SOURCES ET PREUVES DES DROITS SUBJECTIFS
Le droit reconnaît aux individus des prérogatives appelées droits subjectifs. Ces droits, dont les individus sont titulaires, font d’eux des sujets de droit. Le droit objectif, qui est l’ensemble des règles organisant la vie en société et dont le respect est garanti par la puissance publique, encadre ces droits et impose des normes à tous les membres de la société, sous peine de sanctions.
Pour chaque sujet de droit, les droits subjectifs naissent de certains événements ou comportements, reconnus et définis par le droit objectif. Ces sources de droits incluent les actes juridiques et les faits juridiques (Section I). Cette distinction entraîne des conséquences notables, notamment en matière de preuve (Section II).
SECTION I – LES SOURCES DES DROITS SUBJECTIFS : ACTES JURIDIQUES ET FAITS JURIDIQUES
Les droits subjectifs proviennent soit d’actes juridiques soit de faits juridiques. Ces deux types de comportements génèrent des effets de droit qui créent, modifient, transmettent ou éteignent des droits et obligations. Ils se distinguent des actes ou faits purement matériels, sans conséquences juridiques, comme jardiner, lire ou repeindre une maison.
La distinction entre actes juridiques et faits juridiques repose sur l’intention : dans un acte juridique, l’objectif est de produire des effets de droit, alors que le fait juridique produit des effets de droit indépendamment de toute volonté de l’auteur.
- Introduction au droit (L1)
- Histoire du droit français
- Les sources juridiques (loi, jurisprudence, coutume…)
- La séparation entre droit privé et droit public
- Quelles sont les différentes branches du droit ?
- Quelle est l’organisation des juridictions civiles en France?
- Quels sont les caractères et sources du droit objectif ?
&I. LES ACTES JURIDIQUES
Les actes juridiques sont des manifestations de volonté visant à produire des effets juridiques, par exemple, créer, transmettre, modifier ou éteindre des droits.
L’importance de la volonté dans l’acte juridique entraîne des conditions de validité essentielles :
- Consentement : L’acte juridique doit exprimer un consentement clair et non vicié.
- Capacité : Les parties doivent avoir la capacité légale de contracter.
Les actes juridiques peuvent être classés selon :
- Le nombre de participants :
- Acte unilatéral : implique une seule partie (ex. testament).
- Acte bilatéral : implique deux parties (ex. contrat de vente).
- Acte plurilatéral : implique plusieurs parties (ex. contrat de société).
- L’objectif poursuivi :
- Créer des droits (ex. contrat de travail),
- Transmettre des droits (ex. cession de créance),
- Modifier des droits (ex. révision d’un contrat),
- Éteindre des droits (ex. renonciation à un droit).
A) la classification des actes juridiques
La classification des actes juridiques en droit français repose sur plusieurs distinctions, chacune d’elles permettant de caractériser les divers effets juridiques liés à la nature des actes.
§1 : Opposition entre les Actes Administratifs et les Actes de Droit Privé
- Actes administratifs : Ces actes sont émis par l’Administration dans ses relations avec les administrés et sont régis par le droit administratif. Exemples : permis de construire, décision de préemption.
- Actes de droit privé : Ils concernent des relations entre particuliers ou entre personnes morales de droit privé et sont régis par le droit civil ou le droit commercial. Exemples : contrats de vente ou de prestation de service.
§2 : Opposition entre les Actes à Titre Gratuit et les Actes à Titre Onéreux
Cette distinction est fondée sur l’intérêt économique de l’acte.
- Acte à titre gratuit : Inspiré par une intention libérale, l’acte gratuit ne génère aucune contrepartie pour l’auteur, qui s’appauvrit sans compensation. Exemple : donation. Ce type d’acte est considéré comme grave, car il dépouille l’auteur sans compensation.
- Acte à titre onéreux : L’acte à titre onéreux implique un échange réciproque de prestations entre les parties, chacune d’elles recevant un avantage en contrepartie de son engagement. Exemple : un contrat de prestation de services.
§3 : Opposition entre les Actes Unilatéraux et les Actes Collectifs
La distinction repose sur le nombre de parties prenantes à l’acte.
- Acte unilatéral : Il résulte de la manifestation de volonté d’une seule personne. Exemples : testament, reconnaissance de dette.
- Acte collectif : Aussi appelés actes bilatéraux ou multilatéraux, ils nécessitent la participation d’au moins deux personnes. Exemples : contrat de société, bail commercial.
§4 : Opposition entre les Actes Entre Vifs et les Actes à Cause de Mort
- Actes entre vifs : Ils produisent leurs effets de manière immédiate, de sorte que leurs effets s’exercent du vivant des parties. Exemples : contrat de vente, bail.
- Actes à cause de mort : Ces actes produisent leurs effets après le décès de l’une des parties. Exemple : testament.
§5 : Opposition entre Conventions et Contrats
- Convention : Une convention vise à créer, modifier ou éteindre un droit.
- Contrat : Il crée un lien juridique entre deux ou plusieurs parties en vue d’un rapport de droit. Tous les contrats sont des conventions, mais toutes les conventions ne sont pas des contrats.
Les 4 catégories de contrats
- Contrat synallagmatique et contrat unilatéral
- Contrat synallagmatique : Selon l’article 1102 du Code civil, ce type de contrat engage les parties réciproquement, chacune étant créancière et débitrice l’une de l’autre. Exemple : contrat de travail.
- Contrat unilatéral : D’après l’article 1103 du Code civil, ce contrat n’engage qu’une seule partie. Exemples : donation, reconnaissance de dette.
- Contrat commutatif et contrat aléatoire
- Contrat commutatif : Tel que prévu par l’article 1104 alinéa 1 du Code civil, les parties connaissent dès le départ l’étendue de leurs obligations. Exemple : bail d’un montant fixe.
- Contrat aléatoire : Conformément à l’article 1104 alinéa 2 du Code civil, dans ce type de contrat, les avantages et risques ne sont pas initialement déterminés. Exemples : contrat d’assurance, contrat de jeu.
- Contrat consensuel, contrat solennel et contrat réel
- Contrat consensuel : En droit français, un contrat est en principe formé par le simple échange des consentements entre les parties.
- Contrat solennel : Ce type de contrat nécessite, en plus de l’accord des parties, le respect de certaines formalités légales. Exemple : contrat de mariage, qui exige un acte authentique.
- Contrat réel : La formation de ce contrat dépend de la remise d’une chose en plus de l’échange de consentements. Exemple : contrat de prêt.
B) La formation des actes juridiques
Pour qu’un acte juridique soit valable, quatre conditions essentielles, énoncées à l’article 1128 du Code civil, doivent être réunies : le consentement des parties, la capacité juridique, un contenu licite et certain. Ce texte remplace l’ancien article 1108 du Code civil.
§1 : Le consentement
Le consentement des parties doit exister et être exempt de tout vice du consentement pour que l’acte soit valide. Les trois principaux vices du consentement sont l’erreur, le dol et la violence.
- Erreur : Selon l’article 1132 du Code civil, l’erreur est une croyance fausse qui induit une des parties à accepter le contrat. Elle doit porter sur une qualité essentielle de la prestation ou de la personne et être déterminante et excusable pour entraîner l’annulation du contrat.
- Dol : L’article 1137 du Code civil définit le dol comme des manœuvres frauduleuses visant à tromper l’autre partie. Cela inclut des actions trompeuses, des mensonges ou même un silence intentionnel sur une information cruciale pour l’autre partie. Par exemple, faire croire à l’acheteur qu’un cheval est en parfaite santé pour en dissimuler la maladie constitue un dol.
- Violence : Selon l’article 1140 du Code civil, la violence est un acte de contrainte exercé par une partie pour obtenir le consentement de l’autre, et peut être physique ou morale. Elle doit être suffisamment intense pour altérer la liberté de consentement de la victime.
§2 : La capacité juridique
La capacité juridique est l’aptitude à accomplir un acte juridique. La capacité est le principe, tandis que l’incapacité est l’exception (article 1145 du Code civil). Les principales personnes incapables de contracter sont les mineurs et les majeurs protégés.
- Les mineurs : Les personnes mineures sont incapables de contracter, sauf en cas d’émancipation.
- Les majeurs protégés : Certains majeurs sont soumis à des régimes de protection pour les actes de la vie civile, en vertu des articles 425 et suivants du Code civil.
- Tutelle (article 440) : Appliquée lorsque la personne doit être représentée en continu en raison de l’altération de ses facultés mentales ou corporelles.
- Curatelle : Ce régime d’assistance permet au majeur de réaliser des actes de la vie civile avec l’aide d’un curateur, sans être totalement privé de sa capacité.
- Capacité de jouissance et capacité d’exercice : La capacité de jouissance est le droit de posséder des droits, tandis que la capacité d’exercice est l’aptitude à exercer ces droits soi-même. Les mineurs et les majeurs sous tutelle ont une capacité de jouissance mais pas la capacité d’exercice. Les majeurs sous curatelle disposent des deux capacités, bien que l’exercice de leurs droits nécessite une assistance pour certains actes.
§3 : Le contenu licite et certain
Le contenu de l’acte est l’élément sur lequel porte l’engagement des parties. Il doit être clairement défini, réalisable et conforme à la loi.
- Objet de l’obligation (art. 1163) : L’objet de l’acte peut être un bien, un service ou une prestation. Il doit être possible, déterminé ou déterminable au moment de la conclusion du contrat. Toute incertitude excessive quant à la nature ou à l’étendue de l’obligation est de nature à invalider l’acte.
- Licéité du contenu (art. 1162) : L’objet de l’engagement doit respecter l’ordre public et les bonnes mœurs. Tout acte ayant pour objet une activité illégale est nul. Ce principe inclut également l’interdiction de stipulations contraires aux lois impératives.
§4 : Les motifs et la finalité licites
Avec la réforme du 10 février 2016, la cause n’est plus une condition autonome du contrat. Cependant, ses éléments sont désormais intégrés aux exigences de contenu licite et certain. Les articles 1162 et 1169 du Code civil imposent :
- Absence de contrepartie illusoire ou dérisoire (article 1169) : Le contrat est nul si la contrepartie est dérisoire. Cette condition remplace l’exigence de cause en confirmant que l’échange doit être effectif.
- Motifs licites et respect de l’ordre public (article 1162) : Le contrat ne peut avoir une finalité contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
C) La sanction des actes juridiques
En droit français, les conséquences de l’inobservation des règles contractuelles diffèrent selon que l’on se trouve dans le cadre d’un défaut de validité du contrat ou d’une inexécution ou mauvaise exécution de celui-ci. Les conditions de validité d’un contrat doivent être remplies pour que le contrat puisse exister juridiquement, tandis que les conditions d’exécution concernent les obligations nées du contrat, qui doivent être respectées par les parties une fois le contrat formé.
§1 : La nullité (Sanction du non-respect des conditions de validité)
Lorsque les conditions essentielles de validité d’un contrat ne sont pas respectées, le contrat peut être frappé de nullité, ce qui conduit à son anéantissement total. Le contrat est alors considéré comme n’ayant jamais existé juridiquement et ne produit aucun effet rétroactif.
- Nullité absolue : Elle sanctionne la violation d’une règle de validité fondamentale, c’est-à-dire une règle imposée pour la protection de l’intérêt général. Par exemple, si l’objet du contrat est illicite ou si une condition essentielle de validité fait totalement défaut, le contrat sera annulé. Cette nullité est insurmontable et peut être invoquée par toute personne justifiant d’un intérêt, sans restriction de délai spécifique, hormis celui du droit commun.
- Nullité relative : Elle vise la violation de règles protectrices d’intérêts privés ou individuels, notamment en cas de vices du consentement (erreur, dol ou violence). Elle peut être surmontée si la partie protégée renonce à invoquer la nullité. La demande de nullité relative doit être formulée dans un délai de 5 ans.
La nullité, qu’elle soit absolue ou relative, a pour effet de replacer les parties dans l’état antérieur au contrat, autant que cela est possible, en restituant les prestations échangées.
§2 : La sanction de l’inexécution ou de la mauvaise exécution
Lorsque les conditions de validité sont remplies mais que l’une des parties manque à ses obligations, la sanction dépend de la nature du contrat, qu’il soit à exécution instantanée ou à exécution successive.
- Contrat à exécution instantanée : Lorsque l’exécution du contrat est immédiate (par exemple, une vente), la sanction de l’inexécution ou de la mauvaise exécution prend la forme de la résolution. Cette sanction annule rétroactivement le contrat, ce qui signifie qu’il est considéré comme n’ayant jamais existé, avec obligation de restituer les prestations réalisées.
- Contrat à exécution successive : Lorsqu’il s’agit d’un contrat dont l’exécution s’étale dans le temps (comme un bail ou un contrat de travail), la sanction appropriée est la résiliation. La résiliation met fin au contrat uniquement pour l’avenir, sans effet rétroactif, et s’applique à partir de la date de prononcé de la résiliation. Les prestations déjà fournies ne sont pas remboursées, car elles correspondent à des périodes effectivement exécutées du contrat.
Même si la différence entre résolution et résiliation est bien établie dans le Code civil, la distinction entre les deux reste floue pour certains praticiens. Pourtant, cette distinction a des implications importantes : la résolution efface l’effet rétroactif du contrat, tandis que la résiliation s’applique uniquement pour l’avenir.
&II. LES FAITS JURIDIQUES
Les faits juridiques englobent les événements ou actions produisant des conséquences juridiques, sans que ces effets soient intentionnellement recherchés par leur auteur. Ces conséquences sont déterminées par la loi elle-même.
- Faits juridiques involontaires : Ils résultent d’événements naturels ou d’actions sans volonté d’effet juridique spécifique, comme la naissance, le décès sans testament, ou encore un événement naturel tel qu’une tempête. Par exemple :
- Naissance : entraîne automatiquement l’attribution de droits et de devoirs en vertu de la filiation et du Code civil.
- Décès sans testament : déclenche la transmission des biens aux héritiers selon les règles de la succession légale.
- Événements naturels comme les tempêtes : peuvent ouvrir droit à une indemnisation en cas de dommages, sans intention de leur auteur.
- Faits juridiques volontaires : Ils surviennent quand une personne agit volontairement, mais sans intention de générer les conséquences juridiques spécifiques que la loi impose. Par exemple :
- La publication de propos mensongers peut entraîner une condamnation pour diffamation.
- La commission d’une infraction, telle qu’un excès de vitesse provoquant un accident, engage la responsabilité civile ou pénale de l’auteur.
- Actes criminels comme le vol ou l’agression, produisent des effets juridiques sous forme de sanctions pénales ou de réparation des dommages subis par les victimes.
SECTION II – LA PREUVE DES ACTES ET DES FAITS JURIDIQUES
La preuve juridique se structure autour de trois questions principales :
- Que doit-on prouver ? (Objet de la preuve)
- Qui doit prouver ? (Charge de la preuve)
- Comment prouver ? (Procédés de preuve)
1. L’objet de la preuve
Un droit subjectif naît lorsqu’une règle de droit objectif le reconnaît et en définit les conditions d’acquisition. La preuve de ce droit nécessite souvent l’établissement de la preuve d’un acte ou d’un fait juridique.
a. La Preuve de la Règle de Droit Objectif
- Droit interne : La loi française n’a pas à être prouvée ; le juge est censé en avoir connaissance, selon le principe jura novit curia.
- Droit coutumier, usages et droit étranger : Ces éléments, en revanche, doivent être prouvés par la partie qui les invoque. Les usages doivent être établis en démontrant leur reconnaissance par la pratique locale ou professionnelle.
b. La Preuve de l’Acte ou du Fait Juridique
- La preuve de l’acte ou du fait juridique repose sur l’existence d’événements qui produisent des effets de droit.
- En principe, tous les actes juridiques et faits juridiques doivent être prouvés, mais le mode de preuve diffère selon la nature de l’événement.
2. La charge de la preuve
La charge de la preuve détermine quelle partie, en cas de litige, doit établir la preuve d’un fait ou d’une situation.
a. Le Principe : La Charge de la Preuve Pèse sur le Demandeur
- Selon l’article 1353 du Code civil, « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. » En matière civile, chaque partie est donc tenue de prouver ses propres allégations.
b. Les Exceptions : Les Présomptions Légales Les présomptions légales constituent des exceptions au principe général :
- Présomptions simples : Le demandeur est dispensé de prouver les faits présumés. La charge de la preuve se renverse alors, obligeant le défendeur à prouver que la prétention du demandeur est injustifiée.
- Présomptions irréfragables : La loi interdit de contester la présomption par une preuve contraire, sauf dans certains cas très limités, par exemple l’aveu ou le serment. Les présomptions irréfragables sont fixées par la loi, et leur effet ne peut être renversé.
3. Les procédés de preuve
La manière dont une preuve doit être apportée dépend de la nature de l’acte ou du fait juridique ainsi que du type de litige (civil ou commercial).
a. Distinction entre Actes Juridiques et Faits Juridiques
- Actes juridiques : Pour les actes juridiques, la preuve doit être en principe écrite, car elle est souvent établie dès la formation de l’acte. On parle de preuve préconstituée.
- Faits juridiques : Pour les faits juridiques, comme les accidents de la route, la preuve peut être apportée par tout moyen (témoignages, présomptions, etc.), en raison du principe de liberté de la preuve.
b. Distinction entre Litiges Civils et Commerciaux
- En matière civile : La sécurité des transactions prévaut, car le droit civil vise la protection de l’individu, de la famille et du patrimoine privé. Par conséquent, l’exigence d’un écrit est prépondérante pour garantir une preuve solide.
- En matière commerciale : En raison de la rapidité et de la flexibilité nécessaires dans les affaires, la preuve est libre et peut être apportée par tout moyen.
4. Les modes de preuve prévus par le Code Civil
Le Code civil distingue cinq principaux moyens de preuve :
- L’écrit : Comprend les actes authentiques (faits par un officier public) et les actes sous seing privé.
- Les témoignages : Les déclarations de tiers peuvent être acceptées, particulièrement pour les faits juridiques.
- Les présomptions : Ce sont des déductions faites à partir de faits connus pour établir un fait inconnu.
- L’aveu : La reconnaissance par une partie de la véracité d’un fait qui lui est défavorable.
- Le serment : Un acte solennel dans lequel une partie affirme la véracité d’un fait.
Les nouvelles technologies : En vertu des articles 1366 et suivants du Code civil, les preuves électroniques (documents numériques et échanges dématérialisés) sont désormais admises, sous réserve de leur fiabilité. Ces preuves sont souvent admises comme équivalentes à l’écrit.
En conclusion, le système probatoire repose sur un équilibre entre la rigueur formelle des preuves pour les actes juridiques en matière civile et la flexibilité en matière commerciale et pour les faits juridiques.
Section III. LES PROCÉDÉS DE PREUVE EN MATIÈRE D’ACTES CIVILS
En matière civile, les actes juridiques doivent, en principe, être prouvés par un écrit.
1. Principe : exigence d’un écrit
L’écrit est un acte destiné à servir de preuve. Il se distingue d’autres documents, tels que les factures ou les bons de commande, qui n’ont pas cette vocation probatoire principale.
Depuis la loi du 13 mars 2000, un écrit est défini comme une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de symboles intelligibles, indépendamment de leur support. Cela inclut aussi bien les documents papier que les documents électroniques.
a. Le support de l’écrit : Papier ou électronique
- L’écrit papier peut être un acte authentique ou un acte sous seing privé.
- Acte authentique : Rédigé par un officier public (notaire, maire, etc.), il conserve l’original, ou minute, de l’acte. Les parties reçoivent des copies, telles que la « grosse » (qui porte une formule exécutoire) ou des expéditions. L’acte authentique fait foi de son contenu et de sa date, qui ne peuvent être contestés qu’au travers de la procédure d’inscription de faux.
- Acte sous seing privé : Rédigé et signé par les parties sans intervention d’un officier public. Il doit être produit en double exemplaire si l’acte est synallagmatique et comporter la mention manuscrite de la somme ou de la quantité en cas d’acte unilatéral. Il fait foi jusqu’à preuve du contraire, qui ne peut être fournie que par un autre écrit.
- Document électronique : Valable en tant qu’écrit si son intégrité est garantie selon des conditions strictes de conservation.
b. La signature de l’acte écrit
La signature de l’acte écrit identifie l’auteur et exprime son consentement.
- Sur support papier, la signature est manuscrite.
- Sur support électronique, la signature électronique est juridiquement reconnue et doit garantir l’identité du signataire et l’intégrité de l’acte.
2. Exceptions : La preuve par « autres moyens »
En matière civile, la preuve écrite est parfois inapplicable. Dans ces cas, d’autres moyens de preuve peuvent être acceptés.
a. Cas d’admission de la preuve par d’autres moyens
Les actes civils peuvent être prouvés par des moyens autres que l’écrit dans les situations suivantes :
- Actes d’une valeur inférieure à 1 500 euros.
- Impossibilité matérielle ou morale de produire un écrit.
- Présence d’un commencement de preuve par écrit : un acte imparfait, une lettre, ou une déclaration faite lors d’une audience peuvent constituer des commencements de preuve.
- Perte de l’écrit pour cas de force majeure (ex. : destruction par incendie).
- Copie fiable et durable : Si l’original a été perdu, une reproduction fidèle et indélébile peut faire office de preuve.
- Convention relative à la preuve : Les parties peuvent déroger aux règles légales de preuve, par exemple dans les contrats de commerce électronique.
b. Nature des autres moyens de preuve
Les moyens alternatifs peuvent être utilisés pour prouver des actes juridiques ou des faits juridiques. Ils incluent :
- Présomptions de l’homme : Dérivées d’une déduction logique de faits connus.
- Témoignages : Déclarations de tiers ayant directement connaissance des faits.
- Aveux : Reconnaissance par une partie de la réalité d’un fait à son désavantage.
- Serment : Affirmation solennelle de la véracité d’un fait ou d’un acte.
- Documents informatiques : Considérés comme présomptions ou commencements de preuve sous certaines conditions de fiabilité.
Section IV. LES PROCÉDÉS DE PREUVE EN MATIÈRE D’ACTES DE COMMERCE
La preuve en matière commerciale est régie par l’article L. 110-3 du Code de commerce :
« À l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, sauf disposition contraire de la loi. »
En matière commerciale, la preuve est plus souple. Elle peut être apportée par tous moyens, tant pour les commerçants que pour les actes de commerce, permettant ainsi une meilleure adaptation à la rapidité des échanges commerciaux. Parmi les moyens de preuve admis figurent :
- Les livres de commerce : Réglementés, ils constituent une preuve de grande valeur.
- Témoignages, présomptions et tout autre moyen de preuve libre, en respect des usages du commerce et dans l’intérêt de l’efficacité des transactions.
Ainsi, les actes civils et commerciaux sont soumis à des règles distinctes de preuve, reflétant la différence entre la protection des intérêts privés en droit civil et la flexibilité requise dans les échanges commerciaux.