histoire du droit et indisponibilité de la couronne

Le principe d’indisponibilité de la couronne

Indisponibilité de la couronne.

Charles VI dit Le Fou, et Henri V, roi d’Angleterre, signent en mai 1420 le traité de Troyes en Champagne. Par ce traité, le fils du roi, le dauphin (futur Charles VII) est dépossédé de son hérédité vis-à-vis de la couronne au profit du roi d’Angleterre. On cherche à empêcher Charles VI de commettre cette folie et Jean de Terre Vermeille (juriste) s’efforce de démontrer en réalité que couronne # bien mais véritablement indisponible. Et donc Charles VI n’avait aucun droit d’écarter le dauphin de la couronne au profit d’Henri V car les ordres de succession sont de nature coutumière. Les coutumes ne dépendent de personne, pas même du roi. La succession à la couronne de France # comparable avec succession privée. En droit privé, défunt couche sur son testament certains de ses enfants qu’il veut privilégier et héritiers peuvent renoncer à une succession. Mais s’agissant de la couronne de France, le roi ne peut désigner un héritier car il est désigné par la coutume. Ces arguments s’imposent et défenseurs du dauphin Charles considèrent traité de Troyes comme nul.

A) Interdictions du roi.

1) Interdiction pour le roi de renoncer à la couronne (donc interdiction d’abdiquer)

En 1525, François 1er est fait prisonnier lors de la bataille de Pavie et il décide de renoncer au trône en faveur de son fils. Le parlement de Paris lui fait savoir que cette abdication est contraire à la coutume et donc qu’il faut trouver un autre moyen de sauver son royaume.

2) Interdiction de contraindre un successeur de renoncer à ses droits.

Affaire qui a empoisonné fin du règne de Louis XIV : le roi d’Espagne Charles II n’avait pas d’enfant et avait désigné pour lui succéder dans son testament le duc d’Anjou, le petit-fils de Louis XIV. Le duc va régner jusqu’en 1747 sous le nom de Felipe V. Mais si rien n’empêchait le duc d’accepter cet héritage, il était héritier direct du royaume de France et mauvais car équilibre des puissances européennes aurait été modifiée de manière très importante. Puissances étrangères déclarent guerre à la France et traité d’Utrecht en 1713 par lequel Felipe V, roi d’Espagne, renonce à ses droits sur le trône de France à la demande de Louis XIV. Mais cette abdication est nulle en vertu du principe d’indisponibilité de la couronne. Clause contestée par juristes et opinion publique. Secrétaire des Affaires étrangères rappelle que cette renonciation est contraire « à la Constitution de la Monarchie ». A la mort de Louis XIV lui succède son arrière-petit-fils, Louis XV donc on évite les difficultés.

3) Interdiction d’ajouter des successeurs.

Fin du règne de Louis XIV = assez crépusculaire. En 1711-1712, Louis XIV voit disparaître beaucoup de ses héritiers (son fils, son arrière-petit-fils aîné). Il ne reste plus que son arrière-petit-fils cadet et Felipe V d’Espagne. Louis XIV essaye de consolider sa succession dans l’édit de Marly en juillet 1714 en déclarant apte à lui succéder 2 enfants qu’il a eus hors mariage avec Mme de Montespan (duc de Maine et duc d’Anjou). A la mort de Louis XIV, édit de Marly est très contesté (crime de lèse-majesté) -> choc car on ne peut rajouter des héritiers même pour indisponibilité de la couronne. Le Conseil de régence révoque édit en juillet 1717.

B) L’instantanéité de la succession.

Pendant longtemps, roi ne devient pleinement roi qu’au moment du sacre. Lors de cette cérémonie qu’il est investi par Dieu de son pouvoir royal. Au moment de la mort du roi, le successeur est immédiatement investi de la plénitude des pouvoirs s’il a déjà été sacré. Mais une fois hérédité établie, on a cessé de sacrer héritier du vivant de son père après Philippe-auguste –> vide politique entre mort du roi et sacre de son héritier (moment de discontinuité de l’Etat et de la couronne). Pour résoudre difficulté, on va poser principe de Continuité de la couronne. En 1270, Philippe III est le premier roi qui date ses actes à partir de la mort de son prédécesseur et non de son sacre -> pleins pouvoirs au moment de la mort de son père. En 1403 et 1407, Charles VI le Fou déclare dans 2 édits que successeur du roi défunt est roi dès la mort de son prédécesseur. Idée = résumée par un adage de droit privé (« le mort saisit le vif »). Idée de continuité est renforcée par théorie de Jean de Terre Vermeille qui pose principe d’identité de nature entre roi et primo genitus (fils aîné). Pour comprendre, il faut considérer que roi a 2 corps (corps physique donc mortel et corps mystique/politique/royal qui lui ne meurt pas qui se dépose successivement chez différents membres d’une même lignée). A travers corps mystique, roi # seulement individu/personnage de droit privé mais roi appartient à l’Etat, la monarchie pour la servir. Royauté = lignée -> personne immatérielle qui s’incarne dans corps physique du roi. Qualité royale existe en puissance chez dauphin et mort du roi ne fait qu’actualiser cette dimension royale. Adage : « le roi ne meurt pas en France » et « le Roi est mort ! vive le Roi ! ».

Règles que le roi ne peut modifier -> il est tenu de les respecter. >< Avec souveraineté royale -> règles de succession ne disent rien sur quantité du roi au moment où il agit mais que roi ne peut pas être un autre que lui-même car une fois roi, il a bien pouvoir absolu. Quelle instance peut empêcher roi de violer lois fondamentales ? Personne de son vivant sauf si roi se rétracte. La plupart des hypothèses (testaments, traités…) ont été adoptées du vivant du roi mais déclarées nulles à sa mort. Rapport roi-sujets -> il n’y a pas d’atteinte à la souveraineté. On peut // règles de succession à des règles constitutionnelles.

Section 2- Le domaine de la couronne.

Lois attachées au royaume lui-même ne concerne pas seulement succession mais aussi domaine de la couronne qui concerne pouvoir effectif/politique du roi qui agit. Seule règle qui ait fait objet d’une mise par écrit (inaliénabilité du domaine de la couronne). Biens/droits appartenant à couronne sont mis à disposition du roi pour exercer pouvoir mais roi ne peut les aliéner (vendre, détruire…).

  • &1.Inaliénabilité coutumière.

Pas de distinction entre domaine de la couronne et domaine de la personne du roi jusqu’au 13ème siècle. Domaine constitué de biens, territoires, chemins, cours d’eau, châteaux, places fortes, biens mobiliers, titres de propriété et de droits qui permettent de percevoir taxes. Dominium appartient au roi en propre comme ils appartiennent à tout autre seigneur à époque féodale. Au 13ème siècle, sous influence du droit romain, juristes dégagent notion de domaine public/domaine de la couronne et affirment que biens et droits possédés par roi en vertu de sa qualité royale -> roi les possède mais # propriétaire car biens et droits appartiennent à entité naissante qu’est la couronne. Biens et droit = hors de commerce et ne peuvent faire objet d’appropriation. Au Moyen-âge, roi ne pouvait lever d’impôt sans demander avis des contribuables jusqu’au 16ème siècle et, en principe, il n’a pas d’autres moyens de survivre que de percevoir des droits, des taxes dus au domaine (adage : « le roi doit vivre du sien »). Si roi = trop dispendieux/prodigue, il risque de mettre finances de l’Etat en danger -> catastrophique en cas de guerre car pas de financement. Domaine ne doit pas être réduit mais augmenté pour assurer stabilité de l’Etat surtout en cas de conflits. Roi # maître de ses propres finances donc il n’a pas pouvoir absolu -> instances capables de juger et d’annuler aliénations du domaine par roi. Pouvoir du roi peut être empêché et idée de monarque absolu = entachée. Dans les faits, le roi est empêché et limité par règle de l’inaliénabilité du domaine. Mais d’un pt de vue théorique avec édit de Moulins, principe préservé.

  • &2. Edit de Moulins.

Scellé en février 1566 à Moulins -> seule loi fondamentale du royaume qui soit mis par écrit. Distinction faite entre domaine fixe et domaine casuel.

Domaine fixe : biens et droits acquis par roi depuis plus de 10 ans. Ils appartiennent à la couronne et sont fixés à jamais.

Domaine casuel : acquisitions récentes du roi (conquêtes, mariage…) laissées à disposition du monarque pendant 10 ans.

Ex : Henri IV était avant son sacre roi de Navarre et ses apports personnels sont rentrés immédiatement dans domaine fixe -> mariage entre roi et Etat. Royaume de Navarre = dot qu’apporte Henri IV.

2 exceptions :

  • Apanages des mâles puis-né de la maison de France : dotations de biens, de droits, de revenus au profit des frères du roi qui, en tant que princes de sang, pourront devenir rois et qu’ils puissent s’ils deviennent rois vivre bien. Contrepartie également du fait de ne pas être les aînés et pour empêcher complots contre roi.
  • Si roi est dans situation politique difficile, en particulier dans domaine militaire, et qu’il ne peut utiliser ses biens, droits, rentes… mais qu’il ne peut pas non plus lever d’impôts, alors respect strict de règle d’inaliénabilité risquerait d’être danger car royaume en perdition. Pas de pérennité du royaume en cas de respect de cette règle. Le roi peut lancer des emprunts et mettre en gage des parties du domaine -> si remboursement, tout est OK. Sinon, biens mis en gage comme garanties de l’emprunt = perdus.

Roi décide lui-même de se plier à stricte inaliénabilité ou de suspendre cette règle donc roi = monarque absolu. Définition de la souveraineté (selon Karl Schmidt) : possibilité de décider de l’exception.