions de doléance/requête exprimée par Etats généraux. Roi sollicite cet avis parce qu’ils sont un moyen de connaître attentes/besoins de ses sujets pour satisfaire attentes du plus grand nombre de ses sujets. A partir de 1614 et jusqu’en 1789, la monarchie ne convoquera plus les Etats généraux car elle les considère comme un contre-pouvoir >< au 16ème siècle où ils sont régulièrement convoqués.

  • &2. La rédaction.

Ce n’est pas le roi qui rédige personnellement les lois -> les différents états des projets de loi (notes) dans bureau des lois. Ça reste flou pour le moment. Roi mentionne très souvent dans la loi que le texte a été pris de son propre mouvement pour suggérer de sa propre volonté mais mention n’est pas du tout fiable : réponse à une attente de telle ou telle partie de la population. Mise en forme en articles & chapitres de la loi est faite dans le bureau du chancelier et de ses auxiliaires mais bien souvent les intéressés par le texte de lois participent à rédaction (juridictions du royaume : parlement de Paris, chambre des comtes…) car ils sont garants de la bonne application de la loi.

  • &3. Entrée en vigueur et publicité des lois royales.

Une fois adoptée, loi = signée par le roi et scellée par chancellerie. Loi peut être juridiquement en vigueur mais tant qu’elle n’est pas publique, comment peut-elle avoir force alors que chacun ignore conditions de la loi ? On donnait lecture de la loi dans les juridictions -> chancellerie envoyait texte au parlement de Paris où le texte était lu devant tous les magistrats pour qu’ils la comprennent et la retiennent puis loi était registrée pour garder une trace de la loi. 1ères lois du roi (13ème-14èeme siècle) faites en 2 exemplaires. Le roi pouvait accepter de revoir lois qui pouvaient porter préjudice à la couronne -> remontrances du roi qui devient au 16ème siècle un véritable droit. Remontrances adoptées lorsque textes déjà scellés et signés par le roi & chancellerie mais ils ne peuvent pas encore être appliqués car pas encre registrés -> possibilité pour juges de donner leur opinion de juristes et quasiment politiques sur lois du roi. Argumentation de ces juges = dire que telle loi pourrait être contraire aux lois fonda du royaume, au droit divin, au droit naturel ou à l’intérêt même de la couronne (ensemble de normes jugées supérieures auxquelles le roi aurait du se plier). Par remontrances, roi affirme sa volonté de voir texte registré ainsi. Par le passé, parlements ont opposé résistance par le biais des itératives remontrances. Mais le roi dispose de moyens pour faire taire parlement -> lettres de jussion (actes de la chancellerie qui ordonne précisément d’enregistré séance tenante lois du roi). Malgré ces lettres, les parlements réitèrent à nouveau remontrances et refusent enregistrement des lois -> séance de lit de justice (arme ultime utilisée principalement au 19ème siècle) qui permet au roi de suspendre justice des juridictions du royaume. Une loi en vigueur sans publicité n’a pas de force -> double entrée en vigueur de la loi S/s AR. Conflit opposant parlements au roi = 3 siècle (15ème au 18ème siècle -> Fronde parlementaire…). 1673 : ordonnance sur contrôle des remontrances. Conflits s’arrêtent avec Révolution française. Une fois loi en vigueur (enregistrée), pouvoir d’interprétation des juges = considérable parce qu’il y a peu de lois, qu’elles ne couvrent pas toutes les questions posées et que les juges sont amenés à juger en absence de textes. Jugements pas motivés sous AR, références aux textes pas mentionnés. Si monarchie absolue dans son principe met roi comme seul auteur de la loi, il est en réalité peu absolu car en amont de la loi, beaucoup de gens interviennent.