La prise illégale d’intérêts

La prise illégale d’intérêts :

Les délits de prise illégale d’intérêts visent à préserver le bon fonctionnement du service public. En effet, pour assurer le bon fonctionnement du service public, le législateur limite traditionnellement les activités privées d’une personne chargée de mission de service publique ou d’une autorité publique que celle-ci peut exercer. Il s’agit pour le législateur de prévenir des conflits d’intérêts dont il redoute qu’il soit préjudiciable au service public. Le législateur craint que le fonctionnaire puisse se trouver en conflit entre d’une part ses intérêts privés et d’autre part, l’intérêt public qu’ils et dans le cadre de sa profession et accorde la préférence à ses intérêts privés sur les intérêts publics.

La législation limite particulièrement, notamment dans deux infractions pénales punissant les manquements à ces limitations. On les qualifiait avant 1992 de délit d’ingérences dénommées prise illégale d’intérêts.

L’un est le droit commun, un délit général qui s’applique à toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique en activité. Son champ d’application est le plus large.

A côté, un délit spécial de prise illégale d’intérêt qui a un délit plus restreint car il s’applique à des personnes qui ont cessé leur activité dans la fonction publique.

Ce délit est le ,délit de droit commun dans ce domaine est prévu à l’article 432­12 du Code pénal. C’est une très vieille infraction que l’on appelait le délit d’ingérence. Son objectif est de limiter l’activité privée des personnes exécutant une activité publique dans un but de prévention de confit d’intérêts. Conflit d’intérêt au titre de l’activité publique et l’intérêt privé au titre de l’intérêt privé qu’une personne publicité peut retenir.

A) La constitution du délit de prise illégale d’intérêts des fonctionnaires en activité :

Ce délit punit selon l’article 432­12 du Code pénal : « le fait de prendre recevoir ou conserver, directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise ou une opération dont l’auteur a, au moment de l’acte, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ».

C’est un délit des plus compliqués qui tient à une modalité d’actes constitutifs et à des objets sur lesquels cet acte doit porter.

a) Les auteurs :

Le délit ne peut être puni que par des auteurs qui ont une qualité déterminée selon l’article 432­12 du Code pénal.

Trois catégories de personnes :

­ Les personnes dépositaires de l’autorité publique. C’est­ à­ dire toutes les personnes fonctionnaires ou non dont l’action engage la puissance publique. C’est le pouvoir d’autorité publique.

­ Les personnes chargées d’une mission de service public. Ce n’est pas tant le statut que la mission. Un arrêt du 27 février 2002 définit ces personnes selon la Chambre criminelle, qui sont chargées d’accomplir des actes ayant pour but de satisfaire l’intérêt général. Elle rajoute qu’il est indifférent que ces personnes ne disposent d’aucun pouvoir de décision au nom de la puissance publique. Le critère de distinction entre personne dépositaire et chargée d’une mission est un critère matériel qui réside dans le pouvoir de décision. Les deux servent l’intérêt général. Dans l’arrêt cette définition donnée à propos d’un ingénieur détaché à propos d’une agence publique qui devait se prononcer sur des contrats.

­ Les personnes qui ont un mandat électif, c’est à dire les élus. C’est le domaine de prédilection d’application du délit. Il est aux élus locaux ce que l’abus de biens sociaux est aux chefs d’entreprise. On y trouve les maires, les conseillers municipaux, les présidents de chambre de commerce, les mandataires à la liquidation judiciaire d’une entreprise, les magistrats, policiers, fonctionnaires communaux. Il faut constater cette qualité pour appliquer ce délit.

b) Les actes :

Quels sont les actes punis au titre de ce délit ?

­ Tout d’abord les modalités de ces actes :

Trois actes différents sont définis par le texte :

La prise, la réception et la conservation d’un intérêt. Ce sont trois actes alternatifs, un seul suffit. Ce qui est puni, ce sont tous les actes d’acquisition et de détention d’un intérêt contraire à l’activité publique.

. La prise et la réception d’un intérêt :

Elles renvoient à une même hypothèse dans laquelle le conflit d’intérêt naît de l’obtention d’un intérêt privé qui est incompatible avec l’exercice préalable d’une fonction publique ou d’un mandat public.

Dans cette hypothèse, l’activité publique précède l’obtention de l’activité privée. Elle consiste à un acte positif de prendre.

Par exemple, le fonctionnaire achète un bien public, se porte adjudicataire d’un bien public. L’élu attribue un emploi communal à un proche ou un membre de son parti politique.

. La conservation :

Le texte se aussi la conservation d’un intérêt. C’est une innovation du Code de 1992. Avant, la conservation n’était pas puni.

Une personne détient une fonction privée et hérite d’un mandat, d’une fonction publique incompatible avec cet intérêt privé qui précède l’activité ou le mandat public. Le délit est constitué par le fait de conserver cet intérêt incompatible avec l’activité ou le mandat public.

A priori, l’élément matériel est positif car il s’analyse en une conservation, ainsi en réalité il est négatif car c’est une absence d’abandon. Deux prescriptions alternatives.

Ce serait l’hypothèse d’un individu dans la société serait adjudicataire d’un marché public et qui deviendrait élu de la collectivité avec qui il a conclu ; Il a bien un intérêt privé légitime qui vient se heurter à un mandat public qui lui est postérieur. Le nouvel élu doit impérativement ou arrêter l’exercice du marché public et cesser l’exécution du contrat.

Ces actes peuvent avoir lieu directement ou indirectement. Le délit punit le fait de prendre, de recevoir ou de conserver directement ou indirectement. Latitude d’application plus large au délit.

La distinction est la suivante :

Cette prise d’intérêt est directe quand elle découle immédiatement de la décision ou de l’opération que le fonctionnaire ou l’élu prend ou met en œuvre. Par exemple, le fonctionnaire achète le bien public. Son épouse est allocataire d’un organisme qu’il dirige. Ses enfants sont locataires d’un logement communal.

La prise illégale d’intérêts est celle qui va découler d’un effet de l’opération, de ses conséquences. Par exemple, le bien public est vendu à une société qui accorde des avantages à un élu. Ce bien

public est attribué à une société qui emploi l’épouse de cet élu. Dans un arrêt récent, un contrat est consenti à une société qui participe au capital de l’élu, c’est l’avantage indirect.

1) L’objet de l’acte :

Il ne s’agit pas d’interdire de prendre tout intérêt dans une opération. Seules certaines activités vont être interdites. Il s’agit de l’intérêt qui est pris dans une entreprise où une opération, dont le fonctionnaire ou l’élu a la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement.

L’intérêt prohibé est celui qui porte sur une entreprise ou opération :

Une entreprise, c’est à dire toute entité exerçant une activité commerciale. La prise d’intérêt se fait par le biais d’une opération. L’hypothèse est celle dans laquelle un élu ou fonctionnaire achèterait des parts d’une entreprise qui est déjà adjudicataire d’un marché public qui relève de sa surveillance et de son administration et dans l’attribution duquel il n’ait pas intervenu.

Par exemple, le fonctionnaire qui change de poste. Un inspecteur des impôts nouvellement nommé prendrait des parts dans une société qui ne relève pas de sa surveillance.

La prise d’intérêt dans une opération ?

Deuxième objet du délit, c’est lorsque le fonctionnaire ou l’élu prend un intérêt dans un acte juridique qui relève de son pouvoir quelque soit la nature juridique de cet acte. C’est tout acte que le fonctionnaire fait dans le cadre de son activité et dans laquelle il aurait un intérêt. Le terme opération est la plus large possible.

Le deuxième caractéristique est qu’il n’est interdit que si elle est incompatible avec l’activité publique. Cette incompatibilité va tenir au fait que la prise d’intérêt porte sur une entreprise ou une opération dont cette personne à la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement.

La surveillance de l’opération d’une entreprise ?

C’est toute mission de contrôle exercée par un individu.

Par exemple, le maire surveille le personnel communal. Il ne peut pas prendre d’intérêt dans une opération d’embauche dont il a la surveillance.

L’administration ?

C’est le pouvoir de gestion, mais aussi tout simplement le conseil, la préparation d’une décision. Par exemple, est jugé qu’un ingénieur a une mission d’administration dans un marché public s’il doit

préparer les dossiers des candidats. Il était actionnaire d’une des sociétés. Le maire à l’administration du personnel communal.

La liquidation ?

Elle est prise dans son sens propre, c’est le calcul d’une opération.

Le paiement ?

C’est la mise à exécution d’une opération financière.

Surtout, il importe peu que cette mission soit exécutée seule ou collectivement. Peu importe que l’élu ne soit pas le seul à l’administrer. Dès lors qu’il a un intérêt et qu’il participe à l’opération.

Peu importe selon la Chambre criminelle, que la délibération soit exercée statutairement par délégation. Il peut y avoir prise illégale d’intérêts dans une opération où l’individu n’intervient pas en raison de ses compétences propres, mais sur délégation.

Quel est cet intérêt ?

La définition est la plus large possible. La chambre criminelle admet un intérêt patrimonial, ou moral et familial qui ne donne pas de profit matériel pour l’auteur.

2) L’intention de l’acte :

Le délit est intentionnel, la Chambre criminelle, le 27 novembre 2002 a décidé que l’intention coupable est caractérisée du seul fait que l’auteur a accompli sciemment l’acte constituant l’élément matériel du délit. Elle n’inclut nullement la recherche d’un profit personnel et l’intéressé ne peut pas faire valoir le doute qu’il avait sur l’irrégularité de l’acte et les conseils qu’il a pu prendre auprès de son avocat.

Le Code pénal de 1992 a consacré l’erreur sur le droit pour échapper à la responsabilité pénale, mais celle-ci doit être invincible.

B) Les exceptions du délit de prise illégale d’intérêts des fonctionnaires en activité

L’article 432­12 du Code pénal prévoit des exceptions qui concernent les petites communes à propos desquelles le législateur a considéré qu’il était nécessaire d’assouplir les interdictions posée par le délit.

Le législateur a pris acte du fait que les marchés ou travaux publics ne peuvent être accompli par une entreprise liée à un élu à défaut d’autres entreprises dans le périmètre communal. Obligé à recourir à des entreprises extérieures serait cause d’un surcoût, d’un obstacle insurmontable.

a) Le domaine de ces exceptions :

Communes de 3500 habitants au plus.

Ces exceptions ne concernent que les maires, adjoints ou conseillers municipaux.

Les exceptions portent sur trois types d’opérations :

­ Les transferts de biens mobiliers ou immobiliers ou fourniture de service dans la limite d’un montant annuel de 16 000 Euros. La Chambre criminelle a décidé que cette somme était globale.

­ L’acquisition d’une parcelle d’un lotissement pour y édifier une habitation personnelle ou la conclusion d’un bail d’habitation avec la commune pour son logement personnel.

­ L’acquisition d’un bien appartenant à la commune pour la création ou le développement de l’activité professionnelle. Dans l’hypothèse où le prix payé ne peut pas être inférieur à l’évaluation du service des domaines.

b) Le régime de ces exceptions :

L’article 432­12 du Code pénal le fixe :

L’intéressé ne peut pas participer à la délibération du conseil municipal relative à la convention en cause.

Ce conseil municipal ne peut pas se réunir à huit clos.

Enfin, pour les deuxième et troisième opération, le conseil municipal doit motiver sa délibération.

C) La répression du délit de prise illégale d’intérêts des fonctionnaires en activité :

Il expose à 5 ans de prison et 65 000 Euros d’amende.

Des peines complémentaires dont la plus redouté est l’inéligibilité.

En ce qui concerne la prescription de l’action publique :

La chambre criminelle considère qu’elle court à compter du dernier acte de la prise d’intérêt si elle donne lieu à plusieurs actes. Dans le domaine de la comptabilité publique, il y a beaucoup d’actes.

L’action civile ne peut être engagée que par la commune qui est la victime du délit. Un particulier ou administré n’a pas qualité pour se constituer partie civile car son préjudice est indirect.

L’article L 316­8 du Code des communes autorise toute personne intéressée a exercer une cation civile pour le compte d’une commune si elle en est autorisé par le tribunal administratif et à condition que cette commune refuse elle­-même d’exercer l’action civile.

  • &2 : La prise illégale d’intérêts des anciens fonctionnaires :

Il est prévu à l’article 432­13 du Code pénal.

Il vise à limiter la prise d’intérêts privés de personnes qui viennent de cesser d’exercer une fonction publique. Le critère n’est plus la concomitance mais la succession.

Pourquoi cette interdiction ?

Pour protéger l’exercice préalable de l’activité publique en empêchant que son titulaire puisse en retirer un avantage dans le domaine privé ce qui laisserait craindre qu’il a pu l’exercer d’une façon partisane.

Le délit a aussi l’objectif de l’égalité des entreprises devant les marchés publics en empêchant qu’une entreprise privée puisse profiter des réseaux d’un ancien fonctionnaire.

C’est un instrument de lutte contre le pantouflage.

A) La constitution du délit de prise illégale d’intérêts des anciens fonctionnaires:

 

  1. a) Les auteurs :

Ce sont les fonctionnaires publics, agents ou préposés d’une administration publique. Sont également visés les agents des établissements publics, des entreprises nationalisées et des sociétés d’économique mixte. C’est à dire tous les employés statutaires de l’Etat.

Les élus ne sont pas concernés.

b) Les actes :

C’est la conclusion d’un contrat de toute nature avec une entreprise privée. Celà inclus, les contrats de travail, les activités de conseil, de formation et les prises de participation de toutes sortes.

Néanmoins, cette interdiction n’est valable que 5 ans après la cessation de la fonction publique.

Le délit ne s’applique pas à toutes les relations commerciales et financières que l’ancien fonctionnaire peut avoir. Ce sont les entreprises dont l’ancien fonctionnaire avait la surveillance ou le contrôle. Elles se rapprochent de l’article 432­12 du Code pénal. Par exemple, un ancien inspecteur des impôts qui avait contrôlé une entreprise d’assurances.

C’est un délit intentionnel dans le même sens que l’article 432­12 du Code pénal.

B) La répression du délit de la pris illégale d’intérêts par d’anciens fonctionnaires :

2 ans de prison et 30 000 Euros d’amende.

Des peines complémentaires à l’article 432­17 du Code pénal.