La presse et l’opinion publique sous la Monarchie Constitutionnelle

LA PRESSE COMME MOYEN D’EXPRESSION POLITIQUE SOUS LA RESTAURATION ET LA MONARCHIE DE JUILLET

—> L’opinion publique a été étouffée sous le régime antérieur à la Monarchie Constitutionnelle et après la chute de Napoléon elle retrouve toute son importance pour animer la vie politique. Or c’est avant tout la presse qui permet la formation et l’expression de l’opinion publique car la presse informe le public (en particulier les électeurs) de l’activité des chambres et du gouvernement puis d’autre part car la presse est le moyen d’expression non seulement naturel mais légitime des grands courants politiques qui partagent l’opinion dès lors que ces courants veulent contester le régime dans la légalité.

A) Le régime de la presse

—> Cette liberté, dans les faits, sera + ou – effective. Sous la Restauration, la tendance dominante est à la restriction des libertés alors qu’au contraire sous la Monarchie de Juillet ce qui domine c’est la liberté de la presse.

3 catégories de restriction : le contrôle de l’administration, les charges financières et les modalités de répression

Le contrôle de l’administration

—> Le contrôle de l’administration présente 2 aspects :

C’est d’abord l’autorisation préalable du journal par le gouvernement et c’est le système qui prévaut sous la Restauration. En cas de violation, il va de soi que le journal va être supprimé et interdit puis le matériel de presse va être saisi.

—> La loi De Serre en 1819 et la loi Martignac en 1828 ont remplacé le système de l’autorisation préalable par le système de la simple déclaration préalable c’est à dire que l’éditeur du journal doit déclarer l’édition de son journal sans avoir pour autant besoin d’une autorisation. Le but est de faire connaître le ou les responsables du journal et en cas d’infraction commise par le journal on pourra savoir qui est responsable.

=>Après on revient au système d’autorisation préalable mais sous la Monarchie de Juillet c’est la simple déclaration préalable qui va s’imposer.

Ensuite c’est la censure qui est établie dès les débuts de la Restauration mais une loi de 1822 la supprime en prévoyant seulement qu’elle pourra être rétablie temporairement donc en cas de crise politique. En revanche la charte de 1830 supprime la censure en déclarant textuellement qu’elle ne pourra jamais être rétablie

Les charges financières

—> Les charges financières pesant sur les journaux existent durant toute la période et elles constituent pour les gouvernements libéraux c’est à dire surtout sous la Monarchie de Juillet à partir de 1830, le seul moyen légitime de perturber la liberté des journaux. On distingue essentiellement 2 catégories de charges :

D’une part, le timbre qui a pour effet d’augmenter le coût du journal pour le lecteur et cela entraîne des pertes de bénéfices pour les journaux. Il sera réduit sous la Monarchie de Juillet.

D’autre part, le cautionnement a été inventé en quelques sorte par la loi libérale, la loi De Serre de 1819, et il consiste pour le journal à faire un dépôt d’argent assez important auprès de l’Etat pour garantir le paiement des amendes auxquelles serait condamné le journal. Ce qui rend la situation des journaux difficile est que le montant de cautionnement doit être maintenu au même niveau.

=>Si le journal subit toute une série d’amendes alors il risque d’avoir le plus grand mal à maintenir le niveau du cautionnement et s’il ne peut le faire le journal disparaîtra.

Les délits de presse

—> Cette question qui relève du droit pénal soulève 2 problèmes :

Les délits de presse sont définit par la loi et on peut dire que les lois autoritaires, correspondant aux périodes où dominent les conservateurs au pouvoir, ont tendance à multiplier le nombre des délits mais d’autre part à donner une définition imprécise des délits.

—> Une loi de 1822 créée le délit de mauvais esprit c’est à dire le délit d’opinion de nos jours mettant en cause l’expression d’une opinion mais il faut noter que cette loi a été mal appliquée car sous la Restauration les magistrats avaient l’esprit plutôt libéral et ne veulent condamner un journal que pour des délits précis.

=>En tout état de cause, cette loi disparaît avec les dispositions de la loi Martignac de 1828, 2e loi libérale

Les tribunaux compétents sous les régimes libéraux sont les cours d’assises composées d’un jury de citoyens qui ont tendance à être plutôt libéraux alors que sous les régimes conservateurs ce sont les tribunaux correctionnels où les juges professionnels appliquent strictement la loi.

B) L’impact de la presse sur l’opinion publique

La diffusion de la presse

—> Fonction à la fois du coût du journal et de la culture du public. Or durant cette période il y a une baisse progressive du prix du journal et il y a une amélioration, un renforcement de l’alphabétisation de la pop. Au début de la Restauration, l’exemplaire du journal est encore très coûteux et en outre le journal est normalement vendu par abonnement. Seuls les gens aisés et cultivés s’abonnent.

—> Or on constate que le tirage total des journaux sous la Restauration est a peu près équivalent au nombre des électeurs donc achètent les journaux essentiellement les électeurs. Cependant, il faut faire une réserve à savoir que le public qui n’a pas les moyens d’acheter le journal peut éventuellement les consulter dans les cafés et plus encore dans les cabinets de lecture. On assiste ensuite au cours de la période et surtout sous la Monarchie de Juillet à un accroissement assez sensible des tirages de la presse, augmentation qui s’explique par des progrès techniques réalisés à cette époque, ce qu’on appelle l’industrialisation de la presse qui prend la forme en particulier d’une mécanisation de l’impression ce qui permet de limiter le coût du journal et de ce fait on constate que la vente des journaux augmente avec l’augmentation du nombre des électeurs mais dans les années 1840 on va même au-delà puisqu’on constate que beaucoup de personnes non électrices achètent le journal.

=>Ce phénomène de la diffusion du journal à une grande importance politique puisque cela va inciter beaucoup de non électeurs à s’intéresser à la politique et notamment à la question de suffrage universel.

La structure du journal

—> La présentation du journal connaît une évolution importante durant cette époque car au début de la Restauration les journaux ont encore un format assez réduit et ne compte pas plus de 4 pages mais ces journaux ont une présentation très lourde en ce sens qu’ils sont divisés en colonnes avec une impression en général serrée et les articles s’enchaînent les uns derrière les autres dont les principaux centres d’intérêts sont la politique étrangère, la vie politique intérieure et les faits divers (affaires judiciaires). Or en cours de période (années 1840) les journaux prennent un nouveau visage en ce sens qu’ils sont beaucoup mieux mis en page, beaucoup plus aéré avec des rubriques qui apparaissent clairement et qui sont susceptibles de beaucoup plus intéressé les lecteurs de l’époque.

Le ton du journal

—> Les journaux à l’époque sont très axés sur la politique au sens large du terme et comme sous la révolution ce sont d’abord des journaux d’opinion c’est à dire que l’info est secondaire. La tendance normale des journalistes est de se montrer critique à l’égard du gouvernement.

—> Cependant il risque de se heurter à la censure sous la Restauration et c’est pour cette raison que les journalistes de cette époque utilisent des procédés d’écriture et stylistiques subtiles pour dissimuler la critique c’est à dire que le lecteur est invité à lire « entre les lignes ». Sous la Monarchie de Juillet la censure ayant disparue, le journaliste peut s’exprimer dans ses articles en toute liberté et donc désormais le journaliste s’exprime très clairement avec beaucoup de franchise et souvent avec brutalité ce qui rend la presse de l’époque assez vulgaire. Quoiqu’il en soit cette liberté de ton, cet esprit critique des journalistes est de matière à séduire les lecteurs favorisant ainsi les journaux de l’opposition. On peut dire pour conclure que la presse exerce une grande influence politique à cette époque sur les gouvernants mais aussi d’abord sur le public, les lecteurs. A cet égard, il faut insister sur le rôle que la presse a joué au moment des 2 révolutions de l’époque, révolutions de 1830 et de 1848.