[PDF] Fiches de procédure pénale

PROCÉDURE PÉNALE

   La procédure pénale permet la mise en œuvre du droit pénal général. En principe, un délinquant ne peut subir une peine que lorsqu’il a été condamné par l’autorité judiciaire et il ne peut être condamné qu’après avoir été jugé par une juridiction pénale. Entre l’infraction et la peine se situe le procès pénal. Le procès pénal c’est le lien nécessaire entre l’infraction et la sanction.
 

Traditionnellement la procédure pénale est définie comme le droit qui organise le passage de l’infraction à la punition.
Le procès pénal vise à affirmer l’existence de l’infraction, à l’imputer à son auteur et ensuite à le punir. Le procès pénal doit également rendre possible la démonstration de l’innocence. Le procès pénal peut permettre également l’indemnisation de la victime, mais le but premier du procès pénal c’est la punition.
La mission de la procédure pénale, c’est d’abord la mise en œuvre du droit de punir de l’État. Mais pour voir prononcer une peine, pour qu’il y ait procès pénal, encore faut-il que la justice pénale soit saisie.

 

Introduction générale

  • 1 – Première vue sur la procédure pénale

            Le droit pénale regroupe ce que l’on appelait les sciences criminelles càd la branche du droit qui a pour objet l’étude de l’incrimination et de la répression par l’Etat des agissements de nature à troubler l’ordre social. Le droit pénal se divise en plusieurs branches: le droit pénal général, le droit pénal spécial qui concerne l’étude des diverses infractions prévues par la loi pénale, la procédure pénale qui est l’ensemble des règles qui régissent la mise en oeuvre des lois pénales de fond. De manière plus concrète il s’agit du lien entre les faits constitutifs de l’infraction et le jugement qui va se prononcer sur la culpabilité de l’auteur des faits. La procédure pénale s’applique même au delà du jugement puisqu’elle englobe la question des recours contre les décisions pénales. Entre la fait et le jugement, la procédure pénale va fixer les règles qui concernent l’organisation judiciaire de façon très précise. Elle joue aussi un rôle fondamental pour garantir les principes essentiels en matière de procès pénal (règles de preuve, libertés au cours de l’instance pénale, …). En définitive la procédure pénale est le droit relatif au procès pénal.

            La justice pénale doit être effective et rapide pour être efficace. « Effective » signifie que la répression pénale doit réellement avoir lieu. « Rapide » car l’infraction créée un trouble social qui doit être apaisé au plus tôt par une décision qui vient y mettre un terme. C’est également dans l’intérêt du délinquant que la justice pénale doit être rapide. L’efficacité de la justice pénale s’exprime de manière plus profonde par le fait que l’état moderne a le monopole de la répression pénale, les particuliers n’ont pas eux-mêmes le droit d’exercer la justice pénale. L’état vient ainsi limiter la violence privée et impose sa propre justice, et de ce fait il est tenu de rendre la justice pénale de manière efficace. D’un autre côté, la justice pénale doit respecter les droit et libertés fondamentaux des individus. En effet, les sociétés civilisées modernes s’honorent de garantir de garantir les DH et de les préserver des atteintes arbitraires. Ce respect des droits et libertés fondamentaux par la justice pénale constitue une limite de son efficacité. Cette objectif est délicat mais est officiellement affirmé par une décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1996, dite perquisition de nuit, dans laquelle le Conseil affirme que la recherche des auteurs d’infractions est nécessaire à la sauvegarde de principes et droits de valeur constitutionnelle. Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre cet objectif de valeur constitutionnelle et l’exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties au nombre desquelles figure la liberté individuelle. Art. 304 du Code de procédure pénale qui impose dans le serment que doivent prêter les jurés de Cour d’Assise de ne trahir ni les intérêts de l’accusé, ni ceux de la société qui l’accuse, ni ceux de la victime.

            Dès lors que la procédure pénale a pour but de parvenir à un jugement, elle doit être garante d’un maximum de justice mais n’est pas une garantie absolue contre une erreur judiciaire.

 

  • 2 – Le choix d’un régime procédural

            Ce choix repose sur une considération centrale: quelle est la personne autorisée à déclencher les poursuites ? Selon la personne choisie par la sté on a affaire à tel ou tel type de justice pénale. Dans un cas on considère que tout à chacun peut être accusateur, dans l’autre, on considère que seules certaines autorités ou personnes peuvent déclencher les poursuites. Ce choix est politique car selon le choix, on insiste sur l’intérêt individuel ou sur l’intérêt général.

A – La procédure de type accusatoire

            C’est le premier système apparu de part le monde car c’est le plus évident, le plus spontané. Il ressemble au procès civil car la logique est celle de deux parties qui s’affrontent sous le regard du juge. Cette procédure pénale est davantage favorable à l’accusé. Accusatoire signifie que la caractéristique essentielle de ce système est que les poursuites pénales sont déclenchées par un accusateur. Cet accusateur saisi une autorité en vue d’obtenir la condamnation de la personne qu’elle accuse. C’est un système favorable à l’accusé puisqu’il appartient à l’accusateur d’apporter la preuve de la culpabilité de l’accusé. Tant qu’il n’y a pas eu d’accusation, les juges ne sont pas saisis de l’affaire. La place éminente réservée à l’accusateur a pour conséquence que le juge saisi se trouve dessaisi si l’accusateur se désiste. L’accusateur était, à l’origine, la victime de l’infraction ou ses proches.  Dans les temps anciens, la place d’accusateur était délicate puisqu’il supportait les dépenses du procès, la recherche des preuves et lorsque son accusation était jugée infondée pouvait se voir exposer à la loi du talion càd la peine qu’il avait réclamée à l’encontre du délinquant. Peu à peu d’autres personne ont été admises comme accusateur, notamment les témoins d’une infraction. Au fur et à mesure, il y a eu le développement d’accusateur professionnel. Au XIII siècle, ils étaient nommés procuratores et se sont progressivement vus confier la mission d’accuser lors de procès. Une ordonnance du 28 décembre 1355 a créé l’institution des procureurs du roi qui avaient le droit de déclencher les poursuites de leur propre initiative, mais dans le même temps, les personnes privées conservaient le droit de déclencher des poursuites.           

            Ce système accusatoire se signale par plusieurs traits constants: la procédure est publique, les citoyens sont appelés à assister à l’audience, ils contrôlent en quelque sorte le déroulement du procès, cela a aboutit à la création de jurys populaire. La procédure est orale, il n’y a pas d’écrit et tout doit être dit. La procédure est contradictoire, toute affirmation doit pouvoir être discutée entre l’accusateur et l’accusé, le juge n’intervient pas, il ne fait que contrôler cet échange de paroles et se prononce sur les preuves qui lui ont été apportées. Il s’agissait d’un système utilisait dans l’Antiquité grecque et romaine et en France durant le Moyen Age. Il a été ensuite réintroduit en France par la Révolution. Ce système continue à être celui qui inspire les pays de Common Law. Ce système est garant des libertés individuelles puisqu’il insiste sur les droit s de la défense, toute personne a le droit de se défendre publiquement au cours d’un débat contradictoire. De plus, une distinction très marquée existe entre celui qui exerce les poursuites et celui qui juge. Ce système favorise la transparence et la simplicité et est assez aisément compréhensible par les justiciables. En revanche, la possibilité pour toute personne d’accuser représente un inconvénient tout comme le fait que la procédure soit entièrement orale. Or, de nos jours il est difficile de se prononcer sans un dossier. Le principe du jury populaire pour juger est critiquable car il est plus sensible à la manoeuvre d’un avocat alors que le juge professionnel sera davantage objectif et se laissera moins déstabiliser. C’est également un système inégalitaire puisque, comme il n’y a pas d’instruction prise en charge par la puissance publique, il appartient à chaque partie d’apporter ses preuves.

 

B – La procédure de type inquisitoire

            C’est un modèle qui repose sur l’idée que la justice pénale ne peut consister à seulement arbitrer un litige entre des plaideurs. Le but est non seulement de rendre la justice au profit des particuliers mais aussi de la rendre dans l’intérêt de la société et, si possible, de faire apparaitre la vérité. Ce système est entièrement dominé par un juge fonctionnaire public qui représente l’intérêt général et dirige toute l’enquête. Il est apparu avec un certain degré de sophistication de l’Etat. Ce modèle suppose que le juge cherche les preuves, interroge, reconstitue les faits, recherche les mobiles et pour cela il est investit de pouvoirs extrêmement importants. C’est un système plus autoritaire dans la mesure où l’enquête est confiée à la puissance publique qui utilise tous ses moyens pour administrer la preuve. Son avantage est que les parties ne sont pas obligées de rechercher elles mêmes les preuves, mais comme elles sont dessaisies de cette tâche il ne faut pas qu’elles parasitent l’enquête. Ce modèle est donc moins respectueux des droits de l’accusé. Cette logique repose sur une procédure écrite et secrète. La procédure inquisitoire admet que le juge peut se saisir seul des faits délictueux au niveau des poursuites. En revanche c’est un système efficace en matière de répression, le recours à des magistrats professionnels et compétents favorise la manifestation de la vérité. Il est également plus égalitaire dans la mesure où la preuve est prise en charge par l’autorité publique. Cette efficacité est obtenue au prix d’atteintes aux droits individuels, par exemple, l’interrogatoire est souvent mené de manière à obtenir l’aveu du délinquant et n’est pas contradictoire. C’est en plus un système lourd qui génère beaucoup de paperasse et qui est très long.         C’est un système qui était déjà en vigueur en France sous l’Ancien Régime, il a été abandonné à la Révolution dans sa forme la plus extrême, mais le système français reste en majeur partie un système inquisitoire. C’est donc un système inquisitoire tempéré par des éléments du système accusatoire.

 

  • 3 – L’évolution de la procédure pénale française

A – Le passé: des origines au Code d’instruction criminelle

1 – L’ordonnance criminelle de 1670

            Elle a essayé de simplifier considérablement la logique qui prévalait jusque là et a essayé d’unifier les règles. Elle a divisé la procédure pénale en 3 étapes:

 

  • le déclenchement des poursuites: par une plainte de la victime, par le ministère public ou par une auto-saisine du juge
  • l’instruction préparatoire: elle était destinée à s’assurer qu’un délit a bien été commis et à voir s’il y avait matière à procès. Concrètement il s’agissait pour le juge d’entendre les témoins et les accusés, cet interrogatoire devait se dérouler dans les 24h suivant l’accusation.
  • la remise des conclusions par la partie publique. Sur la base de ces conclusions un choix était fait entre deux procédures:
  • l’hypothèse dans laquelle le délit est peu important (il lèse uniquement des intérêts privés) s’applique la procédure du procès de petit criminel. Il s’agit d’une action en responsabilité en RC dans laquelle le but est de parvenir à une indemnisation de la partie lésée éventuellement après une transaction
  • l’hypothèse dans laquelle le délit est grave, la procédure est celle du procès du grand criminel. Dans ce cas le juge menait une deuxième instruction, il reprenait son enquête et le procureur prenait de nouvelles réquisitions. Il y avait ensuite une audience dans laquelle l’accusé était de nouveau interrogé par le juge. Il s’agissait d’une audience qui n’était pas publique et les témoins n’étaient pas entendus.

 

2 – Le Code d’instruction criminelle de 1808

            Ce Code est une oeuvre de transaction. Il concilie le système inquisitoire de l’Ancien régime et le système accusatoire de la Révolution. Ce Code retient le modèle inquisitoire pour toute la phase du procès qui précède l’audience du jugement. Ainsi, la phase d’instruction est secrète, écrite, sans avocat et non contradictoire. Ensuite, le système accusatoire s’applique à l’audience, la procédure de jugement est donc publique, orale, avec avocats et contradictoire. La Cour d’Assise est composée de magistrats professionnels et de simples citoyens. En ce qui concerne l’engagement des poursuites, le système est également mixte car l’action publique est exercée par le ministère public mais la victime a aussi le droit de mettre en mouvement l’action publique.

           

4 principes fondamentaux ont été posés à l’époque du Code d’instruction criminelle:

  • le principe d’unité de la justice répressive et civile: les juges qui sanctionnent une infraction peuvent aussi se prononcer sur les intérêts civils
  • le principe de la collégialité: la garantie d’une bonne justice était rendue possible par la collégialité des personnes qui jugeait, de nos jours encore, toutes les infractions sont jugées par un groupe de plusieurs juges. La seule exception est les contraventions qui dépendaient des juges de paix
  • le principe de double degré de juridiction: l’appel est toujours possible pour une décision rendue en première instance. La loi du 15 juin 2000 a instauré l’appel pour les décisions de Cour d’Assises
  • le principe de séparation des fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement: le procureur va exercer les poursuites, le juge d’instruction met l’affaire en état d’être jugée et le tout est transmis au juge

Ces principes sont restés en vigueur durant un siècle et demi. Une réforme de 1897 a permis à l’accusé de connaitre les charges pesant contre lui, de prendre connaissance du dossier et d’être assisté d’un avocat dès le premier interrogatoire par le juge. Les droits de la défenses ont donc été renforcés.

 

B – Le présent : le Code de procédure pénale

            Il a été nécessaire d’adopter un nouveau Code en raison de l’évolution des mentalités après la 2 GM. Il convenait donc d’insister sur la sauvegarde des libertés individuelles et des des droits fondamentaux. Le nouveau Code de procédure pénale a été promulgué par l’ordonnance du 23 décembre 1958 et s’est appliqué à partir de mars 1959.

            Sa forme est classique, division en quatre parties: la première est constituée de dispositions législatives et les 3 autres sont composées de dispositions règlementaires. Ces 3 parties commencent par une lettre qui détermine la nature de la norme concernée (R = règlement, D = décret, A = arrêtés). Le Code contient également une annexe qui est composée de circulaires qui ont pour but de donner des instructions aux tribunaux. Ce sont de simples recommandations qui ne s’imposent pas aux tribunaux.

            Sur le fond, le Code débute par un article préliminaire qui est consacré aux grands principes régissant la procédure pénale. Vient ensuite un titre préliminaire qui distingue clairement l’action publique (qui prononce une peine contre le délinquant) et l’action civile (qui répare les préjudices de la victime).

            Ce Code a été révisé de nombreuses fois. La loi du 15 juin 2000 qui a institué le juge des libertés et de détention provisoire. Ce juge a été créé dans le but de retirer le pouvoir au juge d’instruction de placer quelqu’un en détention provisoire. Cette même loi introduit un second degré de juridictionnel en matière d’Assises et a prévu l’intervention de l’avocat au début de la garde à vue. La loi Perben II du 9 mars 2004 qui a ajouté beaucoup d’infractions de procédure en matière de crimes organisés. La loi du 5 mars 2007 pose le principe de la collégialité de l’instruction et réaffirme pour la 8ème fois que la détention provisoire doit être exceptionnelle. En 2008 a été lancée la Commission de réflexion sur la justice pénale, elle a rendu un rapport en septembre 2009.

 

C – L’avenir: la réforme de la procédure pénale

            Ce rapport contient 12 propositions, il devait servir de base au projet de loi modifiant le Code de procédure pénale. En réalité, seule la partir relative à al garde à vue a fait l’objet d’un projet de loi.

 

1 – Propositions du Comité Léger

  • suppression du juge d’instruction qui va être transformé en juge de l’enquête et des libertés
  • création d’un juge de l’enquête et des libertés qui va avoir pour rôle d’assurer le respect des droits des parties au cours de l’enquête
  • création d’un cadre unique d’enquête, il s’agit de conférer tout pouvoir d’enquête au procureur
  • renforcer les droits des personnes mises en cause et des victimes
  • renforcer les droits dans la phase préparatoire: restreindre la garde à vue en créant une retenue judiciaire (possibilité de retenir quelqu’un pendant 6h sans garde à vue) + définir des délais maximaux de détention provisoire
  • simplification de la procédure préparatoire
  • suppression du secret de l’enquête: dépénalisation de la violation du secret de l’instruction
  • attribution d’un simple rôle d’arbitre au président de la juridiction
  • développement de l’échevinage: jury populaire au niveau des tribunaux correctionnels
  • le renforcement des droits de la partie civile
  • harmonisation des délais de procédure
  • modernisation de la Cour d’Assise: possibilité pour les jurés d’avoir accès au dossier + possibilité d’enregistrer et de retranscrire les débats lors de l’audience à la Cour d’Assise
  • obligation de motiver les décisions des Cours d’Assise: la Cour d’Assise est en effet la seule juridiction qui n’a pas à motiver ses décisions. La Cour de cassation a accepté le 20 janvier 2011 de soumettre au CC la question de la constitutionnalité de l’absence de motivation

 

2 – Appréciations de ces propositions

            La simplification et la généralisation des délais butoirs de détention provisoire existent déjà dans certaines procédures mais n’existent pas de manière cohérente. La motivation des arrêts de Cours d’Assise semble être une bonne chose car on doit motiver les décisions concernant les délits donc il paraît logique de motiver les décisions concernant les crimes. La suppression du secret d’instruction semble être raisonnable si l’on prend en compte les moyens de communication de notre époque.

            La retenue judiciaire semble plus critiquable. Elle n’a pas été retenue en tant que telle mais a été proposé, à la place, une audition libre sans avocat, sans contrainte et sans limite de temps. Le risque était d’être placé en garde à vue en cas de refus de cette audition libre, il s’agirait donc d’un système de sous garde à vue. Elle a été refusée par les députés. La question de la suppression du juge d’instruction et la conduite de l’enquête par le parquet: le travail du juge d’instruction serait confié au procureur. Or, les membres du parquet ne sont pas considérés comme des magistrats par la CEDH car ne sont pas indépendant du pouvoir exécutif (Medvedyev c/ France, 10 juillet 2008). il a donc été proposé de couper tout rattachement des procureurs avec le pouvoir exécutif en changeant leur procédure de nomination. Or, le rapport ne contient rien en ce qui concerne cette indépendance du procureur. Ce rapport est aussi critiquable car il ne contient rien sur l’indépendance du procureur ou sur le droit pour l’avocat d’assister son client pendant la garde à vue. Finalement, la France a été obligée de modifier la proposition de loi sur la garde à vue car a été condamnée par la Cour EDH entre temps. Il est vraisemblable que cette réforme ne voit pas le jour de si tôt, seul le volet garde à vue est examiné actuellement.

 

 

 

PREMIÈRE PARTIE – LE CADRE DU PROCÈS PÉNAL

 

CHAPITRE I – Le cadre institutionnel du procès pénal

 

 

Section I – L’organisation de l’institution judiciaire

 

            L’institution judiciaire répressive s’entend des diverses autorités publiques qui concourent au procès pénal. En matière pénale, le défendeur au procès n’est pas connu spontanément, il faut rechercher l’auteur de l’infraction. Et même lorsque ce dernier est connu, il faut l’interroger et réunir des preuves contre lui, il faut éventuellement s’assurer de sa personne, le retenir. Toutes ces tâches relèvent des organes de police qui sont chargés de constater l’infraction et d’en découvrir l’auteur.

 

  • 1 – Les organes de la police judiciaire

A – Distinction des activités de police judiciaire et de police administrative

 

            Le pouvoir de police au sens large est le pouvoir reconnu à une autorité publique d’imposer des règles pour tous les actes de la vie courante ou pour l’exercice d’une activité déterminée. Le rôle des services de police est d’assurer le respect des dispositions législatives, règlementaires ou individuelles de police. Ce rôle recouvre d’une part la police administrative et d’autre part la police judiciaire.

            La police administrative a pour mission de prévenir les infractions, elle a donc un rôle préventif de surveillance et de contrôle des citoyens afin d’éviter la commission d’infractions. Elle donc empêcher que l’ordre soit troublé et s’il l’a été, elle doit le rétablir. Elle doit faire respecter les lois et règlements. Elle est placée sous le contrôle de l’autorité administrative. Elle a concrètement 4 missions:

  • veiller au respect des prescriptions générales de police édictées par les autorités compétentes: le Gouvernement, les préfets et les maires
  • surveiller l’activité des individus et des groupements pour prévenir la violation des prescriptions édictées par les autorités
  • exécuter les mesures de police à caractère général ou individuel ordonnées par les autorités compétentes
  • porter assistance aux citoyens en difficulté sur un plan individuel ou sur un plan général

           

            Au contraire, la police judiciaire intervient dès qu’une infraction a été commise. Elle entre en action lorsque la police administrative a échoué dans la prévention de l’infraction. Art. 14 du Code de procédure pénale « elle est chargée de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte. Lorsqu’une information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions d’instruction et défère à leur réquisition ». Le police judiciaire est sous contrôle de l’autorité judiciaire. Cependant, ce sont les mêmes personnes qui exercent ces activités. La distinction pose problème vis à vis des autorités de contrôle. Le critère qui a été trouvé est le but de l’opération de police. Si le personnel a agit en fonction d’une infraction déterminée, cela relève de la police judiciaire. Si le personnel de police a agit pour prévenir une infraction sur le point d’être commise, et même si elle n’est pas commise finalement, cela relève aussi de la police judiciaire car dans ce cas, l’action de la police était en rapport avec une infraction déterminée. De manière plus large, on admet être dans le cadre de la police judiciaire lorsque le personnel a agit en pensant qu’il y avait infraction, même s’il s’avère qu’aucune infraction n’a été commise. Dans tous les autres cas, on est dans el cadre de la police administrative

 

 

 

B – L’organisation administrative de la police judiciaire

1 – Les services de police

 

            La gendarmerie nationale: structure militaire rattachée statutairement a ministère de la défense. Elle opère essentiellement en zone rurale. Elle applique la hiérarchie militaire. On distingue également différents corps: les gendarmes classiques, les gendarmes mobiles, les motards de la gendarmerie, la garde républicaine…

            La police nationale: elle relève du ministère de l’intérieur et opère en milieu urbain. On trouve des services centraux qui se trouvent à Paris et des services régionaux, des services de contrôle, des services de renseignements, … Sur le plan hiérarchique on distingue le corps de commissaire, celui de commandement (officiers de police assistant le commissaire) qui comprend les commandants, les capitaines et les lieutenants de police, celui d’encadrement et d’application composé à la fois de sous officiers et des gardiens de la paix. La mission de la police nationale est le maintient de l’ordre public et la lutte contre la criminalité.

            Puisque les mission de la gendarmerie et de la police nationale sont communes, depuis 2002, les gendarmes sont placés sous l’autorité opérationnelle exclusive du ministre de l’intérieur pour toutes leurs missions de police.

            La police municipale n’est pas rattachée à la police nationale, elle relève des pouvoirs de police administrative du maire. Les policiers municipaux sont donc placés sous l’autorité du maire mai aussi sous l’autorité des officiers de police judiciaire. Il sont chargés d’assurer le bon ordre, la sureté, la sécurité et la salubrité publique.

 

2 – Les membres de la police judiciaire

 

            Tous les membres de la police judiciaire ont pour mission commune celle fixée à l’art. 114 évoqué précédemment. Ils sont donc tous soumis à la même hiérarchie, le procureur de la République placé lui même sous la surveillance du procureur général qui peut retirer ou suspendre l’habilitation d’un officier de police judiciaire et sous le contrôle de la Chambre d’instruction. L’art. 15 du CPP détaille la hiérarchie de la police judiciaire et énonce qu’elle comprend:

  • les officiers de police judiciaire
  • les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoint
  • les fonctionnaires et agents auxquels sont attribués, par la loi, certaines fonctions de police judiciaire

 

  1. a) les officiers de la police judiciaire (OPJ)

 

            Les premiers officiers de police judiciaire sont les maires et leurs adjoints. Il s’agit d’une qualité qui leur est reconnue de plein droit mais elle est, en pratique, toute théorique. En pratique, cette qualité est exercée par les officiers et les gradés pour la gendarmerie nationale. Pour la police nationale, ce sont les officiers de police et les commissaires de police. On trouve aussi différentes personnes qui ont la qualité d’officier de police judiciaire sans l’exercer de manière concrète au sein de la police et de la gendarmerie nationales. Ces officiers n’ont cette qualité qu’en vertu d’une habilitation par le procureur générale. Celui ci peut également la suspendre voir même la retirer si besoin est. De manière exceptionnelle, et sous certaines conditions, un simple gendarme ou un simple policier du corps d’encadrement et d’application (brigadier, gardien de la paix, …) peuvent êtes nommés OPJ par décision spéciale des ministres de l’intérieur et de la justice. Les pouvoirs des OPJ sont strictement déterminés, ce sont notamment les seuls à pouvoir recevoir les plaintes et les dénonciations ou à pouvoir procéder à des enquêtes de flagrance, à des enquêtes préliminaires, et peuvent exécuter des commissions rogatoires des juges d’instruction. Les OPJ ont également le pouvoir de décider du placement en garde à vue et de procéder à des contrôles d’alcoolémie en cas d’accident. Les OPJ n’exercent leurs pouvoirs que dans les limites territoriales de leurs fonction habituelles.

  1. b) les agents de police judiciaire (APJ)

 

            Ces APJ sont une catégorie par défaut parce qu’ils sont ceux qui ne sont pas des OPJ. Concrètement ce sont les gendarmes et les policiers de base et ceux du corps d’encadrement et d’application.

            Les APJ peuvent seconder les OPJ: rédiger les procès verbaux constatant les infractions notamment.

 

  1. c) les APJ adjoints

 

            Les APJA sont les autres membres de la police nationale qui ne sont ni OPJ ni APJ. Concrètement ce sont les adjoints de sécurité qui sont des sous gardiens de la paix, càd des agents contractuels de la police nationale. On retrouve dans cette catégorie les agents de la police municipale, de même que les gardes champêtres. Ils ont un rôle d’assistance mineur des OPJ et n’ont aucun pouvoir d’initiative propre. Ils peuvent rédiger des rapports pour leurs supérieurs et peuvent constater des infractions, mais ce constat ne vaut que comme renseignement sauf pour les contraventions.

 

  1. d) les agents et fonctionnaires accessoirement chargés de fonctions de police judiciaire

 

            Ce sont des personnes qui se voient ponctuellement et dans des circonstances particulières reconnaitre des pouvoirs de police judiciaire. Ces agents sont chargés de fonctions de police judiciaire dans leur domaine uniquement.

 

  • 2 – Les organes de la justice répressive

A – L’autorité de poursuite

 

            Elle est celle qui accomplie tous les actes procéduraux nécessaires à la constatation des infractions et permettant d’en faire punir les auteurs. C’est donc celle qui exerce l’action publique (le lancement par le ministère public des poursuites pénales). L’autorité de poursuite par excellence est la ministère public mais, certains fonctionnaires et certaines administrations peuvent, dans certains domaines, déclencher les poursuites pénales. Le ministère public est un corps de magistrats chargés, par la société, d’exercer l’action publique. D’autre part, le ministère public désigne le magistrat qui, pour une audience déterminée, représente la société et en défend les intérêts. Le ministère public est une institution omniprésente puisqu’on le retrouve aussi bien au près des juridictions pénales que civiles.

 

1 – La composition du ministère public

 

            Il existe auprès de toutes les juridictions pénales. L’ensemble des membres du ministère public attaché à une même juridiction constitue le Parquet. Pour désigner les membres du ministère public, on utilise également le terme de magistrature debout car les magistrats du parquet se lèvent pour prononcer leur réquisitoire. Les magistrats du siège sont ceux qui composent les juridictions d’instruction et de jugement.

  • Au sommet de la pyramide du ministère public, càd auprès de la Cour de cassation, on trouve un procureur général qui le chef de tout le ministère public en France. Ensuite, on trouve un premier avocat général et plusieurs avocats généraux.
  • Au niveau de la CA, le parquet s’appelle le parquet général. On va avoir un procureur général, un ou des avocats généraux et des substituts généraux.
  • Au niveau du TGI, ou du Tribunal correctionnel, les membres du ministère public sont le procureur de la République, le procureur adjoint et des substituts du procureurs.
  • Au niveau du TI ou du tribunal de police, il n’y a pas de membres permanents du parquet. Le parquet est seulement représenté par le commissaire de police sauf pour les contraventions les plus graves (5ème classe) où le procureur de la République ou un substitut doit être présent.
  • Au niveau de la Cour d’Assise, le ministère public est représenté par un membre du parquet de la CA ou par le procureur de la République.

 

2 – Le statut du ministère public

  1. a) subordination hiérarchique

 

  • L’autorité générale exercée sur les membres du ministère public. Cette autorité générale est très important puisque les magistrats du ministère public sont subordonnés au garde des sceaux, ils dépendent de lui pour leur nomination et pour leur avancement au cours de leur carrière. Concrètement les procureurs généraux sont nommés en conseil des ministres sur proposition du garde des sceaux et sur simple avis du CSM (art. 65 de la Constitution). Ensuite, les procureurs de la République sont désignés par le garde des sceaux après un simple avis du CSM. À la différence des magistrats du siège, les magistrats du parquet sont amovibles dans la mesure où le garde des sceaux peut les déplacer, les rétrograder, et les révoquer.
  • La subordination au chef du parquet. Le chef du parquet a autorité sur les autres membres du parquet qui sont placés en dessous de lui.

           

            Ces règles hiérarchiques présentent surtout pour intérêt le pouvoir d’exprimer des ordres. Cela se traduit par le pouvoir du Garde des Sceaux d’adresser des instructions au ministère public. Ces instructions sont extrêmement importantes car le Gardes des Sceaux conduit ainsi la politique pénale du pays. Il peut donner des instructions générales, càd des consignes données pour orienter et unifier la politique pénale, et des instructions particulières. Celles ci concernent des affaires bien précises pour lesquelles le ministre demande au ministère public soit de classer tel dossier, soit d’engager des poursuites dans telle affaire que le procureur aurait sinon décidé de classer. Ce pouvoir de délivrer des instructions particulières est limité par l’exigence que ces instructions soient écrites et versées au dossier de la procédure. Les membres du parquet conserve cependant une liberté essentielle qui est celle de la parole. En effet, s’ils sont tenus d’obéir, ils peuvent, lors de l’audience, développer oralement leurs observations: « la plume est serve mais la parole est libre ».

 

  1. b) autres caractéristiques du statut

 

  • l’indivisibilité du ministère public: les magistrats du ministère public peuvent se remplacer les uns les autres
  • l’indépendance du ministère public à l’égard des juridictions: les juges n’ont aucun pouvoir à l’égard des membres du parquet. Les juges ne peuvent pas se saisir d’office d’une affaire, ils doivent attendre que le ministère public exerce les poursuites

 

  1. c) l’évolution impérative du statut du parquet

 

            Le statut du parquet pose problème et entraine des condamnations systématique de la France devant la Cour EDH. En effet, l’art. 5 § 3 de la Convention EDH exige que « toute personne arrêtée ou détenue doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ». Cela signifie concrètement que toute personne placée en garde à vue doit être présentée à un juge. En droit français, c’est le procureur càd un magistrat du parquet qui est compétent en matière de garde à vue. Or, pour la Cour EDH, le procureur n’est pas un juge au sens de la Convention EDH: arrêt Medvedyev c/ France du 29 mars 2010 dans lequel la Cour a affirmé que la personne arrêtée doit être présentée à un magistrat qui présente des garanties d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties, ce qui exclu notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l’instar du ministère public. Le CC considère les membres du parquet comme des magistrats au sens de l’art. 66 de la Constitution. Cependant, la Cour EDH persiste en disant que le procureur n’est pas un magistrat dans son arrêt Moulin c/ France du 20 novembre 2010 « les membres du ministère public en France, du fait de leur statut, ne remplissent pas au regard de l’art. 5 § 3 de la Convention EDH, l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif pour être qualifier de juges ». Elle précise que la qualité de magistrat au sens de la Convention est exclue en raison de la dépendance vis à vis d’un supérieur hiérarchique, de l’absence d’inamovibilité, de l’autorité et du contrôle des chefs hiérarchiques, et de l’obligation de requérir conformément aux instructions données. La France a, par la suite, fait appel de cette décision devant la Cour EDH. La  Crim. de la Cour de cassation, le 15 décembre 2010, a adopté l’analyse de la Cour EDH en affirmant que le ministère public ne peut être considéré comme une autorité judiciaire au sens de l’art. 5 § 3 de la Convention EDH car il ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par ce texte et qu’il est partie poursuivante.

 

  • Le système doit donc évoluer en coupant le parquet de tout lien de subordination juridique. Ainsi, le parquet devrait proclamer son indépendance à l’égard du pouvoir exécutif. Un autre changement serait de demander l’avis conforme du CSM pour la nomination et l’avancement des membres du parquet. Il est peu probable que cette voie là soit suivie.
  • Une autre possibilité serait de lui enlever tout rôle dans la procédure de garde à vue, cette exigence minimale pourrait être introduite dans la projet de loi relatif à la garde à vue actuellement soumis au Parlement.
  • Une troisième possibilité consisterait à en finir avec la fiction du corps judiciaire unique et de scinder la magistrature française en deux:
  • il y aurait d’un côté les membres du parquet qui seraient chargés de mettre en oeuvre la politique pénale et qui serait partie à l’instance et qui, par conséquent, ne saurait prétendre au statut de juge
  • il aurait d’un autre côté les juges du siège qui, eux, seraient chargés de rendre la justice

           

B – Les juridictions d’instruction

 

            Plusieurs autorités sont chargées de l’instruction en France. Cependant, la plus importante est de loin le juge d’instruction qui a eu, pendant longtemps, des pouvoirs considérables. Le plus importants de ses pouvoirs exorbitants était celui de mettre en détention provisoire.

 

1 – Juridictions d’instruction du premier degré: le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention (JLD)

 

            Le juge d’instruction est un magistrat du siège, par conséquent, il est inamovible. Il s’agit d’un magistrat du TGI qui est nommé par décret du président de la République sur proposition du CSM. Il est placé sous le contrôle de la Chambre de l’instruction. Il est chargé de l’instruction par le président du TGI. Traditionnellement il travail seul et est assisté d’un greffier. Cependant, la loi du 5 mars 2007 a jugé opportun de créer des collèges de l’instruction en raison de disfonctionnements importants découlant de la solitude du juge d’instruction. Il s’agit de la réunion de plusieurs juges d’instruction. On confie alors l’instruction à 3 juges dont le plus élevé en grade exerce les fonctions de coordinateur. Les principales décisions prises par ce collège concernent la mise en examen, k’octroi du statut de témoin assisté ou encore le placement sous contrôle judiciaire. Cette innovation peine à s’appliquer en pratique. Il existe des juges d’instruction spécialisés en matière économique et financière ou en matière de terrorisme.

            Le JLD, créé par la loi du 15 juillet 2000, existe à côté du juge d’instruction. Il s’agit d’un magistrat du siège compétent pour toutes décisions relatives à la détention provisoire mise en examen. Cette fonction a permis d’attribuer ce pouvoir au JLD en le retirant au juge d’instruction.

 

2 – Juridiction d’instruction du second degré: la Chambre de l’instruction

 

            Il s’agit anciennement de la Chambre de l’accusation. C’est une section de la CA qui est composée de 3 conseillers. Elle a comme fonction première de juger les appels formés contre les décisions des juges d’instruction. Elle a diverse compétences secondaires: elle se prononce en matière d’extradition et contrôle l’activité des officiers et des agents de police judiciaire.

 

C – Les juridictions de jugement

1 – Les juridictions de droit commun

  1. a) juridictions pénales de première instance

 

            Pour les contraventions, le tribunal de police et la juridiction de proximité sont compétents. Pour les délits, le tribunal correctionnel est compétent. Pour les crimes, la Cour d’Assise est compétente.

  • Le tribunal de police est constitué d’un magistrat qui est un juge du TI et qui statu seul. Le tribunal de police est constitué également d’un représentant du ministère public. Il est compétent en matière de contraventions de 5ème classe. La juridiction de proximité est constituée par un juge non professionnel nommé pour 7 ans non renouvelables. Le juge est compétent pour le contraventions des 4 premières classes, même lorsqu’elles sont commises par des mineurs.
  • Le tribunal correctionnel est la formation pénale du TGI, il est compétent pour juger les délits mais aussi pour se prononcer sur l’action civile en réparation du préjudice causé par le délit. Le ressort du tribunal correctionnel est le département. C’est une formation collégiale, chaque formation collégiale est constituée de 3 juges: le président et deux assesseurs. Il est également constitué d’un ministère public, généralement le procureur de la République et un substitut. Il peut siéger à juge unique pour les délits qui encourent une peine de 5 ans maximal d’emprisonnement.
  • La Cour d’Assises est une juridiction originale puisqu’elle est non permanente. En effet, elle se réunie périodiquement par sessions tous les 3 mois, il peut cependant y en avoir plus si le nombre de crimes à juger est important. Son originalité tient aussi à sa composition en échevinage (lorsqu’une juridiction associe des juges professionnels et non professionnels qui sont de simples citoyens tirés au sort). Elle est composé de la Cour à proprement parlé et d’un jury:
  • la Courcontient exclusivement des juges professionnels: le président de la Cour et deux assesseurs. Le président de la Cour d’Assises est le plus souvent un président d’une Chambre de la CA et les assesseurs des conseillers de CA ou des magistrats du TGI. Aucun des juges professionnels de la Cour ne doit avoir été en relation avec l’instruction de l’affaire. Ces juges sont nommés pour une durée de 3 mois. La Cour contient également un membre du parquet et un greffier
  • le juryest composé de 9 jurés. Tout citoyen de nationalité française peut être membre du jury à partir du moment où il a plus de 23 ans, qu’il sait lire et écrire, qu’il jouit de ses droits politiques et de famille, et doit avoir son domicile dans le ressort de la Cour d’Assises, càd dans le même département. Sont exclus les personnes frappés d’une incapacité de l’art. 256 du Code de procédure pénale (casier judiciaire pour crimes ou pour délits ayant entrainés une condamnation de 6 mois d’emprisonnement ou plus, les aliénés, les majeurs sous tutelle ou sous curatelle), les personnes dont les fonctions sont incompatibles avec la qualité de juré, càd les magistrats, les membres du Gouvernement, du Parlement, les préfets, les policiers ou les gendarmes, le personnel pénitencier. Certaines personnes peuvent être dispensées à leur demande, il s’agit des personnes de plus de 70 ans, des personnes qui ont été jurées dans le même département il y a moins de 5 ans, les personnes qui invoquent des motifs graves. Ne pas répondre à la convocation entraine une amende de 3750 euros. Une Commission est chargée de désigner les jurés en plusieurs étapes: il est d’abord établie une liste annuelle par an, elle est constituée par tirage au sort sur les listes électorales à raison d’un juré pour 1300. Trente jours avant l’ouverture des Assises, un jury de session est désigné par tirage au sort, il comprend 40 personnes et 12 suppléants. Parmi ces 40 personnes on va désigner, par tirage au sort, 9 jurés pour chaque affaire. L’accusé peut récuser 5 jurés et le ministère public 4.

La Cour d’Assises est compétente pour juger des crimes des majeurs sauf ressort d’un juridiction spécialisée. Elle dispose d’une plénitude de juridiction, càd que si l’infraction commise constitue seulement un délit, elle ne va pas renvoyer la personne au tribunal correctionnel, elle va la juger.

 

  1. b) juridictions pénales statuant en appel ou sur recours

 

            La Chambre des appels correctionnels, il s’agit d’une Chambre de la CA, elle se prononce sur les appels formés contre les jugements des tribunaux correctionnels mai aussi contre les jugements des tribunaux de police ou des juridictions de proximité.

            La Cour d’Assises statuant en second ressort,  elle a été créée par la loi du 15 juin 2000 qui permet dorénavant de faire appel de toutes les décision rendues par une Cour d’Assises. Le jugement est alors réexaminé par une Cour composée de 12 jurés. La seconde Cour d’Assises ne se prononce pas sur l’arrêt rendu par la première Cour d’Assises car les deux Cour d’Assises sont hiérarchiquement situées au même degré. La seconde Cour d’Assises réexamine simplement l’affaire et la loi décide que cette deuxième décision prévaut sur la première.

           La Chambre criminelle de la Cour de cassation. Elle ne statue pas sur les faits mais uniquement sur le droit. Elle peut se prononcer sur pourvoi contre toutes les décision pénales rendues en dernier ressort. Elle statue également comme Cour de révision des condamnation définitives. Elle est composée de 5 conseillers mais peut statuer à 3 conseillers pour les pourvois répétitifs.

 

2 – Les juridictions spécialisées

  1. a) les juridictions spécialisées à raison de la qualité de l’auteur

 

            Les juridictions pour mineurs. Les mineurs relèvent de juridictions spécifiques régies par l’ordonnance du 2 février 1945 sur la justice des mineurs. Ces juridictions expriment l’idée que les mineurs doivent être jugées par des magistrats spécialisés:

  • Le juge des enfants: magistrat du TGI, il est compétent pour connaître des délits et des contraventions de 5ème classe. Il instruit et juge l’affaire. Le juge des enfants ne peut ordonner que des mesures éducatives, il ne peut prononcer de peines. Il peut ne pas être saisi, c’est le parquet qui décide. Ce dernier va établir un diagnostic de récupérabilité, si le mineur délinquant est considéré comme récupérable, il sera envoyé devant le juge des enfants ou pourra bénéficier d’un simple classement sans suite ou d’une mesure alternative. Si l’enfant n’est pas considéré comme récupérable, elle est renvoyés oti devant le juge d’instruction, soit devant le tribunal pour enfants.
  • Le tribunal pour enfants. Il est constitué par le juge des enfants, qui le préside, et par deux assesseurs. Il connait des contraventions des 5ème classe, des délits et des crimes commis par des mineurs de moins de 16 ans.
  • La Cour d’Assises des mineurs. Elle est composée comme une Cour d’Assises normale sauf que les magistrats sont des juges pour enfants. Elle est compétente pour les crimes commis par les mineurs de 16 à 18 ans. Elle a compétence aussi pour juger les majeurs coauteurs ou complices

 

            Les juridictions militaires. Jusqu’en 1982, il s’agissait de juridictions d’exception, séparées des juridictions normales. Depuis 1982, des juridictions de droit commun mais spécialisées sont compétentes en temps de paix. Une formation spéciale du tribunal correctionnel est ainsi compétente pour les délits militaires et les délits de droit commun commis pendant le service. Un Cour d’Assises spéciale est également compétente pour juger des crimes militaires, elles est composée exclusivement de magistrats mais ne relève pas des délits de droit commun des militaires.

            En temps de guerre, les militaires sont jugés pas des tribunaux territoriaux des forces armées. Ces tribunaux sont composés de magistrats et de militaires. Pour les infractions commises à l’étranger, il existe à Paris un tribunal aux armées compétent pour toutes les infractions même les crimes, il est composé de magistrats.

 

Les juridictions politiques

  • la Haute Cour: elle n’est compétente qu’à l’égard des présidents de la République pour des actes constituant « un manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Pour toutes les autres infractions, les présidents de la République relève des juridictions de droit commun. Cette Haute Cour de justice est constituée du Parlement qui statut en Haute Cour. Elle va décider de destituer le président ou non à la majorité des 2/3.
  • La CJR: créée en 1993, elle est composée de 15 juges dont seulement 3 magistrats et 12 hommes politiques (6 députés et 6 sénateurs). Elle est compétente pour les crimes et délits commis par des membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Seules les infractions qui intéressent l’Etat sont concernées. Elle peut être saisie par toute personne se prétendant victime, cette personne ne pourra cependant pas se porter partie civile devant cette juridiction. L’instruction est menée par la CJR elle même, l’appel n’est pas possible, seul le recours en cassation est accepté.

 

  1. b) les juridictions spécialisées à raison de la nature de l’affaire

 

            En matière de criminalité organisée, il existe depuis 2004 des juridictions inter-régionales. En matière de trafic de stupéfiants, il existe des juridictions sans jury composées de magistrats. En matière de terrorisme, la juridiction compétente est nationale: le tribunal correctionnel de Paris et la Cour d’Assises de Paris. La Cour d’Assises siège sans jury et est composé de 7 magistrats professionnels, 9 en appel. En matière maritime, il existe des tribunaux maritimes pour les délits disciplinaires de la marine marchande, il est composé de 5 juges dont un seul magistrat et 4 professionnels de la marine marchande.

 

Section II – La compétence des juridictions répressives

 

            La compétence est la détermination de la juridiction répressive habilitée à juger l’auteur d’une infraction. Les règles de compétence sont des règles d’ordre public, càd que les personnes ne peuvent y déroger. L’incompétence peut donc être soulevé à tous les degrés de procès pénal. Il est donc essentiel que chaque juridiction détermine elle même sa compétence, elle peut se déclarer incompétente d’office même si aucun partie ne l’a soulevé.

 

  • 1 – Les règles de compétence des juridictions répressives

A – Distinction de la compétence internationale et interne des juridictions répressives françaises

 

            Droit français: principe est la territorialité: toute infraction ou tout élément constitutif d’une infraction ou tout actes de complicité commis sur le territoire de la République.

            Droit international: pour une infraction commise à l’étranger on distingue selon que l’auteur est un français ou un étranger ou encore que la victime est française.

 

 

B – Règles de compétence interne des juridictions répressives françaises

1 – La compétence personnelle

 

            Elle est aussi appelée compétence rationae personae, elle est déterminée par la qualité du délinquant. Si on à faire à un mineur, il relèvera des juridictions pour mineurs, si on a à faire à un militaire, …

 

2 – La compétence matérielle

 

            Elle est aussi appelée compétence rationae materiae, elle est déterminée selon la nature de l’infraction qu’il s’agisse d’une contravention, d’un délit ou d’un crime. Il faut préalablement qualifier les faits pour savoir qu’elle est la nature de l’infraction poursuivie. Lorsque les poursuites sont déclenchées, elles le sont sur la base de la qualification retenue par le parquet ou par la partie civile. Une fois que les juridictions sont saisies, elles ont le devoir d’apprécier elles mêmes la qualification retenue. Cette qualification peut être appréciée par la juridiction d’instruction, càd le juge d’instruction ou par la Chambre d’instruction ou par la juridiction de jugement, càd la juridiction saisie, qui a toujours le droit d’apprécier sa compétence. En cas de disqualification, cette juridiction peut juger si la qualification retenue reste dans le cadre de sa compétence. Il faut distinguer selon que la qualification retenue est plus grave ou moins grave que la qualification initiale

  • Si la qualification retenue est plus grave, la juridiction doit se déclarer incompétente et renvoyer l’affaire au procureur qui saisira la juridiction compétente.
  • Si la qualification retenue est moins grave, la juridiction saisie demeure compétente

 

3 – La compétence territoriale

 

            Compétence rationae loci. Elle consiste à déterminer, dans un ordre de juridiction déterminé, le tribunal géographiquement compétent. On va essayer de déterminer le lieu du tribunal compétent en utilisant des liens de rattachement qui dépendent du type d’infractions:

  • en matière contraventionnelle: le tribunal de police ou la juridiction de proximité compétents sont soit celui du lieu de commission ou de constatation de la contravention, soit le lieu de résidence du prévenu
  • en matière délictuelle et criminelle, le tribunal correctionnel ou la Cour d’Assises compétent est soit celui du lieu de commission du crime ou du délit, soit celui du lieu de résidence du prévenu, soit celui du lieu d’arrestation du prévenu, soit celui du lieu de détention du prévenu.
  • pour les infractions commises à l’étranger qui relèvent des juridictions françaises, l’art. 693 du Code de procédure pénale prévoit plusieurs critères de compétence territoriale qui sont à employer successivement:
  • le lieu de résidence ou de la dernière résidence en France du prévenu
  • le lieu où le prévenu a été arrêté
  • le lieu de la résidence de la victime
  • le lieu d’atterrissage de l’aéronef en cas d’infraction commise à son bord ou à son encontre
  • à défaut de l’existence d’un de ces liens, sont compétentes les juridictions parisiennes

 

=> Il en résulte que plusieurs juridictions sont compétentes en même temps.

 

  • 2 – Les dérogations aux règles de compétence

A – Dérogations à la compétence matérielle

 

            Les prorogations de compétence qui désignent des hypothèses pour lesquelles une juridiction statue sur des infractions sur lesquelles elle n’aurait normalement pas du se prononcer.

1 – La plénitude de juridiction de la Cour d’Assises

 

            Art. 231 du Code de procédure pénale « la Cour d’Assises a plénitude de juridiction pour juger en premier ressort ou en appel les personnes renvoyées devant elle ».

 

2 – La connexité ou l’indivisibilité

 

            Il y a connexité lorsque plusieurs infractions ont, entre elles, des rapports étroits (art. 203 du Code de procédure pénale):

  • Lorsque les infractions ont été commises en même temps par plusieurs personnes réunies
  • Lorsque les infractions ont été commises par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d’un concert formé à l’avance entre elles.
  • Lorsque les coupables ont commis les unes pour se procurer les moyens de commettre les autres pour en faciliter, pour en consommer l’exécution ou pour en assurer l’impunité.
  • Lorsque des choses enlevées, détournées ou obtenues à l’aide d’un crime ou d’un délit, ont été, en toute ou en partie, recelées.

 

            L’indivisibilité s’entend d’une connexité renforcée, on parle d’indivisibilité lorsque l’existence d’une infraction ne peut se comprendre sans l’existence d’une autre infraction.

 

3 – L’existence d’une exception préjudicielle

 

            Lorsqu’au cours d’un procès pénal, une question qui n’est pas de la compétence du juge répressif se pose et conditionne l’issue du procès pénal, on peut avoir à faire à une exception préjudicielle. Dans ce cas, le principe est que le juge de l’action est le juge de l’exception. Cela signifie que le juge répressif, le juge de l’action, est aussi juge de l’exception, càd de la question non pénale qui se pose.

            Cependant, ce principe comporte des exceptions. Dans certains cas le juge de l’action n’est pas le juge de l’exception. Pour certaines questions, le juge pénal doit sursoir à statuer et attendre la réponse de la juridiction compétente. On parle alors d’exception préjudicielle. Ces exceptions sont limitativement prévues par la loi et sont de nature civile, administrative et parfois pénale.

 

4 – La faveur pour la victime

 

            Cette hypothèse concerne le cas dans lequel un tribunal correctionnel prononce la relaxe d’une personne poursuivie. Dans ce cas, ce même tribunal correctionnel peut juger la demande de réparation de la victime fondée sur la responsabilité civile ordinaire. La même chose est valable en Cour d’Assises. L’intérêt de cette règle est d’éviter à la victime de saisir la juridiction civile de sa demande.

 

B – Dérogations à la compétence territoriale

 

Les dérogations à la compétence territoriale interne:

  • Les prorogations de compétences:en cas de connexité, une juridiction peut connaître d’une infraction située en dehors de son ressort. On va joindre les procédures devant un même tribunal au lieu de les juger devant deux tribunaux.
  • Le renvoi de l’affaire à une autre juridiction:une juridiction pleinement compétente renvoie l’affaire pour qu’elle soit jugée par une autre juridiction. Cela a lieu dans 3 cas:
  • la suspicion légitime: on suspecte une juridiction dans son ensemble de ne pas être impartiale. Cette suspicion n’est admis que si elle repose sur un motif sérieux et doit viser la juridiction dans son ensemble et non pas simplement un juge
  • la sureté publique: il serait souvent préjudiciable à l’ordre public de faire se tenir le procès localement.
  • la bonne administration de la justice: il s’agit de délocaliser un procès dans diverses hypothèses où l’on considère que la justice ne pourrait pas être correctement rendue.

 

  • 3 – Le règlement des questions de compétence

 

            Les règles de compétence sont impératives en droit pénal, ce qui signifie que toute décision rendue par une juridiction incompétente est nulle.

 

A – La compétence récusée: la décision juridictionnelle d’incompétence

 

            Par principe, toute juridiction saisie doit vérifier sa compétence et, la cas échéant, se déclarer incompétente. C’est une règle qui vaut aussi bien pour les juridictions d’instruction que pour les juridictions de jugement. Si les juges ne soulèvent pas eux mêmes leur incompétence, les parties peuvent le faire, on dit qu’elles soulèvent l’exception d’incompétence (avant même de s’intéresser au fond de l’affaire, les parties remettent en cause le droit de cette juridiction à les juger). La Cour d’Assises, qui dispose d’une plénitude de juridiction, n’a pas à vérifier de sa compétence. Elle ne peut pas non plus être saisie, par les parties, d’une exception d’incompétence.

 

B – La compétence discutée: les conflits de juridiction

 

            Cette possibilité de conflit existe entre les deux ordres juridictionnels, càd entre l’ordre répressif et l’ordre administratif. Dans ce cas, c’est le TC qui est habilité à juger.

 

Deux cas de conflit dans l’ordre répressif:   

  • lorsque deux juridictions répressives prétendent être compétentes, il s’agit alors d’un conflit positif
  • lorsque deux juridictions répressives prétendent ne pas êtres compétentes, il s’agit d’un conflit négatif.

Solutions:

  • l’une des juridictions peut renoncer à sa compétence au profit d’une autre par accord amiable, elle procède à son dessaisissement volontaire au profit de l’autre tribunal
  • à défaut d’accord, le conflit est tranché par la procédure dite du règlement des juges. Le conflit est réglé par la juridiction supérieure commune aux deux juridictions en conflit. Si le conflit concerne deux juridictions du même rang et de même ressort de CA, c’est alors la chambre d’instruction de la CA qui tranche le conflit. Si le conflit conerne deux juridictions de rang différents ou deux juridictions de même rang, mais non du même ressort, ou une juridiction de droit commun et une juridiction d’exception, le conflit est tranché par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

 

 

Chapitre II – Le cadre processuel du procès pénal

 

Section I – Les principes directeurs du procès pénal

 

            Depuis le loi du 15 juillet 2000, on a introduit, dans le Code de procédure pénale, des principes directeurs du procès pénal censés exprimer les grandes règles qui garantissent la conformité de la procédure pénale aux droits et libertés fondamentaux.

 

  • 1 – Les garanties du procès pénal

 

            Ces garanties ont pris un essor considérable sous l’influence de la Convention EDH. Les règles de la Convention définissent effectivement les garanties du procès pénale (art. 6 sur le droit à un procès équitable et notamment son § 1 sur lequel se fondent les 2/3 des recours portés devant la Cour « toute personne à droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établit par la loi, qui décidera soit des contestations sur ces droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ». D’une manière générale, ces exigences correspondent au droit à un procès équitable.

 

A – Les garanties juridictionnelles

 

            Ces garanties sont relatives au tribunal devant lequel se déroule la procédure pénale.

 

1 – Le droit à l’intervention d’un juge

 

            Arts. 6 et 13 de la Convention EDH.

 

  1. a) le droit à l’intervention d’un juge à toutes les étapes de la procédure

 

            Art. 6 § 1 pose pour principe d’intervention du juge l’accusation portée contre une personne. Avant que l’intervention du juge soit rendue nécessaire, il y a des phases antérieures: l’arrestation, la détention et l’enquête.

 

  • Le droit à un juge en cas d’arrestation ou de détention:art. 5 de la Convention EDH
  • « toute personne a droit à la liberté et à la sureté, nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans les cas suivants et selon les voies légales »
  • c)« s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raison plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction »
  • « toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin qu’il statut à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ».
  • Ces règles ont été étendues, par la jp, aux personnes qui se sont rendues. La garde à vue est sous le contrôle du procureur et du juge des libertés et de la détention.

 

  • Le droit à un juge en cas d’accusation en matière pénale:
  • la matière pénaleest plus large que le droit pénal au niveau national, elle s’entend de toute procédure de nature à sanctionner une personne. Certaines sanctions peuvent ne pas être qualifiées de pénal au sens du droit national mais être néanmoins très rigoureuses. Le risque est que les Etats peuvent multiplier ces sanctions non pénales pour contourner les règles de la procédure pénale. Pour éviter cela, la Cour EDH retient une conception très large de la matière pénale, elle correspond à une sanction d’une certaine gravité pour laquelle les garanties de la Convention EDH s’applique.
  • l’accusationdoit être entendue au sens large également, dans un arrêt Serves c/ France de 1997, la Cour EDH a indiqué que l’accusation s’entend de la notification officielle par l’autorité compétente du reproche d’avoir accomplit une infraction pénale. Lorsqu’une personne est ainsi accusée en matière pénale, elle a le droit à un tribunal à tous les niveaux de la procédure. Elle a donc le droit à un premier juge de pleine juridiction, et à un deuxième juge au nom du principe du double degré de juridiction.
  • Ce droit à un juge existe également en cassation. Cela a posé problème car la procédure pénale française imposait que les condamnés à une peine privative de liberté de plus d’un an devaient se constituer prisonnier la veille de l’examen de leur pourvoi en cassation. S’il ne le faisait pas, ils étaient déchus de leur pourvoi, càd que la Cour de cassation délcarait le pourvoi irrecevable et ne l’examinait pas. Le législateur, par la loi du 15 juillet 2000, a supprimé du CPP la disposition litigieuse. Le droit à un juge de cassation est donc toujours garanti.

 

  • Le droit à un juge en cas d’application des peines:depuis la loi du 15 juillet 2000, et celle du 5 mars 2004, les décisions du juge d’application des peines sont juridictionnelles (non plus de simples mesures d’administration judiciaire qui n’offraient pas les garanties propres à un jugement). Il existe aussi un Tribunal de l’application des peines et au sein des CA, une chambre de l’application des peines.

 

  1. b) le droit à un recours effectif

 

Art. 13 de la Convention EDH qui prévoit 3 règles:

  • L’égalité d’accès au juge pénal: al. 3 de l’art. préliminaire du CPP « les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles ». L’idée est d’interdire les juridictions d’exception pour plus d’égalité, mais cette égalité ne signifie pas uniformité, elle n’interdit pas de tenir compte de la nature des faits et de la qualité des personnes. Elle s’exercera entre personne de même catégorie.
  • L’assistance d’un avocat:pour toutes les procédures où son intervention est imposée ou pour toutes affaires complexes. Cette règle impose la mise à disposition d’office d’un avocat et l’existence d’un système d’aide juridictionnelle.
  • La motivation des décisions de justice: le droit à un juge implique de fournir au justiciable les éléments concrets qui ont conduit le juge à prendre cette décision. Ces explications sont contenues dans la motivation qui sert non seulement à expliquer la décision mais également au second juge d’apprécier le bien fondé de la décision. Cette exigence est affirmée par le CPP pour toutes les décisions, sauf les arrêts de Cour d’Assises. En effet, devant la Cour d’Assises, les jurés se prononcent selon leur intime conviction et n’ont donc pas à motiver leur décision. Cette approche de la Cour d’Assises a été critiquée par la Cour EDH (arrêt Taxquet c/ Belgique de 2009) qui a condamné l’absence de motivation des arrêts d’Assises. La réforme de la procédure pénale devrait donc prévoir la motivation des arrêts de la Cour d’Assises pour tenir compte de l’avis de la Cour EDH.

 

  • limites au droit à un juge

 

            La Cour EDH reconnaît la possibilité de limiter l’accès à un juge, mais ces restrictions doivent tendre à un but légitime et ne pas être disproportionnées. Dans tous les cas, la Cour rappelle que les restrictions au droit à un juge ne peuvent aller jusqu’à la négation de ce droit.

  • Le droit de saisir un tribunal ou d’être jugé par un tribunal peut être limité par une immunité parlementaire, politique ou diplomatique
  • Le droit de saisir un tribunal peut être limité par l’application des règles de prescription
  • Le droit à un second juge peut être limité en cas d’infraction mineure ou lorsque le justiciable a été jugé en première instance par la plus haute juridiction dont il peut relever.
  • Le droit de saisir un tribunal peut être limité pour des raisons financières (frais de procédure trop élevés par exemple ou l’absence d’avocat (arrêt Airey c/ Irlande de 1979)) ou pratiques (le délai pour se pourvoir en cassation est de 5 jours, la Cour EDH a jugé que ce délai était insuffisant et prive de sa substance le droit à un juge lorsque la partie condamnée est domiciliée en Polynésie française car ce délai de 5 jours ne tient pas compte du délai d’acheminement du courrier depuis la Métropole (arrêt Tricard c/ France 2001)).

 

2 – Le droit à un juge impartial

  1. a) l’indépendance

 

            Elle s’apprécie par rapport aux autres pouvoirs que sont le législatif et l’exécutif. Cette indépendance repose sur des garanties dont la principale est le statut des magistrats:

  • art. 64 de la C° qui affirme la protection de l’indépendance des magistrats par le Président de la République
  • la nomination et le déroulement de carrière des magistrats confiés au CSM
  • les magistrats du siège bénéficient d’un statut protecteur fondé sur la règle de l’inamovibilité qui signifie qu’ils ne peuvent ni être révoqués, ni suspendus, ni mis à la retraite d’office, ni mutés même avec un avancement, sans leur consentement

 

            L’indépendance est aussi garantie vis à vis du pouvoir législatif par la jp du CC qui a affirmé à plusieurs reprises que le législateur n’a pas le droit de remettre en cause l’autorité de la chose jugée ni de modifier les données d’un procès. Ainsi le CC rappelle que les juridictions françaises rendent la justice au nom du peuple français et que cette légitimité justifie leur indépendance par rapport au pouvoir législatif.

 

  1. b) l’impartialité

 

            Elle s’apprécie par rapport aux parties au procès. C’est une exigence devenue fondamentale puisqu’on a une jp considérable de la part de la Cour EDH sur ce sujet. L’arrêt fondateur est l’arrêt Piersack c/ Belgique de 1982, il distingue l’impartialité dite subjective et l’impartialité dite objective.

  • Subjective: rechercher la partialité de tel juge qui, dans son for intérieur, a favorisé ou défavorisé telle personne dans telle affaire déterminée. La personne qui soupçonne une partialité devra fouiller la psychologie du juge, analyser son comportement pour y déceler des éléments qui prouveraient cette éventualité.
  • Objective: elle permet d’admettre le risque de partialité d’après les seules apparences. La justice ne doit pas être seulement rendue, il faut aussi qu’elle paraisse avoir été rendue

 

            Ces deux distinctions ont été reprises à de nombreuses reprises dans la jp de la Cour EDH et dans la jp française qui les utilisent toutes deux, même si on décèle une préférence pour l’impartialité subjective qui est plus favorable au justiciable. La partialité peut tenir au fait d’avoir exercé des fonctions judiciaires dans une même affaire, a donc été posée la règle selon laquelle il est interdit pour un juge d’exercer successivement des fonctions judiciaires différentes pour les mêmes faits. Il est interdit aussi à un juge d’exercer la même fonction à l’encontre des mêmes accusés ou des mêmes faits. Cependant, cette exigence comporte des exceptions, par exemple, n’est pas contraire à l’impartialité objective le fait que le juge des enfants soit à la fois magistrat instructeur puis président du tribunal pour enfants pour une même affaire.

            En cas de partialité, le justiciable peut utiliser la procédure de suspicion légitime si la partialité vise l’ensemble du tribunal, et la procédure de récusation s’il s’agit d’un magistrat ou d’un juré en particulier.

B – Les garanties procédurales

 

            Ce sont les garanties qui affectent la manière dont est conduit le procès pénal. Elles sont au nombre de trois:

 

1 – La publicité de la procédure

 

            Elle est exigée par l’art. 6 § 1 de la Convention EDH et se retrouve également dans d’autres articles du Code pénal notamment. Le CC, décision du 2 mars 2004, a estimé que le jugement d’une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit, sauf circonstances particulières permettant le huis clos, faire l’objet d’une audience publique. Ce faisant, le CC reprend la distinction qu’avait déjà faite la Cour de cassation en estimant que la règle de publicité est liée à l’examen du bien fondé d’une accusation mais qu’elle ne s’applique pas lorsque les juges ne sont pas appelés à décider du bien ondé d’une telle accusation. On peut distinguer deux phases:

  • Pendant la phase d’instruction, la publicité de la procédure n’est pas admise en principe. Depuis 2007, l’audience au cours de laquelle le juge des libertés et de la détention statut sur la détention provisoire d’une mise en examen est publique.
  • Pendant la phase de jugement, la procédure est publique par principe. Il s’agit d’une publicité des audiences. Il y a des exceptions puisque le huis clos est autorisé lorsqu’il s’agit de préserver une certaine confidentialité pour des raisons de moralité, de maintien de l’ordre public, de sécurité nationale ou pour préserver l’intérêt des mineurs impliqués dans l’affaire. La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est également faite à huis clos pour la phase entre le délinquant et le Procureur de la République.

 

2 – La célérité de la procédure

 

            Elle est inscrite à l’art. 6 § 1 de la Convention EDH et dans l’art. préliminaire du Code de procédure pénale. On parle de droit à être jugé dans un délai raisonnable, il est effet dans l’intérêt de la victime et de la personne poursuivie que la justice pénale soit rapidement rendue. La célérité de la procédure est l’objet de plusieurs dispositions à des stades différents:

  • En amont du procès, certaines dispositions tendent simplement à éviter le recours à une procédure pénale ordinaire, c’est le cas des mesures alternatives aux poursuites. L’idée qui prévaut pour expliquer ces mesures est qu’en l’absence de toute procédure, une solution sera trouvée de manière plus rapide. Il peut s’agir de conciliation ou bien de médiation pénale, par exemple.
  • Les procédures dites rapides: c’est le cas des procédures de comparution immédiate, de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou des correctionnalisations et des contraventionnalisations.
  • Les mesures d’arrestation ou de mise en détention: le Code de procédure pénale ainsi que l’art. 5 de la Convention EDH prévoient plusieurs dispositions
  • la célérité dans l’information de la personne arrêtée, càd que celle-ci doit être informée, dans les plus courts délais, des raisons de son arrestation et de l’accusation qui est portée contre elle
  • la célérité dans les procédures de contrôle d’une arrestation ou d’une détention: le Procureur doit être informé aussi rapidement que possible des gardes à vue décidées par les officiers de police judiciaire. On peut également gagner du temps en encadrant les dispositions de certaines mesures. Par exemple, en matière de détention préventive, les délais maximum de procédure sont généralement réduits: en cas d’inaction du juge d’instruction pendant au moins 4 mois, les parties peuvent saisir la Chambre d’instruction. Ce délai est réduit à 2 mois si le prévenu est en détention provisoire
  • la célérité pour être impliqué dans un délai raisonnable: toute personne ayant été placée en garde à vue peut demander au Procureur de la République quelle suit il entend donner à l’affaire si aucune poursuite n’a été engagée dans un délai de 6 mois à compté de la garde à vue.
  • Le jugement sur l’accusation: la célérité de la procédure entraine un très grand nombre de recours devant la Cour EDH. Il y a trois critères qui ont été élaboré par la Cour EDH pour apprécier le délai raisonnable ou non d’une procédure:
  • la complexité de l’affaire: elle est appréciée par les juges (complexité des faits, nombre des parties impliquées, difficultés de preuve, …)
  • le comportement du requérant: quelle a été l’attitude de la personne qui se plaint de ne pas avoir été jugée dans un délai raisonnable ? A-t-il été coopératif ou a multiplié les difficultés ? Dans ce dernier cas, celui qui a tout fait pour retarder son procès ne peut pas se plaindre d’une situation qu’il a lui-même créée.
  • le comportement des autorités judiciaires: Ont-elles, ou non, correctement oeuvré pour que la procédure soit rapide ?

 

            En cas de délai déraisonnable, la validité de la procédure n’est pas remise en cause ni la peine prononcée. La seule sanction prévue est l’indemnisation de l’intéressé au titre d’une faute du service public de la justice.

 

3 – L’égalité des armes

 

            Elle est prévue par l’art. 6 § 1 de la Convention EDH et par de nombreux textes de droit interne, elle figure notamment à la première ligne du Code de procédure pénale « la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties ». Cette expression signifie que les parties au procès doivent être traitées de façon égalitaire.

 

  1. a) le respect du contradictoire

 

            Il se définie comme le droit de discuter les arguments de l’adversaire. L’art. 427 al. 2 dispose que le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui. Ce principe a toujours été respecté au stade du jugement mais il était en retrait aux autres stades, de plus en plus souvent,t l’instruction tend maintenant à devenir contradictoire. Par exemple, l’expertise menée au cours de l’instruction n’était pas contradictoire. La Cour EDH avait sanctionné la France sur ce point et l’affaire D’Outreau avait mis en avant un manque sur la question. Depuis, la CPP dispose que l’expertise est contradictoire.

 

  1. b) le respect des droits de la défense

 

            Ce sont différentes prérogatives reconnues aux parties pour protéger leurs intérêts durant le procès. Ils ont, d’après le CC, une valeur constitutionnelle. Ils sont également garantis par la Cour EDH (art. 6) et par de nombreuses dispositions du CPP. Pour certains auteurs, la notion englobe le droit de la défense. Pour d’autres, le droit d’être informé de l’accusation qui pèse sur la personne et aussi un droit de la défense.

  • Le droit de se défendre soi même ou avec l’assistance d’un avocat:
  • le droit de se défendre soi même en première instance comme en appel: l’accusé doit pouvoir bénéficier de toutes les facilités qui lui sont nécessaires pour se défendre. Ce n’est pourtant pas un droit absolu puisqu’il est limité par l’effectivité des droits de la défense
  • le droit de choisir son défenseur et de s’entretenir librement avec lui
  • le droit à l’assistance gratuite d’un avocat commis d’office: l’aide juridictionnelle permet de prendre en charge les honoraires d’un avocat en fonction des ressources de la personne et dans une certaine limite
  • Le droit de dispose du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense
  • Le droit d’interroger les témoins
  • Le droit à l’assistance gratuite d’un interprète

 

  1. c) le respect du droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer

 

            Ce droit n’est pas expressément prévu par la Convention EDH mais en pratique, la Cour le garantie au titre du procès équitable. En droit interne, le CPP prévoit expressément ce droit pour la phase judiciaire seulement (art. 116 al. 4 du CPP « le juge d’instruction averti la personne qu’elle a le choix soit de se taire, soit de faire des déclarations, soit d’être interrogée ». La mention de cet avertissement est faite au procès verbal. Ce droit n’est cependant pas expressément rappelé au moment de la garde à vue. Il a existé en 2002 de manière expresse, mais a été supprimé un an plus tard. Cela ne signifie pas pour autant que ce droit disparaît. Concrètement, une personne placée en garde à vue a le droit de se taire même si on ne lui rappelle pas.

            Cette question est appelée à évoluer. En effet, elle va bientôt être profondément modifier à la suite d’une évolution judiciaire qui va se traduire par une évolution législative. Au commencement, le CC, dans un décision de 2010 se rapportant à la QPC, a considéré que l’absence de notification du droit de garder le silence était inconstitutionnelle. Cependant, il a indiqué que cette exigence devait être modifiée par le législateur au plus tard le 1er juillet 2011. La Cour EDH a condamné la France dans un arrêt Brusco c/ France (2010) pour violation de l’art. 6 de la Convention EDH. La Cour de cassation est également venue exiger expressément l’introduction du droit de se taire par 3 arrêt de la crim. de 2010, elle a estimé que le régime actuel de la garde à vue méconnait les dispositions de l’art. 6 de la Convention EDH telles qu’interprétées par la Cour EDH, « la personne gardée à vue doit être informée dès le début de la garde à vue de son droit de se taire », elle considère également que l’illégalité ainsi reconnue ne joue pas pour les gardes à vue antérieures au 1er juillet 2011. Ainsi, un projet de loi est actuellement débattu au Parlement, il prévoit expressément le droit de garder le silence.

 

  • 2 – La preuve en matière de procès pénal

A – La présomption d’innocence

1 – Signification de la présomption d’innocence

 

            La présomption d’innocence figure dès 1789 dans la DDHC art. 9 « tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ai été déclaré coupable ». Ce principe est également protégé par l’art. 6 de la Convention EDH et est rappelé à l’art. préliminaire du CPP « Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente jusqu’à la reconnaissance définitive de sa culpabilité ».

            C’est une présomption qui s’applique à tous et qui impose le respect d’une certaine terminologie. Par exemple, on parle d’indices pour désigner les éléments qui semblent accuser une personne. Ce n’est qu’après le jugement que l’on parle de preuves de culpabilité. Le terme de détention a également évolué, pendant longtemps on parlait de détention préventive mais le terme a été supprimé au profit de détention provisoire puisque « préventive » signifiait que l’on considérait l’accusé déjà coupable.

            La présomption d’innocence est également renforcée par un autre principe « in dubio pro reo », le doute profite à l’accusé. Ce principe a valeur constitutionnelle d’après le CC (décisions de 1981). Cette règle signifie que si les preuves réunies par le ministère public ou par la partie civile sont insuffisantes pour emporter le conviction du juge, et s’il subsiste un doute, le prévenu ou l’accusé doit être relaxé ou acquitté. Concrètement, la personne poursuivie peut se contenter d’instiller un doute suffisant dans l’esprit du juge, sans avoir à prouver totalement son innocence, pour être acquittée. Les bulletins blancs sont, en ce sens, comptés comme favorables à l’accusé. Le jugement ou l’arrêt de Cour d’Assises ne doit, en aucun cas, comporter la mention du doute.

 

 

2 – Les mesures protectrices de la présomption d’innocence en tant que droit subjectif

 

            La présomption d’innocence est un droit subjectif en ce sens qu’elle le droit reconnu à toute personne de ne ps être présentée ou traitée comme étant coupable. Pour renforcer cet aspect de droit subjectif, plusieurs mesures ont été adoptées:

 

  • Certaines visent à faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence
  • Art. 9-1 du Code civil« chacun a droit au respect de la présomption d’innocence. Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toute mesure telle que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence ». Cela n’exclue pas non plus le droit d’agir en responsabilité contre la personne en raison du préjudice subi au titre de la violation de la présomption d’innocence.
  • La loi sur la presse(1881) qui impose le respect de la présomption d’innocence en créant un certain nombre de délits spécifiques.
  • Concernant l’image de la personne, l’art. 35 ter dispose que « la diffusion de l’image d’une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale mais n’ayant pas fait l’objet d’une condamnation et faisant apparaître soi que cette personne porte des menottes ou entraves , soit qu’elle est placée en détention provisoire, est punie de 15000 € d’amende »
  • Concernant la croyance en la culpabilité d’une personne, « est puni de la même peine, le fait de réaliser ou de publier un sondage d’opinion ou toute autre consultation portant sur la culpabilité d’une personne mise en cause à l’occasion d’un procédure pénale »
  • Concernant l’honneur de la personne accusée, « toute personne désignée dans un journal ou un média, à propos d’une affaire pénale, d’exercer dans les 3 mois de la décision de non lieu, de relaxe ou d’acquittement un droit de réponse pour faire taire les rumeurs nées de son implication dans les poursuites pénales »
  • Arts. 277-1 et 212-1 du CPPles juridictions d’instruction peuvent, à la demande de l’intéressé, en cas d’abandon des poursuites, faire publier un communiqué pour faire connaître cette décision.

 

B – La charge de la preuve

1 – Le principe actori incumbit probatio

 

Ce principe signifie que la preuve incombe au demandeur. Ce principe provient du droit civil mais vaut aussi en droit pénal. En la matière, il signifie que la partie poursuivante, le ministère public le plus souvent, doit établir les éléments constitutifs de l’infraction et l’absence de tous les éléments susceptibles de la faire disparaitre. Le demandeur doit prouver l’élément matériel et de l’infraction et son élément moral.

 

2 – L’exception : les présomptions de culpabilité

 

Ces présomptions existent parce souvent il serait difficile pour le ministère public d’apporter la preuve de la culpabilité dans certains cas. Il est donc prévu un certain nombre de présomption de culpabilité. La Cour EDH admet les présomptions de culpabilité, tout comme la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat. Cependant, elles ne les admettent qu’à trois conditions :

  • De telles présomptions ne doivent pas être irréfragables. On doit donc pouvoir apporter la preuve contraire.
  • Elles ne doivent pas porter atteintes aux droits de la défense.
  • Elles ne doivent être prévues que de manière exceptionnelle.

 

Les présomptions les moins attentatoires aux libertés sont celles qui ont seulement pour objet de déplacer la charge de la preuve dans la renverser, c’est-à-dire qu’on ne va pas jusqu’à présumer coupable mais on déduit, de l’existence d’un fait, un élément qui ne peut pas être établi. Par exemple, pour certains délits économiques, on ne cherchera pas à caractériser l’intention coupable positivement, on va la présumer à partir de la seule matérialité des faits. En effet, la Cour de Cassation considère que la seule constatation de la violation d’une prescription légale ou règlementaire en connaissance de cause implique l’intention coupable.

 

Dans certains cas, la charge de la preuve va être inversée. Par exemple, pour une infraction routière, on considère que le titulaire du certificat d’immatriculation doit être présumé responsable. Il pourra éventuellement remettre en cause cette présomption s’il prouve la force majeure ou s’il produit des éléments permettant d’établir qu’il n’est pas l’auteur de l’infraction.

L’art. 225-6 Code Pénal concerne une personne qui peut être qualifiée de proxénète du seul fait qu’il est établit que la personne vit avec une personne se livrant à la prostitution et que la personne ne peut justifier de ressources correspondant à son train de vie.

 

C – Les modes de preuve

1 – La liberté de la preuve

  1. a) Le principe

 

Ce principe est formulé à l’art. 427 CPP qui concerne la procédure correctionnelle, mais qui en réalité vaut pour les autres infractions : « Hors le cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tous modes de preuve ». Le but de ce principe est de donner toutes les chances de faire apparaitre la vérité. Ce principe de liberté vaut non seulement pour établir la preuve de l’infraction, mais aussi pour les moyens de défense. La Cour de Cassation garantie expressément cette liberté en considérant que lorsque la loi prévoit un mode de preuve spécifique, cela n’interdit pas de recourir à tout autre mode de preuve de droit commun, sauf si le législateur l’a expressément défendu.

 

  1. b) Les limites

 

D’une manière générale, la liberté de preuve ne s’exerce que dans le respect d’un cadre légal, c’est ce que l’on nomme le principe de légalité dans l’administration de la preuve. Ce principe est à entendre au sens large :

  • Le respect des modes de preuve légaux pour les matières non pénales : cela signifie qu’il est souvent nécessaire de caractériser l’existence d’une situation qui ne relève pas du droit pénal à proprement parler pour caractériser une infraction pénale.

 

  • Le respect de la dignité humaine : la torture n’est pas acceptée comme moyen de preuve, par exemple. Une atteinte injustifiée à la liberté est contraire à la dignité humaine.

 

  • Le respect de la loyauté de la preuve : cette mesure vise à interdire, à celui qui administre la preuve, l’usage de procédés déloyaux, de ruse ou de stratagèmes. Les enregistrements téléphoniques clandestins, ainsi que la sonorisation (micros) sont interdits hors des procédures légales. Cependant, la Cour de Cassation est assez conciliantes avec les preuves obtenues illégalement par les parties civiles. Par exemple, elle admet que la caméra placée par un employeur, afin de découvrir l’auteur d’un vol, permet de faire la preuve de ce vol dès lors que la caméra ne porte pas atteinte au respect de l’intimité et de la vie privée.

 

  • L’interdiction de la preuve obtenue par provocation policière : cette interdiction est le principe, mais en réalité tout dépend du type de provocation. Si la provocation a déterminé la commission de l’infraction, les preuves obtenues à cette occasion de sont pas admissibles. Si la provocation policière n’a pas incité la personne à commettre l’infraction, la preuve sera admissible (par exemple, infiltration dans les réseaux de crime organisé). La loi permet à des services de police judiciaire spécialisée de participer à des échanges électroniques en usant d’un pseudonyme. Il faut admettre une tolérance importante concernant la lutte contre la discrimination avec le « testing ».

 

  • Le respect de la liberté d’information: la police, comme la justice, doivent respecter les sources des journalistes. Cependant, il est permis d’ordonner une perquisition dans les locaux d’un journal. L’art. 109 CPP affirme que « tous journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillis dans l’exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l’origine ». En 2010, le législateur a cru nécessaire de réaffirmer ce principe en adoptant une loi qui modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la presse. Cette loi est intitulée loi sur la protection des sources des journalistes. Ce nouveau texte n’est pas très utile car en redisant le principe de liberté des sources, il affirme quelques exceptions. Il affirme qu’il peut être « porté atteinte au secret des sources lorsqu’un intérêt impérieux l’impose, en particulier il ne peut y être porté atteinte au cours d’une procédure pénale qu’à titre exceptionnel si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit, sur lesquelles elle porte, ainsi que les nécessités des investigations, le justifient ».

 

  • L’admission restrictive de certains modes de preuve techniques:  il est possible d’admettre dans certains cas des modes de preuve fournis par des machines, tels que les radars automatiques, les enregistrements vidéos ou encore des écoutes téléphoniques autorisées par un magistrat.

 

2 – Les variétés de preuve

  1. a) La constatation

 

Les constatations matérielles constituent dans la plupart des cas la base même de l’enquête. Elles sont opérées le plus tôt possible après l’infraction et permettent de découvrir et de sauvegarder les indices, les éléments matériels nécessaires à la suite de la procédure. La justice peut décider d’un transport sur les lieux afin de procéder à une saisie ou à des perquisitions.

 

  1. b) Les écrits

 

Ils peuvent servir à établir la preuve d’une infraction. Parmi les écrits peuvent figurer, en plus de ceux trouvés sur place, les procès verbaux des constatations opérées par les membres de la police judiciaire ou par les magistrats.

 

  1. c) Les déclarations 

 

Elles peuvent être de plusieurs sortes selon qu’elles émanent ou non de la personne qui a commis l’infraction.

Lorsqu’elles émanent de personnes étrangères à la réalisation de l’infraction, on parle de témoignage. Les témoins sont les seuls à prêter serment. Le témoignage à une force probante relative en fonction de la proximité de la personne avec le fait qu’elle rapporte. Le témoignage est limité par certaines incompatibilités. Par exemple, le fait d’être partie à la procédure exclu d’être témoin ; les membres de la famille proche ne peuvent pas témoigner. En dehors de ces incompatibilités, le refus de témoigner est un délit et le juge peut forcer une personne à témoigner, notamment s’il est établit que cette personne dispose d’éléments de nature à innocenter la personne poursuivie.

Lorsqu’elles émanent de personnes ayant participé à l’infraction, on parle d’aveu. L’aveu peut être judiciaire ou extrajudiciaire. L’aveu est extrajudiciaire lorsqu’il a été fait dans un écrit ou révélé à un tiers. L’aveu extrajudiciaire vaut seulement comme témoignage ou comme indice, au contraire, l’aveu est judiciaire lorsqu’il  a été réalisé dans le cadre d’une procédure judiciaire (par exemple, l’aveu en garde à vue). La valeur probante de l’aveu est variable selon les conditions dans lesquelles il a été obtenu. L’aveu permet aussi d’accéder à certaines procédures spécifiques. Le procureur peut, en effet, proposer une composition pénale à la personne qui avoue pour accélérer les poursuites.

 

3 – L’appréciation de la force probante

 

La question est de savoir quelle est la valeur que le juge doit reconnaitre aux preuves qui lui sont apportées. Il y a deux systèmes envisageables :

  • La preuve légale: La valeur de chaque type de preuve est déterminé par la loi, c’est-à-dire que le juge n’a pas de marge d’appréciation, il n’a pas à décider selon sa conviction personnelle, il doit impérativement condamner si la preuve prévue a été administrée. Par exemple, si le système de la preuve légale impose que la preuve par aveu entraine nécessairement la condamnation, le juge n’a pas le choix. Ce système est extrêmement rigide et ne s’applique plus en France depuis la Révolution.

 

  • L’intime conviction: le juge a tout pouvoir pour apprécier la valeur des preuves qui lui sont soumises. Cependant, seuls les éléments de preuve versés au débat et ayant été soumis à la libre contradiction des parties peuvent fonder l’intime conviction. De plus, certaines preuves ont une force probante définie par la loi, c’est notamment le cas des procès verbaux dressés par des officiers de police judiciaire. Ces procès verbaux, en principe, ne valent que comme de simples renseignements mais ils peuvent suffire à constituer la preuve du délit. Enfin, certains procès verbaux dressés par des agents habilités ont une force probante encore supérieure et valent jusqu’à inscription de faux.

 

  • 3 – Les actions en procédure pénale

 

Lorsqu’un fait est commis, il génère deux rapports de droit :

  • Un rapport de droit qui relie le délinquant à la société étant un lien de nature publique, l’infraction donne naissance, contre son auteur à une action = l’action publique.
  • Un rapport de droit qui relie le délinquant à la victime. Ce lien est de nature privée, l’infraction donne naissance, contre son auteur, à une action privée appelée action civile = action civile

 

L’action publique a pour objet d’obtenir la condamnation de la personne qui a commis une infraction, de l’autre coté d’action civile a pour objet d’obtenir la réparation du préjudice éprouvé par la victime et la condamnation du délinquant à des dommages-intérêts.

L’action publique est l’objet principal du procès pénal, l’action civile n’en est qu’un objet accessoire. Ces deux actions font naitre deux instances devant le même juge : une instance pénale et une instance civile. Ces deux actions ont lieu durant le même procès mais ces actions peuvent être exercées indépendamment l’une de l’autre.

 

Sous section I – L’action publique

  • 1 – L’exercice de l’action publique

A – Les conditions de l’action publique

1 – Légalité de l’action publique

  1. a) La condition positive : l’existence d’une infraction punissable

 

L’action publique doit reposer sur des faits susceptibles d’une qualification pénale. On doit apprécier la matérialité des faits et identifier les auteurs, ainsi que les éléments constitutifs de l’infraction.

 

 

  1. b) La condition négative : l’absence d’une cause d’extinction

 

  • Le décès du délinquant: le décès est un obstacle absolu aux poursuites, même si elles sont déjà engagées. Si le décès intervient après que la décision ait acquis l’autorité de la force jugée, et avant d’avoir été exécuté, la loi prévoit alors que les héritiers sont tenus des amendes et des frais de justice.

 

  • L’amnistie ou l’abrogation de la loi pénale : l’amnistie est la loi supprimant le caractère délictueux d’un acte, lorsqu’elle intervient après la condamnation, elle est une cause d’extinction de la peine. L’amnistie est un moyen d’extinction de l’action publique, elle empêche toute poursuite. L’amnistie est cependant sans conséquences sur l’action civile. L’abrogation de la loi pénale s’analyse en une loi pénale plus douce, par conséquent, elle rétroagit. Cela signifie que les faits incriminés ne sont plus répréhensibles.

 

  • La transaction, la composition pénale et l’amende forfaitaire: L’action publique, en principe, est confiée au ministère public et à certains fonctionnaires. Une fois que cette action publique a été déclenchée, le ministère public ne peut plus y renoncer. Cependant, il existe certaines exceptions.
  • La transaction pénale s’inspire de la transaction que l’on trouve en droit civil, elle permet à certaines administrations, lorsque l’infraction concerne leur domaine, de transiger, c’est-à-dire qu’elles peuvent passer un accord avec le délinquant qui reconnait l’infraction et qui règle une certaine somme négociée avec l’administration. 
  • La composition pénale est une alternative aux poursuites. Il s’agit d’une proposition du Procureur de la République, faite à une personne physique qui reconnait sa culpabilité, de verser une amende de composition et de se soumettre à une autre obligation prévue par la loi.
  • L’amende forfaitaire est prévue en cas de contravention aux règles de circulations. Elle éteint les poursuites.

 

  • Le retrait de plainte: il s’agit de la demande qui a été faite par la partie civile en vu d’obtenir la réparation de son préjudice. La victime en se constituant partie civile peut déclencher les poursuites pénales, si celles-ci n’ont pas été déclenchées antérieurement par le Procureur. En principe, lorsque la victime a mis en mouvement l’action publique, celle-ci devient irrévocable. Si la victime décide ensuite de retirer sa plainte, elle se désiste de son action civile, ce désistement n’a en principe aucune incidence sur l’action publique. Ce principe souffre une exception : le désistement de la partie civile entraine l’extinction des poursuites dans trois cas qui ont en commun de subordonner les poursuites pénales à une plainte préalable de la victime. Ces trois cas sont l’abandon de foyer, l’atteinte à la vie privée & la diffamation ou l’injure. Dans ces hypothèses, on a affaire à des matières qui concernent directement la personne donc si la victime n’entend plus obtenir réparation, il n’y a plus lieu de poursuivre.
  • La prescription de l’action publique:par la prescription, les actions s’éteignent par le seul écoulement du temps. Cette règle est d’ordre public, le juge a l’obligation de la relever d’office, elle peut l’être à tous les stades de la procédure. Toutes les infractions peuvent être concernées par la prescription sauf le crime contre l’humanité et certaines infractions militaires particulièrement graves.
  • La durée du délai de prescription de l’action publique:ce délai est de 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et d’un an pour les contraventions. Il n’est pas à confondre avec le délai de prescription de la peine. Il y a quelques délais spéciaux, par exemple, pour les délits de presse, le délai est de 3 mois alors que pour les crimes sexuels commis contre des mineurs ou les crimes de terrorisme, la prescription est de 20 ans.
  • Le point de départ du délai:le principe est que le délai part du jour où l’infraction a été commise. Ce n’est pas le jour même qui est compté, on ne compte que des jours pleins, le délai court donc dès le lendemain de l’infraction à 0h00. Ce jour de départ dépend du type d’infraction:
  • pour les infractions instantanées, c’est le jour même qui est pris en compte sauf lorsqu’un résultat doit être atteint
  • pour les infractions continues, la prescription court à partir du moment où l’activité délictueuse prend fin
  • pour les infractions d’habitude, la prescription court à partir du dernier acte manifestant la condition d’habitude
  • délais spéciaux:pour les délits dissimulés notamment, la jp retarde le point de départ jusqu’au moment où l’infraction a pu être constatée. Pour les infractions commises contre les mineurs qui ne commencent à courir qu’à compter de la majorité de la victime.
  • L’interruption et la suspension du délai de prescription:
  • L’interruptionrésulte d’un événement qui arrête le cours du délai et anéanti le temps déjà accompli. Après l’interruption, cours un nouveau délai qui pourra lui même être interrompu. Les évènements interruptifs de la prescription sont les actes d’instruction et de poursuite.
  • La suspensionrésulte d’un événement qui arrêté le cours du délai sans anéantir le temps déjà accompli qui reste acquis. Le cours du délai reprend normalement à l’issue de la suspension au moment où il avait été arrêté. La suspension survient lorsqu’un obstacle de droit ou de fait à l’exercice de l’action publique se présente

 

2 – L’opportunité de l’action publique

 

            Le principe de l’opportunité des poursuites signifie que le ministère public a le pouvoir de décider de poursuivre ou non une infraction portée à sa connaissance. Ce principe est contraire à celui de l’égalité devant la loi pénale mais il est admis pour une raison pratique (les infractions susceptibles d’être poursuivies sont trop nombreuses et les tribunaux seraient engorgés si toutes étaient poursuivies). Cette règle est présente à l’art. 40-1 du CPP depuis la loi du 9 mars 2004 « le procureur, au vue des éléments portés à sa connaissance, décide en cas d’infraction, commise par une personne dont l’identité et le domicile sont connus, soit d’engager des poursuites, soit de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites, soit de classer sans suite ». Ce pouvoir s’exerce de manière contrainte pour le procureur car il est soumis à sa hiérarchie. Ses supérieurs peuvent en effet lui donner des instructions, en ce cas, elles doivent être écrites. L’autorité hiérarchique peut aussi ordonner de classer un dossier sans suite. Il est cependant reconnu à la victime le droit de mettre en mouvement l’action publique en se constituant partie civile.

 

B – Les parties à l’action publiquement

1 – Les demandeurs

 

            Ce sont les autorités qui peuvent exercer l’action publique. Il ne faut pas confondre l’exercice de l’action publique avec la mise en mouvement de l’action publique:

  • la mise en mouvement est l’acte initial de poursuites, càd l’acte par lequel l’action publique est engagée. Cette mise en mouvement appartient aussi bien au ministère public qu’à la victime de l’infraction
  • l’exercice de l’action publique consiste à prendre tous les actes par lesquels l’action publique, une fois mise en mouvement, se poursuit jusqu’à la décision définitive.

 

Les autorités pouvant exercer l’action publique sont:

  • le ministère public qui peut exercer l’action publique mais aussi l’engager
  • les fonctionnaires de certaines administrations comme ceux des douanes ou du fisc

2 – Les défendeurs

  1. a) le délinquant pouvant être poursuivi

 

            Seule une personne ayant participé à l’infraction peut être poursuivie. Il peut donc s’agir soit de l’auteur, soit du coauteur, soit du complice. En dehors de ces 3 catégories de personnes, aucune autre ne peut être poursuivie pénalement. Par exemple, dans le cas d’un héritage, les héritiers ne seront que tenus des obligations civiles. En ce qui concerne les tiers civilement responsables du délinquant, ils ne sont pas non plus des défendeurs au procès mais ils y sont appelés pour ce qui concerne les intérêts civils. Dans le cas d’une personne morale, son représentant sera poursuivi au titre de la personne morale.

            Seul un individu bien identifié peut être pénalement jugé, cependant, la poursuite sous X est possible.

 

  1. b) les délinquants bénéficiant d’une immunité

 

            L’immunité est la situation dans laquelle des délinquant ne peuvent être poursuivis, alors même qu’ils ont commis une infraction. Ils bénéficient d’un privilège temporaire ou permanent, l’immunité.

  • Les immunités familiales: ce sont des immunités accordées lorsqu’il existe des liens de famille avec l’auteur des faits. C’est le cas du vol, de l’escroquerie qui ne peuvent donner lieu à des poursuites pénales lorsqu’ils sont commis au préjudice de certains membres de la famille. Ce sont les ascendants ou les conjoints. Exception: si le vol concerne des biens indispensables à la vie quotidienne tels que des papiers d’identité ou des moyens de paiement, il sera poursuivi. C’est également le cas de délits d’entrave à la justice, ou de non dénonciation de crime. Dans ce dernier cas, il doit s’agir de ne pas dénoncer un proche parent, càd les parents en ligne directe et leurs conjoints, les frères et soeurs, le conjoint ou le concubin. Cette immunité familiale en cas de non dénonciation de crime ne vaut pas en cs de crimes sur mineurs de moins de 15 ans
  • Les immunités judiciaires: on les trouve principalement dans la loi sur la liberté de presse du 29 juillet 1981 qui ne permet pas les poursuites pour diffamation, injures ou outrage pour les discours prononcés devant le Tribunal par l’accusé, l’avocat…
  • Les immunités politiques: elles concernent plusieurs catégories de politiques:
  • Le Président de la République:la C° prévoit que le Président est responsable des infractions détachables de sa fonction mais, comme il ne peut être jugé pendant toute la durée de son mandat que par la Haute Cour et que celle ci n’est compétente qu’en matière de trahison, les poursuites pénales ordinaires en cours au moment de son élection sont suspendues. La prescription ne cours pas non plus pendant ce délai.
  • Les parlementaires: ils bénéficient d’une immunité pour les actes de leurs fonctions. Ils ne peuvent être poursuivis pénalement pour leurs votes à l’assemblée, pour leurs rapports, pour les questions qu’ils peuvent poser aux ministres ou pour les discours qu’ils ont tenus. Cette immunité n’est pas limitée au parlementaires nationaux, elles vaut également pour les parlementaires européens. Il s’agit d’une immunité permanente, elle ne peut être levée même lorsque le parlementaire quitte ses fonctions. L’immunité des parlementaires n’est pas à confondre avec l’inviolabilité. Cette dernière interdit en effet qu’un parlementaire fasse l’objet d’une arrestation ou de privation de liberté sans l’autorisation du bureau de l’assemblée à laquelle il appartient.
  • Les ministres: ils n’ont pas d’immunité, ils sont pénalement responsables devant les juridictions de droit commun pour les infractions commises en dehors de leurs fonctions. Pour les infractions qu’il commettent dans l’exercice de leurs fonctions, ils sont soumis à la CJR.
  • Les immunités diplomatiques et consulaires:le personnel diplomatique est protégé par des immunités qui sont destinées à préserver leur indépendance en qualité de représentant étranger. Ces immunités interdisent de les poursuivre devant les juridictions pénales ou civiles de l’Etat accréditaire, pendant la durée de leur mission. Cette immunité cesse de plein droit à l’issue des fonctions diplomatiques et lorsqu’elles est levée par le pays d’origine du diplomate. Les autorités diplomatiques bénéficient de cette immunité tout comme les membres de leur famille proche pour tous les actes liés à leurs fonctions et pour les actes qui n’y sont pas liés. Le personnel diplomatique et les agents du Consulat ne bénéficient de l’immunité que pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.

 

Sous section II – L’action civile

 

            Art. 2 du CP l’action civile est « l’action en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention qui appartient à tous ceux qui ont personnellement soufferts du dommage directement causé par l’infraction ». Le but est de condamner le délinquant à la réparation du préjudice causé par l’infraction. Il peut s’agir de d-i, de restituer les choses volées, de remettre les hoses saccagées en état. L’action civile est fondamentalement une action en responsabilité civile mais elle n’est pas exactement une action en responsabilité civile par ce que le préjudice a été causé par une infraction.

 

  • 1 – Les conditions d’exercice de l’action civile

A – Les conditions requises quant au demandeur

 

            Personne d’autre que la victime de l’infraction n’est autorisée à se constituer partie civile. Le procureur n’a pas qualité pour se porter civile, le juge non plus ne peut décider de condamner le coupable à des d-i si la victime ne les a pas demandés en se portant partie civile.

 

1 – L’aptitude à agir

  1. a) la capacité à agir en justice

 

            Il s’agit de la capacité à ester en justice, elle est reconnue à toute personne physique ou morale. Cependant, ce n’est pas parce qu’une personne jouit d la capacité à agir en justice qu’elle peut exercer cette action en justice. C’est le cas notamment des incapables comme les mineurs non émancipés ou les majeurs protégés.

 

  1. b) la qualité à agir

 

            Il s’agit d’une exigence, d’une certaine qualification pour agir. C’est le fait d’avoir un titre qui justifie de la raison pour laquelle on se porte partie civile. Elle est d’office lorsque la personne agit pour se propre compte, dans son propre intérêt. La question de la qualité à agir concerne l’hypothèse dans laquelle une personne agit pour un autre compte que le sien. Ce peut être le cas d’une personne morale qui prétend défendre, non son propre intérêt, mais des intérêts collectifs dont elle a la charge. Pour ces personnes morales, l’action civile est admise si elle concerne un intérêt professionnel et collectif. Pour les associations autres les syndicats, elles ne peuvent se constituer partie civile que si elles y sont autorisées par une disposition législative et seulement pour le domaine qu’elles défendent.

 

2 – L’intérêt à agir

 

            Il s’agit de la cause de l’action en justice. Il s’entend de l’existence d’une créance de réparation contre celui qui est pénalement poursuivi. A partir du moment où le fait délictueux a été commis, la victime a une créance de réparation à l’égard du fautif. Pour pouvoir agir, encore faut-il pouvoir mettre en avant un préjudice certain, direct et personnel.

  • certain: il s’agit d’un préjudice actuel ou futur à condition qu’il ne soit pas hypothétique. De même, la perte d’une chance peut constituer un préjudice certain dès lors qu’elle est réelle.
  • direct: c’est l’exigence d’un lien de causalité qui va relier l’infraction au préjudice
  • personnel: il s’agit du préjudice de la victime immédiate ou du préjudice subi par des victimes par ricochet

 

B – Conditions requises quant au défendeur

 

            Le défendeur, par son infraction, c’est rendu débiteur à l’égard de la victime d’une obligation de réparer le préjudice causé. D’autres personnes que le défendeur peuvent être visées par l’action civile de la victime:

 

1 – Les héritiers

 

            Si l’action publique est éteinte par le décès du délinquant, l’action civile peut toujours être menée à l’encontre des héritiers qui ont recueillis le patrimoine du défunt. Les défendeurs à l’action civile peuvent donc être les héritiers du délinquant.

 

2 – Les tiers

 

  • les assureurs: l’intérêt de mettre en cause l’assureur est de pouvoir rendre opposable à son égard une condamnation de son assuré pour les intérêts civils
  • les tiers civilement responsables: il s’agit des personnes responsables pour autrui, càd les parents du fait de leur enfant mineur, les commettants du fait de leur préposé, toute personne tenue en vertu du principe général de la responsabilité du fait d’autrui

 

C – L’absence d’extinction de l’action civile

 

  • Extinction de l’action civile par la volonté de la victime: la victime peut décider de ne pas l’exercer parce qu’elle décide de renoncer à agir ou se désister. Elle peut aussi s’entendre directement avec le délinquant concernant la réparation qui lui est due, elle aura alors la possibilité de recevoir de l’argent ou d’éteindre le contentieux qui la lie au délinquant. En cas de paiement suite à une transaction ou en cas de renonciation, l’action civile est éteinte. Cependant, ce n’est pour autant que la victime refuse toute indemnisation, elle peut agir devant le juge civil. L’extinction de l’action civile ne remet pas en cause l’action publique sauf lorsque la plainte de la victime était une condition à l’action publique.
  • Extinction de l’action civile par l’écoulement du temps (prescription): art. 10 du CPP « lorsque l’action civile est exercée devant une juridiction répressive, elle se prescrit selon les règles de l’action publique. Lorsqu’elle est exercée devant une juridiction civile, elle se prescrit selon les règles du Code civil. L’action civile devant une juridiction civile se prescrit donc par 5 ans ou par 10 ans en cas de dommages corporels à compté de la date de consolidation du dommage. Ce délai de 10 ans peut être aggravé en présence d’un préjudice occasionné par des actes de torture ou de barbarie ou en présence de violences ou d’agressions sexuelles commises contre un mineur, la prescription est alors de 20 ans. Pour les délai de prescription de l’action civile exercée devant le juge pénal, il s’agit des délais de prescription de l’action publique.

 

  • 2 – L’exercice de l’action civile

A – Le droit d’option de la victime

1 – Justification du droit d’option

 

            Art. 3 du CPP qui prévoit que la victime a le choix de porter son action civile soit devant le tribunal répressif, soit devant le tribunal civil. Ce droit est reconnu à la victime parce que l’action en responsabilité de la victime née de l’infraction, il est donc normal que le juge pénal puisse se prononcer sur l’action en responsabilité. Il est bon pour la victime de saisir dans le même temps le juge pénal de son action civile est de déclencher dans le même temps l’action publique. La victime peut également bénéficier des avantages de la voie pénale qui est plus économique et plus efficace car la victime est dispensée des couts et des difficultés de la rechercher des preuves. Enfin, la victime n’aura pas deux instances en cours puisque c’est le même juge qui va se prononcer sur toutes les conséquences du même fait.

 

2 – Conditions du droit d’option

 

  • les deux voies doivent être ouvertes
  • le dommage doit prendre sa source dans l’infraction, càd qu’il faut une faute de l’auteur de l’infraction. Par exemple, il n’y aura pas de droit d’option lorsque la réparation ne se fonde pas sur une faute mais sur une présomption de responsabilité. L’action civile doit donc se fonder sur 1382 ou 1383.
  • l’action publique doit exister ou être encore possible

 

3 – Irrévocabilité de l’option

 

Lorsque la victime a décidé de porter son affaire devant le juge pénal ou le juge civil, elle doit se tenir à son choix, c’est-à-dire que son option ne peut plus être remise en cause (art. 5 CPP) = « electa una via non datur recursus ad alteram » (une fois une voie choisie, il n’est pas permit de recourir à une autre). Ce principe joue à sens unique c’est-à-dire que ce n’est que si la voie civile a été choisie qu’il devient impossible ensuite pour la victime de saisir le juge pénal. A l’inverse, lorsque le juge pénal a été choisi, la victime peut librement l’abandonner pour le juge civil. cela s’explique par le caractère infamant des poursuites pénales, c’est-à-dire que si la victime a d’abord choisi la voie civile, il ne faut pas lui permettre ensuite de saisir à sa guise le juge pénal, c’est donc une faveur pour le détenu qui a le droit de ne pas être mis en cause pénalement après l’avoir été civilement.

Cependant, lorsque la demande qui avait été faite devant le juge civil n’est pas la même que celle portée devant le juge pénal, la victime conserve son droit d’option. De plus, lorsque le juge pénal a été saisi par le ministère public avant qu’un jugement sur le fond ait été rendu par le juge civil, la victime peut alors saisir le juge pénal.

 

  • L’exercice de l’action civile devant le juge pénal

Lorsque la victime d’une infraction porte son action en réparation devant le juge pénal, on dit qu’elle se constitue partie civile. La victime au procès ne peut être que partie civile, elle ne peut être poursuivante (ministère public). Il y a plusieurs manières de se constituer partie civile :

 

  • L’intervention

 

L’intervention concerne l’hypothèse dans laquelle la victime se constitue partie civile alors que le ministère public a déjà déclenché l’action publique. Elle le fait par voie d’intervention, soit devant la juridiction d’instruction, par simple déclaration verbale ou par lettre, soit en saisissant directement la juridiction de jugement. Dans les deux cas, ce peut être effectué soit par courrier soit par le dépôt de conclusions en dommages-intérêts.

 

  • L’action

 

Lorsque le ministère public n’a pas encore exercé l’action publique, la victime agit par voie d’action, il peut s’agir :

  • D’une citation directe devant la juridiction de jugement: par exemple, l’assignation à comparaitre délivrée par huissier. Cette assignation contient un exposé des faits reprochés et le montant de la demande en réparation.
  • D’une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction

 

La citation directe comme la plainte avec constitution de partie civile permettent à la victime d’avoir la qualité de partie civile au procès, mais aussi de mettre en mouvement l’action publique. Pour éviter les abus, il existe des sanctions. L’art. 91 du CPP prévoit une action en dommages-intérêts au profit de la personne qui a été visée par la plainte. Pour cela, il faut trois conditions :

  • Une information judiciaire doit avoir été ouverte contre cette personne
  • Cette personne doit avoir bénéficié d’une décision de non lieu
  • Il faut une faute de la partie civile (comportement imprudent dans la constitution de partie civile par exemple).

 

  • L’exercice de l’action civile devant le juge civil

 

Ce sont les règles du droit civil qui vont s’appliquer. Cependant, cette action en responsabilité trouve sa source dans une infraction. c’est pour cela que ce n’est pas une action en responsabilité civile classique, le fait qu’elle trouve sa source dans une infraction oblige le juge civil a respecter quelques règles :

 

  • Le sursis au jugement de l’action civile : le « criminel tient le civil en l’état » (art. 4 al. 2 CPP)

 

Cette règle signifie que la juridiction civile saisie d’une action civile doit surseoir à statuer tant que la juridiction pénale ne s’est pas définitivement prononcée sur l’action pénale. Cette règle requiert deux conditions pour s’appliquer :

  • L’action publique doit avoir été mise en mouvement devant le juge pénal avant que le procès civil ne s’achève.
  • L’action publique et l’action civile doivent être relatives aux mêmes faits.

Le sursis à statuer dure tant que le juge pénal ne s’est pas prononcé définitivement, c’est un sursis qui est d’ordre public, c’est-à-dire que le juge civil ne peut statuer à peine de nullité absolue de la procédure.

 

  • L’autorité sur le civil de la chose jugée au criminel

 

Cette règle a une portée restreinte. En effet, elle signifie seulement que la décision civile ne doit pas contredire la décision pénale. En pratique, cela recouvre une hypothèse : l’hypothèse dans laquelle la décision pénale condamne le délinquant. Dans ce cas, la décision civile ne peut alors rejeter toute réparation en considérant que le délinquant n’a pas commis de faute au sens de la responsabilité civile.

 

 

PARTIE II : LE DEROULEMENT DU PROCES PENAL

Chapitre I  : La poursuite

 

Pour déclencher des poursuites, il faut au ministère public un certain nombre d’éléments pertinents. Il est alors nécessaire d’avoir une phase préalable d’enquête la plupart du temps.

 

Section I – L’enquête de police

 

On parle d’enquête de police lorsque cette enquête précède l’instruction, mais lorsque l’instruction est déjà ouverte, l’enquête de police est alors appelée commission rogatoire. Dans les deux cas, l’action publique n’est pas encore déclenchée, la décision interviendra plus tard : au stade de l’orientation du dossier.

 

  • 1 – Les principaux actes nécessaires à l’enquête de police

 

Ces actes sont tous couverts par le secret car à ce stade, l’enquête de police est nécessairement secrète (art. 11 CPP).

 

A – Les contrôles et vérifications d’identité

 

Cette question touche directement les libertés publiques et les droits fondamentaux. Pour cette raison, le juge et le législateur ont eu tendance à s’opposer. Le législateur a voulu élargir les contrôles d’identité au nom de la sécurité publique, tandis que le juge souhaite les limiter au nom des libertés individuelles dont il est le garant. On aboutit à un régime assez équilibré qui figure aux art. 78-1 à 78-5 CPP.

 

1 – Les contrôles d’identité

 

Il s’agit du fait, pour un agent de la force publique, de demander à un particulier justification de son identité par tous moyens. Ce contrôle peut être mené dans de nombreux cas qui relèvent de la police administrative ou de la police judiciaire.

 

  1. a) Les contrôles d’identité relevant de la police administrative

 

Ces contrôles sont requis par le procureur de la République, ils n’ont pas à être justifiés par un indice particulier. Ces contrôles sont permis dans 4 hypothèses :

  • Le contrôle préventif: c’est le contrôle de l’identité d’une personne quelque soit son comportement, afin de prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes ou des biens.
  • Le contrôle de l’identité des personnes occupées à travailler dans des locaux à usage professionnel : il s’agit de lutter contre le travail clandestin ou le travail au noir.
  • Le contrôle de l’identité associé à la fouille d’un véhicule : pour la recherche des actes de terrorisme ou d’infractions en matière d’arme ou de stupéfiants.
  • Le contrôle des personnes de nationalité étrangère : elles doivent être en mesure de présenter les pièces grâce auxquelles elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France. La Cour de Cassation exige que ce contrôle ne s’opère pas sur la base d’éléments subjectifs, mais d’après des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé (circuler dans une voiture immatriculée à l’étranger par exemple).

 

  1. b) Les contrôles d’identité relevant de la police judiciaire

 

  • Le contrôle sur indice (art. 78-2 CPP): il signifie que les officiers et les agents de police judiciaire sont en droit de contrôler l’identité de toute personne à l’égard de laquelle il existe une ou plusieurs raisons  plausibles de soupçonner soit qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, soit qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit, soit qu’elle détient des renseignements utiles à l’enquête, soit qu’elle fait l’objet de recherches ordonnées par le juge judiciaire.
  • Le contrôle d’identité sur réquisitions du procureur qui demande le contrôle de l’identité de toute personne en vue de rechercher certaines infractions bien précises pour une période et pour un lieu déterminé.
  • Le contrôle d’identité spécial dans la zone de 20 km en deçà des frontières et dans les gares, ports et aéroports internationaux : le but est de contrôler l’identité de toute personne afin de vérifier sa détention des documents nécessaires au franchissement des frontières.

 

2 – La vérification d’identité

 

Celle-ci se justifie lorsque la personne contrôlée ne peut pas ou ne veut pas décliner son identité. La personne contrôlée peut établir son identité par tous moyens. La personne qui ne peut ou ne veut décliner son identité peut être amenée dans un local de police aux fins de vérifier son identité. C’est un officier de police judiciaire qui procèdera aux vérifications nécessaires qui peuvent donner lieu à la prise d’empreintes digitales ou même de photographie en cas de refus de coopération de la personne. Plusieurs garanties encadrent la vérification d’entité, notamment la rétention pour vérification d’identité car lorsqu’on vérifie l’identité d’une personne, on la retient sur place ou dans un local de police, cette rétention doit ne durer que le temps strictement nécessaire pour établir l’identité de l’intéressé et, dans tous les cas, sans excéder 4H. Pendant ces 4h, on a la possibilité d’aviser le procureur de la République qui peut mettre fin à la rétention. De plus, la personne retenue doit être informée immédiatement de son droit de prévenir sa famille ou tout autre personne de son choix. 

L’officier de police judiciaire qui procède à la vérification doit indiquer, dans le procès verbal, les motifs qui ont justifiés le contrôle et la vérification d’identité. La Cour de Cassation exerce son contrôle et sanctionne la vérification effectuée sans motif en annulant la procédure en cause.

 

B – La garde à vue ++++

 

Elle peut être définie comme une mesure de détention policière d’une personne auteur d’une infraction, soupçonnée ou témoin, dans l’intérêt des investigations de police judiciaire. La garde à vue est une mesure de police judiciaire qui peut être prise dans le cadre d’une enquête préliminaire, d’une enquête de flagrance  ou encore dans le cadre d’une commission rogatoire.

 

Observations :

  • On peut distinguer la garde à vue de la rétention policière: mesure nécessaire pour effectuer une vérification d’identité, pour recueillir un témoignage, ou encore pour exécuter un mandat d’amener, c’est-à-dire un mandat délivré entre le moment où la personne est arrêtée et le moment où elle est présentée au juge.

 

  • On peut distinguer la garde à vue de la rétention en chambre de sureté: ce terme désigne la cellule de dégrisement. Cette rétention est prévue par le Code de la Santé publique et concerne les personnes trouvées en état d’ivresse sur la voie publique. Tant que la personne n’a pas retrouvé la raison, elle reste en rétention et ne peut prétendre bénéficier des droits de la personne gardée à vue.

 

  • On peut distinguer la garde à vue de la rétention douanière: le droit douanier prévoit le droit de retenir une personne à la suite d’une capture opérée en flagrant délit. D’une manière générale, la rétention douanière est coordonnée avec la garde à vue. Lorsque la rétention douanière débouche ensuite sur une garde à vue, celle-ci sera réputée avoir commencé au début de la rétention douanière.

 

  • On peut distinguer la garde à vue de la rétention administrative des étrangers: elle concerne les étrangers qui sont sous le coup d’un arrêté d’expulsion ou de reconduite à la frontière, mais aussi les étrangers qui sont maintenus dans une zone d’attente, en l’absence de l’autorisation d’entrer sur le territoire. Elle a lieu dans des centres de rétentions surveillés par la police ou la gendarmerie, mais qui ne sont pas des établissements pénitentiaires. En principe, l’étranger ne peut être placé en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. La décision initiale de placement en rétention administrative est prise par le préfet pour une durée de 48h. Sur intervention du juge judiciaire, la rétention peut être prolongée pour 15 jours, puis pour 15 jours une seconde fois.

 

  • On peut distinguer la garde à vue de la détention provisoire: la garde à vue est un acte de recherche alors que la détention provisoire est déjà un acte d’instruction. La détention provisoire résulte d’une décision judiciaire alors que la garde à vue est une mesure policière.

 

  • La garde à vue est à distinguer de l’interdiction de s’éloigner: elle est permise en cas de flagrance. Le procureur de la République ou le juge d’instruction peuvent interdire à une personne de s’éloigner et lui imposer de rester sur les lieux de l’infraction. Cette interdiction cesse dès que l’officier de police judiciaire quitte les lieux.
  • La garde à vue est à distinguer de l’appréhension (art. 73 CPP): il s’agit du fait pour toute personne de procéder à l’appréhension de l’auteur d’un crime ou d’un délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement.

 

1 – La décision de placement en garde à vue

  1. a) La prise de décision

 

Seuls les officiers de police judiciaire peuvent placer quelqu’un en garde à vue (art. 63 & 77 CPP). Cela signifie notamment que le procureur ne peut le faire, cela s’explique du fait que le procureur est celui qui contrôle la garde à vue.

La décision de placer en  garde à vue suppose une double motivation : la garde à vue doit être nécessaire et proportionnée par rapport aux impératifs d’investigation de la police judiciaire. L’exigence de proportionnalité a été posée par le Conseil Constitutionnel, puis a été affirmé par la Cour de Cassation et par la CEDH. Désormais, les principes de nécessité et de proportionnalité figurent, depuis la loi du 15 juin 2000, à l’art. préliminaire du CPP qui prévoit que « les mesures de contrainte doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l’infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne ».

La jurisprudence montre que la nécessité de placer en garde à vue doit être appréciée par l’officier de police judiciaire, mais sous le contrôle de l’autorité judiciaire. Dans certains cas, le placement en garde à vue peut être obligatoire, notamment « lorsque la personne impliquée a été mise à la disposition de l’officier de police judiciaire sous la contrainte ». Inversement, le placement en garde à vue peut être facultatif lorsque la personne concernée s’est présentée spontanément ou sur convocation.

 

  1. b) Les personnes pouvant être placées en garde à vue

 

  • Selon qu’il s’agit de majeurs:

 

(Art. 63, 77 & 153 CPP) Seules peuvent être placés en garde à vue les personnes à l’encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenter de commettre une infraction. Au contraire, les témoins réels ne peuvent pas être placés en garde à vue. Ce sont les personnes qui n’ont aucun lien avec la commission de l’infraction. L’exclusion des témoins de la garde à vue pose des difficultés. D’une part, parce que la qualité de témoin est imprécise et peut varier au court de l’enquête. D’autre part, si le témoin ne peut plus être placé en garde à vue, il peut cependant faire l’objet d’une mesure de rétention policière.

  • Selon qu’il s’agit de mineurs de 13 ans:

 

Pendant longtemps, aucune privation de liberté n’était permise pour ces mineurs mais la situation a changé en 1994, car depuis, si la garde à vue n’est pas permise, il est néanmoins possible de procéder à la rétention des mineurs de 10 à 13 ans (ordonnance du 2 février 1945) : « le mineur de 13 ans ne peut être placé en garde à vue. Toutefois à titre exceptionnel, le mineur de 10 à 13 ans, contre lequel il existe des indices graves ou concordants laissant présumer qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement, peut être retenu à la disposition d’un officier de police judiciaire ». La différence avec la garde à vue des majeurs est que la rétention des mineurs requiert l’accord préalable d’un magistrat. Elle ne doit durer que le temps strictement nécessaire pour entendre l’enfant, ou pour le présenter au juge, ou pour le remettre à ses parents.

 

2 – Les conditions du déroulement de la garde à vue

  1. a) Les investigations corporelles

 

On entend par là la possibilité pour  une personne d’être fouillée. La personne en garde à vue peut être fouillée de manière générale. La fouille peut être autorisée de manière plus approfondie, dans ce cas l’art. ? prévoit que « lorsqu’il est indispensable, pour les nécessités de l’enquête, de procéder à des investigations corporelles internes sur une personne gardée à vue, celles-ci ne peuvent être réalisées que par un médecin requis à cet effet ».

 

  1. b) Le lieu de la garde à vue

 

Elle se déroule en principe dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, ou exceptionnellement sur les lieux de l’infraction, si la personne y a été interpellée en infraction flagrante.

 

  1. c) Les formalités de la garde à vue

 

La garde à vue est très formaliste pour des raisons de protections : on souhaite éviter des abus lors de la garde à vue. Un procès verbal d’audition du gardé à vu doit donc être obligatoirement rédigé. Il doit contenir un certain nombre de mentions spécifiques prévues par l’art. 64 CPP, tels que la durée des interrogatoires et la durée des repos entre ceux-ci, les heures auxquelles la personne a pu s’alimenter, le jour et l’heure à partir desquels elle a été gardée à vue, le jour et l’heure où elle a été libérée ou amenée devant le magistrat compétent. Le procès verbal doit aussi indiquer les demandes qu’a pu faire le gardé à vue, notamment pour la mise en œuvre des droits. Toutes ces indications doivent être émargées par les personnes intéressées. En cas de refus de la personne intéressé, il suffit de faire mention de ce refus. Les motifs de la garde à vue doivent également être indiqués.

 

Depuis l’affaire D’Outreau, la vidéo est prévue lors de la garde à vue pour éviter les contestations sur les déclarations obtenues. La loi du 5 mars 2007 impose l’enregistrement audiovisuel pour les interrogatoires des personnes gardées à vue pour crime. L’enregistrement ne sera consulté qu’en cas de contestation du procès verbal, sinon il sera détruit 5 ans après l’extinction de l’action publique.

 

  1. d) l’information du gardé à vue sur ses droits

 

            Art. 63-1 du CPP « Le gardé à vue doit être informé de ses droits ». Il doit également être informé de la nature de l’infraction qui lui est reprochée et de la durée de la garde à vue. Cette information doit lui être signifiée dans les 3 heures qui suivent la mise en garde à vue. Le procès verbal doit mentionner expressément que le gardé à vue a été informé de ses droits, celui ci doit signer le procès verbal.

 

  1. e) la durée de la garde à vue

 

Elle est fonction de la nature de l’infraction concernée, on distingue deux régimes:

  • un régime de droit commun:
  • pour les majeurs, la durée de garde à vue est normalement de 24h. Cette durée peut être prolongée pour une nouvelle période de 24h. Cette prolongation doit être autorisée par écrit par le procureur de la République qui peu se voir présenter le gardé à vue.
  • pour les mineurs
  • en dessous de 10 ans, aucune garde à vue n’est envisageable
  • de 10 à 13 ans, la garde n’est pas permise mais la rétention est possible. Il s’agit d’une rétention ce 12h au plus qui est décidée par un magistrat. Elle peut être prolongée une fois pour la même durée, au plus, elle ne pourra donc durée que 24h. Cette prolongation doit être décidée par le magistrat après que le mineur lui ait été présenté
  • de 13 à 16 ans, la garde à vue est permise pour une durée de 24h non renouvelables sauf si l’infraction est punie d’au moins 5 ans d’emprisonnement
  • de 16 à 18 ans, le régime de la garde à vue est le même que pour les adultes à la seule différence que la prolongation suppose que le gardé à vue soit présenté au magistrat
  • un régime dérogatoire:
  • pour les infractions visées à l’art. 706-73 du CPP qui relèvent de la criminalité organisée ou du trafic de stupéfiants, il est possible de procéder à la prolongation de droit commun de 24h et également de décider soit de deux prolongations supplémentaires de 24h, soit directement d’une prolongation de 48h. Cette mesure de garde à vue prolongée est prise par le juge des libertés et de la détention à la demande du procureur de la République. Pour ces infractions la garde à vue peut donc durée jusqu’à 96h, soit 4 jours.
  • pour les infractions de terrorisme,lorsqu’il ressort des éléments de l’enquête qu’il existe un risque sérieux d’une action terroriste ou si les nécessités de la coopération internationale l’exige, la garde à vue peut être l’objet d’une prolongation supplémentaire par rapport au régime précédent de 24h renouvelables une fois. Au total, en matière de terrorisme, la garde à vue peut donc être de 144h, soit 6 jours. Cette décision est prise par le juge des libertés et de la détention qui doit motiver sa décision

 

La computation du délai de garde à vue:

  • le point de départ de la garde à vue: il s’agit du moment où l’intéressé a été privé de sa liberté, càd que si la personne s’est présentée spontanément à l’audition de l’officier de police judiciaire, le point de départ est le début de l’audition. Si la personne a été interpellée, le point de départ est fixé au moment de l’arrestation. Si la personne à refuser de comparaitre à la convocation de la police, le point de départ de la garde à vue est fixé au moment de la présentation de la personne à l’officier de police judiciaire
  • le terme de la garde à vue: la garde à vue prend fin au plus tard à l’expiration de sa période maximale. La prolongation de la garde à vue doit impérativement être décidée à l’expiration de la première période. En l’absence de décision du procureur, le gardé à vue doit immédiatement être remis en liberté. La garde à vue peut également s’arrêter plus tôt par décision du procureur qui peut soit décider de remettre la personne en liberté, soit demander à ce qu’elle lui soit déferrée. Lorsque la personne achève sa garde à vue et qu’elle ne doit pas être remise en liberté, elle doit être déférée au parquet. En attendant, il est encore possible de la maintenir en rétention pour une durée maximale de 20h (= la mise au dépôt)

 

           

            La Cour de cassation permet le cumul des gardes à vue mais elle impose des limites. Il faut distinguer selon que les faits qui motivent la seconde garde à vue sont les mêmes ou non que pour la première garde à vue:

  • Lorsque la personne est placée en garde à vue pour les mêmes faits, la durée de la première garde à vue est imputée sur celle de la seconde garde à vue. La durée totale ne doit pas excéder la limite totale autorisée de 48h.
  • Lorsque la personne est placée en garde à vue pour des faits différents, la durée de la première garde à vue n’est pas prise en compte en principe.
  • Cependant, si les gardes à vues se déroulent de manière ininterrompue, la durée maximale cumulée de ces 2 gardes à vues ne peut pas excéder la durée maximale de garde à vue de l’infraction la plus grave.
  • En revanche, si les gardes à vue décidées pour des faits distincts se déroulent de manière discontinue, à des périodes de temps suffisamment éloignées les unes des autres, la durée totale cumulée peut dépasser la durée maximale.

 

  1. f) le contrôle du déroulement de la garde à vue

 

C’est le procureur de la République qui contrôle principalement la garde à vue:

 

  • Art. 63 al. 1 du CPPexige que l’officier de police judiciaire qui place une personne en garde à vue en informe immédiatement le procureur. Au cours de la garde à vue, c’est le procureur qui va décider d’une éventuelle prolongation ou d’une éventuelle remise en liberté ou que le gardé à vue doit lui être déférée.
  • Art. 41 du CPPprévoit que le procureur contrôle les mesures relatives à la garde à vue, notamment, il visite les locaux de garde à vue chaque fois qu’il le juge nécessaire et au minimum une fois par an.

 

            L’Art. 719 du CPPprévoit que les députés et sénateurs ont le droit de visiter à tout moment les locaux de garde à vue.

 

            Depuis 2007, il existe un contrôleur général des lieux de privation de liberté qui a compétence pour contrôler les conditions de prise en charge des personnes privées de liberté.

 

2 – Les garanties de la personne gardée à vue

           

La personne gardée à vue bénéficie de nombreux droits:

  • le droit de se taire
  • le droit d’être impliqué dans un délai raisonnable
  • le droit de se voir notifier la nature de l’infraction qui justifie la garde à vue

 

  1. a) le droit de faire prévenir une personne désignée

 

            Le gardé à vue a le droit de faire prévenir de son placement en garde à vue une personne avec laquelle il vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe, ou un frère ou une soeur, ou son employeur. Ce droit doit être effectué immédiatement au début de la garde à vue et au plus tard dans les 3h qui suivent le début. Le gardé à vue doit être informé de cette faculté mais il n’en a pas l’obligation. C’est l’officier de police judiciaire qui appelle et explique la situation à la personne prévenue. Ce droit de faire prévenir n’est pas absolu. Si cet appel est de nature à compromettre l’enquête, l’OPJ peut saisir le procureur qui décidera si ce droit peut être exercé ou non.

 

 

  1. b) le droit à un examen médical

 

            L’intérêt de ce droit est d’éviter que le gardé à vue ne subisse un traitement qu’il ne serait pas en mesure de supporter et d’éviter que le gardé à vue ne ressorte dans un état lamentable et accuse les policiers de certains sévices. Cet examen peut avoir lieu dès le début de la garde à vue et au plus tard dans un délai de 3h soit à la demande de l’intéressé, soit à la demande d’un membre de la famille du gardé à vue, soit par décision du procureur de la République. Le médecin déterminera si la personne est apte à subir une garde à vue. Il sera possible de demander un nouvel examen médical au bout de 24h. Si la personne ne peut pas subir la garde à vue, le procureur doit la libérer, s’il ne le fait pas, la garde à vue sera annulée (Cass., 2009).

 

  • le droit d’être alimenté

 

            L’OPJ doit veiller à l’alimentation du gardé à vue et mentionner sur le procès verbal les heures auxquels le gardé à vue a pu s’alimenter. Le CPP ne précise pas ce que le gardé à vue doit manger.

 

  • le droit de s’entretenir avec un avocat

 

            Le CC a érigé, dans sa décision du 11 aout 1993, le droit de s’entretenir avec un avocat en un droit de la défense à valeur constitutionnelle. Le principe même de ce droit ne peut être remis en cause par la loi quelque soit l’infraction. Cependant, le législateur a la possibilité d’en fixer les modalités d’exercice, il peut notamment retarder le moment où le gardé à vue peut s’entretenir avec son avocat. Pour les avocats, il s’agit d’un principe dérogatoire aux exigences de la Cour EDH.

 

  • Le choix de l’avocat:une personne placée en garde à vue à la droit de choisir son avocat, à défaut, il lui en est commis un d’office par le bâtonnier
  • L’entretien de l’avocatavec le gardé à vue est limité dans le temps, il ne peut durer plus de 30 min. l’avocat peut communiquer avec son client de manière totalement confidentielle. Il est informé par l’OPJ de la nature de l’infra et de la date présumée de celle ci. Pour l’heure, il ne peut assister aux interrogations ni consulter le dossier. Il peut donc rappeler à son client le droit de sa taire, s’assurer de la régulation de la procédure, … A l’issu de l’entretien, l’avocat peut présenter des observations écrites qui figureront dans le dossier.
  • Le moment de l’entretien: depuis la loi du 15 juin 2000, l’intervention de l’avocat est possible dès la première heure (art. 63-4 CPP). Ce droit peut s’exercer à nouveau en cas de prolongation, au début de la nouvelle période. Ce principe connait deux exceptions:
  • en cas de criminalité organisée, l’avocat ne peut intervenir avant la 48ème h
  • en cas de trafic de stupéfiants ou de terrorisme, l’avocat ne peut intervenir avant la 72ème h

           

            L’art. 6 de la Convention EDH, qui pose le droit à un procès équitable, dispose que tout accusé a droit à l’assistance d’un défenseur de son choix. Il a donné lieu à deux jp interprétatives de la Cour EDH:

  • La Cour EDH énonce que le droit à l’assistance d’un avocat concerne toute la procédure pénale et pas seulement la phase judiciaire. Ce droit s’applique dès le premier interrogatoire par la police (CEDH, Salduz c/ Turquie, 2008), l’Etat peut cependant prévoir des exceptions pour des raisons impérieuses.
  • La Cour EDH a affirmé que le droit à l’assistance d’un avocat recouvre toute la gamme d’interventions propres au conseil (Dayanan c/ Turquie, 2009), l’avocat doit pouvoir librement discuter de l’affaire, organiser la défense, rechercher les preuves favorables à l’accusé, préparer les interrogatoires, soutenir l’accusé en détresse et contrôler les conditions de détention

            Les avocats français considèrent que la France serait donc obligée de se conformer aux exigences de la Cour EDH notamment quant au principe de l’assistance de l’avocat tout au long de la procédure y compris durant les interrogatoires. Peu à peu, une évolution s’est donc déclenchée dans le sens d’une plus grande assistance des avocats en garde à vue:

            Le 30 juillet 2010, le CC, saisi d’une QPC relative à la garde à vue, a estimé que le droit à un avocat dès le début de la garde à vue était une exigence constitutionnelle mais qu’il était possible de prévoir des procédures dérogatoires pour certaines gardes à vue. Dans cette décision, le CC laissait au législateur jusqu’au 1er juillet 2011 pour modifier la loi.

            Entre temps, la France a été condamnée par la Cour EDH, dans une décision Brusco c/ France de 2010, pour non respect des règles en matière de garde à vue. Elle est donc condamner pour violation de l’art. 6 de la Convention EDH au motif que « la personne placée en garde à vue à la droit d’être assisté d’un avocat dès le début de cette mesure ainsi que pendant les interrogatoires et ce a fortiori, lorsqu’elle n’a pas été informée par les autorités de son droit de se taire ».

            Cette avancée a été ensuite relayée par 3 arrêts de la Crim. du 19 octobre 2010, la Cour de cassation reconnaît que « le droit à un procès équitable est violé du fait de l’absence d’assistance effective d’un avocat dès le début de la garde à vue, dans toutes les procédures y compris pour terrorisme ou criminalité organisée, et pendant les interrogatoires ». Pour préserver la sécurité juridique et pour une bonne administration de la justice, la Cour de cassation ne censure pas immédiatement les procédures en cours. Comme l’a fait la CC, elle module les effets dans le temps de sa décision en considérant que cette nouvelle jp s’appliquera lors de l’entrée en vigueur de la loi, devant modifier le régime de la garde à vue, ou, au plus tard, le 1er juillet 2011.

 

Section II – L’orientation du dossier pénal

  • 1 – La décision prise par le ministère public

 

            Le procureur de la République va recevoir de l’OPJ tout le dossier jusqu’ici constituait sur une affaire donnée. Sur la base des éléments contenus dans ce dossier, le procureur est tenu de prendre une des 3 décisions que l’art. 40-1 prévoit:

  • classer sans suite
  • mettre en oeuvre une alternative aux poursuites
  • engager des poursuites

 

A – Le classement sans suite

 

            Il s’agit de la décision par laquelle le procureur de la République décide de ne pas engager de poursuites et de classe le dossier dans les archives du parquet. Cette faculté est l’expression du principe d’opportunité de poursuites. Depuis 2008, le classement sans suite doit être motive le plus souvent il le sera soit parce que l’infraction a créé un trouble social minime ou un préjudice trop faible, soit par l’utilité de poursuivre au regard de la situation d’espèce, soit en raison de l’existence d’une cause d’irresponsabilité, soit en raison de l’absence d’un élément constitutif de l’infraction. Le classement sans suite peut être pris sous conditions, le procureur peut en effet imposer au délinquant une condition, par exemple, de non réitération des faits, de rétablissement du trouble causé à la victime. La décision de classer sans suite n’est pas une décision juridictionnelle mais administrative qui est librement révocable, càd que, tant que l’action publique n’est pas prescrite, le procureur à la possibilité de reprendre les poursuites. Le supérieur hiérarchique, le procureur général, peut décider de poursuivre alors même que le procureur de la République classe sans suite. De même, la victime conserve le droit de déclencher les poursuites en se constituant partie civile. Le procureur de la République qui décide de classer sans suite doit prévenir la victime afin de lui permettre de décider elle même de poursuivre ou non.

 

 

B – Les alternatives aux poursuites

 

            Arts. 41-1 et 41-2 du CPP, ce sont des mesures qui ne visent pas à sanctionner pénalement le délinquant mais à apporter une autre réponse à l’infraction. Néanmoins, on peut distinguer deux types de mesures:

  • mesures à finalité réparatrice
  • mesures à finalité punitive

 

1 – Alternatives à finalité préventive

 

Elles sont au nombre de 6, le procureur peut:

  • faire un rappel à la loi, càd rappeler à la personne l’obligation de respecter la loi et la menacer d’être directement poursuivie si elle réitère l’infraction
  • orienter l’auteur des faits vers une procédure qui le prendrait en charge sur le plan sanitaire, social ou professionnel
  • demander à l’auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements. Ce cas est celui où l’infraction résulte de l’absence d’un titre ou d’un document exigé d’un particulier à titre de sanction
  • demander à l’auteur des faits de réparer le dommage
  • faire procéder à une mesure de médiation entre l’auteur des faits et la victime
  • en cas d’infraction commise contre son conjoint, son concubin ou son partenaire de pacs ou contre ses enfants, demander à l’auteur des faits de résider hors du domicile et de s’abstenir de paraître dans ce domicile ou aux abords immédiats de celui ci

 

2 – Alternative à finalité punitive

 

            Il s’agit de la composition pénale qui se définit comme une proposition du Procureur de la République, faite à une personne physique qui reconnait sa culpabilité, de verser une amende de composition et de se soumettre à une autre obligation prévue par la loi.

 

C – L’exercice des poursuites

 

            Lorsque les poursuites sont engagées par le ministère public, la décision est irrévocable. La poursuite est une décision qui ne peut être l’objet d’un recours judiciaire. La poursuite est l’acte procédural par lequel une partie à la procédure exerce son action, saisie une juridiction et ouvre ainsi le procès pénale.

 

1 – Le réquisitoire à fin d’informer

 

            Il s’agit d’une requête du procureur au juge d’instruction pour lui demander d’ouvrir une information. Cet acte a pour but de saisir le juge d’instruction. L’instruction est obligatoire en cas de crime et facultative pour les délits commis par les majeurs. D’une manière générale, elle est rare et souvent réservée aux affaires complexes ou dont l’auteur est ignoré.

 

2 – La citation directe

 

            C’est l’acte par lequel le ministère public assigne le prévenu à comparaitre devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel. Elle a dont pour but de saisir la juridiction de jugement.

 

3 – La comparution immédiate

 

            Il s’agit de la voie procédurale consistant à saisir un tribunal correctionnel pour faire comparaitre immédiatement la personne accusée. Elle n’est possible que pour les majeurs et seulement pour un délit flagrant puni d’une peine d’au moins 6 mois d’emprisonnement ou pour   un délit non flagrant mais qui est punissable d’une peine d’au moins 2 ans d’emprisonnement.

  • Si le tribunal peut se réunir le jour même de la poursuite, le prévenu peut être immédiatement jugé s’il a donné son accord. S’il refuse, il sera rejugé dans un délai de 2 à 6 semaines.
  • Si le tribunal ne peut se réunir le jour même, le prévenu peut être placé en détention provisoire mais il devra lors comparaitre le deuxième jour ouvrable après ce placement, sinon elle doit être remise en liberté sans jugement

 

4 – La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

 

            Cette procédure suppose nécessairement des aveux. Elle pourra être déclenchée par le procureur ou à la demande de la personne poursuivie. Elle doit être, lorsqu’elle est exercée à la demande du coupable, validée par le parquet. Elle aboutit, dans tous les cas, à la fixation d’une peine à subir qui doit être acceptée par le délinquant. Elle sera ensuite homologuée par le président du tribunal.

 

  • 2 – La décision prise par la victime

 

            La victime a le droit de déclencher les poursuites en se constituant partie civile. Il s’agit d’une possibilité d’abord jpelle (arrêt du 8 décembre 1906, Laurent – Atthalin), elle est désormais prévue par la loi dans l’art. 1 du CPP. La victime peut donc déclencher les poursuites en demandant réparation au juge répressif. Cependant, la jp permet aussi à la victime de déclencher les poursuites même si elle n’entend pas demander réparation de son préjudice. La Crim admet qu’une victime soit autorisée à agir seulement pour déclencher les poursuites pénales.

 

 

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