Le président incarne la stabilité de l’État, disposant de pouvoirs propres (nomination, référendum, dissolution). Il peut concentrer des pouvoirs exceptionnels via l’article 16. Le gouvernement, dirigé par le Premier ministre (II), conduit la politique nationale avec collégialité et solidarité. Ses membres sont pénalement responsables devant la Cour de justice de la République, renforçant la transparence dans un contexte de crises institutionnelles et de contestations sociales.
Lorsque le président de la République et la majorité parlementaire appartiennent à des groupes politiques différents, on parle de cohabitation politique. Lors d’une cohabitation, le président de la République et le gouvernement n’auront pas les mêmes rapports que lorsqu’ils appartiennent au même groupe politique (III). Dans les deux situations, c’est le président qui sera chargé de nommer les membres du gouvernement.
Analyse du président et du gouvernement en France
Aspect | Président de la République | Gouvernement |
---|---|---|
Rôle | Garant de la continuité et de la stabilité de l’État | Conduit et exécute la politique nationale |
Pouvoirs propres | Nomination (Premier ministre, Conseil constitutionnel), dissolution, référendum, article 16 | Aucune autonomie complète, fonctionne par collégialité |
Pouvoirs partagés | Promulgation des lois, nomination d’ambassadeurs, défense nationale | Préparation des lois, gestion budgétaire, coordination ministérielle |
Crises et cohabitation | Pouvoir restreint en cohabitation, arbitre des crises | Rôle accru sous cohabitation, réduit sous majorité présidentielle |
Responsabilité pénale | Irresponsabilité sauf haute trahison (article 68) | Jugement par la Cour de justice de la République pour actes commis dans leurs fonctions |
Exemples récents | Dissolution de Macron (2024), réforme des retraites | Usage du 49.3 par Élisabeth Borne, crise Covid-19 gérée par ordonnances |
Le président est la clef de voûte des institutions, garantissant la stabilité et la continuité de l’État. Cependant, les évolutions récentes, comme la montée des contestations sociales (mouvement des gilets jaunes, réforme des retraites) et la fragmentation politique (dissolution de Macron, motion de censure contre le Gouvernement), posent des défis à cette fonction. La concentration des pouvoirs entre ses mains, surtout en l’absence de cohabitation, est de plus en plus critiquée, appelant à un rééquilibrage institutionnel.
Les pouvoirs propres du président, énumérés à l’article 19 de la Constitution, sont une innovation majeure de la Cinquième République. Ils ne nécessitent pas de contreseing du Premier ministre ou des ministres. Ils renforcent son autorité et son indépendance.
Ces pouvoirs, bien qu’importants, restent exceptionnels :
Ces prérogatives font du président une figure incontournable du régime, incarnant la stabilité et l’autorité.
L’article 16 confère au président des pouvoirs étendus en cas de crise grave.
Conditions de fond :
Conditions de forme :
Pendant l’application de cet article, le président concentre les pouvoirs exécutifs et législatifs. Il peut prendre des mesures d’exception, telles que la création de juridictions spéciales. Toutefois, la durée de ces mesures doit être limitée au strict nécessaire, bien que leur cessation dépende de l’appréciation du président lui-même.
L’article 16 reste critiqué pour son absence de contrôle juridictionnel et le risque d’abus. Les mesures prises sous cet article restent en vigueur après son application, sauf abrogation explicite.
Élection : Depuis le référendum de 1962, le président est élu au suffrage universel direct, renforçant sa légitimité démocratique. Ce mode de scrutin favorise une bipolarisation des forces politiques, même si le paysage électoral est aujourd’hui plus fragmenté, comme l’ont démontré les élections de 2022 avec l’émergence d’une tripartition politique.
Intérim : En cas de vacance ou d’empêchement, le président du Sénat assure l’intérim (exemple : Alain Poher en 1969, après la démission de Charles de Gaulle).
Durée du mandat : Initialement fixée à sept ans en 1958, la durée du mandat a été réduite à cinq ans par le référendum de 2000, visant à aligner l’élection présidentielle avec les législatives pour réduire les risques de cohabitation.
Responsabilité :
Les pouvoirs du président se répartissent en deux catégories : pouvoirs propres et pouvoirs partagés.
Pouvoirs propres (article 19) :
Pouvoirs partagés avec le gouvernement (articles 10 à 52) :
Ces pouvoirs partagés témoignent de l’interdépendance entre le président et le gouvernement, notamment dans la conduite des affaires nationales et internationales.
Depuis 1958, le rôle du président a considérablement évolué :
Consolidation du pouvoir présidentiel : La réforme de 1962 a conféré au président une légitimité populaire directe, renforçant son rôle de chef de l’exécutif de facto.
Domaine réservé : Le président conserve un rôle prépondérant en matière de défense et de relations internationales. Ce « domaine réservé » s’est illustré à plusieurs reprises, comme lors des négociations sur le conflit en Ukraine en 2022 ou les interventions militaires au Sahel.
Cohabitation :
En cas de majorité parlementaire opposée, le président devient un arbitre. Par exemple, François Mitterrand a dû partager le pouvoir avec Jacques Chirac (1986-1988) et Édouard Balladur (1993-1995) et Emmanuel Macron a fait face à deux gouvernements de cohabitation en 2024, limitant son influence sur la politique nationale.
Le gouvernement est une institution importante, oscillant entre l’exercice d’un pouvoir centralisé sous la tutelle du Président et une autonomie relative dans les périodes de cohabitation.
La nomination des membres du gouvernement est une prérogative partagée. Le Premier ministre joue un rôle clé dans la sélection, mais le Président de la République exerce une influence notable, validant les choix et apportant son arbitrage.
Origines des membres du gouvernement :
Fin des fonctions :
Le Président de la République, sur proposition du Premier ministre, peut mettre fin aux fonctions d’un membre du gouvernement. Exemple : La démission de Damien Abad en 2022, sous pression après des accusations de comportements inappropriés, reflète la sensibilité accrue aux controverses.
Le gouvernement est une entité collégiale et solidaire, distincte des individualités qui le composent. Cette solidarité impose que :
Selon l’article 20 de la Constitution, le gouvernement détermine et conduit la politique nationale. Il participe activement à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques.
Rôle dans l’élaboration des lois :
Lien avec le Président :
Le Conseil des ministres, instance clé du gouvernement, incarne la collégialité de ses décisions. Présidé chaque mercredi matin par le Président de la République, il traite des sujets majeurs de l’État.
Compétences normales :
Compétences exceptionnelles :
Le Premier ministre, nommé par le Président, est le chef du gouvernement. Il dispose d’un pouvoir de coordination et de direction de la politique nationale.
Attributions :
Relation avec le Président :
Depuis la révision constitutionnelle de 1993, les membres du gouvernement, y compris le Premier ministre, sont responsables pénalement pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions lorsqu’ils sont qualifiés de crimes ou délits.
Cour de justice de la République (CJR) :
Critiques du système actuel :
Usage contemporain : Il est désormais courant qu’un ministre poursuivi pour des faits graves démissionne volontairement ou à la demande du Premier ministre.
Renforcement de la transparence : Les scandales politiques des dernières décennies ont intensifié les exigences en matière de probité des membres du gouvernement. La nomination de ministres fait désormais l’objet d’une attention accrue quant à leur casier judiciaire et à leur situation fiscale.
Crise de confiance et éthique gouvernementale : La nomination des ministres fait l’objet d’une attention accrue, notamment concernant leur passé judiciaire et leur intégrité financière.
Usage accru des ordonnances : L’adoption de réformes majeures par ordonnances reste une pratique courante pour contourner les blocages parlementaires, comme cela a été observé pendant la crise sanitaire et économique liée à la Covid-19.
La cohabitation politique se produit lorsque le président de la République et la majorité parlementaire appartiennent à des groupes politiques opposés. Cette situation, permise par les institutions de la Cinquième République, modifie profondément les relations entre le président et le gouvernement.
Nomination du gouvernement :
En toute circonstance, c’est le président de la République qui nomme le Premier ministre (article 8 de la Constitution) et, sur proposition de celui-ci, les autres membres du gouvernement. Lors d’une cohabitation, ce choix est contraint par la nécessité de désigner un Premier ministre issu de la majorité parlementaire, afin de garantir la stabilité et la mise en œuvre de la politique gouvernementale.
Partage des compétences :
En période de cohabitation, les rôles respectifs du président et du Premier ministre s’ajustent :
Relations président-gouvernement :
Les interactions entre le président et le gouvernement deviennent plus formelles et limitées. Le chef de l’État agit davantage comme un arbitre ou une figure d’autorité constitutionnelle.
Les décisions politiques :
1986-1988 : François Mitterrand et Jacques Chirac
La première cohabitation a vu François Mitterrand, président socialiste, partager le pouvoir avec Jacques Chirac, Premier ministre de droite. Cette période a été marquée par des tensions, mais aussi par une relative coopération dans le domaine international.
1993-1995 : François Mitterrand et Édouard Balladur
Lors de cette deuxième cohabitation, les relations entre le président et son Premier ministre ont été plus apaisées. Édouard Balladur a conduit une politique de rigueur économique avec une relative autonomie.
1997-2002 : Jacques Chirac et Lionel Jospin
Cette cohabitation, la plus longue, a permis à Lionel Jospin de mener un gouvernement de gauche dans un contexte économique favorable. Jacques Chirac s’est concentré sur son rôle présidentiel classique, notamment en politique étrangère.
Jusqu’en 2024, l’alignement du calendrier électoral instauré par la réforme du quinquennat en 2000 avait considérablement réduit la probabilité de cohabitation. Le président élu bénéficiait d’une majorité parlementaire issue des élections législatives, organisées peu après la présidentielle. Ce mécanisme renforçait la domination du président tout en diminuant les possibilités de contre-pouvoirs internes.
Les élections européennes de 2024, qui ont vu une victoire marquante du Rassemblement national (RN), ont bouleversé cette stabilité apparente. Confronté à une situation politique inédite, le président Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. Cette décision, qui visait probablement à reconfigurer une majorité parlementaire, a abouti à un résultat contraire : la majorité présidentielle a perdu sa prééminence, conduisant à une situation de cohabitation.
Ce tournant historique marque une rupture avec deux décennies de pratiques institutionnelles. La perte de l’alignement des mandats présidentiel et législatif réintroduit une incertitude politique qui pourrait, dans un contexte de fragmentation croissante du paysage politique, rendre les cohabitations plus fréquentes à l’avenir.
Affaiblissement des partis traditionnels
Les élections européennes de 2024 ont confirmé la déstructuration du paysage politique français, amorcée depuis les élections présidentielles de 2017. Le recul des partis traditionnels comme Les Républicains (LR) ou le Parti socialiste (PS) a laissé place à un morcellement politique où plusieurs forces émergent, rendant difficile la constitution de majorités parlementaires stables.
Montée des forces politiques fragmentées
Avec des formations comme le RN, La France insoumise (LFI), et des coalitions comme NUPES, la possibilité d’une majorité absolue pour un parti unique est devenue plus rare. Cette fragmentation complique l’équation politique et augmente les risques de cohabitation, notamment en cas de dissolution ou d’élections anticipées.
La dissolution comme outil à double tranchant
Si la dissolution reste un pouvoir propre du président (article 12 de la Constitution), son usage comporte un risque majeur. La perte de la majorité présidentielle en 2024 illustre le danger de cette stratégie, surtout dans un climat politique instable.
Le cas de 2024 montre que l’équilibre institutionnel de la Ve République peut être remis en question par des événements politiques imprévus. Sans alignement des mandats, le système pourrait se rapprocher de la logique des régimes parlementaires, où la majorité parlementaire devient un facteur déterminant de l’action gouvernementale. Si la fragmentation politique persiste, les cohabitations pourraient redevenir une réalité régulière, rappelant les configurations des années 1980 et 1990.
Avec ce retour possible des cohabitations, la France pourrait connaître une redistribution des rôles institutionnels :
Cours de droit constitutionnel (histoire, institutions…) – Histoire de la IVème et Vème République – L’État : Éléments constitutifs, caractère, origine, forme – La Constitution : définition, élaboration, révision – Le régime démocratique – Les grands systèmes politiques contemporains – Président de la République : statut, élection, pouvoirs, rôle La révision de la Constitution – Démocratie, élections, scrutin et référendum – Président de la République et gouvernement sous la Vème République – Le parlement : organisation et dissolution – Le Conseil Constitutionnel : composition, organisation, rôle
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