Le pouvoir réglementaire des ministres (et autres)

Le pouvoir réglementaire des ministres, des AAI, des personnes privées, etc…

Définition du pouvoir réglementaire : c’est le pouvoir que la Constitution reconnaît à certaines autorités administratives limitativement énumérées de prendre, par voie de disposition générale et impersonnelle, des normes juridiques dont l’objet est d’assurer l’application des règles de droit de niveau législatif ou supra-législatif.

On distingue :

A) Le pouvoir réglementaire général

étudié dans ce lien

Le président partage ses missions administratives avec le premier ministre. Le pouvoir réglementaire général est réparti entre eux. Le pouvoir réglementaire est qualifié de « général » car il est qualifié dans tous les domaines qui ne relèvent pas de la loi, applicable sur tous le territoire et il est applicable même sans un texte législatif.

B.Le pouvoir réglementaire des ministres

Les ministres jouent un rôle essentiel dans nos institutions. Ils sont les chefs d’une administration, les supérieurs hiérarchiques des agents de cette administration. Ils sont les chefs de service.

Pourtant la constitution ne les place pas parmi les titulaires du pouvoir réglementaire. Les titulaires du pouvoir réglementaire général sont le Premier Ministre et le Président de la République.

La pratique et surtout la jurisprudence leurs ont reconnu un certain pouvoir réglementaire. On distingue deux situations selon que les ministres agissent en qualité de chef de service ou en dehors de cette qualité.

  • a) Le pouvoir réglementaire des ministres en dehors de leur qualité de chef de service
  1. Le refus de principe

A chaque fois que le conseil d’état est amené à se prononcer sur cette question, il refuse d’admettre que les ministres disposent du pouvoir réglementaire.

Arrêt société distillerie Brabant, du 23 juillet 1969 : la commissaire du gouvernement avait proposé dans ses conclusions de reconnaitre aux ministres le pouvoir règlementaire. Les raisons du refus sont de 3 ordres :

→ Des raisons textuelles : art 13 et 21 de la constitution : les ministres n’ont pas le pouvoir réglementaire.

→ Des raisons pratiques : il s’agit d’éviter des chevauchements, des contrariétés de règlementation.

→ Des raisons politiques : le Premier Ministre théoriquement est chargé d’assurer la coordination d’action gouvernementale. Le pouvoir réglementaire est un moyen d’assurer cette coordination.

  1. Les atténuations au refus de principe

→ Dans la pratique les véritables auteurs des décrets sont les ministres. Ensuite c’est le Premier Ministre qui donne son aval. C’est le Premier Ministre qui signe et les ministres qui contresignent.

→ La technique de la délégation. Les règles de compétences sont appliquées de manière très rigoureuse par le conseil d’état. Néanmoins pour atténuer leur rigueur on utilise la technique de la délégation. L’autorité compétente délègue sa compétence à une autre autorité. L’article 21 de la Constitution prévoit que le Premier Ministre peut déléguer ses compétences aux ministres notamment le pouvoir réglementaire. Très souvent on assiste à une subdélégation : le parlement fixe un simple cadre et renvoie à des décrets d’application la fixation de la règle. Les décrets d’application renvoient eux-mêmes à des arrêtés ministériels. Le conseil d’état a encadré cette pratique, la jurisprudence est fixée depuis un arrêt du 15 mars 1961 : l’arrêt société des établissements omer-décugis : le conseil d’état considère que le décret doit préciser les mesures qui peuvent prises par arrêtés ministériels.

→ Le législateur, dans certains cas, prévoit que les mesures réglementaires seront prises sous la forme d’arrêtés ministériels.

  • b) Le pouvoir réglementaire des ministres en tant que chef de service

Ce sont les chefs de service d’une administration.

Le conseil d’état a reconnu le 7 février 1936, arrêt Jamart un certain pouvoir réglementaire en tant que chef de service. Ce pouvoir réglementaire appartient à tous les chefs de service : préfets, maires, président d’université, doyen de faculté…

En ce qui concerne les ministres ce pouvoir est essentiel. Il est fondé sur une idée très simple, sur la nécessité d’un fonctionnement régulier des services publics et sur l’idée que toute autorité doit disposer des moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

Ce pouvoir ne peut viser qu’au bon fonctionnement du service.

Le conseil d’état considère que seulement 3 types de mesures peuvent être prises :

  • → Des mesures visant à l’organisation du service : par exemple la poste.
  • → Des mesures de règlementation de la situation des agents. Par exemple, leur rémunération, leurs conditions de recrutement.
  • → Des mesures qui concernent les usagers du service public. Par exemple dans l’éducation nationale, les modalités d’inscriptions.

Ce pouvoir d’organisation des services rencontrent des limites étroites :

Il ne peut s’exercer que dans la mesure où la nécessité du service l’exige. Ce pouvoir ne peut s’exercer qu’envers les seules personnes qui sont en relation avec le service : les usagers et les agents. Ce pouvoir ne peut s’exercer que dans le respect de la réglementation existante. Cela veut dire que le pouvoir réglementaire des ministres peut varier considérablement. Quand il y a déjà une réglementation précise, le ministre ne peut que l’appliquer. En revanche quand la réglementation est très réduite, son pouvoir est beaucoup plus important. Ce pouvoir ne peut jouer que de manière complémentaire à une réglementation existante.

Ceci explique que les ministres vont dans la pratique s’arroger un pouvoir beaucoup plus étendu en utilisant en tant que chef de service la technique des circulaires.

C.Le pouvoir réglementaire des autorités administratives locales

A l’échelon local le pouvoir réglementaire est détenu à la fois par les autorités déconcentrées et décentralisées.

  • Les autorités déconcentrées

Les préfets, principale autorité déconcentrée, disposent du pouvoir réglementaire dans les mêmes conditions que les ministres. Mais aussi ils détiennent le pouvoir réglementaire en tant qu’autorité de police générale.

Le conseil d’état a estimé que les préfets ne pouvaient exercer leur pouvoir de police qu’aux vues de circonstances particulières au département. Le ministre de l’intérieur n’a pas le pouvoir de police générale. Les préfets sont les subordonnés du ministre de l’intérieur. Le ministre a demandé à tous les préfets de prendre le même arrêté. Le conseil d’état à jugé que cette pratique était illégale.

  • Les autorités décentralisées

Elles se sont vues reconnaitre un pouvoir réglementaire. Il trouve son fondement dans les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 72 de la constitution. Les autorités exécutives (maire, président du conseil général, régional) disposent du pouvoir réglementaire en tant que chef de service. Les maires disposent du pouvoir de police général. C’est un pouvoir considérable qui leur permet de réglementer toutes les activités. Le maire ne peut agir qu’en fonction des circonstances propres à sa commune.

D.Le pouvoir réglementaire des personnes privées

Le pouvoir réglementaire appartient également aux organismes privés qui agissent par délégation des personnes publiques et qui gèrent un service public administratif et disposent pour ce faire de prérogatives de puissances publiques.

Un arrêt du 22 novembre 1974, fédération française des fabricants d’articles de sport, le conseil d’état a consacré l’existence d’un pouvoir réglementaire au profit des organismes privés gèrent un SPA (service public administratif) et disposant pour cela de prérogatives de puissance publique.

E.Le pouvoir réglementaire des autorités administratives indépendantes

Les autorités administratives indépendantes sont des organismes étatiques jouant un rôle essentiel. Elles sont chargées d’élaborer, d’appliquer, de faire respecter les règles du jeu dans des secteurs considérés comme sensible. Par exemple essentiellement dans le domaine économique et de l’audiovisuel.

Elles ne sont pas dotées en principe de la personnalité morale. Néanmoins le législateur très souvent leur reconnait un pouvoir réglementaire.

Le conseil constitutionnel dans une décision du 17 janvier 1989 a estimé que cette pratique était constitutionnelle à condition que les mesures prises par les autorités administratives indépendantes aient une portée limitée et qu’elles soient conformes à la règlementation édictée par le Président de la République et par le Premier Ministre.