les principes directeur du cadre institutionnel européen
Définition d’une « institution » : Classiquement, une institution est définie comme un élément structurant juridiquement la réalité sociale, selon Auriou. Ce concept s’applique aux institutions :
- au sens organique du terme,
- au sens matériel du terme, par exemple, le mariage.
Dans les traités européens, le terme « institution » est réservé à certains organes spécifiques, bien que cette qualification ne soit pas définitivement fixée. Il n’est pas toujours clair pourquoi certains organes sont appelés institutions et d’autres non.
Évolution de la qualification institutionnelle : Initialement, quatre organes étaient qualifiés d’institutions :
- Le Parlement européen,
- Le Conseil de l’Union européenne,
- La Commission européenne,
- La Cour de justice de l’Union européenne.
En 1992, le Traité de Maastricht a ajouté une cinquième institution : la Cour des comptes européenne, précédemment considérée comme un simple organe. Ce changement a été l’objet de discussions intenses. Certains ont pensé trouver dans le droit communautaire un critère distinctif d’institution : un organe possédant un pouvoir de décision normatif ou juridictionnel. Toutefois, la Cour des comptes ne correspond pas à cette définition. Son inclusion en tant qu’institution a donc été interprétée comme une reconnaissance de son rôle crucial dans la surveillance de la gestion financière de l’Union européenne, en particulier depuis les années 1990 où la bonne gestion financière a pris une importance croissante.
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D’autres organes ont exprimé le désir d’être reconnus en tant qu’institutions.
Le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, dans son article I-19, a maintenu la liste à cinq institutions mais n’a pas inclus la Cour des comptes. Ce traité n’est jamais entré en vigueur et a été remplacé par le Traité de Lisbonne.
Dans le cadre institutionnel actuel :
- L’article 13 du Traité sur l’Union européenne (TUE) énumère les institutions de l’UE : le Parlement européen, le Conseil européen, le Conseil, la Commission européenne, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et la Banque centrale européenne (BCE). La Cour des comptes est considérée comme une institution dans ce contexte.
- L’article 13 du TUE n’utilise pas explicitement le terme « institution » pour la BCE ou la Cour des comptes, mais ces dernières sont effectivement traitées comme telles.
Ces institutions, en particulier les quatre originales, sont régies par cinq principes directeurs, qui émanent des traités et de la jurisprudence de l’UE et qui structurent les relations au sein de l’Union :
- Principe d’unité institutionnelle,
- Principe d’équilibre des légitimités,
- Principe d’attribution des compétences,
- Principe d’autonomie institutionnelle,
- Principe d’équilibre institutionnel.
Il est important de noter que ces principes directeurs servent à assurer que les institutions fonctionnent dans le respect de la répartition des compétences et des équilibres établis par les traités, en favorisant la coopération et en évitant les conflits de compétences au sein de l’UE.
- l’unité institutionnel
L’unité institutionnelle : un principe clé des institutions européennes
L’ensemble des politiques communautaires et les pouvoirs de l’Union sont soutenus par un cadre institutionnel unique, qui se manifeste par une différenciation fonctionnelle.
Cette structure se distingue notamment au niveau de deux institutions principales dont la composition reste constante :
- Le Parlement Européen : À la suite des élections européennes de 2019, le nombre de députés est désormais fixé à 705, après le Brexit, conformément aux décisions prises pour redistribuer certains des sièges précédemment attribués au Royaume-Uni.
- La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) : Sa composition est également stable pour assurer une cohérence juridique. Elle est différente de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui est liée au Conseil de l’Europe et non à l’Union européenne. La CEDH a évolué dans sa structure de jugement, passant d’une formation unique et plénière à des chambres de jugement.
La CJUE vise à garantir l’uniformité des décisions autant que possible, malgré ses divers champs de compétence.
Concernant la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne :
- La Commission européenne est composée de manière à ce que la nationalité de ses membres soit secondaire; elle n’est pas conçue pour représenter les États membres. Elle fonctionne plutôt comme un gouvernement, avec un commissaire pour chaque domaine de compétence.
- Le Conseil de l’Union européenne, quant à lui, a pour rôle de représenter les États membres. Il est impératif que lors de chaque réunion, un ministre par État membre soit présent. Ainsi, la composition du Conseil varie selon les sujets traités, avec la présence de différents ministres concernés par le thème à l’ordre du jour. Cependant, le Conseil est considéré comme une seule et même institution, qui réunit en principe les ministres des Affaires étrangères.
Il est important de noter que ces descriptions sont conformes à la configuration des institutions européennes jusqu’à la dernière mise à jour de mes informations en avril 2023. Toute modification ultérieure de la structure ou du fonctionnement de ces institutions nécessiterait une vérification à partir de sources actuelles pour refléter les changements les plus récents.
- l’équilibre des légitimités
L’équilibre des légitimités est un principe fondamental des institutions européennes, découlant de l’architecture prévue par les traités, notamment le TFUE. Ce principe est caractérisé par :
- Trois formes de représentativité distinctes : chaque institution européenne est censée représenter des intérêts différents, conférant ainsi trois types de légitimité qui assurent la cohérence du système de l’UE.
- Le Parlement Européen détient une légitimité démocratique. Il représente les citoyens européens et est élu directement par ces derniers, suivant le principe d’élection au suffrage universel direct, ce qui est fondé sur les dispositions actuelles du TFUE.
- Conçu sur le modèle des parlements nationaux, le Parlement Européen se positionne en tant qu’organe législatif influent au sein de l’UE.
- Le Conseil de l’Union européenne, souvent simplement appelé le Conseil, incarne la légitimité intergouvernementale.
- Composé de représentants des gouvernements des États membres, chaque membre étant typiquement un ministre des affaires européennes ou autre domaine pertinent, le Conseil est l’instance où les États membres expriment et défendent leurs intérêts nationaux.
- La Commission européenne est le moteur de l’intérêt communautaire, porteur d’une légitimité supranationale.
- En tant qu’entité la plus originale et indépendante des institutions européennes, l’efficacité de la Commission repose sur une répartition judicieuse des portefeuilles et la désignation des meilleurs candidats pour chaque poste, avec une attente explicite que les commissaires soient investis exclusivement des intérêts de l’Union dans son ensemble, et non de leur État membre propre.
Le processus décisionnel de l’UE repose sur une synergie entre les intérêts communautaires (représentés par la Commission), nationaux (représentés par le Conseil) et populaires (représentés par le Parlement). La Commission propose la législation, tandis que le Parlement et le Conseil tranchent, selon une procédure de codécision. Cet équilibre suppose que chaque institution, selon sa légitimité propre, soit impliquée de façon optimale dans le processus décisionnel :
- Ceci est souvent décrit comme le « triangle institutionnel » de l’UE, symbolisant le mécanisme de prise de décision où le Conseil européen, bien qu’étant une institution distincte, joue également un rôle clé en définissant les orientations et les priorités politiques de l’Union.
- attribution des compétences
Structure fonctionnelle et objectifs institutionnels
Les institutions de l’Union européenne sont organisées de manière fonctionnelle afin d’atteindre des objectifs précis. Chaque institution opère dans le cadre des compétences qui lui sont définies par les traités. Ce principe était énoncé à l’article 7 du Traité établissant la Communauté européenne (TEC). Aujourd’hui, il convient de se référer au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui a remplacé le TEC après le Traité de Lisbonne.
Dans cette optique, l’application des compétences institutionnelles découle directement de l’article 5 du TEC, qui stipule que l’Union n’agit qu’à l’intérieur des limites des compétences qui lui sont attribuées et des objectifs qui lui sont fixés par les traités.
Attribution des compétences matérielles
Les compétences de l’Union sont réparties selon deux catégories principales :
- Compétences exclusives: où seule l’Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants.
- Compétences partagées: où l’Union et les États membres peuvent intervenir, mais les États membres ne peuvent exercer leur compétence que dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne.
Attribution des compétences formelles
Formellement, l’Union ne peut agir que dans le cadre des décisions autorisées par le droit de l’Union. Le rôle des institutions est strictement délimité par les traités.
Extension des compétences
Dans certains cas, il peut être nécessaire d’étendre les compétences sans modifier les traités. Cette nécessité a donné lieu à deux théories principales :
- Théorie des compétences implicites: Basée sur la jurisprudence, comme dans l’arrêt AETR du 31 mars 1971, cette théorie suggère que les institutions de l’Union disposent de pouvoirs non expressément attribués par les traités, mais qui sont nécessaires pour leur permettre d’atteindre les objectifs des traités. Par exemple, la protection des consommateurs s’est implicitement développée en compétence de l’Union à travers la jurisprudence sans attendre une révision formelle des traités.
- Pouvoir d’attribution subsidiaire (anciennement l’article 308 TCE): Cet article a évolué et est désormais l’article 352 TFUE. Il prévoit que si une action est nécessaire pour atteindre un objectif de l’Union, mais qu’aucune compétence spécifique n’est attribuée par les traités, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut adopter les mesures appropriées.
Développement d’actes atypiques
Dans la pratique, les institutions ont développé des actes atypiques ou hors nomenclature, tels que les accords interinstitutionnels, pour définir des procédures à suivre entre elles. Cela leur permet de s’auto-réguler et de collaborer plus efficacement. On note également l’établissement de codes de déontologie et de chartes interinstitutionnelles.
Mécanismes de contrôle
Les institutions de l’Union européenne ont mis en place des mécanismes de contrôle pour s’assurer que les compétences sont exercées de manière appropriée et en accord avec les traités. Ces mécanismes comprennent des procédures juridictionnelles devant la Cour de justice de l’Union européenne, des procédures de manquement et des recours en annulation, qui contribuent au maintien de l’ordre juridique de l’Union.
- l’autonomie des institutions
- Autonomie des institutions de l’UE : Les institutions de l’Union européenne jouissent d’une autonomie considérable. Ce principe est fondamental et se reflète dans la manière dont les institutions fonctionnent et prennent des décisions indépendamment des volontés individuelles des États membres.
- Indépendance dans la prise de décision : Le Conseil de l’Union européenne, par exemple, ne représente pas seulement un forum où les États membres expriment leur volonté nationale, mais il fonctionne également dans le cadre de l’intérêt commun européen, conformément aux traités.
- Principe de l’autonomie institutionnelle : Ce principe est consacré par le Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui a remplacé le Traité établissant la Communauté européenne (TECE). Il faut se référer aux articles actuels du TFUE pour des informations précises, car les numéros des articles peuvent avoir changé depuis le TECE.
- Autonomie administrative et budgétaire : Les institutions de l’UE disposent de leur propre administration et budget, ce qui les autorise à fonctionner sans pression directe des États membres. Cela leur permet de gérer leurs affaires internes, de répartir leurs ressources et de mener des actions conformément aux objectifs de l’UE.
- Non-subordination aux directives étatiques : Il n’y a pas de directive étatique à prendre en compte dans le fonctionnement des institutions de l’UE. Elles sont guidées par le droit européen et les objectifs définis dans les traités de l’Union européenne.
- l’équilibre institutionnel
Le principe d’équilibre institutionnel est un concept fondamental dans le fonctionnement des institutions européennes, établi par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE).
- Le principe d’équilibre institutionnel a été consacré par la jurisprudence de la CJUE comme étant le résultat des interactions entre les différents principes fondamentaux de l’Union.
- Ce principe a été identifié très tôt par la CJUE, notamment à travers le Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Par exemple, dans l’arrêt Meroni du 13 juin 1958, la Cour a parlé d’équilibre des pouvoirs comme d’une caractéristique essentielle de la structure institutionnelle de la Communauté, offrant une garantie fondamentale en vertu du Traité.
- L’article 3 du Traité CECA, à présent remplacé par les traités ultérieurs, permettait de déduire que l’équilibre des pouvoirs entre les institutions constituait une telle garantie. Toutefois, la formulation actuelle et l’application de ce principe seraient maintenant à chercher dans les articles correspondants du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE).
- L’idée principale est que la participation de trois institutions majeures de l’UE (la Commission, le Conseil et le Parlement) dans le processus décisionnel garantit que le plus grand nombre d’intérêts possibles seront pris en compte. La Cour a maintenu qu’elle devait veiller à ce que cet équilibre soit préservé.
- Un arrêt significatif en matière d’équilibre institutionnel est celui de la Société Roquette Frères contre le Conseil, datant du 29 octobre 1980, où la Cour a utilisé le terme d’équilibre institutionnel et a statué que la consultation du Parlement, telle que prévue par les Traités, est un élément essentiel de cet équilibre.
- Cet équilibre n’est pas strictement défini par la jurisprudence mais est considéré comme aussi important que la séparation des pouvoirs au niveau étatique. Néanmoins, en raison du manque de séparation organique au niveau européen, les deux concepts ne sont pas entièrement assimilables.
- Il est essentiel que toutes les institutions concernées participent à l’élaboration d’un acte législatif pour préserver l’équilibre institutionnel.
- Dans le Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TECE), qui n’a finalement pas été adopté, il y avait une tentative de clarifier la distinction entre les actes législatifs et exécutifs. Toutefois, les principes sous-jacents à ce texte ont été intégrés dans le TFUE et dans le Traité sur l’Union européenne (TUE).
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Le principe d’équilibre institutionnel reste un principe structurant du système communautaire, et il est vigoureusement protégé par la CJUE. Il est souvent comparé à une forme de séparation des pouvoirs mais du point de vue de l’architecture institutionnelle de l’Union Européenne.