Le droit à une justice de qualité, un principe fondamental
A partir du moment où le justiciable a un droit d’accès au tribunal, il doit aussi bénéficier durant le déroulement du procès des garanties fondamentales. Ces garanties fondamentales sont consacrées à l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme et offre au justiciable le droit d’être entendu équitablement, publiquement, dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial.
Ici, on ne peut que souligner le fait que la procédure civile subit de plein fouet les effets de l’encadrement du procès par la convention européenne des droits de l’homme qui a une autorité supralégislative mais aussi et surtout par la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme qui se charge d’assurer le respect de cette convention. Ce contrôle est d’autant plus efficace et redoutable qu’aujourd’hui la cour européenne des droits de l’homme est devenue permanente, elle est dotée de juges élus pour 6 ans renouvelables, elle dispose d’un greffe et de référendaires qui sont là pour assister les juges. Puis surtout, cette cour peut être saisie d’une requête par toute personne physique, ONG, groupe de particuliers dès lors qu’ils sont victimes d’une violation de la convention.
- Le droit à un procès équitable :
Cette expression n’est pas spécifique au droit européen et n’est pas nouvelle, elle était déjà exprimée à l’article 10 de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 mais cette déclaration n’a de valeur qu’idéal et aucun organe de contrôle n’en assure le respect. On la trouve aussi à l’art14 § 1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966. Ici l’importance est réelle puisque ce pacte est auto exécutoire et est doté d’un organe de contrôle : le comité des droits de l’homme de l’ONU. Mais ce droit a surtout pris son essor dans la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme qui a su faire de cette notion évoquée à l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme un instrument autonome. Cette dénomination de droit à un procès équitable désigne l’ensemble des garanties procédurales énoncées à l’article 6 § 1 mais la référence à l’équité présente aussi une autonomie propre. En effet, la cour européenne des droits de l’homme ne se contente jamais d’un simple examen formel de toutes les garanties énumérées à l’article 6-1 pour conclure que le procès est équitable. Il lui est arrivé de sanctionner un procès alors même que toutes les garanties formelles auraient été respectées. Ce droit à un procès équitable est en fait un instrument qui sert à juger l’ensemble de la procédure pour en juger la régularité ; a ce titre, l’équité a un sens très précis. L’équité se comprend dans son sens d’égalité, d’équilibre. On évoque en fait le terme d’equity qui en fait la qualité d’être loyal. Ce que vérifie la cour européenne des droits de l’homme est que le procès dans son ensemble a assuré à chacun un traitement égal. C’est ainsi que la cour européenne des droits de l’homme peut sanctionner tout procès qui se déroulerait dans des conditions de nature à placer injustement une partie dans une situation désavantageuse par rapport à une autre. C’est en se fondant sur ce droit au procès équitable que la cour a consacré des droits qui ne sont pas comme tels exprimés dans la convention. En ce qui concerne la procédure civile, on peut regrouper ces droits dans trois catégories essentielles :
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– L’égalité des armes : la cour européenne des droits de l’homme considère que l’égalité des armes constitue une exigence essentielle du procès équitable et elle la définit comme la possibilité pour chaque partie d’exposer sa cause dans des conditions qui ne la désavantage pas d’une manière appréciable par rapport à la partie adverse.
– Le principe du contradictoire : la contradiction implique pour une partie la faculté de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre ainsi que d’en discuter.
– Le droit à la motivation : la cour européenne des droits de l’homme considère que l’énoncé des motifs est seul de nature à permettre au justiciable de vérifier que le juge a bien examiné ses prétentions et donc qu’il a été entendu. Cette notion de motivation obligatoire est très importante, elle a donné lieu a trois condamnations de la France dans trois affaires : l’affaire Fouquet du 12 octobre 1994 et 31 janvier 1996, l’affaire Higgins du 19 février 1998 et l’affaire Dulaurans du 21 mars 2000. Trois condamnations pour défaut de motivation.
- Le droit à un tribunal indépendant et impartial
En réalité, l’article 6 § 1 offre deux sortes de garanties au justiciable, les premières garanties sont liées au fonctionnement de la justice et implique que cette justice soit tout d’abord publique. Cette publicité vise en fait à inspirer confiance et répond à une exigence de transparence. Néanmoins, ce principe de publicité connaît des tempéraments. Deuxième qualité de cette justice, en plus d’être publique, cette justice doit être rapide, rendue dans un délai raisonnable. Seule la rapidité permet d’avoir une justice crédible et efficace. Ce délai raisonnable a valu beaucoup de condamnations à la France. Ce caractère s’apprécie suivant les circonstances de la cause et utilise différents critères tels que la complexité de l’affaire, le comportement des requérants ou bien encore l’enjeu du litige pour le plaignant. Dans l’affaire du sang contaminé la France s’est fait condamner.
Deuxième sorte de garantie offerte par l’article 6-1, ce sont des garanties liées à l’organisation institutionnelle. En effet, l’article 6-1 pose des conditions relatives au juge appelé à statuer sur les droits à caractère civil, il doit s’agir d’un tribunal établi par la loi, indépendant et impartial. Le tribunal auquel le droit d’accès est garanti n’est pas défini par référence aux droits nationaux, il s’agit d’une notion autonome que la cour européenne des droits de l’homme a défini a partir de plusieurs critères dans deux arrêts Sramek et Demicoli, la cour a défini le tribunal comme celui qui a pour objet de trancher sur la base de normes de droits à l’issue d’une procédure organisée toute question relevant de sa compétence. Cette définition adopte une approche matérielle puisqu’on tient compte de la finalité de l’intervention du juge, on prend en compte sa fonction juridictionnelle.
Cette notion a été établie a partir de plusieurs critères. Le premier critère utilisé est celui de la fonction juridictionnelle. Cela a permis de qualifier de tribunal un organe indépendamment de la qualification qui lui est donnée en droit interne. C’est ainsi que dans un arrêt du 22 Août 2002 Didier contre France, le conseil des marchés financiers qui est une autorité administrative indépendante a été qualifié de tribunal au sens de l’article 6-1 lorsqu’il statue en matière disciplinaire. Cette précision avait un seul objectif qui était de lutter contre les juridictions d’exception ad hoc créées pour répondre à des besoins spécifiques. L’arrêt invoque un tribunal qui décide, ce qui signifie que le droit d’accès à un tribunal est réservé à un jugement ce qui exclut les actes ou les décisions qui ne tranchent pas au fond. Ce tribunal ainsi défini n’est apte à trancher une contestation que lorsqu’il est aussi indépendant et impartial. Indépendant et impartial, il s’agit de deux mots différents mais qui entretiennent un point commun. Il est vrai que l’indépendance est une condition préalable à l’impartialité. La cour européenne des droits de l’homme a défini de manière autonome des deux notions. Cette notion exige de prohiber toute influence qui pourrait être exercée sur le juge. Il peut y avoir par exemple, une influence de l’Etat qui emploie le juge. C’est pour empêcher cette influence qu’on a élaboré un statut d’indépendance des juges qui composent la juridiction en prévoyant un certain mode de désignation, une certaine durée dans leurs fonctions et bien sûr l’inamovibilité. En outre, on a créé un organe qui s’interpose entre l’Etat et les juges qui est indépendant le conseil supérieur de la magistrature et qui veille à assurer l’indépendance des juges. Cette influence peut aussi provenir des juges avec lesquels le juge doit statuer. C’est la raison pour laquelle on a instauré la règle du roulement ou que l’on interdit aux alliés, aux conjoints ou aux parents d’être simultanément membres d’un même tribunal. L’influence pourrait aussi provenir des parties elles-mêmes, c’est la raison pour laquelle on a instauré le principe de la gratuité de la justice et prohibé la rémunération des juges par les plaideurs eux-mêmes. On a instauré des procédures telles que la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime où dans l’intérêt de la bonne administration de la justice. Ainsi qu’une procédure de récusation pour assurer cette indépendance. L’impartialité traduit le principe de neutralité du juge. Elle revêt deux aspects. On a d’un coté l’impartialité subjective qui se définit comme l’absence de préjugés dans son for intérieur. Et cette impartialité subjective est présumée jusqu’à preuve du contraire. Pour la remettre en cause, il faudra des éléments objectifs, c’est-à-dire faire état de paroles ou d’écrits du juge démontrant qu’il a un préjugé au sujet de l’affaire qu’il doit trancher. A coté de l’impartialité subjective, on a l’impartialité objective qui se trouve remplie lorsque le tribunal donne toute apparence de garanties organiques pour exclure tout doute dans l’esprit du public. C’est justement pour éviter cette partialité objective qu’on a édicté quatre incompatibilités :
– Ne peut être juge celui qui a décidé de faire juger l’affaire
– Ne peut être juge celui qui l’a instruite : valable uniquement en matière répressive.
– Ne peut être juge celui qui l’a déjà jugée
– Ne peut être juge celui qui a antérieurement donné un avis à son propos
C’est ainsi que la Cour de Cassation dans un arrêt du 6 novembre 1998 a estimé qu’un juge des référés qui avait accordé une provision sur le fondement de l’article 809 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile relatif à une obligation non sérieusement contestable ne peut pas ensuite siéger dans la juridiction qui traitera du fond de l’affaire. En effet, lorsqu’il a décidé en tant que juge des référés d’accorder une provision parce que l’obligation n’était pas contestable, il a déjà formé une opinion.