Le président des États-Unis
Il est fréquent de voir dire que le président est l’homme le plus puissant de la planète, ce qui n’était certainement pas le but des constituants. Mais l’institution s’est imposée en particulier à cause de l’indiscutable légitimité tirée de l’élection populaire, processus très long et compliqué qui donne à son titulaire malgré un mandat relativement court (4 ans), la capacité à exercer des pouvoirs importants. Nous étudions dans un premier temps l’élection présidentielle américaine (section 1) puis les pouvoirs du président américain (section 2)
Section 1 – L’élection présidentielle
L’élection présidentielle est l’événement central de la vie politique américaine, marquant l’aboutissement d’un processus électoral complexe qui s’étale sur près de deux ans. Ce processus comprend plusieurs étapes, de la collecte de fonds préliminaire à l’installation officielle du président élu au Capitole.
L’élection présidentielle américaine, moment clé de la vie politique nationale, s’étend sur près de deux ans. Ce long processus débute par des phases de collecte de fonds et de pré-campagne, se poursuit par des élections primaires et des conventions nationales, et culmine avec la désignation du président au collège électoral.
L’élection présidentielle américaine, avec ses multiples étapes, reflète les spécificités du système fédéral et l’importance accordée à la mobilisation démocratique. Ce processus, bien qu’exigeant et coûteux, reste un pilier de la démocratie américaine, combinant tradition, modernité et enjeux stratégiques de premier plan.
Bien avant les premières primaires officielles, les candidats potentiels s’engagent dans une compétition féroce pour récolter des fonds. Cette étape, appelée money primaries, est cruciale : elle permet de mesurer la capacité des candidats à mobiliser des soutiens financiers, élément déterminant pour rester dans la course.
La collecte de fonds est un indicateur de viabilité politique : sans soutien financier solide, les candidats peinent à financer leurs campagnes publicitaires ou à organiser des événements, ce qui les pousse souvent à se retirer avant les primaires.
Les élections primaires et les caucus constituent la première phase officielle de l’élection présidentielle. Leur objectif est de désigner les délégués de chaque parti qui voteront lors des conventions nationales pour choisir le candidat à la présidence.
Les premières primaires, comme celle du New Hampshire, et le premier caucus, tenu dans l’Iowa, ont une importance symbolique et stratégique. Ces scrutins préliminaires donnent le ton de la campagne en mettant en lumière les favoris et en éliminant les candidats les moins performants.
La phase des primaires s’étend généralement de février à juin de l’année électorale. Par exemple, en 2020, cette période a vu s’affronter des figures démocrates comme Joe Biden, Bernie Sanders et Elizabeth Warren, avant que Biden ne s’impose comme le candidat du parti.
À l’issue des primaires, les délégués de chaque parti se réunissent lors des conventions nationales, événements qui ratifient officiellement la nomination des candidats à la présidence et à la vice-présidence.
Autrefois lieux de débats où plusieurs candidats pouvaient prétendre à l’investiture, les conventions sont aujourd’hui largement symboliques. Depuis les années 1960, le candidat dominant des primaires est connu avant l’ouverture de la convention, réduisant son rôle à une célébration médiatique.
Cependant, le choix du vice-président demeure une décision stratégique annoncée à cette occasion. Ce colistier est souvent sélectionné pour équilibrer le ticket électoral, comme lors de l’élection de 2020, où Joe Biden a choisi Kamala Harris, une figure « progressiste » et issue d’une minorité, pour renforcer son attrait auprès d’un électorat jeune et diversifié. En 2024, Donald Trump choisi J.D. Vance comme vide-président.
Après les conventions, la campagne électorale entre dans sa phase finale, jusqu’au jour de l’élection en novembre. Cette période se caractérise par :
Par exemple, lors de l’élection de 2020, Joe Biden et Donald Trump ont concentré leurs efforts dans des États comme la Pennsylvanie, le Michigan et la Floride, où l’issue du scrutin était incertaine. En 2024, Donald Trump a débattu face à Joe Biden. La prestation de Biden a été si mauvaise que Kamala Harris l’a remplacé.
Le scrutin présidentiel a lieu le premier mardi de novembre. Les citoyens votent pour des grands électeurs, et non directement pour les candidats. Ces grands électeurs, réunis au sein du collège électoral, désignent ensuite le président et le vice-président.
En 2020, Joe Biden a remporté 306 grands électeurs contre 232 pour Donald Trump, grâce à ses victoires dans plusieurs swing states, malgré des contestations sans fondement sur la régularité du vote. En 2024, Trump a largement remporté l’élection face à Kamala Harris. Il l’a battue dans les sept Etats-clés en plus d’avoir gagné le vote populaire sur l’ensemble du territoire
Le processus s’achève avec l’investiture du président élu, le 20 janvier suivant l’élection. Cette cérémonie, qui se déroule au Capitole, symbolise la transition pacifique du pouvoir.
Lors de l’investiture de Joe Biden en 2021, des mesures de sécurité exceptionnelles ont été prises en raison de l’attaque du Capitole survenue deux semaines plus tôt, soulignant les tensions politiques croissantes aux États-Unis
L’une des spécificités des campagnes présidentielles américaines est l’ampleur des sommes dépensées pour convaincre les électeurs. Cette « débauche d’argent » est souvent critiquée, bien que des réformes aient été tentées pour mieux encadrer le financement électoral.
1. Les efforts pour réguler les dépenses
Depuis les années 1970, des mesures ont été introduites pour limiter les dépenses des candidats :
En comparaison, en France, les plafonds de dépenses pour une élection présidentielle sont beaucoup plus bas : environ 20 millions d’euros pour un candidat allant au second tour, ce qui reflète une différence notable dans la gestion des campagnes.
Cependant, ces plafonds de dépense aux États-Unis ne concernent que les fonds réglementés, appelés hard money, qui incluent les dons directs aux candidats et sont soumis à des règles strictes.
2. Les sommes astronomiques des campagnes modernes
Malgré ces tentatives de régulation, les dépenses des campagnes américaines continuent de croître de manière exponentielle, principalement en raison de l’utilisation du soft money.
Hard money vs soft money
Par exemple, lors de la campagne de 2020, des super PACs pro-Trump et pro-Biden ont dépensé des centaines de millions de dollars dans des publicités télévisées et en ligne, illustrant l’importance croissante du soft money.
3. Les scandales et les réformes
L’utilisation massive de l’argent dans les campagnes suscite régulièrement des critiques et des scandales concernant l’origine des fonds. Les financements provenant de grandes entreprises, de lobbies ou de particuliers fortunés posent la question de l’influence disproportionnée de certains acteurs économiques sur la politique américaine.
Pour tenter de réduire cette influence, des réformes ont été introduites, comme la loi Bipartisan Campaign Reform Act de 2002, portée par le sénateur républicain John McCain et le démocrate Russ Feingold.
4. Une campagne d’images et de publicités
L’argent investi dans les campagnes est principalement utilisé pour financer des spots publicitaires, souvent négatifs. Ces publicités visent autant à promouvoir un candidat qu’à discréditer son adversaire.
Par exemple :
Ce recours intensif à la publicité, particulièrement à la télévision et sur les réseaux sociaux, reflète une campagne de spectacle, où l’image et les attaques prennent parfois le pas sur le débat d’idées.
Malgré l’enjeu démocratique crucial, la participation aux élections présidentielles reste relativement faible :
Plusieurs facteurs expliquent cette situation :
Pour améliorer la participation, des mécanismes comme le vote anticipé (early voting) et le vote par correspondance ont été largement développés. Ces dispositifs ont joué un rôle crucial lors de l’élection de 2020, où plus de 100 millions d’Américains ont voté avant le jour officiel du scrutin, une mobilisation favorisée par la pandémie de COVID-19.
Cependant, ces systèmes ont également suscité des controverses. Donald Trump a remis en question l’intégrité du vote par correspondance, affirmant sans preuve qu’il facilitait la fraude électorale, ce qui a exacerbé la méfiance d’une partie de l’électorat.
Le collège électoral, pierre angulaire de l’élection présidentielle américaine, est souvent critiqué pour son manque de proportionnalité et son influence démesurée dans certains États. Chaque État attribue un nombre de grands électeurs en fonction de sa population, mais la règle du « Winner takes all » (sauf dans le Maine et le Nebraska) peut entraîner des distorsions entre le vote populaire et le résultat final.
Des exemples récents illustrent ces critiques :
Ces cas alimentent les appels à une réforme du système électoral. Certains plaident pour l’élection directe au suffrage universel, mais de tels changements nécessiteraient une révision constitutionnelle, un processus complexe et peu probable en raison des intérêts divergents des États fédérés.
Le système électoral présidentiel américain, bien qu’emblématique, reflète les contradictions de la démocratie fédérale :
Malgré ses faiblesses, l’élection présidentielle reste un événement unique par son ampleur, mobilisant des millions de citoyens et attirant l’attention mondiale. Cependant, les réformes nécessaires pour répondre aux critiques, notamment sur le financement des campagnes et le collège électoral, continueront de diviser les opinions dans un pays marqué par une polarisation politique croissante.
Le président des États-Unis est une figure centrale du système politique américain, incarnant à la fois le chef de l’État et le chef de l’exécutif. Ses pouvoirs sont définis par la Constitution de 1787, qui établit un équilibre entre l’autorité présidentielle et les autres branches du gouvernement dans un cadre de séparation stricte des pouvoirs.
Chef de l’exécutif
Le président est chargé de veiller à l’exécution des lois adoptées par le Congrès. Il dispose d’un large pouvoir de nomination :
Pouvoir de révocation
Contrairement à d’autres régimes, le président américain peut révoquer librement les membres de son cabinet et d’autres responsables exécutifs. Cette prérogative renforce son contrôle direct sur l’administration.
Direction des affaires militaires
En tant que commandant en chef des armées, le président dispose d’un rôle clé dans la gestion des forces armées. Il peut :
Bien que la Constitution réserve l’initiative législative au Congrès, le président dispose de plusieurs moyens pour influencer le processus législatif.
Discours sur l’état de l’Union
Chaque année, le président adresse un discours au Congrès, exposant les priorités de son administration et suggérant des projets de loi. Ce discours sert également à mobiliser l’opinion publique et à inciter les parlementaires à agir en faveur de son programme.
Pouvoir de veto
Le président peut s’opposer à l’entrée en vigueur d’une loi votée par le Congrès en apposant son veto.
Exemple récent : Donald Trump a utilisé son veto pour bloquer le budget de la défense en 2020, contestant des dispositions limitant son pouvoir de retrait des troupes à l’étranger.
Représentant des États-Unis à l’étranger
Le président est le principal acteur des relations internationales américaines :
Nomination des ambassadeurs
Le président nomme les ambassadeurs, qui représentent les intérêts américains dans le monde. Ces nominations doivent également être confirmées par le Sénat.
Exemple : Joe Biden a réorienté la diplomatie américaine en renforçant les alliances traditionnelles, comme avec l’OTAN, et en revenant dans des accords internationaux comme l’Accord de Paris sur le climat, quitté sous Trump.
Nomination des juges fédéraux et de la Cour suprême
Le président nomme les juges fédéraux, y compris les membres de la Cour suprême, une des institutions les plus influentes des États-Unis. Ces nominations sont soumises à la confirmation du Sénat et peuvent avoir un impact durable sur la politique et la société américaines.
Exemple : La nomination de la juge Amy Coney Barrett par Donald Trump en 2020, quelques semaines avant l’élection présidentielle, a consolidé une majorité conservatrice à la Cour suprême, influençant des décisions clés sur des questions comme l’avortement ou le port d’armes.
Pouvoir de grâce
Le président peut accorder des grâces présidentielles ou commuer des peines, une prérogative qui s’applique généralement aux infractions fédérales.
Bien que le président des États-Unis dispose de pouvoirs étendus, ces derniers sont encadrés par des freins et contrepoids :
Exemple : Les tentatives de Donald Trump pour bloquer la certification des résultats de l’élection de 2020 ont été freinées par des juges fédéraux et par l’opposition de certains membres du Congrès.
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