La preuve du caractère commun ou propre d’un bien

Régime légal : la preuve du caractère commun ou propre d’un bien

Avec le mariage, à défaut d’avoir signé un contrat de mariage, le régime matrimonial de la communauté de biens réduite aux acquêts s’applique automatiquement. Il ne nécessite pas de formalité, comme le prévoit la loi. On distingue alors 3 masses de biens :
• les biens propres de l’époux ou de l’épouse détenus avant le mariage et ceux recueillis par donation ou succession pendant le mariage ; Les biens propres vont donc être des biens meubles (un fonds de commerce, voiture, par exemple) ou immeubles (une maison par exemple) dont chaque époux est propriétaire au jour du mariage. Cela englobe aussi les biens dont on hérite.
• les biens communs achetés pendant le mariage, appelés « les acquêts de communauté », d’où le nom de « régime de la communauté réduite aux acquêts ».

 I CHARGE DE LA PREUVE RÉGLÉE PAR LA PRÉSOMPTION DE COMMUNAUTÉ
 II MODES DE PREUVE ADMISSIBLES POUR COMBATTRE LA PRÉSOMPTION DE COMMUNAUTÉ

Comment prouver le caractères commun ou propre d’un bien?

Il faut prouver les faits qui déclenchent l’application de telle ou telle règle, par exemple prouver que le bien a été acquis avant le mariage ou a été recueilli dans une succession.

Cette preuve du caractère propre ou commun du bien a des incidences pendant le mariage puisqu’elle conditionne les pouvoirs des époux, cela retentit aussi sur les droits de leurs créanciers et enfin au moment de la dissolution pour savoir ce qui est commun et ce que chacun conserve pour lui.

Pour simplifier la solution de ces problèmes, la loi recourt à la technique des précomptions légales.

Section I
charge de la preuve réglée par la présomption de communauté

La loi accorde une dispense de preuve à celui qui veut établir qu’un bien est commun. Elle présume que, sauf preuve contraire, les biens sons des biens communs. Depuis 1965, la communauté ne comporte qu les acquêts, la présomption de la communauté  est devenue une présomption légale d’acquêts = article 1402 al 1. Tout bien meuble ou immeuble est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi.

Cela revient à présumer que tout bien a été acquis à titre onéreux pendant le mariage ou provient des revenus ou de l’activité des époux. C’est une présomption d’origine réfragable. Elle est fondée sur les probabilités et sur une politique favorable à la politique communautaire. Cette présomption légale d’acquêt s’applique à la fois dans les rapports entre époux et à l’égard des tiers.

Dans les rapports entre époux :

Le rôle le plus traditionnel de la présomption d’acquêt apparaît lors de la dissolution du régime par l’acquisition dans la masse partageable de tous les biens dont le caractère propre n’aura pas été démontré. La présomption d’acquêt a aussi un rôle pendant le mariage, dans la mesure où elle retentit sur les pouvoirs des époux et sur les droits des tiers et notamment des créanciers.

Incidence de la présomption à l’égard des tiers :

La présomption de communauté qui est très ancienne a assez profondément changé de sens ou du moins ses incidences sont nettement différentes.

En 1804, la présomption de communauté apparaissait comme un instrument au bénéfice du renforcement des pouvoirs du mari. Pourquoi ? Parce que le mari n’avait des pouvoirs considérables sur les biens communs et présumer que le bien était commun était présumer le pouvoir du mari, faciliter l’action du mari. Tout acte de disposition accompli par le mari était valable sauf si l’on établissait que c’était un propre de Mme. Cette présomption profitait aux créanciers du mari, cela renforçait son crédit, les créanciers pouvaient saisir quasiment tous les biens du ménage à l’exception des propres de Mme.

Aujourd’hui, la présomption de communauté a une portée très différente et schématiquement, en ce qui concerne les pouvoirs d’agir des époux, présumer qu’un bien est commun jou dans deux directions :

          quand il s’agit d’actes qui peuvent être fait par l’un ou l’autre époux, la présomption favorise l’action de l’un ou l’autre, favorise une action indépendante. Les tiers peuvent traiter indifféremment avec l’un ou l’autre.

          Quand il s’agit d’actes soumis à cogestion, présumer le caractère commun du bien, c’est aller dans le sens de la cogestion, la renforcer puisque les tiers devront se dire qu’il leur faut l’accord des deux époux.

Droits des créanciers :

Les créanciers du mari comme de la femme, aujourd’hui, peuvent saisir les biens communs (l’ensemble). La présomption de communauté fournit le même crédit à chaque époux en laissant entendre que les créanciers de chacun auront les mêmes droits sur la même masse des biens communs, chacun subit le concours des créanciers de l’autre. Joue dans un sens égalitaire. Ne favorise plus la prépondérance du mari.

Question du renversement de la présomption de communauté = section 2

Section II
modes de preuve admissibles pour combattre la présomption de communauté

Une fois acquis que les présomptions d’acquêts s’applique, il faut établir que tel bien est propre à tel époux et n’est pas commun.

Règles de preuve ont évolué. En réalité, il n’y a pas généralement de difficulté pour les immeubles du fait de l’établissement de titres, d’écrits. La difficulté se concentre sur les meubles, le Code civil d 1804 avait assez mal réglé la question, par des textes contradictoires et l’interprétation de la Cour de cassation était très rigoureuse.

Loi du 29 avril 1924 : assouplit ces règles de preuve qui restent difficiles à l’égard des tiers.

Réforme du 13 juillet 1965 : question reprise par le législateur qui a voulu simplifier les règles antérieures notamment en ne faisant plus de distinction selon que le débat se déroule entre époux ou à l’égard des tiers.

Ces règles figurent à l’alinéa 2 de l’article 1402 : il y a deux cas particuliers à part et l’hypothèse ordinaire ou courante.

Cas particuliers :

Deux cas sont prévus dans lesquels la présomption de compté est automatiquement renversée :

= pour les biens qui portent en eux mêmes preuve ou marque de leur origine. Il s’agit par exemple de meubles portant un cachet attestant de l’appartenance à la famille, d’objets dédicacés à l’un des époux, les biens propres par nature avec une attache sur un époux.

= lorsque la propriété personnelle d’un époux n’est pas contestée. La règle a été insérée dans le code pour inviter le notaire à ne pas demander de justification quand les époux sont d’accord. Cela suppose des époux capables juridiquement, maîtres de leurs droits. Cet accord n’aurait pas sinon la même valeur.

Dans ces deux cas, la présomption de communauté  est renversée.

Hypothèse courante :

L’article 1402 prévoit des règles : gradation selon la force probante du mode de preuve visé :

          Si les époux se sont ménagés une preuve préconstituée comme un inventaire au moment du mariage ou une déclaration dans le contrat de mariage indiquant quels sont les biens présents de chaque époux. La valeur probante d’un tel acte a valeur probante.

          À défaut, la loi prévoit la possibilité d’une preuve du caractère propre par tout écrit, il faut un écrit, mais un écrit quelconque. Le texte précise : tout écrit notamment titre de famille, registre domestique, document de banque et factures. En cas de litige, le juge appréciera la valeur probante des écrits ainsi produits.

          L’écrit n’est pas exigé lorsque l’époux concerné a été dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit. La preuve peut alors se faire par tout moyen et notamment témoignages ou présomptions. À titre de présomption, on peut citer par exemple des photos. Cette possibilité ne libéralise pas autant qu’on pourrait le penser la preuve car l’impossibilité morale n’est pas facilement admise. Autant il est parfois impossible d’exiger un écrit de son conjoint ou d’un proche, ici, le document devra le plus souvent émaner d’un tiers.

Ces règles s’appliquent à la fois aux époux et aux tiers. A priori dans toutes les situations. Mais on ne peut pas absolument uniformiser les règles.

1ère situation : le conflit se déroule entre époux.

L’article 1402 al 2 doit être appliqué littéralement, l’époux veut démontrer le caractère propre, il devra fournir un écrit, sauf impossibilité matérielle ou morale.

2ème situation : la preuve serait faite par les époux contre les tiers :

Par exemple des créanciers du mari veulent saisir des biens communs. La femme veut soustraire un bien aux poursuites en prouvant qu’il est propre, application de l’article 1402, écrit sauf impossibilité matérielle ou morale.

3ème situation : quand la preuve est faite par les tiers contre les époux :

Par exemple, un créancier antérieur au mariage, son gage ne comprend en principe les biens propres et les revenus de cet époux, le créancier peut avoir intérêt à démontrer que tel bien est propre. On ne peut appliquer l’article 1402 littéralement car on ne peut exiger un écrit d’un tiers et d’emblée il faut admettre la preuve par tout moyen, la preuve par écrit, lorsqu’elle est imposée aux parties, ne l’est jamais aux tiers. Ce n’est pas une dérogation à l’esprit de l’article pour lequel l’impossibilité de se procurer un écrit joue. Il y a une modification dans l’application des règles lorsque la charge de la preuve pèse sur les tiers. L’unification ne pouvait pas être totale.

Donc, présomption d’acquêt qui relègue le problème de preuve à la preuve du caractère propre d’un bien réglé par l’al 2 de l’article 1402.

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