Le principe de la légalité

Le principe de la légalité des délits et des peines

  Ce principe est souvent considéré comme la clé de voûte du droit criminel. Il est exprimé sous la forme d’un adage : « Nullum crimen, nulla poena sine lege ».

 

La Révolution a consacré le principe de la légalité des délits et des peines que l’on fait volontiers remonté au XVIIIe siècle. L’art. 7 de la Déclaration des droit de l’homme de 1789 dispose que  : « nul homme ne peut être arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi et dans les formes qu’elle a prescrites » et l’art. 8 ajoute que : « la loi ne peut établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et que nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée. » Ce principe a donc une valeur constitutionnel.

 La Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée le 4 nov 1950 affirme elle aussi le principe de la légalité (art. 7-7). Aujourd’hui, il est notamment inscrit dans le Code pénal. Ce principe entraîne plusieurs grandes conséquences :

 

1)   La loi est la principale source du droit pénal

 

Pendant longtemps, on a pensé que seule la loi pouvait constituer la source du droit pénal. On pensait qu’il s’agissait  d’une importante garantie contre l’arbitraire.

 

Mais progressivement, le processus législative est apparue trop lourd et une place de plus en plus importante a été laissé au pouvoir réglementaire, qui est devenu une autre source du droit pénal. Il est en particulier compétent en matière de contravention et de procédure pénale.

 

La loi reste la source exclusive en matière de crimes et de délits. Ainsi, l’art. 111-2 du Code pénal indique : « La loi détermine les crimes et les délits (…) le règlement détermine les contraventions. »

 

2) Nul ne peut être poursuivi pour des faits qui n’ont pas été expressément prévu par un texte

 

L’art. 111-3 du Code pénal : « Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement. Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi, si l’infraction est un crime ou un délit, ou par un règlement, si l’infraction est une contravention. »

 

L’art. 112-1 du Code pénal reprend le principe : « Sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ».

 

En l’absence de texte punissant le comportement moralement condamnable et socialement nuisible, la seule solution est la relaxe ou l’acquittement. Souvent, le législateur intervient ensuite en créant une nouvelle infraction qui ne pourra entraîner la condamnation que des comportements postérieurs à son entrée en vigueur. Tel fut le cas pour le délit de grivèlerie ou filouterie d’aliments punissant le fait de se faire servir des aliments tout en sachant qu’on ne dispose pas de moyens pour les payer ou encore de la contravention de défaut de paiement d’autoroute. Plus récemment, on a crée le délit d’incitation au suicide à la suite de la publication de l’ouvrage « Suicide, mode d’emploi » qui, dans un premier temps, n’a pas pu entraîner la condamnation de son auteur faute de texte incriminant l’incitation au suicide.

 

 

3)   La loi pénale est d’interprétation stricte

 Le principe de la légalité a notamment pour conséquence d’imposer une interprétation restrictive de la loi pénale  : « La loi pénale est d’interprétation stricte » (art. 111-4 du Code pénal).

 

Toute interprétation par analogie est contraire au principe de légalité. Néanmoins, cela ne signifie pas que le texte pénal doit être interprété  restrictivement : le juger doit tirer toutes les conséquences du texte que le législateur a voulu lui attacher.

 

Ainsi, par exemple, à propos du mot « domicile  » en matière de violation de domicile, la Cour de cassation refuse de considérer que la voiture automobile était le prolongement du domicile, comme l’y invitaient  certains  auteurs  et  juridictions  du  fond.  De  même  le  viol  a  suscité  des  difficultés d’interprétation. Le viol est « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». La Chambre criminelle a considéré qu’une fellation constitue un viol (Crim. 22 août 1984, Bull.  crim. n°71) ainsi que le fait d’introduire un corps étranger dans l’anus de la victime (Crim. 5 sept. 1990, Bull. crim. n°313).

 

Parfois le législateur intervient pour préciser le sens d’un terme. Ainsi la loi du 22 juillet 1996 a ajouté à l’art. 132-75 du Code pénal un alinéa précisant que l’utilisation d’un animal pour tuer, blesser ou menacer est assimilée à l’usage d’une arme alors que cette assimilation avait été jusqu’alors contestée.

 

Le juge ne saurait prononcer une autre peine que celle prévue par le texte, ni dépasser le maximum de la peine encourue. Le nouveau Code pénal ne prévoit plus de minimum. Sous cette réserve, le juge dispose donc d’une latitude assez grande, il a notamment très souvent le choix entre plusieurs types de peines, le prononcé ou non de peines complémentaires. Cette liberté est encore plus renforcée au stade de l’exécution de la peine.

 

Cependant,  il  faut  rappeler  une  pratique  fréquente,  déjà  signalée,  connue  sous  l’expression

« correctionnalisation » qui consiste à ne pas appliquer tout le texte pénal, à retenir une qualification plus favorable au délinquant (ne pas relever toutes les circonstances aggravantes) dans le but de renvoyer l’affaire devant le tribunal correctionnel. Cette pratique est généralement acceptée par le délinquant et la victime. Les décisions sont ainsi rendues plus rapidement et entraînent des frais de justice moins lourds. Cependant, la Cour de cassation, si elle en était saisie, ne manquerait pas de sanctionner une telle pratique.

 

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