Quels sont les grands principes budgétaires ? 2 exemple : le principe de spécialité et de sincérité
- §1. Le principe de spécialité (des crédits)
- A) La nouvelle signification du principe
- B) Les dérogations au principe
- 1. La sincérité comptable
- 2. la sincérité budgétaire
- B. La portée du principe de sincérité budgétaire
§1. Le principe de spécialité (des crédits)
A) La nouvelle signification du principe
Il implique qu’au moment de l’adoption de la loi de finance, les parlementaires décident de la ventilation des crédits, ou au moins soient informés de la façon dont sont répartis les crédits. Grâce à ce principe les parlementaires ont le pouvoir de destination des crédits budgétaires. Ce principe joue dans la présentation des crédits, mais aussi s’agissant du mode d’examen des crédits et enfin au moment du vote des crédits. Les crédits peuvent être présentés de plusieurs façons ; organique, finaliste, etc. on peut également les présenter de façon matérielle, sous l’ordonnance de 59 les crédits étaient débattus et votés par chapitres. Depuis la LOLF les crédits sont présentés par mission et déclinés par programmes et sont débattus et votés sur la base de la mission. Les crédits sont spécialisés, leur destination est spécialisée par programme. On raisonne en terme de programme, la présentation par titre n’est qu’indicative sauf s’agissant des dépenses de personnels qui ne peuvent en aucun cas au moment de l’exécution être dépassés. Les crédits sont fongibles, le responsable du programme a à sa disposition une enveloppe budgétaire et dans cette enveloppe, une fois définie, il peut ne peut pas respecter les titres. Sauf que cette fongibilité est asymétrique, puisque les dépenses de personnels peuvent être diminuées mais non pas augmentées.
B) Les dérogations au principe
La première des dérogations c’est que certains considèrent que la souplesse, la liberté laissée au responsable de programme pour utiliser les crédits est une atteinte au principe de spécialité. Certes les crédits sont fongibles, mais cette liberté s’accompagne théoriquement d’une responsabilité lors de la loi de règlement.
Il existe des hypothèses où le parlement ne précise pas l’orientation des dépenses, c’est le cas de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, dont on ne sait pas à l’origine la destination.
Cette ventilation choisie par le Parlement, peut être modifiée par le pouvoir exécutif. Le parlement avait voté des crédits pour un programme, et par un acte le gouvernement modifie les crédits.
– Les transferts, là aussi il y a modifications de la destination des crédits, entre programmes de ministères différents. Il y a transfert si l’emploi de ces crédits a été transféré à un autre ministère.
– Les décrets et transferts sont limités dans leurs montants, puisqu’au cours d’une année les crédits qui font l’objet d’un virement ne peuvent excéder 2% des crédits ouverts pour le programme concerné.
&2) Le principe de sincérité
1) La sincérité comptable
Rapport de certification : la cour des comptes certifient les comptes. On trouve des éléments pour améliorer les mécanismes, les pratiques des comptables publics. On ne trouve pas des refus de certifier.
· obligation pour les comptables publics
· mission de certification
· dans la Constitution, à l’article 47-2 : les comptes de l’ensemble des administrations publiques sont réguliers et sincères. La sincérité comptable a une valeur constitutionnelle. Si une loi venait heurter cette sincérité comptable, cette loi serait censurée.
2. la sincérité budgétaire
a. l’origine prétorienne du principe de sincérité budgétaire
Ce principe est apparu pas dans un texte mais dans la jurisprudence. C’est la jurisprudence Constitutionnelle qui a découvert ce principe. A partir de 1993, le conseil constitutionnel va accepter d’examiner le grief d’insincérité. C’est à dire que lorsque les requérants (les parlementaires) dénoncent une insincérité le conseil constitutionnel accepte d’examiner ce grief. Le Conseil va aussi progressivement tracer les contours du principe. Il accepte le principe et ensuite il en donne le contour. L’émergence de la sincérité budgétaire peut s’expliquer pour plusieurs raisons :
· On assiste à une multiplication des centres de gestions notamment avec des établissements publics et financiers (en 1996 : caisse d’amortissement de la dette de la sécu), ces établissements publics et financiers ne vont pas tellement éclaircir le paysage mais ils vont même brouiller l’image des finances de l’Etat, en effet ces établissements publics vont faire dégager un grand flou lié au contexte institutionnel. Face à ce flou il va y avoir un besoin de davantage de sincérité. Les parlementaires souhaitent que le gouvernement ne profite pas de cette complexité pour camoufler la réalité budgétaire.
· De plus, les modes de financements se diversifient. Il a de plus en plus de prélèvements obligatoires, ce qui n’est pas un facteur de simplification.
· S’ajoute, les principes traditionnels d’unité et d’universalité sont apparus comme insuffisant pour protéger le pouvoir financier du parlement. Dans la décision du 29 décembre 1994 (qui porte sur le projet de loi de finances de 1995) : la saisine des parlementaires étaient assez précises, ils estimaient qu’il y avait insincérité pour plusieurs raisons. D’abords les auteurs de la saisine expliquent que le projet de loi de finances pour 1995 comporte un montant irréaliste des recettes qui sont attendu du montant des recettes des privatisations. Ils accusent le gouvernement de mettre un montant trop élevé, irréaliste. Ils considèrent qu’il y a insincérité. Le Conseil Constitutionnel rappel que les ressources de l’État retracés dans la loi de finances présentent un caractère prévisionnel et qu’en l’espèce ce montant prévisionnel n’est pas manifestement insincère. Les requérants prétendaient aussi que des charges publiques avaient été dissimulées, les crédits attribués à l’éducation nationale ne tiraient pas toutes les conséquences d’une loi qui avait été adoptée quelques mois auparavant. Le Conseil Constitutionnel rejette encore le grief mais il accepte de vérifier qu’il n’y a pas insincérité. Sur la forme il n’y a pas de modification, mais sur le fond le Conseil Constitutionnel accepte de vérifier l’insincérité.
Au départ ce principe de sincérité, le Conseil Constitutionnel avait quelques difficultés si cette sincérité est totalement indépendante de l’universalité ou l’unité budgétaire. L’autonomie du principe n’était pas évidente à reconnaître. Ce principe se confond parfois avec le droit à l’information. Le Conseil Constitutionnel estime que départ que dès l’instant où les parlementaires sont suffisamment informés alors ils ont peu de raisons de se plaindre.
b. un consécration organique du principe de sincérité
Elle a lieu au moment de la LOLF. En 2001 lorsque la LOLF est adoptée on a l’article 32 qui consacre le principe de sincérité budgétaire. La LOLF a un double objectif : améliorer la gestion publique et renforcer les pouvoirs du parlement (renforcement des prérogatives des commissions des finances, reprises des principes traditionnels etc.) parmi les outils de renforcement il y a la consécration du principe de sincérité.
(/!\ Question type : Renforcement des pouvoirs du parlement grâce à la LOLF ? => Principes de sincérité et les autres)
L’article 30 de la LOLF énonce que les lois de finances présentent de manière sincère l’ensemble des ressources et des charges de l’État. Leur sincérité s’apprécie contenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. L’article 32 reste assez flou
B. La portée du principe de sincérité budgétaire
1. Les précisions apportées par la décision du 25 juillet 2001
La décision du 25 juillet 2001 est la décision qui porte sur la LOLF. On en apprend davantage sur comment la sincérité s’apprécie. Il y a deux conséquences concrètes :
– pour les lois de finances la sincérité s’entend comme l’absence d’intention de fausser les grandes lignes déterminées par les lois de finances. Pour les lois de finances pour qu’il y ait violation du principe de sincérité il faut que le gouvernement ait voulu sciemment fausser les grandes lignes de la loi de finances. Il faut une réelle intention.
– Pour les lois de règlement le CC est plus exigent puisque la sincérité impose l’exactitude des comptes. Il faut que les comptes qui sont présentés soient exacts. Le gouvernement peut se tromper et surévaluer des recettes, mais en loi de règlement il a le devoir de présenter les comptes correctement
Il y a donc deux façons de voir la sincérité.
2. les difficultés de mise en œuvre
Le Conseil Constitutionnel avait été audacieux en acceptant d’aller sur le terrain de la sincérité. Mais au vue de sa jurisprudence on voit qu’il est mesuré lorsqu’il procède à la vérification de la sincérité.
Le Conseil Constitutionnel va vérifier la sincérité quantitative :
Pour la loi de finances il va vérifier si les évaluations de recettes, de dépenses et le solde sont faites de bonne foi, qu’il n’y a pas de mensonges ou de volonté manifeste de fausser ces grandes lignes. En effet, le gouvernement peut être tenté de faire de « l’irréalisme prévisionnel ».
Il va aussi vérifier la sincérité qualitative :
Il s’agit de voir la cohérence et la lisibilité des mécanismes financiers. Il s’agit de vérifier que l’on n’a pas utilisé une procédure pour obtenir une présentation faussée de la réalité. Par exemple on va décharger le budget général pour mettre à la charge d’un budget annexe des dépenses. On débudgétise alors qu’il n’y a pas de raison de le faire. On utilise des procédures qui ne sont pas interdites en elle-même mais on les détourne de leur objet réel. On contrôle donc à la fois les chiffres présentés mais aussi les méthodes notamment si les procédures ne dissimulent pas une volonté néfaste.
Le contrôle du Conseil Constitutionnel est timide à ce niveau :
Pour des raisons techniques car le Conseil Constitutionnel n’a pas les outils nécessaire à un contrôle exhaustif du budget. On a des outils de prévisions (INSEE, direction du budget etc.). Le Conseil Constitutionnel n’est pas l’expert en matière économique et budgétaire
Pour des raisons politiques car le Conseil Constitutionnel doit vérifier que le parlement peut exercer ses droits mais il n’a pas à juger des choix politiques. Il est donc limité dans son contrôle. Si le gouvernement a choisi de faire une politique volontariste, le Conseil Constitutionnel n’a pas à interférer dans les choix politiques. Il n’est là que pour vérifier la bonne exécution de la Constitutionnel.
Pour des raisons pratiques car le Conseil Constitutionnel a bien compris lorsqu’en 1979 il a censuré le budget pour 1980, que la censure d’une loi de finances n’était pas forcement souhaitable s’il y avait inconstitutionnalité et qu’on la censurait alors on s’exposait à d’autres difficultés. Ne pas avoir de loi de finances avant le 1er janvier ça peut être pire qu’avoir une loi avec un soupçon d’insécurité.
Pour des raisons de bon sens car le Conseil Constitutionnel se limite à l’intention de fausser les grandes lignes, car des prévisions peut se révéler inexactes alors que l’on avait des rédacteurs du projet de loi de finances de bonne foi.
Pour toutes ces raisons le Conseil Constitutionnel va préférer agir avec pragmatisme. Et plutôt que de censurer la loi de finances il va préférer accorder un sursis au gouvernement. Comment se manifeste ce sursit ? Il va rappeler au gouvernement que si l’équilibre budgétaire définit est bouleversé alors il faudra déposer une loi de finances rectificative (=collectif budgétaire)
Dans la décision du 29 décembre 2009 relative à la loi de finances pour 2010, les requérants soutenaient que les hypothèses économiques de croissances qui fondent la loi de finances étaient sous évaluées de sorte que l’affectation des recettes supplémentaires seraient soustraites à la possession du parlement. Il y aurait une volonté de sous évaluer les recettes. Le Conseil Constitutionnel a rappelé que la LOLF prévoyait que l’utilisation des surplus de recettes doit être prévue en loi de finances. Dans la loi de finances pour 2010 il était prévu que les éventuels surplus devaient être utilisés pour combler le déficit budgétaire. Le Conseil Constitutionnel en déduit qu’il n’y a pas de preuve d’une volonté manifeste de sous-évaluation des recettes. Mais encore les surplus de recettes n’échappent pas réellement au parlement puisqu’ils ont voté leur utilisation dès le projet de loi de finances pour 2010. Il n’y a pas d’insincérité. Les requérants estimaient aussi que les autorisations de crédits votées en loi de finances étaient insincères car certaines missions sont sous notées. Le Conseil Constitutionnel va rappeler qu’il ne lui appartient pas d’apprécier le montant des crédits votés, que ce pouvoir appartient au parlement.