Le Président de la République

Selon l’article 5 de la constitution : Le Président veille au respect de la constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. Institué par la Constitution de 1958, le président de la République occupe une place centrale dans le système politique français, en tant que garant des institutions et acteur clé de la vie publique. Cette fonction, définie par l’article 5 de la Constitution, devait initialement se limiter à un rôle d’arbitrage et de régulation.

Toutefois, l’évolution du régime et des pratiques politiques, notamment l’introduction du suffrage universel direct en 1962, ont considérablement renforcé son autorité. Michel Debré le qualifiait de « clef de voûte des institutions », une expression qui reflète la dualité de cette fonction, à la fois garante de la stabilité étatique et tributaire des attentes démocratiques. La pratique du pouvoir, notamment sous la présidence du général de Gaulle, a rapidement dépassé les cadres constitutionnels prévus, inscrivant la présidence dans une dynamique d’expansion de ses attributions.

Ainsi, cette figure hybride, à la frontière entre arbitre institutionnel et acteur politique majeur, mérite une analyse approfondie. Après avoir examiné la définition constitutionnelle et les évolutions du statut présidentiel, il convient d’étudier comment ses pouvoirs se déclinent et s’exercent dans la pratique.

I. La définition constitutionnelle et l’évolution du statut présidentiel

Le statut du président de la République, tel que défini par la Constitution et enrichi par les évolutions institutionnelles, place cette fonction au sommet des institutions françaises. Cependant, l’introduction du suffrage universel direct et la modernisation du mandat ont transformé cette figure initialement arbitraire en un véritable leader politique, pivot central de la Cinquième République.

1. Une fonction fondée sur l’arbitrage et la stabilité

L’article 5 de la Constitution confère au président de la République un rôle essentiel de garant des institutions et de l’ordre public. Il veille au respect de la Constitution et assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l’État. Ce positionnement, inspiré par une vision gaullienne des institutions, repose sur l’idée que le président doit être une figure au-dessus des contingences partisanes, à même d’incarner l’unité nationale.

Dans cette optique, le président est également responsable de la préservation de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale et du respect des engagements internationaux. Cette conception s’inscrit dans une tradition française de valorisation du rôle symbolique du chef de l’État, notamment héritée des Troisième et Quatrième Républiques.

2. L’impact du suffrage universel direct sur la fonction présidentielle

Le mode d’élection du président a profondément évolué avec le référendum de 1962. Alors qu’il était initialement élu par un collège électoral élargi, comprenant des parlementaires et des élus locaux, le suffrage universel direct a renforcé sa légitimité. Ce changement a eu plusieurs conséquences majeures :

  • Une légitimité accrue : L’élection directe par les citoyens confère au président une autorité politique considérable, souvent supérieure à celle du Premier ministre, bien que ce dernier soit théoriquement chef de l’exécutif.
  • Une personnalisation du pouvoir : En inscrivant le président au cœur des enjeux électoraux, cette réforme a contribué à la bipolarisation de la vie politique, avec des campagnes centrées sur des figures charismatiques.
  • Un renforcement de la présidence hors cohabitation : La légitimité populaire permet au président d’imposer son agenda politique, particulièrement lorsque la majorité parlementaire lui est favorable.

3. Une durée de mandat adaptée aux enjeux contemporains

La durée du mandat présidentiel a également évolué. Initialement fixée à sept ans (septennat), elle visait à garantir la stabilité et la continuité de l’État dans un contexte marqué par l’instabilité des institutions sous la Quatrième République. Cependant, cette durée a été réduite à cinq ans (quinquennat) par le référendum du 24 septembre 2000. Ce changement visait plusieurs objectifs :

  • Réduire les périodes de cohabitation : En alignant le mandat présidentiel sur celui des députés, les risques de divergences entre l’exécutif et le Parlement sont limités.
  • Moderniser la fonction : Le quinquennat favorise une gouvernance plus dynamique, alignée sur des cycles politiques plus courts et sur les attentes contemporaines des électeurs.

4. La responsabilité du président : une question encadrée mais limitée

La responsabilité présidentielle est définie de manière restrictive par la Constitution :

  • Responsabilité politique : Le président est principalement responsable devant les électeurs. Les référendums ou les élections présidentielles constituent les seuls mécanismes de sanction politique.
  • Responsabilité pénale : L’article 68 limite la responsabilité pénale du président à des cas de haute trahison, jugés par la Haute Cour de justice. Toutefois, la jurisprudence (décision du Conseil constitutionnel de 1999) a confirmé l’immunité du président pour tous les actes accomplis durant son mandat, rendant toute poursuite impossible tant qu’il est en fonction.

 

II. Les pouvoirs constitutionnels du président de la République : entre autonomie et partage

1. Les pouvoirs propres : une innovation majeure de la Cinquième République

Les pouvoirs propres du président de la République, définis à l’article 19 de la Constitution, se caractérisent par leur exercice sans contreseing du Premier ministre ou des ministres concernés. Ces prérogatives, qui renforcent l’indépendance présidentielle, marquent une nette rupture avec les pratiques des régimes antérieurs.

  • Nomination du Premier ministre (article 8) : Le président désigne le chef du gouvernement, une décision fondamentale dans la structuration de l’exécutif. Bien que cette nomination doive tenir compte des équilibres parlementaires, elle témoigne du rôle prépondérant du président dans la formation de la politique nationale.
  • Recours au référendum (article 11) : Le président peut consulter directement les citoyens sur des projets de loi relatifs à l’organisation des pouvoirs publics, à des réformes économiques ou sociales. Cet outil démocratique a été utilisé pour des sujets cruciaux, comme l’approbation de la Constitution européenne en 2005.
  • Dissolution de l’Assemblée nationale (article 12) : Le président peut mettre fin au mandat des députés et convoquer de nouvelles élections législatives. Ce pouvoir, utilisé pour résoudre des crises politiques ou rétablir une majorité parlementaire, a été exercé par François Mitterrand en 1981 et en 1988, et par Jacques Chirac en 1997.
  • Pouvoirs exceptionnels (article 16) : En cas de crise grave menaçant l’intégrité de l’État ou le fonctionnement des institutions, le président peut concentrer l’ensemble des pouvoirs. Ce mécanisme, utilisé par Charles de Gaulle en 1961 lors du putsch d’Alger, confère au président des prérogatives étendues, mais reste encadré par le Conseil constitutionnel et le Parlement.
  • Nomination de membres du Conseil constitutionnel (article 56) : Le président désigne trois membres de cette institution et son président, influençant ainsi la juridiction chargée de veiller au respect de la Constitution.
  • Saisine du Conseil constitutionnel (articles 54 et 61) : Il peut demander le contrôle de constitutionnalité des traités ou des lois avant leur promulgation, un outil essentiel pour garantir leur conformité avec les principes constitutionnels.

Ces pouvoirs propres confèrent au président une capacité d’intervention directe dans les affaires de l’État, renforçant son rôle de gardien des institutions.

2. Les pouvoirs partagés : un exercice collaboratif du pouvoir exécutif

En parallèle des pouvoirs propres, le président dispose de prérogatives nécessitant le contresignature du Premier ministre ou des ministres compétents, ce qui reflète le fonctionnement collégial du régime parlementaire. Ces pouvoirs, bien que partagés, permettent au président d’influer significativement sur les orientations gouvernementales.

  • Promulgation des lois (article 10) : Une fois votées par le Parlement, les lois doivent être promulguées par le président, qui peut également demander une seconde délibération avant leur promulgation.
  • Signature des ordonnances et décrets délibérés en Conseil des ministres (article 13) : Ce pouvoir confère au président un rôle dans l’adoption de textes réglementaires majeurs. Il peut, en théorie, refuser de signer, comme l’a illustré la période de cohabitation entre François Mitterrand et Jacques Chirac en 1986.
  • Nomination aux emplois civils et militaires (article 13) : Le président participe aux nominations stratégiques dans l’administration et les forces armées, bien que la révision constitutionnelle de 2008 ait introduit un contrôle parlementaire pour certaines nominations sensibles.
  • Accréditation des ambassadeurs (article 14) : Le président joue un rôle central dans la représentation diplomatique de la France, contribuant à la définition des grandes orientations de politique étrangère.
  • Commandement des armées (article 15) : En tant que chef des armées, il dispose d’un rôle prépondérant en matière de défense, présidant les conseils et comités relatifs à la sécurité nationale.
  • Négociation et ratification des traités (article 52) : Le président représente la France sur la scène internationale, bien que ces actes nécessitent parfois une autorisation parlementaire.
  • Présidence du Conseil supérieur de la magistrature (article 65) : Cette fonction confère au président un rôle dans la gouvernance judiciaire, renforçant son statut de garant de l’indépendance judiciaire.

Ces prérogatives partagées traduisent l’équilibre entre la prééminence présidentielle et la collaboration avec le gouvernement, garantissant une continuité dans l’action de l’exécutif.

3. Une lecture pragmatique des pouvoirs : le rôle des circonstances et des pratiques politiques

Si les pouvoirs présidentiels sont clairement définis par la Constitution, leur exercice dépend fortement du contexte politique et des dynamiques institutionnelles :

  • Périodes de concordance : Lorsque le président et la majorité parlementaire appartiennent au même camp, le chef de l’État exerce pleinement ses prérogatives, orientant les grandes politiques nationales.
  • Périodes de cohabitation : Dans ce cas, le président doit composer avec un Premier ministre issu de l’opposition, ce qui réduit son influence sur la politique intérieure. Toutefois, il conserve une autorité prépondérante sur son « domaine réservé », à savoir la défense et les affaires étrangères.

Exemple : Sous la cohabitation de 1997-2002, Jacques Chirac a dû s’effacer sur les questions intérieures face au Premier ministre Lionel Jospin, tout en jouant un rôle actif dans les affaires internationales, notamment lors des débats sur l’élargissement de l’Union européenne.

 

III. Les pouvoirs du président dans la pratique de la Cinquième République

1. Une fonction transformée par la pratique politique

Bien que la Constitution de 1958 ait conçu la présidence comme une fonction d’arbitrage, la pratique a rapidement dépassé cette vision initiale. Dès son investiture, le général de Gaulle a imposé un style présidentiel fort, redéfinissant les rapports entre le chef de l’État et les autres institutions. Sa gestion habile de la crise algérienne (1958-1962) a consolidé sa position en tant qu’acteur politique principal, marquant ainsi la naissance du « domaine réservé », centré sur la défense et les affaires étrangères.

Des exemples marquants

  • De Gaulle et le référendum de 1962 : En imposant la réforme du mode d’élection présidentielle par référendum, contre l’avis de nombreux parlementaires, de Gaulle a renforcé la légitimité démocratique de la fonction présidentielle.
  • Mitterrand et la cohabitation (1986-1988) : Pendant cette période, le président a limité son rôle aux affaires internationales et de défense, tout en laissant Jacques Chirac gérer les questions intérieures. Cette période a démontré la flexibilité des institutions face à des configurations politiques complexes.
  • Macron et les crises récentes: L’exemple le plus récent est celui d’Emmanuel Macron, dont le rôle a été crucial durant la pandémie de COVID-19. Son leadership dans la gestion des confinements, des campagnes de vaccination et des plans de relance économique a illustré la centralité du président en temps de crise.

2. Une présidence tributaire des contextes politiques

Le rôle du président varie selon qu’il bénéficie d’une majorité parlementaire favorable ou qu’il doit cohabiter avec une opposition. Ce contraste est particulièrement visible dans les périodes suivantes :

  • En période de concordance : Lorsque la majorité parlementaire soutient le président, ce dernier peut imposer son agenda. Par exemple, Nicolas Sarkozy (2007-2012) a initié des réformes ambitieuses, telles que la réforme des retraites en 2010, grâce à une majorité unifiée.
  • En période de cohabitation : Le président se recentre sur ses prérogatives constitutionnelles, notamment son « domaine réservé ». Jacques Chirac a illustré cette situation de 1997 à 2002 en partageant le pouvoir avec Lionel Jospin, Premier ministre de gauche. Il en est de même pour Emmanuel Macron qui a partagé le pouvoir avec Michel Barnier en 2024.

Ces exemples montrent que le président reste une figure dominante, même dans les périodes où son pouvoir semble limité.

IV. Une évolution des pouvoirs présidentiels sous l’influence des réformes récentes

1. La révision constitutionnelle de 2008 : un encadrement renforcé des prérogatives

La révision de 2008, portée par Nicolas Sarkozy, a marqué une évolution majeure dans l’exercice des pouvoirs présidentiels. L’objectif principal était de moderniser les institutions tout en limitant certains excès liés à la concentration du pouvoir.

Principaux changements

  • Introduction d’un droit de parole devant le Parlement (article 18) : Le président peut désormais s’exprimer directement devant les députés et les sénateurs réunis en Congrès, renforçant sa connexion avec le pouvoir législatif. Ce droit a été exercé pour la première fois par Nicolas Sarkozy en 2009, suivi par François Hollande et Emmanuel Macron.
  • Encadrement des nominations (article 13) : Pour certaines fonctions stratégiques, telles que celles ayant une forte influence économique ou sociale, le Parlement dispose d’un droit de veto. Cela limite le caractère discrétionnaire des nominations présidentielles.
  • Limitation des mandats présidentiels à deux consécutifs : Cette mesure vise à éviter les dérives liées à l’hyper-présidence et à garantir un renouvellement démocratique.

2. La place renforcée des crises contemporaines dans la pratique présidentielle

Les crises récentes ont accentué la centralité du président, illustrant à la fois la flexibilité et les limites des institutions françaises.

  • La pandémie de COVID-19 (2020-2021) : Emmanuel Macron a mobilisé les prérogatives présidentielles pour gérer l’urgence sanitaire, notamment via les conseils de défense sanitaires. Cette pratique, bien que critiquée pour son opacité, a permis une gestion centralisée et rapide des décisions, comme l’instauration des confinements ou des pass sanitaires.
  • La guerre en Ukraine (2022)  : Le président a joué un rôle actif dans les négociations internationales et dans l’élaboration de la réponse européenne face à la Russie. En tant que chef des armées, Emmanuel Macron a également supervisé le renforcement de la présence militaire française sur le flanc est de l’OTAN.

 

En résumé, les pouvoirs présidentiels, bien que formellement définis par la Constitution de 1958, ont évolué sous l’influence de la pratique politique et des réformes institutionnelles. Si les crises récentes ont renforcé la centralité du président, les ajustements récents, notamment ceux issus de la révision de 2008, témoignent d’un effort pour équilibrer ses prérogatives avec une exigence croissante de transparence et de démocratie.

Isa Germain

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