Le principe de primauté
Ce principe est présumé par le droit de l’UE. Mais il n’est pas spécifique au droit de l’UE. Celui-ci est directement inspiré du principe de primauté en droit international général.Ce principe a été conçu de manière extensive par la CJUE. Le principe de primauté en droit de l’Union européenne (UE) est une doctrine fondamentale qui établit que, en cas de conflit entre le droit de l’UE et le droit des États membres, c’est le droit de l’UE qui prévaut. Cela signifie que les normes juridiques européennes ont une supériorité sur les lois nationales des États membres et doivent être appliquées en priorité.
Le principe de primauté du droit de l’Union européenne est consacré dans le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), bien qu’il ne soit pas explicitement mentionné dans les traités eux-mêmes. Ce principe découle de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), et il a été reconnu et développé au fil du temps à travers diverses décisions judiciaires.
I. Définition du principe de primauté
- L’articulation entre norme interne et internationale : Ce sujet est fortement débattu dans les cercles juridiques.
- D’un côté, il est considéré comme un principe de hiérarchie, équivalent à une supériorité de la norme internationale qui prévaut sur la norme interne.
- De l’autre, il est vu comme une règle de conflit, qui tranche non pas en fonction d’une verticalité ou supériorité, mais pour assurer la compatibilité entre les deux normes.
- Contrôle de légalité
- Contrôle de constitutionalité
- Conformité des normes inférieures aux normes supérieures
- Rapport de conformité, où la norme inférieure tire sa validité de la norme supérieure.
- Favorable à la primauté du droit international.
- Fondé sur des modèles monistes ou dualistes, selon lequel le droit international est intégré dans l’ordre juridique national.
- Le droit communautaire interdit aux États membres de l’Union Européenne de déterminer souverainement la place de ce droit par rapport à leur droit interne.
- Il est fondé sur des transferts de compétences et vise une application uniforme des règles de droit au sein des États membres.
II. Interprétation extensive du principe de la CJUE
Interprétation élargie du principe de primauté par la CJUE
- Arrêt Costa contre ENEL (15 juillet 1964) : La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), dans son arrêt historique Costa contre ENEL, a établi le principe de primauté du droit européen. Elle a fait cela sans explicitement mentionner une hiérarchie ou une supériorité, démontrant ainsi un pragmatisme axé sur l’efficacité plutôt que sur la théorie des moyens. Ce faisant, la Cour a clairement distingué le droit communautaire du droit international classique, une distinction qu’elle a accentuée jusqu’en 1985. Après cette date, elle a commencé à démontrer comment le droit communautaire est à la fois distinct et comparable au droit des États membres.
- Principe de « Pacta sunt servenda » : Ce principe latin signifiant « les accords doivent être respectés » est un fondement du droit international et a été affirmé par la CJUE comme un élément essentiel du droit communautaire.
- Arrêt Simmenthal (1978) : La CJUE a renforcé le principe de primauté en statuant que les juges nationaux doivent garantir l’application pleine et entière des normes communautaires, faisant du juge national un juge communautaire de droit commun. Ils doivent, si nécessaire, laisser inappliquée toute disposition de la législation nationale, même postérieure, qui serait contraire au droit de l’UE. La succession des lois dans le temps ne peut annuler la primauté du droit européen. Adopter une loi nationale contraire constitue un manquement aux obligations.
- Primauté absolue sur les normes nationales : La jurisprudence de la CJUE a établi une primauté absolue du droit européen sur l’ensemble des normes nationales, y compris les actes législatifs, les actes inférieurs et même les normes constitutionnelles.
- Obligations des États membres : Un État membre ne peut s’exempter de ses obligations européennes en invoquant une norme nationale, même constitutionnelle. C’est une compétence particulière que la CJUE reconnaît au juge national, qui, de sa propre autorité, doit écarter la norme nationale contraire.
- Conséquences nationales variées : Cette jurisprudence a entraîné diverses répercussions dans chaque État membre et selon les juridictions concernées (par exemple, le Conseil d’État en France a dû aborder la question de la « loi-écran »).
- Incorporation dans le TECE : Le principe de primauté a été réaffirmé dans le Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TECE), consolidant sa place au cœur du droit de l’Union européenne.
III. Intention des auteurs du TECE
Quelles sont les intentions des rédacteurs du Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) concernant le principe de primauté ? ça soulèvent une multitude de questions tant politiques que juridiques.
Sur le plan politique, le principe de primauté confère une place particulière au droit international. L’article I-6 du TCE fait référence au ‘droit de l’Union’. Ce principe est-il alors une caractéristique déterminante? Une déclaration annexée à l’article précise que l’explicitation du principe de primauté n’apporte rien de nouveau par rapport à l’état actuel de la jurisprudence. À l’heure actuelle, le principe de primauté s’applique au droit issu du Traité sur la Communauté européenne (droit communautaire), mais pas nécessairement à l’ensemble du droit de l’Union. Il n’y a pas de jurisprudence concernant la primauté des deuxième et troisième piliers, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) étant incompétente en ces matières. Le principe de primauté est intrinsèque au droit communautaire car il est justifié par une logique d’intégration européenne, une logique qui n’englobe pas les deux autres piliers. Le débat intense au sein de la convention sur ce principe de primauté révèle qu’il ne s’agit pas simplement d’une codification de la jurisprudence existante. Il visait à clarifier la primauté du droit de l’Union européenne sur les constitutions nationales, un point souvent controversé dans les jurisprudences et constitutions nationales. Les cours constitutionnelles ayant examiné ce Traité, notamment le Conseil constitutionnel français le 19 novembre 2004 et le Tribunal constitutionnel espagnol le 13 décembre 2004, ont abouti à la même conclusion : en vertu de l’article I-6, le droit de l’Union prévaut sur le droit interne. Cette interprétation ne modifie pas l’état actuel du droit et ne représente aucun conflit avec les constitutions nationales. Pour deux raisons, ces institutions ont adopté cette interprétation. Premièrement, par le biais de jurisprudences antérieures, elles ont préparé le terrain. Deuxièmement, sans l’admettre ouvertement, le Conseil constitutionnel s’est référé à l’article 88-1 de la constitution française, qu’il avait déjà utilisé précédemment.Si les juges constitutionnels avaient conclu le contraire, affirmant une incompatibilité avec la constitution, cela aurait nécessité une révision constitutionnelle. En définitive, les juges se sont retrouvés dans une position où la seule option viable était de proclamer la compatibilité de l’article avec la constitution, en faisant référence à une pratique jurisprudentielle établie, bien que le principe en soi ne constitue pas une innovation. »