Le principe de primauté en droit de l’Union Européenne

Le principe de primauté

Ce principe est présumé par le droit de l’UE. Mais il n’est pas spécifique au droit de l’UE. Celui-ci est directement inspiré du principe de primauté en droit international général.Ce principe a été conçu de manière extensive par la CJUE. Le principe de primauté en droit de l’Union européenne (UE) est une doctrine fondamentale qui établit que, en cas de conflit entre le droit de l’UE et le droit des États membres, c’est le droit de l’UE qui prévaut. Cela signifie que les normes juridiques européennes ont une supériorité sur les lois nationales des États membres et doivent être appliquées en priorité.

Le principe de primauté du droit de l’Union européenne est consacré dans le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), bien qu’il ne soit pas explicitement mentionné dans les traités eux-mêmes. Ce principe découle de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), et il a été reconnu et développé au fil du temps à travers diverses décisions judiciaires.

I. Définition du principe de primauté

Le principe de primauté est une notion fondamentale en droit, initialement établie et développée par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), antérieurement connue sous le nom de Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE). Bien que le principe de primauté soit couramment associé au droit communautaire, il puise ses origines dans le droit international général.Définition et analyse du principe de primauté:Le principe de primauté peut être envisagé sous deux perspectives distinctes :
  1. L’articulation entre norme interne et internationale : Ce sujet est fortement débattu dans les cercles juridiques.
    • D’un côté, il est considéré comme un principe de hiérarchie, équivalent à une supériorité de la norme internationale qui prévaut sur la norme interne.
    • De l’autre, il est vu comme une règle de conflit, qui tranche non pas en fonction d’une verticalité ou supériorité, mais pour assurer la compatibilité entre les deux normes.
Dans la pratique, le résultat est souvent similaire : la norme interne doit céder face à la norme internationale, mais la méthode de cette subordination varie. Dans un cadre de supériorité, il pourrait y avoir suppression de la norme interne, tandis qu’une règle de conflit impliquerait une application spécifique au cas d’espèce. Considérer le principe comme une hiérarchie signifierait intégrer la norme internationale dans la pyramide des normes, impliquant ainsi :
  • Contrôle de légalité
  • Contrôle de constitutionalité
  • Conformité des normes inférieures aux normes supérieures
  • Rapport de conformité, où la norme inférieure tire sa validité de la norme supérieure.
Dans le contexte internationaliste, le droit international est vu comme supérieur aux constitutions nationales. Cependant, dans une perspective constitutionaliste, c’est la constitution qui détermine la valeur du droit international.Cas de la France : En France, les actes administratifs et les lois doivent se conformer aux règles de droit international. Cependant, la validité d’un traité international ne dépend pas de la constitution nationale. Le traité reste valide même si un État ne le respecte pas, et la régularité formelle et substantielle d’un traité ne résulte pas de la constitution d’un État.Règle de conflit : La tendance doctrinale récente favorise cette interprétation pragmatique, ne s’attardant pas sur la hiérarchie théorique mais sur l’application préférentielle de la norme internationale en cas de conflit, sans systématiquement censurer la norme interne. En matière de droit international autre que le droit communautaire, chaque État détermine souverainement la place qu’il accorde au droit international dans sa constitution, ce qui peut être :
  • Favorable à la primauté du droit international.
  • Fondé sur des modèles monistes ou dualistes, selon lequel le droit international est intégré dans l’ordre juridique national.
Spécificités du droit communautaire :
  1. Le droit communautaire interdit aux États membres de l’Union Européenne de déterminer souverainement la place de ce droit par rapport à leur droit interne.
  2. Il est fondé sur des transferts de compétences et vise une application uniforme des règles de droit au sein des États membres.
Il est essentiel de garantir que le droit communautaire prime sur le droit interne des États membres. Cela est établi par une présomption irréfragable de primauté. Une autre particularité majeure est l’absence d’obligation de réciprocité : un État membre ne peut pas se dégager de ses obligations communautaires sous prétexte qu’un autre État membre ne respecte pas les siennes. Le système juridique communautaire dispose de ses propres voies légales pour régler les conflits.

II. Interprétation extensive du principe de la CJUE

Interprétation élargie du principe de primauté par la CJUE

  • Arrêt Costa contre ENEL (15 juillet 1964) : La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), dans son arrêt historique Costa contre ENEL, a établi le principe de primauté du droit européen. Elle a fait cela sans explicitement mentionner une hiérarchie ou une supériorité, démontrant ainsi un pragmatisme axé sur l’efficacité plutôt que sur la théorie des moyens. Ce faisant, la Cour a clairement distingué le droit communautaire du droit international classique, une distinction qu’elle a accentuée jusqu’en 1985. Après cette date, elle a commencé à démontrer comment le droit communautaire est à la fois distinct et comparable au droit des États membres.
  • Principe de « Pacta sunt servenda » : Ce principe latin signifiant « les accords doivent être respectés » est un fondement du droit international et a été affirmé par la CJUE comme un élément essentiel du droit communautaire.
  • Arrêt Simmenthal (1978) : La CJUE a renforcé le principe de primauté en statuant que les juges nationaux doivent garantir l’application pleine et entière des normes communautaires, faisant du juge national un juge communautaire de droit commun. Ils doivent, si nécessaire, laisser inappliquée toute disposition de la législation nationale, même postérieure, qui serait contraire au droit de l’UE. La succession des lois dans le temps ne peut annuler la primauté du droit européen. Adopter une loi nationale contraire constitue un manquement aux obligations.
  • Primauté absolue sur les normes nationales : La jurisprudence de la CJUE a établi une primauté absolue du droit européen sur l’ensemble des normes nationales, y compris les actes législatifs, les actes inférieurs et même les normes constitutionnelles.
  • Obligations des États membres : Un État membre ne peut s’exempter de ses obligations européennes en invoquant une norme nationale, même constitutionnelle. C’est une compétence particulière que la CJUE reconnaît au juge national, qui, de sa propre autorité, doit écarter la norme nationale contraire.
  • Conséquences nationales variées : Cette jurisprudence a entraîné diverses répercussions dans chaque État membre et selon les juridictions concernées (par exemple, le Conseil d’État en France a dû aborder la question de la « loi-écran »).
  • Incorporation dans le TECE : Le principe de primauté a été réaffirmé dans le Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TECE), consolidant sa place au cœur du droit de l’Union européenne.
La jurisprudence de la CJUE, en affirmant et en précisant le principe de primauté, a joué un rôle déterminant dans l’établissement et le maintien de l’ordre juridique de l’Union européenne, assurant ainsi la suprématie et l’uniformité de l’application du droit européen au sein des États membres.

III. Intention des auteurs du TECE

Quelles sont les intentions des rédacteurs du Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) concernant le principe de primauté ? ça soulèvent une multitude de questions tant politiques que juridiques.

Sur le plan politique, le principe de primauté confère une place particulière au droit international. L’article I-6 du TCE fait référence au ‘droit de l’Union’. Ce principe est-il alors une caractéristique déterminante? Une déclaration annexée à l’article précise que l’explicitation du principe de primauté n’apporte rien de nouveau par rapport à l’état actuel de la jurisprudence. À l’heure actuelle, le principe de primauté s’applique au droit issu du Traité sur la Communauté européenne (droit communautaire), mais pas nécessairement à l’ensemble du droit de l’Union. Il n’y a pas de jurisprudence concernant la primauté des deuxième et troisième piliers, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) étant incompétente en ces matières. Le principe de primauté est intrinsèque au droit communautaire car il est justifié par une logique d’intégration européenne, une logique qui n’englobe pas les deux autres piliers. Le débat intense au sein de la convention sur ce principe de primauté révèle qu’il ne s’agit pas simplement d’une codification de la jurisprudence existante. Il visait à clarifier la primauté du droit de l’Union européenne sur les constitutions nationales, un point souvent controversé dans les jurisprudences et constitutions nationales. Les cours constitutionnelles ayant examiné ce Traité, notamment le Conseil constitutionnel français le 19 novembre 2004 et le Tribunal constitutionnel espagnol le 13 décembre 2004, ont abouti à la même conclusion : en vertu de l’article I-6, le droit de l’Union prévaut sur le droit interne. Cette interprétation ne modifie pas l’état actuel du droit et ne représente aucun conflit avec les constitutions nationales. Pour deux raisons, ces institutions ont adopté cette interprétation. Premièrement, par le biais de jurisprudences antérieures, elles ont préparé le terrain. Deuxièmement, sans l’admettre ouvertement, le Conseil constitutionnel s’est référé à l’article 88-1 de la constitution française, qu’il avait déjà utilisé précédemment.Si les juges constitutionnels avaient conclu le contraire, affirmant une incompatibilité avec la constitution, cela aurait nécessité une révision constitutionnelle. En définitive, les juges se sont retrouvés dans une position où la seule option viable était de proclamer la compatibilité de l’article avec la constitution, en faisant référence à une pratique jurisprudentielle établie, bien que le principe en soi ne constitue pas une innovation. »