Cours de Droit d’auteur et Droits voisins

COURS DE PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE

Pour mieux cerner et « sentir » ce qu’est un droit d’auteur rien ne peut être aussi éclairant que d’évoquer rapidement sa place au sein de la propriété intellectuelle (1°), l’étude de son évolution dans l’histoire, qu’il s’agisse du passé (2°), ou des tendances actuelles (3°). La comparaison avec d’autres matières juridiques complétera cette approche introductive (4°).

  1. I) Première idée :

Juridiquement un patrimoine est formé de meubles et d’immeubles corporels (=des biens que l’on peut toucher) ou incorporels. Autrefois les fortunes étaient essentiellement immobilières. Mais le 19ème siècle, et plus encore le 20ème siècle ont vu grandir en importance les meubles incorporels. Les actions de sociétés et les obligations sont les témoins de nouvelles de fortunes bâties sur l’incorporel. Le 21ème siècle semble voir devoir voir triompher, au sein de la famille des meubles incorporels, la propriété intellectuelle. 

Celle-ci est fondée sur l’idée d’un monopole conféré par les Etats aux créateurs afin de les inciter à créer de nouvelles choses avec leur esprit. Mais quelles choses ?

Deux paquets distincts sont à faire au sein de la propriété intellectuelle. D’une part les droits incorporels qui sont regroupés au sein de la propriété industrielle, laquelle se décompose, pour l’essentiel, en brevets (pour les inventions techniques), marques, dessins et modèles. D’autre part, ceux qui sont regroupés au sein de la propriété littéraire et artistique (=PLA), qui confèrent un droit moral plus important qu’en propriété industrielle, et qui comprend le droit d’auteur, les droits voisins et des droits sui generis.

Le droit d’auteur est défini en droit français à l’article L 111-1 CPI (=code de la propriété intellectuelle) : « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral, ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ».

C’est une propriété particulière en raison, d’une part de son caractère réglementé dans le détail par le CPI, d’autre part en raison du caractère immatériel du droit qui en autorise la duplication à l’infini, ce qui, côté négatif, favorise certes la contrefaçon, mais aussi, côté positif, l’enrichissement des auteurs  ; en effet, si on ne peu  vendre qu’une fois un bien corporel (le vendeur ne peut vendre qu’une fois sa maison), on peut vendre dix fois son texte original, ce qui occasionnera une concurrence entre les cessionnaires des droits  (je peux céder mon roman à dix éditeurs différents) ; pour l’éviter on comprend que l’acheteur professionnel de droits exige le plus souvent la cession à titre exclusif.

  1. II) Le passé 

 (Voir L Pfister, Histoire du droit d’auteur, thèse, Strasbourg, 1999).

C’est par la littérature que va s’imposer en premier le droit d’auteur

  • Le Moyen Age n’est pas favorable à l’éclosion de la Propriété littéraire et artistique :
  • la création est divine et pas terrestre. L’auteur s’efface derrière Dieu
  • l’individu est moins important que la collectivité à laquelle il appartient
  • l’imprimerie n’existant pas encore les écrivains sont avant tout des copistes, tels les moines rédigeant les incunables
  • Dès le 16ème les éditeurs, pour amortir leurs frais d’investissement dans les techniques d’imprimerie, se voient reconnaître un privilège royal qui leur assure un droit exclusif contre rétribution ; c’est un moyen pour le roi de surveiller les publications

Les auteurs sont plus mal traités car ils ont sous la dépendance des acteurs : on dit que c’est « l’acteur qui fait l’auteur ». Mais peu à peu les privilèges concernent aussi les auteurs ; l’individualisme du 18ème favorise l’émergence d’un droit exclusif de l’auteur dans les 1ères décisions de justice ; en 1777 le Conseil du roi distingue le droit d’auteur du droit de l’éditeur. Le privilège bascule alors des éditeurs aux auteurs et l’idée d’un droit d’auteur est admise à la veille de la Révolution de 1789. Mais celle-ci supprime les privilèges.

  • 2 lois de 1791 (pour les auteurs dramatiques), puis de 1793 (musiciens et autres types d’auteur) reconnaissent des monopoles.

Elles ne sont pas codifiées en 1804

  • Au 19ème siècle une loi de 1866 porte à 50 ans le droit exclusif de l’auteur ; la jurisprudence crée ex nihilo le droit moral (comme les autres droits de la personnalité).

C’est l’occasion de préciser une distinction fondamentale en droit d’auteur, celle entre droit moral et droit patrimonial.

– Le droit patrimonial c’est la finance, ce que l’auteur peut espérer gagner du fait de l’exploitation de son œuvre par des éditeurs ou d’autres entreprises. Il est la conséquence du monopole, du droit exclusif que le législateur accorde à l’auteur sur son œuvre, cela afin de promouvoir la création artistique. Le droit patrimonial est cessible et il est fréquent que l’auteur le transfère, moyennant rémunération de son œuvre, à une entreprise qui l’exploitera sur le marché.

– Le droit moral, au contraire, n’est pas cessible et reste attaché à son auteur, quand bien même la finance eût été transmise : c’est le « lien juridiquement protégé, unissant le créateur à son œuvre et lui conférant des prérogatives souveraines à l’égard des usagers, l’œuvre fût-elle entrée dans le circuit économique » (Gautier, Propriété littéraire et artistique, Litec, 3ème ed, 1999, n°119). Le droit moral est la résultante d’une conception subjectiviste : l’œuvre, même séparée de son auteur, ne se détache jamais complètement de lui. Elle est son émanation, son « bébé » sur lequel il aura toujours un droit de regard, quand bien même l’œuvre corporelle créée et les droits sur cette œuvre auraient été cédés.

  • Le 20ème est aussi fertile en évolutions. Le droit d’auteur est structuré dans la grande loi du 11 mars 1957. Les interprètes en sont oubliés ; d’où un groupe de pression qui aboutit en 1985 à la loi sur les droits voisins et la reconnaissance d’autres intervenants : sociétés de télévision, producteurs de phonogrammes.

En 1992 les lois relatives au droit d’auteur sont codifiées dans un code de la propriété intellectuelle (=Code de Propriété Intellectuelle).

En 1997 une loi a porté la durée des droits patrimoniaux de 50 ans à 70 ans.

Les traités internationaux de l’OMC et de l’AMI font l’objet d’âpres négociations en raison des enjeux de la société de communication du 21ème siècle.

En 2006 on a transposé (loi du 1er août 2006) la directive européenne droit d’auteur et société de l’information, ce qui a permis de gérer la question du téléchargement et de réformer différentes autres questions sans relation avec la société de l’information (ex dévolution des droits d’auteur pour les œuvres créées par les fonctionnaires). Mais cette loi DAVSI est tellement critiquée en ce qui concerne le téléchargement illicite qu’un projet de loi de réforme, dit DAVSI 2, est déjà en chantier.

En 2007 on a modifié les règles applicables à la contrefaçon.

Le droit communautaire se mêle de plus en plus du droit d’auteur :

  • La CJCE proclame sa compatibilité avec le principe de la liberté de circulation des marchandises et des services
  • Les directives européennes relatives au droit d’auteur ou à internet se multiplient

III)         Les tendances actuelles :

Diverses tendances lourdes affectent le droit d’auteur.

  1. a) Tendance à la réification (droit réel) :

 1)   Analyse classique :

L’analyse dualiste peut être transposée aux droits voisins. Elle signifie que l’on doit distinguer deux éléments (l’un moral, l’autre patrimonial) dans le droit d’auteur.

Le droit moral est un droit de la personnalité : la cour de cassation l’a réaffirmé récemment, c’est-à-dire un droit subjectif qui ne s’exerce pas contre autrui mais qui concerne la personne même du sujet. L’art L 121-1 al.3 en fait un droit perpétuel et inaliénable.

Le droit patrimonial est considéré comme un droit de propriété, car opposable erga omnes. Certains textes parlent au demeurant d’un droit de propriété. Mais c’est un droit de propriété particulier, puisqu’il est provisoire et incorporel ; de plus le droit exclusif est raboté par la théorie de l’épuisement des droits. Beaucoup d’auteurs sont d’accord avec cette qualification ; d’autres la critiquent, mais ce débat n’a pas grand intérêt puisque le régime juridique est connu, les règles étant définies par la loi.

Dans ce droit de propriété il faut bien distinguer deux choses. D’une part l’œuvre artistique corporelle, d’autre part le droit d’auteur incorporel sur cette œuvre. Ces deux propriétés sont distinctes et indépendantes l’une de l’autre (cf l’article L 111-3 du Code de Propriété Intellectuelle)

La dualité implique que l’auteur et le cessionnaire de la finance gardent, ici encore, un droit de maîtrise sur l’oeuvre. Autrement dit ce n’est pas parce que vous êtes propriétaire de la sculpture, du papier sur lequel est écrit du scénario, que vous pouvez les exploiter (ce droit appartient au titulaire des droits patrimoniaux) ou les transformer à votre guise (droit moral de l’auteur : par ex il a été jugé que la remise du corpus à un tiers n’emporte pas divulgation de l’œuvre : Civ 1ère 29 nov 2005, Légipresse 2006.I.8) ; de même, commander un dessin pour une publicité ne donne pas le droit au commanditaire (celui qui passe commande) de l’exploiter comme on veut : seule l’utilisation, telle qu’elle est prévue au contrat, est autorisée.

2)   Analyse de l’école de Montpellier :

Le droit d’auteur est un droit de propriété dont le droit moral n’est qu’un avatar secondaire (Raynard, Droit d’auteur et conflits de lois, Litec, 1990). Le débat est politique. Si ce n’est qu’un droit réel on tend vers le copyright. Il est aussi juridique : s’il n’y a plus de droit moral les règles de conflits de lois en droit international privé sont modifiés. Il est encore stratégique : débarrassé du droit moral, le titulaire des droits pécuniaires peut plus librement exploiter l’œuvre et la modifier.

Et il est vrai que l’évolution du droit montre que la patrimonialisation du droit d’auteur fait des progrès.

  • le droit sui generis des bases de données ne comporte pas de droit moral ; le logiciel et les droits voisins ne comportent quant à eux que des moignons de droit moral
  • recul du droit moral dans la pratique. Il avait été jugé (TGI Paris 29 juin 1988, D 1989, Som 298, obs Hassler) que l’insertion du logo d’une chaîne de télévision sur un film cinématographique en cours de diffusion constituait une atteinte au droit moral. Pourtant cette pratique perdure. Pourquoi ? Parce que les auteurs préfèrent autoriser les télévisions à insérer leur logo plutôt que renoncer à l’argent que ces diffusions rapportent.
  • le droit moral a moins de sens pour les droits à finalité économique comme le logiciel
  • pour de nombreux auteurs il est nécessaire d’admettre un recul droit moral en vue des exploitations sur internet (il s’agirait d’admettre par exemple que la numérisation n’est pas un manque de respect à l’œuvre en dépit de la perte de qualité qu’elle pourrait engendrer).
  • l’aspect patrimonial prend de plus en plus d’importance : ce que l’on veut c’est permettre plus facilement l’exploitation des œuvres :

* constitution de sociétés de portefeuilles de droits ; ces sociétés achètent des droits d’auteur (un catalogues de films par exemple) pour des diffuseurs comme des chaînes de télévision

* l’art 214-1 du Code de la Propriété Intellectuelle interdit aux interprètes de s’opposer à certaines utilisations de l’œuvre (licence légale)

* importance prise par les sociétés de gestion collective ; celles-ci gèrent à la place des auteurs les droits qu’ils leur ont confiés

*multiplication des cessions légales au profit des entreprises afin de faciliter les exploitations : producteur audiovisuel, producteur d’une œuvre de commande pour la publicité. Dans la même lignée, en matière de logiciel, l’attribution des droits patrimoniaux à l’employeur montre que l’on met l’accent sur la disponibilité des droits d’exploitation au profit des entreprises

3)   Mais la plupart des auteurs (M Gautier, MM Lucas, Colombet) sont favorables au maintien de l’analyse duale.

  1. b) Tendance à l’éclatement :

– Cet éclatement est notamment dû aux compromis européens qui font une place à une logique de marché et au copyright, ainsi que, pour partie, aux droits voisins.

Ainsi le droit d’auteur protège ainsi parfois les entreprises qui ont fait des investissements : droit d’arène, logiciel, supra-conducteurs (puces), bases de données (droit sui generis), droits voisins des entreprises de communication audiovisuelle et des producteurs de phonogrammes nous rapprochent du copyright. Le droit d’auteur français n’a donc plus seulement une approche personnaliste du droit d’auteur. Il fait désormais la place à des droits qui sont d’inspiration plus économique.

– Le copyright a une philosophie différente du droit d’auteur. Il est fait pour protéger l’investisseur et non pas pour protéger un individu créateur. Le critère est la nouveauté plus que l’originalité + le titulaire du droit est l’entreprise et non pas la personne physique qui a créé l’œuvre + pas ou peu de droit moral et une vision purement patrimoniale du droit d’auteur + admission des licences obligatoires + les exceptions au monopole sont plus larges (fair use ou fair dealing fondé sur le principe du droit d’accès du public)

Le problème est que pour diverses raisons on a rangé le logiciel dans le droit d’auteur, ce qui déstabilise nos classifications, alors qu’il eût mieux valu, au nom du souci de compromis, admettre clairement qu’il s’agit de copyright et le ranger dans une catégorie à part. Il aurait mieux valu segmenter en catégories distinctes au lieu de mélanger (Sur cette question voir par exemple la thèse de M. A Lucas, La protection des créations industrielles abstraites, Libr Tehniques, 1975) le tout dans un magma peu homogène. Droit d’auteur et logiciel ont en réalité des philosophies différentes

– Outre les droits voisins et le droit sui generis du producteur de base de données on va poindre en jurisprudence d’autres droits sui generis en devenir : droit patrimonial à l’image, droit des éditeurs de données numérisées (on recueille pour eux une rémunération équitable), « droit d’arène » (ce droit est consacré au Brésil et vient d’être consacré par la Cour de cassation pour les organisateurs de spectacles sportifs : Com 17 mars 2004, lesquels sont déclarés propriétaires de leur spectacle) au profit des collectionneurs, organisateurs d’exposition, clubs sportifs qui prétendent être propriétaires des images sur le spectacle qu’ils organisent.

La loi du 15 déc 2004 a introduit la notion d’image collective des sportifs, ce qui permet, notamment aux clubs de football, de commercialiser les images de leur équipe avec un régime de contribution aux charges de la Sécurité Sociale allégé.

 

  1. c) Tendance à la collectivisation
  • Dans la création : de plus en plus d’œuvres créées à plusieurs
  • Dans la protection : les sociétés collectives de gestion des droits d’auteur + les licences collectives (art L 214-4 pour les producteurs et les interprètes de phonogrammes, L 311-5 pour les auteurs, les producteurs et les interprètes en matière de copie privée)
  1. IV) Comparaison avec d’autres matières :
  2. a) Avec les brevets :

 1)   Lignes de convergences

  • La création de monopoles en vue de favoriser la création
  • Des droits très internationalisés. Depuis toujours les œuvres ont eu une vocation à traverser les frontières. Avec la mondialisation c’est encore plus vrai, d’où la nécessité, réalisée, de conclure des traités internationaux afin d’harmoniser un minimum les différentes législations nationales
  • Des droits très communautarisés. L’Union européenne a pour but de favoriser les commerce. Pour cela une uniformisation minimale des différentes législations nationales est souhaitable. C’est ce que réalisent les directives européennes.
  • Des droits très politisés, car concernant des enjeux économiques stratégiques (revendications des pays en voie de développement, négociations des Etats au sein de l’OMC= Organisation mondiale du commerce)
  • Rapprochement de certaines règles de la Propriété littéraire et artistique de celles des brevets dans la mesure où les nouveaux droits créés en Propriété littéraire et artistique ont tendance à protéger les investissements, c’est-à-dire les entreprises
  • Dans les 2 cas l’impératif de liberté de la concurrence conduit à l' »épuisement » des droits (voir infra in contenu des droits)

2)   Lignes de divergences :

  • La Propriété littéraire et artistique n’est pas fondée sur une avance naturelle, sur une idée de progrès comme l’est le brevet.
  • La Propriété littéraire et artistique est un droit personnaliste alors que la propriété industrielle est un droit à visée économique
  • Critère de protection : nouveauté pour la propriété industrielle et originalité pour la Propriété littéraire et artistique. En fait il y a des rapprochements entre les deux. En matière d’arts appliqués on recherche une originalité objective qui en réalité ne se distingue plus guère de la nouveauté.
  • Pas de dépôt en Propriété Littéraire et Artistique.
  • En Propriété littéraire et artistique la personne de l’auteur revêt une grande importance d’où un droit moral qui est un droit de la personnalité et même un droit naturel, une sorte de droit « déclaratif » et non pas un droit créé comme l’est la propriété industrielle.
  •  
  1. b) Avec les dessins et modèles (=D et M) :
  • Un modèle c’est ce qui est en 3 dimensions
  • Le cumul de protection : un Dessin ou Modèle peut être cumulativement protégé par le droit d’auteur et le dépôt en tant que Dessin ou Modèle, ce qui démontre la proximité entre propriété industrielle et Propriété littéraire et artistique.

Si on choisit les Dessins et Modèles il faut un dépôt et le critère est une nouveauté présentant « un caractère propre » (art L 511-2 du Code de la Propriété Intellectuelle), ce qui démontre, ici encore, la proximité entre propriété industrielle et Propriété littéraire et artistique.

  • Il n’en reste pas moins que sur bien d’autres points il existe des différences de régime juridique selon qu’on a déposé un Dessin et Modèle ou selon qu’on ne se prévaut que des règles du droit d’auteur.
  1. c) Avec les droits de la personnalité :

 1)   Divergence théorique :

Le droit d’une personne sur son image est un droit de la personnalité comme le droit moral de l’auteur, mais pas un droit de propriété comme les droits pécuniaires de la Propriété littéraire et artistique. Rappelons que les prérogatives des individus forment la galaxie des droits subjectifs qui se décomposent en plusieurs planètes : les droits de créance (le mot devant être pris en son sens juridique) qui s’exerce contre autrui, les droits réels (droits sur une chose corporelle ou incorporelle), les droits de la personnalité (prérogatives d’une personne qur sa propre personne et que l’on peut opposer à autrui, à savoir le respect de sa vie privée ou de son droit à l’image).

Le droit d’auteur est partagé entre deux familles : le droit moral qui appartient aux droits de la personnalité, les droits pécuniaires qui relèvent des droits réels en tant que droit de propriété sur une chose incorporelle (par exemple la composition d’un tableau, prise indépendamment de son support, la toile, donne prise au droit d’auteur en tant que création intellectuelle).

2)   Rapprochements en pratique :

Le droit à l’image était une variété du droit au respect de la vie privée : ex photos de nudité, laquelle fait partie de la vie privée en tant que droit de la personnalité.

Mais aujourd’hui les photos ont une valeur patrimoniale et s’exploitent : ici le droit à l’image se détache des droits de la personnalité et se rapproche du droit d’auteur patrimonial. Certains parlent même de droits patrimoniaux de la personnalité

3)   Comparaisons de régime juridique :

  • Le droit à l’image ressemble au droit d’auteur car c’est un pouvoir d’interdiction fait à autrui ; on peut même se demander s’il n’y a pas de pseudo droit moral, ce qui permettrait de sanctionner lorsque l’image est utilisée dans un contexte dévalorisant + il y a comme pour Propriété littéraire et artistique un droit à la caricature de l’image, mais, en l’absence de texte, ce droit est une création prétorienne par mimétisme du droit d’auteur
  • Différences :
  • autorisation de diffusion d’une image peut être implicite alors qu’en Propriété littéraire et artistique l’autorisation doit être explicite et répondre à certaines conditions formelles (L 131-3 du Code de Propriété Intellectuelle)
  • possibilité de rémunérer au forfait et non pas en pourcentage

 

  1. d) Avec la concurrence déloyale (=CD) lato sensu :

 

1)   Distinction entre les deux :

  • La concurrence déloyale est un moyen de protection indirect des projets et des idées

La concurrence déloyale ne suppose pas nécessairement une situation de concurrence entre deux entreprises (Com 13 fevr 2008, CCE 2008, n°63, Caron), même si c’est souvent le cas, mais seulement une faute : risque de confusion entre les produits et services des litigants aux yeux du public, faute par comportement déloyal tel que le dénigrement des produits du concurrent etc…

Pour la concurrence parasitaire on recherche une faute particulière, telle que le « comportement consistant à se situer dans le sillage d’autrui », à profiter du travail d’autrui. Mais la jurisprudence semble aujourd’hui plus restrictive et admettre, au nom de la liberté du commerce, que le seul fait de reprendre les investissements d’autrui n’est pas en soi suffisant (voir par ex Paris 9 mars 2005, Prop Intellect 2005, 475).

2)   Quelques exemples :

  • Concurrence Déloyale : Affaire « Nuits des héros ». Une chaîne de télévision reprend le thème, la trame, le style de décor d’une émission d’une chaîne concurrente et débauche l’animateur vedette. La ressemblance entre les 2 émissions donnera lieu à une condamnation particulièrement sévère au niveau des dommages-intérêts : 7.622.450 euros de préjudice pécuniaire et 762.245 euros de préjudice moral (Versailles 11 mars 1993, D 1993, Som 244, obs Hassler).
  • Agissements parasitaires : on peut citer l’exemple d’une idée publicitaire mise sous la forme d’une jeune femme tenant un lave vaisselle réduit à la taille d’un flacon, image reproduisant la combinaison des couleurs et les attitudes d’une publicité antérieure pour un parfum de la marque Guerlain. Condamnation pour parasitisme : Paris 29 sept 1995, GP 26-30 mai 1996.

 

3)   Utilité :

La concurrence déloyale permet de sanctionner les comportements de ceux qui utilisent un travail d’autrui qui n’est cependant pas protégé par le droit d’auteur. Ex les slogans publicitaires non banals, mais non originaux non plus sont protégés contre leur reproduction par autrui : ex le slogan « SOS dépannage » (Paris 1er avr 1966, Ann prop ind 1966, 165).

Autre exemple : la reproduction d’éléments formels non protégeables de la page de couverture de l’ouvrage d’un concurrent : TGI Paris 22 janv 2002, Légipresse 2002.I. 84.

La concurrence déloyale permet donc une sophistication du droit. Au lieu du tout ou rien (protection par la Propriété littéraire et artistique ou aucune protection) la Concurrence Déloyale permet, en l’absence de contrefaçon de sanctionner des agissements que l’on estime condamnables.

Au sein de la concurrence déloyale on peut distinguer une sous catégorie, la concurrence parasitaire, qui est le fait de profiter abusivement du travail d’autrui. Mais la notion semble un peu en recul aujourd’hui devant les Cours d’appel de Paris et de Versailles (voir Passa prop intellec 2002, n°5, p 103 ; prop intellec 2007, n°22, p 122) ; au nom de la liberté de la concurrence le seul fait de profiter de l’idée ou du travail d’autrui et de se situer dans son « sillage » n’est plus en soi une faute ; il faut de plus une faute, telle que, par exemple, un risque de confusion. En soi imiter une montre qui n’est plus protégée parce que le modèle est tombé dans le domaine  public n’est donc plus condamnable en soi : seules des circonstances particulières sont susceptibles de constituer une faute en tant qu’agissements parasitaires : ainsi le fait de galvauder (en faisant fabriquer des copies destinées à être un cadeau publicitaire) cette montre de prestige, ce qui portait atteinte à la notoriété de la marque Cartier (Com 22 oct 2002, n°00-12914).

4)   Coordination avec l’action en contrefaçon :

Généralement, en cas de contrefaçon, les avocats visent dans leurs assignations en justice la Concurrence Déloyale au côté de la contrefaçon

De 2 choses l’une :

  • ou bien la Concurrence Déloyale est retenue à titre subsidiaire, au cas où l’action en contrefaçon serait rejetée
  • ou bien les 2 sont retenus cumulativement : mais pour cela il faut des actes de Concurrence Déloyale distincts de la contrefaçon : ex remoulage d’un modèle avait permis des économies de recherches et de mise au point (Com 25 oct 1977, D1978, IR, 164) ; la volonté de se placer dans le sillage d’autrui constitue un acte distinct de parasitisme : Paris 13 déc 2002, PI 2003, n° 83[1], de même que la revente à bas prix des œuvres contrefaisantes (Com 17 mars 2004, PI 2004, n°101). La copie servile ouvre même droit à des dommages-intérêts spécifiques quand bien même il n’y a pas de fait matériel distinct de la contrefaçon (Com 12 juin 2007,n°95-17347.

 

5)   Comparaison entre Propriété littéraire et artistique et Concurrence Déloyale

  • Dans la Concurrence Déloyale le principe est la liberté (du commerce) alors que dans la Propriété littéraire et artistique le principe est la la responsabilité pour violation d’un monopole.
  • Dans un cas il y a violation d’un droit subjectif et pas dans l’autre
  • Dans un cas il y a contrefaçon et pas dans l’autre

      Dans un cas il faut démontrer une faute sur le fondement de l’article 1382 du code civil et dans l’autre il suffit de prouver l’existence d’une atteinte, même non fautive, au monopole. 

Si on voulait compléter la comparaison on pourrait aussi comparer les droits d’auteur aux droits dits voisins, dont la seul terminologie de « voisin » indique que, s’ils ne sont pas identiques aux droits d’auteurs, ils leur ressemblent et font partie de la même famille : la propriété intellectuelle. Cela ne sera toutefois pas nécessaire, car ces deux catégories seront l’objet de l’étude du présent cours.

 

Première partie :

les droits d’auteur :

Le terme est mis au pluriel, car si autrefois il n’existait qu’une seule catégorie de droit d’auteur, l’existence, aujourd’hui, d’un statut particulier pour les logiciels justifie l’emploi du pluriel.

 

Trois titres formeront les subdivisions : il s’agit dans un premier temps de connaître comment on accède au statut d’auteur, ainsi que les  conséquences de cette accession (titre 1 : le statut de l’auteur), puis de voir comment l’auteur va gérer ses droits (titre 2) et les défendre contre les attaques des contrefacteurs (titre 3).

 

Titre I : LE STATUT DE L’AUTEUR :

 

Ce titre comportera trois chapitres d’inégal volume. Le premier, dans l’ordre logique des choses, viendra cerner les conditions pour qu’une création accède au statut d’œuvre protégée par le droit d’auteur. Le second décrira les divers types de situations que l’on rencontre. Le troisième, le plus volumineux, déterminera le contenu des droits, c’est-à-dire, pour l’essentiel, les prérogatives dont peut se targuer un auteur.

 

Chap 1 : CONDITIONS DE LA PROTECTION PAR LE DROIT D’AUTEUR :

Dans tous les pays les conditions sont semblables ou approchantes, mais on notera qu’aux USA, à la différence des pays d’Europe, un dépôt de l’œuvre dans un organisme agréé est nécessaire.

Traditionnellement deux conditions sont cumulativement exigées, une troisième, qui, quoique envisageable, ne l’est pas alors qu’elle le pourrait.

 Section 1 : L’originalité de la création :

  • Généralement il est exigé que l’œuvre procède d’une activité humaine créatrice, ce qui signifie que, en principe, seule une personne physique, et non pas un personne morale, peut être auteur. A la différence du droit anglo-saxon le droit d’auteur ne récompense donc pas la personne morale qui investit dans la création, mais l’individu qui a créé « avec ses tripes ».
  • Selon une formule constante de la Cour de cassation, le critère de protection est « l’empreinte de la personnalité » par opposition à la banalité de la création. Si le critère peut être décelé l’œuvre est protégée. C’est dire que la simple compilation d’informations n’est pas protégée en soi : Civ 1ère 2 mai 1989, (cité dans un ouvrage recommandé, A. Lucas, Propriété littéraire et artistique, Dalloz, connaissance du droit, 3ème édition, p11).
  • La distinction avec le critère de la nouveauté (qui est celui de la propriété industrielle) est difficile et on passe facilement de l’un à l’autre. Exemple : en matière de logiciel ou en matière de créations utilitaires on protège en fait l’effort intellectuel. D’ailleurs, pour les arts appliqués (l’expression concerne essentiellement les dessins et modèles qui n’ont pas fait l’objet d’un dépôt, les logiciels, les créations à vocation publicitaires ; les arts appliqués s’opposent aux arts purs tels que la littérature ou la peinture), la Cour de cassation parle souvent de « l’effort de création » ou de « l’effort personnalisé » : Civ. 1ère, 10 févr 1998. Cette idée d’effort de création démontre que l’on est à cheval entre originalité et nouveauté. D’une part un effort original démontre une nouveauté. D’autre part si une nouveauté peut ne pas être originale, elle le sera le plus souvent, faute de quoi le produit nouveau n’aurait pas d’intérêt. Les recoupements entre nouveauté et originalité sont donc patents, surtout dans le domaine des arts appliqués.
  • La Cour de cassation (C Cass). contrôle si les juges du fond ont relevé l’effort personnalisé ou l’originalité, mais la jurisprudence, au total, se contente de peu (exemple : des slogans publicitaires, une carte de vin un peu personnalisée ont bénéficié de la protection par le droit d’auteur). Les créations utilitaires ont tiré le degré d’originalité exigé vers le bas.

 Section 2 : La mise en forme de l’idée :

  • L’idée pure, même originale, est de libre parcours, car le droit se refuse à les protéger. Donc il faut une mise en forme pour que l’œuvre soit protégée. Oui, mais alors, celui qui s’inspire de l’idée d’autrui s’enrichit indûment. D’où une réaction de la jurisprudence qui protège souvent « l’aspiration » des idées d’autrui à son propre profit par l’action en concurrence : « profiter de l’effort intellectuel d’autrui » sans bourse délier, se situer « dans son sillage » est donc sanctionné sur un autre terrain que le droit d’auteur. Par exemple, en publicité un slogan peut être soit banal, soit original (ex « donnez du goût à vos communications » : Versailles 27 mai 2003, RIDA janv 2005, 199) ou se situer dans une zone intermédiaire, le non banal et non original (ex « SOS dépannages » : Paris 1er avr 1966, Ann prop ind 1957, 117). La première zone ne donne droit à aucune protection : tel serait le cas du slogan « sensationnel » que tout un chacun peut librement utiliser. La seconde zone est protégée par le droit d’auteur, la troisième ne bénéficie que de l’action en concurrence déloyale ou parasitaire.
  • Seule, donc, une idée originale et mise en forme de manière suffisamment précise donne prise au droit d’auteur. Par exemple une page web ne sera protégée par le droit d’auteur que si, au moins, des esquisses ont été faites. De même un croquis est au moins nécessaire pour que l’idée du peintre puisse accéder à la protection par le droit d’auteur. Idem pour le scénario d’un jeu vidéo. Pour un film on exigera un synopsis.

 

Section 3 : Indifférence du mérite : théorie de l’unité de l’art 

  • Cette exigence est conçue pour éviter d’entrer dans un système qui tournerait vite au conformisme et à la censure le mérite de l’œuvre est indifférent. On protège de ce fait tant les peintures de Van Gogh qu’un panier à salade, un « pin’s », ou la forme d’un pot de moutarde ; dans le domaine des Beaux Arts un film à caractère pornographique sera protégé comme un film de Fellini.
  • Cependant, dans la pratique judiciaire, parfois, les magistrats, sous couvert d’absence d’originalité, sanctionnent l’absence de mérite. Ce qui est banal ne bénéficiera d’aucune protection, qu’il s’agisse de la Propriété littéraire et artistique ou de la concurrence déloyale.

 

Chap 2 : TYPOLOGIE DES SITUATIONS : 

Quels types de situations rencontre-t-on en PLA ? Une grande variété. Autrefois, les choses étaient plus simple : il n’existait qu’une catégorie d’œuvre : celle créée par une personne physique. Avec le temps le droit s’est affiné, il s’est sophistiqué en même temps que les possibilités  techniques pour donner naissance à des sous- familles et à des catégories nouvelles. Cela s’est traduit par une  plus grande complexité, tant en ce qui concerne les variétés d’oeuvres protégées (S1), les variétés de qualification (S2), les variétés de titulaires ou de détenteurs de droits[2] (S3).

 

Section 1 : Variété des œuvres protégées :

Une liste, non limitative, est donnée à l’article L 112-2 du Code de Propriété Intellectuelle

  1. Littérature :

Les œuvres de types suivants sont concernées  par le droit d’auteur

  • Roman : l’auteur d’un roman, ou d’un texte écrit substantiel donnera prise au droit d’auteur, car on y décèlera, dans l’immense majorité des cas, une empreinte de la personnalité. Il en ira de même pour idem pour le traducteur du texte en une langue étrangère, car là aussi, le choix des mots nécessite de faire originalité.
  • L’auteur d’une adaptation, d’une anthologie (L 112-3)
  • Œuvres journalistiques : cela concerne les articles de journaux, mais pas les « brèves » (ex 3 lignes descriptives racontant un fait divers)
  • Écrits scientifiques : ils sont moins souvent protégés qu’une œuvre de fiction car l’originalité est plus difficile à déceler.
  • Guide pratique (oui), mais doute pour le genre de catalogue. C’est à voir au cas par cas.
  • Indépendamment du droit des marques les titres (L 112-4), s’il y a originalité, sont protégés. Exemple : Clochemerle, Charlie Hebdo, Rififi, Tarzan. Idem pour les slogans de la publicité.
  • Lettres : l’expéditeur d’une lettre en reste l’auteur, mais le destinataire peut-il s’opposer à la diffusion (exemple : pour un e-mail). Certainement s’il y a atteinte à la vie privée.
  • Interview : les deux sont auteurs estiment certains arrêts, d’autres que seul l’interviewer l’est. Il aussi il faut voir au cas par cas.
  • Discours, cours, plaidoiries sont protégées.
  • Pas de protection pour les textes publics, les décisions de justice, les informations brutes (exemple : dépêches de l’Agence France Presse).
  1. Œuvres dramatiques (c’est une œuvre pour laquelle il faut un interprète) :
  • Pièces de théâtre (les auteurs apportent souvent leurs droits, dès lors qu’ils écrivent souvent, à la SACD= société des auteurs et compositeurs dramatiques), opérettes, danse, numéro de cirque. La reconnaissance du metteur en scène comme auteur est controversée en jurisprudence. En fait il faut voir in concreto s’il a laissé « l’empreinte de sa personnalité ».
  • Décorateur, costumier : ils sont protégés, mais ils ne sont pas coauteurs de l’œuvre jouée, mais seulement de leur création propre
  1. Musique :
  • Avec ou sans paroles. On examinera l’harmonie et la mélodie pour voir s’il y a un apport créatif. L’arrangement est lui-même une œuvre.*
  • La musique électroacoustique réalisée à l’aide d’un ordinateur laissent une place éventuelle suffisante au créateur pour qu’il puisse bénéficier du droit d’auteur : Paris 3 mai 2006, D 2007, 2653.
  • Attention : beaucoup de musiques ne sont plus protégées, les droits étant dans le domaine public puisque le droit d’auteur est une propriété limitée dans le temps. Exemple : Mozart.
  1. Œuvre audiovisuelle = séquence animée d’images avec ou sans son (art 112-2) :
  • Télévision, cinéma, œuvre audiovisuelle sur support vidéo
  • Pour les retransmissions télévisées d’une pièce de théâtre, ou d’une manifestation publique la jurisprudence est partagée : il faut voir si dans chaque cas si le réalisateur a laissé son empreinte ou s’il s’est contenté de filmer en passif.
  • Film : sont présumés coauteurs (L. 113-7) l’auteur du scénario et de l’adaptation (ex l’adaptation d’un roman à l’écran), l’auteur du texte parlé, l’auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l’œuvre, le réalisateur. Pour les autres voir au cas par cas. Le producteur n’est pas auteur. Les personnages de film sont protégés. Exemple : Tarzan (idem pour les bandes dessinées).
  1. Arts Plastiques :
  2. Arts purs :
  • Dessin, lithogravure, sculpture (la simple idée d’une main sortant de terre n’est pas protégeable : sculpteur César), peinture, tapisserie. En principe la protection est systématique.
  • Il semble que la notion de collection soit protégée : affaire Schlumpf (collection de voitures) en tant que fait collectif mais pas en tant qu’œuvre originale.
  • Le restaurateur d’œuvre d’art peut être protégé selon son apport
  1. Arts appliqués :

La protection résulte de la règle dite de « l’unité de l’art ». Celle-ci permet à l’auteur d’un dessin ou modèle (D et M) d’être protégé par le droit d’auteur s’il n’a pas déposé son modèle. Sont concernés par exemple une forme de pâtisserie, un panier à salade.

  • Dessins utilitaires : croquis, dessin d’une robe : dans ce cas il y a possibilité de dépôt d’un Dessin ou Modèle. Idem pour un bijou ou un fauteuil.
  • Plans d’architecture : ils sont protégés s’ils sont originaux. Cela a des conséquences : pour la reproduction en images d’un bâtiment il faut le consentement de l’architecte . C’est un secteur soumis à un certain particularisme. C’est ainsi que l’auteur de la commande aura un droit d’utilisation par propriétaire sans clause de cession, mais en contrepartie l’architecte peut réutiliser le plan.
  • Les jeux : curieusement la jurisprudence les exclut de la protection, ce qui est injuste au regard des autres protections et des jeux vidéo, lesquels sont des œuvres multimédias. Comme ils ne sont pas non plus protégeables par un brevet il reste protection individuelle par Dessin et Modèle ou par les marques.
  • Un défilé de mode est protégeable : Crim 5 févr 2008, CCE 2008, n°33.
  1. Photos :
  • Elles sont protégeables si elles sont originales. Les critères utilisés sont : la composition, l’éclairage, la recherche, les effets spéciaux etc…La jurisprudence distingue l’apport personnalisé du simple travail technique, qui, lui, ne donne pas prise au droit d’auteur. Cette ligne de partage entre technique et apport personnalisé est une règle générale en Propriété littéraire et artistique.
  • Les clichés d’actualité ne sont pas toujours protégés, ce qui ne signifie par pour autant que le cliché n’ait pas de valeur marchande : la photo de l’avion Concorde en feu, prise sur le vif, n’est pas protégeable, mais elle vaut cher.
  • La reproduction d’une œuvre d’art non tombée dans le domaine public = œuvre composite (voir infra) Þ consentement de l’auteur de l’œuvre première requis.

 

  1. Œuvres de publicité et site internet :
  • A priori c’est une compilation du reste : texte, photo, musique, dessin, film, slogans.
  • En fait c’est un monde en soi, avec ses problèmes spécifiques : application des règles du contrat de commande, incertitude quant à savoir, pour le bénéfice de la cession de droits, qui est le producteur.
  • Pour les mannequins : ils n’ont pas été intégrés dans les droits voisins, mais on leur applique l’article L 763-1 code du travail + droit à l’image.
  • Un site internet peut être original en raison de sa composition, des idées mises en forme, des couleurs, du texte etc… : Versailles 12 janv 2005
  1. Œuvre multimédia : (voir aussi infra in qualification)
  • La page vitrine de l’œuvre multimédia devrait être protégée au titre du droit d’auteur, indépendamment de la protection de l’éventuelle base de données, ayant servi pour l’élaboration du contenu
  • Certains intervenants auront la qualité d’auteur. D’autres non. Le claviste, le scanneur, l’infographiste, les responsables de la numérisation, le photocompositeur, les ingénieurs du son, les metteurs en pages, le sonorisateur, l’indexeur ne seront généralement pas des auteurs. En revanche le seront les auteurs de textes, traducteurs, photographes, dessinateurs, compositeur de texte, scénariste.
  • Les personnages de jeu sont aussi protégés, notamment pour les jeux en ligne (MMOG = massively multiplayer on line games) qui consistent en un espace virtuel que les internautes font évoluer. On pourrait avoir des internautes joueurs revendiquant un droit d’auteur sur ces créations.

Section 2 : Variété des qualifications :

Les œuvres sont souvent créées à plusieurs, car elles sont complexes. Il y a par exemple les œuvres nouvelles adaptées d’oeuvres anciennes, les films cinématographiques ou les jeux vidéo qui réclament des moyens humains importants et le travail en commun de différents créateurs etc….

Différentes figures juridiques en résultent.

 

 

  • 1 : L’oeuvre de collaboration :

 

 

 

 

 

 

 

  • C’est une « oeuvre à laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques » (art L113-2 al1). Il faut une action concertée de plusieurs personnes physiques : ex le dessinateur et l’auteur des textes d’une bande dessinée, le compositeur de la musique et le librettiste d’un opéra etc… C’est une sorte d’indivision, autrement dit de copropriété.
  • Comme dans une œuvre collective chaque co-auteur peut exploiter sa propre contribution (113-3 al 4).
  • Conséquences de la qualification :

L’exploitation de l’œuvre suppose un accord commun (113-3 al 1 et 2) des auteurs. Il s’agit là d’une conséquence logique, mais pénible du principe de l’égalité des indivisaires (un collaborateur= une voix). Cette contrainte ne favorise pas l’exploitation des œuvres de collaboration, car chaque coauteur possède en réalité un droit de véto. En cas de désaccord il est nécessaire de saisir le tribunal de grande instance (TGI), afin qu’il tranche le conflit (113-3 al 3). En fait on a peu de jurisprudence sur cette question, preuve que les choses fonctionnent mieux en pratique que ce que l’on pouvait le redouter en théorie. En réalité, l’explication est simple. Les contrats de production, dans l’audiovisuel par exemple, comportent des clauses de cession de droits qui permettent aux cessionnaires d’exploiter l’œuvre pour les modes d’exploitation visés dans la clause de cession. C’est donc par avance que l’auteur consent aux différentes exploitations envisagées.

 

  • 2 : L ‘œuvre audiovisuelle :

L’oeuvre audiovisuelle suppose une séquence animée d’image, avec ou sans sons (art L 112-2-6°) : une émission de télévision, un film, un jeu vidéo sont des œuvres audiovisuelles (sous réserve, dans ce dernier cas d’autres qualifications possibles : voir la partie qualification de l’œuvre multimédia).

Les oeuvres audiovisuelles sont ipso facto des oeuvres de collaboration et non des oeuvres collectives (voir infra) a affirmé, à titre de principe, la C cass. en 1994 (Civ 1ère 26 janv 1994, RIDA oct 1994, 433 et 474). Toute œuvre audiovisuelle est donc, nécessairement, une œuvre de collaboration dès lors que plusieurs personnes sont intervenues dans le processus de création. Si un film documentaire peut être réalisé par un seul créateur, le réalisateur, un film destiné au cinéma suppose une pluralité d’intervenants : certains sont des techniciens, comme le cadreur, d’autres des auteurs.

Conséquences de la qualification:

  • Selon l’article L 113-7 du Code de Propriété Intellectuelle sont présumés coauteurs un certain nombre d’intervenants (voir supra)
  • Toutefois, il existe une cession légale au profit du producteur de l’œuvre audiovisuelle (132-24 du Code de Propriété Intellectuelle). Dans le secteur cinématographique cette présomption est de peu d’utilité car les contrats de production conclus avec les auteurs ne manquent jamais de stipuler de manière précise des cessions de droits, encore que le jeu de la présomption semble subordonné à ce qu’une rémunération soit versée aux auteurs pour chaque mode d’exploitation (cf l’article L 132-25 du Code de Propriété Intellectuelle). En revanche pour les chaînes de télévision, qui ne faisaient pas signer de clause de cession de droits par leurs journalistes salariés, auteurs de reportage d’actualité, cette cession légale est utile car faute de rémunération spécifique prévue par les chaînes de télévision pour les rediffusions il semble que l’article L 132-25 précité fasse obstacle au jeu de la cession légale. Si la cession légale des droits d’exploitation joue notons qu’elle est exclusive et qu’elle va aussi concerner les droits voisins des interprètes (Soc 3 mars 2004, Légipresse 2005.III. 66, note Hassler et Olszak).
  • Le réalisateur et les coauteurs doivent donner leur accord (Paris 2 déc 1963, D 1964, 229) pour la version définitive, ce qui est une contrainte pour le producteur (L 121-5). La Cour d’Appel de  Paris (9 sept 2005, CCE 2006, n°76) a cependant jugé que seul le réalisateur doit donner son accord au producteur, ce qui est conforme à la lettre du texte qui, mal rédigé, ne semble exiger que l’accord de ce dernier. En fait la jurisprudence exige, pour faire intervenir les coauteurs, qu’une clause de leur contrat soit rédigée en ce sens.
  • Quant au droit moral, et notamment de divulgation, il ne semble naître qu’une fois la version définitive adoptée (cf les articles L 121-5 al 1 et 5 et 121-6), sachant que, là, tous les coauteurs sont concernés.
  • Le réalisateur doit être consulté pour l’exploitation de l’œuvre pour un autre mode d’exploitation. (121-5 al 4 du Code de Propriété Intellectuelle). C’est là une demi mesure sans grande conséquence. Au surplus il suffit de stipuler par avance l’accord du réalisateur dans le contrat le liant au producteur.
  • En cas de contrefaçon, c’est-à-dire d’exploitation d’une oeuvre sans le consentement des auteurs, tous les coauteurs doivent avoir été appelés à la cause du procès (voir par exemple Civ 1ère 10 mai 1995, D 1996, 114, note Edelman). C’est là, dans la pratique, une contrainte importante, car il n’est pas toujours aisé de retrouver tous les coauteurs pour leur donner l’occasion de participer au procès. Nombre de contrefacteurs invoquent cet argument pour retourner en leur faveur un procès qui paraissait mal engagé au vu de leurs intérêts. Cependant, là aussi, si les droits ont été régulièrement cédés à l’exploitant celui-ci agit pour le compte de tous les indivisaires et le moyen ne peut lui être opposé. On remarquera, une fois de plus, que les difficultés juridiques sont solvables par une bonne pratique contractuelle.

 

  • 3 : L’œuvre composite :
    • Article 113-2 du Code de Propriété Intellectuelle : C’est «l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière». L’adaptation cinématographique d’un roman est une œuvre composite si l’auteur de l’adaptation n’a pas participé à la réalisation du scénario du film.
    • L’œuvre composite peut ou non être l’adaptation d’une œuvre première, selon qu’il y a modification ou adjonction. Le droit de remake est une oeuvre composite sans adaptation.
    • L’article L 113-4 du Code de Propriété Intellectuelle dispose que « l’œuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante ». Il en résulte que pour réaliser l’œuvre dérivée son créateur doit avoir préalablement acquis les droits sur l’œuvre première.
    • Une œuvre audiovisuelle peut cumuler les qualifications : œuvre de collaboration elle est en sus œuvre composite parce qu’un roman ou un personnage (Tintin, Tarzan etc…) aura été adapté à l’écran ou dans le jeu vidéo

 

  • 4 : L’œuvre collective :
  • Première vision:

Notre droit d’auteur est imbibé de subjectif : l’oeuvre ne se détache jamais totalement de son créateur, puisqu’elle n’est que « l’empreinte » d’une personnalité. La conséquence logique est que seule une personne physique peut être auteur. Mais avec le temps on s’est aperçu que les personnes morales prenaient de plus d’importance dans le rôle de création. Certes c’est toujours une personne physique qui crée, mais elle obéit à un canevas que sa hiérarchie, au sein de la personne morale, lui impose : ainsi les ateliers d’écriture pour la fabrication de séries télévisuelles.  : c’est ainsi qu’est apparue la notion d’œuvre collective, qui est une notion différente de l’œuvre de collaboration. Au lieu de fonctionner sur un postulat d’égalité des créateurs comme l’œuvre de collaboration, l’œuvre collective tient compte d’un processus vertical hiérarchique de création.

La qualification d’œuvre collective est une exception en droit français, puisqu’elle attribue ab initio la titularité des droits à une personne initiatrice d’un projet et non aux personnes physiques créatrices de ce projet (L 113-5 du Code de Propriété Intellectuelle). C’est donc la personne (le plus souvent) morale qui est censée être l’auteur, même si concrètement ce sont ses salariés qui ont été les créateurs ; ceux-ci pourront  toutefois exploiter séparément leur contribution et elles jouiront d’une partie du droit moral, celui-ci étant en fait partagé entre la personne morale et les contributeurs.

Le juge devra rechercher, au cas par cas, au travers des critères déterminés, avec plus ou moins de rigueur par la jurisprudence, sur la base textuelle de l’article 113-2 al 3, si on est en présence ou non d’une œuvre collective. Il existe une grande imprévisibilité des solutions, ce qui est néfaste pour la sécurité des affaires. Si, au final, la qualification d’œuvre collective est écartée, c’est qu’il s’agit, vraisemblablement d’une œuvre de collaboration.

L’œuvre collective nous rapproche du copyright puisque c’est l’investisseur qui devient le titulaire des droits

 

  • Domaine d’application :
  • Historiquement le domaine prévu à l’origine (dans la grande loi de 1957) était les dictionnaires et les encyclopédies
  • Puis la jurisprudence a accepté l’extension à d’autres domaines : ex dessins et modèles, base de données, logiciels, journaux. Toute œuvre plurale, à l’exception de l’œuvre audiovisuelle est susceptible d’être une oeuvre collective si les conditions sont remplies.
  • Critères de qualification :

L’article 113-2 al 3 du Code de Propriété Intellectuelle pose 3 conditions, le droit positif en révélant un quatrième : 

  • Le critère de l’initiative de création : c’est la personne morale qui doit avoir eu l’initiative de la création de l’œuvre.
  • Le critère de l’initiative de l’édition ou de la publication
  • Le critère de la fusion des contributions dans l’ensemble. Ce critère est tout relatif et sujet à critiques :
  • Un journal est généralement considéré comme une oeuvre collective alors que la fusion est minimale puisque les articles des journalistes sont signés par leurs auteurs
  • Dans un film il y a aussi une fusion, et pourtant c’est une œuvre de collaboration !
  • Le critère décisif n’est pas mentionné dans la loi, mais c’est celui qui semble se dégager majoritairement : le processus de création est le résultat d’un processus hiérarchique, c’est-à-dire que la façon de créer est dictée du haut vers le bas, selon un processus vertical. L’initiateur du projet donne des ordres sur la façon de concevoir les parties qui formeront l’ensemble, il maîtrise l’ensemble du projet en faisant prévaloir ses vues, en édictant des contraintes de créations via, au besoin, d’un cahier des charges et d’un chef de projet. Ainsi se manifesterait la différence avec l’œuvre de collaboration qui, elle, obéirait à un mode d’élaboration horizontal, car collaboratif.
  • Ce critère du processus hiérarchique est lui aussi imparfait : un éditeur de livres qui impose ses vues à des coauteurs est chose fréquente, sans qu’on y voie pour autant une œuvre collective. Il en va de même pour nombre d’oeuvres audiovisuelles dont le mentor est le producteur. La théorie de l’œuvre collective est inachevée et les incertitudes engendrées sont regrettables.
  • Conséquences de la qualification :
  • Il n’est pas besoin de stipuler une clause de cession de droits entre le créateur personne physique et l’entreprise (individuelle ou personne physique, peu importe). Mais cet avantage est à double tranchant : si le juge ne retient pas la qualification d’œuvre collective, l’entreprise risque d’être contrefacteur des droits de son salarié créateur (voir infra la titularité des droits) ou du « freelance » (l’indépendant) ayant participé à l’élaboration de l’œuvre.
  • Le droit moral du contributeur est diminué pour tenir compte de la fusion de la contribution dans le tout (voir Civ 1ère 8 oct 1980, D 1981, Somm 85, obs Colombet)
  • Le point de départ du délai de protection de 70 ans (voir infra) fait que la durée de protection est moindre que pour une œuvre de collaboration
  • la situation du contributeur est moindre : il est souvent affirmé que l’auteur peut n’être rémunéré qu’au forfait alors que le principe en droit d’auteur est que la rémunération doit être proportionnelle au prix hors taxe payé par le public. Mais une décision (Paris 9 févr 2005, CCE 2005, n° 99) a refusé de valider une rémunération forfaitaire dans une œuvre collective. Cette dernière a toutefois été cassée (Civ 1ère 21 nov 2006). Affaire à suivre.

Section 3 : Variété des détenteurs et titulaires de droits :

Comme les matières premières les droits d’auteur circulent. En principe ils naissent (§1) sur la tête du créateur. Puis les droits sont transmis (§2) à des personnes morales, mieux à même que l’auteur personne physique, de les exploiter :

  • 1: A l’origine :

C’est une situation qui appelle peu de commentaires. Le créateur indépendant qui fait œuvre originale est détenteur, par le seul effet de la loi, des droits patrimoniaux et extra-patrimoniaux sur son œuvre.

 

Il arrive que le créateur soit assisté d’un technicien qui obéit à ses instructions et n’a pas une autonomie de travail suffisante pour qu’il marque l’œuvre de « l’empreinte de sa personnalité ».

 

Le créateur conservera toujours son droit moral, mais il pourra transférer ses droits patrimoniaux à une société d’auteurs, ou à son client commanditaire, ou à son employeur, ou à son éditeur, ou à son producteur …

 

L’article L 113-1 du Code de Propriété Intellectuelle édicte une présomption d’auteur au seul profit des personnes physiques qui divulguent une œuvre. C’est une présomption simple destinée à lutter contre les contrefacteurs, l’exploitant n’ayant pas à prouver, dans un premier temps au moins, qu’on lui a transmis les droits. On verra plus loin qu’en matière de contrefaçon la jurisprudence a étendu, en dehors de tout texte, cette présomption au profit des personnes morales.

Le créateur peut être une personne physique agissant de sa propre initiative, seule ou avec d’autres. Mais il se peut, aussi, que ce soit un salarié (A) ou une personne agissant à titre indépendant mais avec qui le client (qu’on l’appelle alors un commanditaire) aura passé un contrat de commande (B).

  1. Le salarié :
  2. a) Droit commun :

En vertu de l’article L 111-1 alinéa 3 du Code de Propriété Intellectuelle les droits n’appartiennent pas à l’employeur, mais au créateur salarié (sauf le cas du logiciel, d’une œuvre collective, de l’œuvre d’un fonctionnaire, du jeu de la cession légale au profit du producteur audiovisuel). Très souvent les créateurs licenciés par leur employeur voient leurs droits  méconnus leurs droits alors qu’ils pourraient demander l’interdiction de l’exploitation de leurs créations par leur ex employeur, car si un salarié hésite à assigner son employeur pendant la durée du contrat de travail, il pourrait le faire plus aisément après cessation de la relation de travail.

Le principe de l’absence de cession diffère du droit anglo-saxon. Les employeurs ont donc tout intérêt à stipuler des clauses de cession de droits dans leurs contrats de travail.

Peuvent-ils stipuler que le salaire vaut rémunération ? Il semble que oui, si on se réfère à deux arrêts de la cour de cassation, qui précisent même qu’il peut s’agir d’une rémunération salariale forfaitaire (Cass 20 déc 1982, JCP 1983, 20102, obs Françon ; Civ 1ère 27 mai 1986, Bull n°142). Il semble a priori préférable, pour la clarté des choses, de ventiler le forfait entre la part salariale et part droit d’auteur ; mais c’est peut-être un mauvais calcul car l’Urssaf (organisme de gestion des cotisations sociales) requalifie les droits d’auteur en salaire si le salarié était très dépendant de son employeur dans son activité de créateur (Civ 2ème 6 déc 2006, n°05-1330).

 

Par prudence contractuelle les employeurs peuvent-ils validement stipuler une cession à titre gratuit dans les contrats de travail ? Le doute est permis. S’agissant d’un droit réel c’est dangereux car il y risque de disqualification en donation (voir cependant Paris 1er juillet 1998, RIDA janv 1999, 329), alors que si on en fait une simple autorisation il s’agira d’un droit personnel et non du transfert d’un droit réel tel que le droit de propriété. La manière de libeller la chose sera donc essentielle.

L’exercice de rédaction d’une clause de cession par un salarié est plus compliqué encore qu’il n’y semble car l’article L 131-1 du Code de Propriété Intellectuelle prohibe les cessions globales d’œuvres futures et l’article L 131-6 exige, pour l’exploitation d’une œuvre sous une forme non prévisible ou non prévue, un intéressement aux profits (sur ces questions voir infra).

La portée exacte de ces deux textes est cependant controversée et la jurisprudence peu abondante. Certains praticiens incluent dans le contrat de travail une promesse de cession sur les créations futures, ce qui ne dispense pas de devoir libeller ensuite une clause de cession de droits au fur et à mesure des créations du salarié.

Conclusion : cette question de la titularité, pourtant fondamentale, est souvent ignorée des entreprises. La rédaction d’une clause de cession dans le contrat de travail est un travail d’orfèvre, compte tenu des incertitudes du droit positif. Quant à la qualification d’œuvre collective, véritable bouée de sauvetage des entreprises qui n’ont pas fait souscrire de clause de cession de droits à leurs salariés lors de l’embauche, elle est le plus souvent aléatoire. Les incertitudes sont encore grandes aujourd’hui et notamment on peut se demander si une rémunération proportionnelle au chiffre d’affaires satisfait la condition l’exigence de l’article L 131-6.

La DAVSI, empruntant la technique du droit du travail de l’extension des conventions collectives, a prévu la possibilité de l’extension d’accords professionnels, ce qui est un moyen de protéger les auteurs lorsque aucun a contrat individuel n’a été signé. Un arrêté du 15 février 2007 a étendu au secteur le protocole d’accord de 1999 sur le pay per view conclu entre les syndicats de producteurs et la SACD (la gestion est alors collective via les sociétés d’auteurs).

  1. b) Cas particulier des agents de l’Etat et des collectivités territoriales :

Pour eux la loi DAVSI du 1er août 2006 (art 111-1 al 3, 121-7-1, 131-3-1 et s du Code de Propriété Intellectuelle) dispose que l’employeur, par voie d’une cession légale automatique, est investi des droits patrimoniaux sur leurs œuvres créées dans le cadre de leur mission de service public. La mission de service public explique la dérogation au droit commun. Cela ne concerne toutefois que les œuvres pour lesquelles le pouvoir hiérarchique s’exerce ; de ce fait le cours d’un professeur devrait échapper à la cession de plein droit (L 111-1 al 4). Il en irait de même pour le dessin ou modèle déposé par l’employeur d’un fonctionnaire : le législateur ayant oublié d’aligner le régime des dessins et modèles sur celui du droit d’auteur la dévolution légale ne vaudra pas si un dépôt a été fait : comprenne qui pourra !

En cas d’exploitation commerciale de l’oeuvre cédée l’employeur a un droit de préemption sur l’exploitation et le salarié sera éventuellement intéressé dans des conditions à déterminer par décret en Conseil d’Etat.

Comme en matière de logiciel l’auteur se verra par ailleurs amputé, en partie, de son droit moral (L 121-7-1 du CPI) : pas de droit de repentir et de retrait ; quant au droit de divulgation il est dévolu à l’employeur. Le droit au respect est limité puisque l’auteur ne peut s’opposer à la modification de son œuvre, sous réserve d’une atteinte, fort improbable, à son honneur ou à sa réputation.

Rien n’est dit du droit de paternité, qui devrait subsister au profit de l’agent.

Pour les contrats de recherche conclus entre le secteur public et le secteur privé l’agent sera intéressé aux produits de l’exploitation.

En définitive la situation de l’agent est un mélange, d’une part, de celle du cocontractant d’un producteur audiovisuel et, d’autre part, de celle d’un créateur de logiciel.

A noter que la loi du 1er août 2006 ne rétroagit pas sur cette question : elle ne s’appliquera que pour les situations à venir et sous réserve des stipulations contractuelles passées et en cours.

  1. : L’auteur travaillant sur commande :

Toujours par application de l’article L 111-1 al 3 les droits n’appartiennent pas au commanditaire de l’œuvre, qui pourtant paye pour l’œuvre commandée, mais au créateur (L 111-1 al 3 : cf l’expression louage d’ouvrage). Le prix payé par le commanditaire ne couvre en fait que la première utilisation, telle que celle-ci est définie, expressément ou tacitement, au contrat. Le commanditaire prudent a donc tout intérêt à se faire conseiller et à exiger par contrat la cession des droit patrimoniaux. Inversement le prestataire aura intérêt à ne pas faire signer de contrat détaillé.

 

Sed lex dura lex ! L’application de la règle a des effets dévastateurs, notamment dans le secteur de la publicité. Si le commanditaire veut, après l’expiration du contrat d’agence qu’il a conclu avec l’agent publicitaire, réutiliser une création publicitaire de celle-ci, un film publicitaire par exemple, il ne pourra, en principe (en fait il faut aussi tenir compte d’un arrêté de 1961 ayant créé un contrat-type), le faire qu’avec l’accord de l’agent, lequel monnayera son autorisation.

 

La règle a toutefois été atténuée en jurisprudence. S’il existe des relations d’affaires suivies la jurisprudence est plus souple quant à une cession tacite.

 

De plus le droit de première utilisation est accordé au commanditaire ; ne pas admettre le contraire aboutirait à une spoliation : cela voudrait dire que celui qui a commandé un logo pour son entreprise ne pourrait même pas l’utiliser.

 

Cela étant, on l’aura compris, les commanditaires ont tout intérêt à se faire céder les droits (cf infra les contrats pour les règles légales de cession). De même les cessionnaires de droits (les sociétés qui achètent les droits) ont tout intérêt à veiller que leur cédant était, en tant qu’employeur ou commanditaire, effectivement le détenteur desdits droits (cf infra les responsables de la contrefaçon).

 

  • 2 : L’aval :

Souvent les auteurs, dès lors qu’ils ont une activité régulière, adhèrent à des sociétés civiles que l’on appelle sociétés d’auteurs ou sociétés de perception. Un auteur isolé ne pouvant individuellement contrôler l’usage qui est fait de ses œuvres et recouvrer les sommes qui lui seraient dues pour leur exploitation il va adhérer à une société d’auteurs qui s’occupera des redevances à sa place ; cela est d’autant plus vrai pour le multimedia qui réunit un nombre important et varié d’oeuvres. Ensuite les sociétés qui voudront exploiter les oeuvres devront contracter avec les sociétés d’auteurs pour se faire octroyer les autorisations. On l’aura compris les droits d’auteur circulent et ne restent pas figés sur la tête du créateur.

 

  1. Acquisition par une société d’auteurs :

Les sociétés d’auteurs sont nombreuses en France et puissantes. La gestion de certaines a été  mise en cause si bien que L 1er août 2000 a créé une commission de contrôle (art L 312- 13 CPI).

Ces sociétés sont spécialisées par genre :

Ex : L’ADAGP (sociétés des auteurs dans les arts plastiques et graphiques, ce qui englobe la photo), la SGDL (société des gens de lettres), la SCAM (société des auteurs multimédia), la SACEM (société des auteurs, compositeurs, éditeurs de musiques) et sa filiale la SDRM (la SDRM gère le droit de reproduction de la SACEM), la SACD (société des auteurs compositeurs dramatiques).

Pour la musique les artistes interprètes sont membres de l’Adami[3], les auteurs et compositeurs, ainsi que les éditeurs de musique[4] (à ne pas confondre avec les producteurs de CD ou DVD de musique qui sont à la SPRE), sont à la SACEM. A signaler que les auteurs ont souvent reproché aux éditeurs de musiques de n’avoir pas une exploitation régulière de leurs œuvres (c’est une obligation légale dans le contrat d’édition), ce qui a incité beaucoup d’auteurs compositeurs à créer leur propre maison d’édition.

Ce sont des sociétés civiles auxquelles les auteurs adhèrent. L’analyse de leur relation avec les auteurs n’est pas simple. En contrepartie de la mise à disposition des œuvres l’adhérent ne reçoit pas de parts sociales ; il n’a pas droit au partage des bénéfices, mais simplement à une rétrocession des redevances perçues pas la société auprès des exploitants (déduction faite des frais de gestion). Ce sont donc des sociétés sans associés, figure pour le moins inhabituelle. En fait l’auteur apporte, selon des modalités diverses, ses droits aux sociétés.

Leurs pouvoirs dépendent des statuts.

  • Dans certaines sociétés l’auteur conserve le droit d’autoriser la représentation de l’œuvre. Dans ce cas l’exploitant de l’oeuvre paiera les redevances à celle-ci, mais il faut aussi qu’il obtienne l’autorisation d’exploitation de la part de l’auteur, car il n’y a pas apport, mais gérance des droits, ce qui explique d’ailleurs que les droits soient exploités par la société alors même que le producteur audiovisuel a bénéficié d’une présomption légale (art L132-24 CPI) de cession des droits d’exploitation. On dit que la société a alors un mandat de gestion : l’auteur conserve donc la propriété des droits Þ moins de pouvoirs pour la société : la société ne fait que gérer les contrats d’exploitation, mais l’auteur ou l’artiste demeure propriétaire des droits patrimoniaux. C’est un curieux mandat car il n’est pas révocable selon le droit commun mais suivant les statuts de la société.
  • En revanche, pour la SACEM il y a un pseudo apport des droits en société. C’est un apport en nature, de type fiduciaire selon M Gautier, car les auteurs peuvent reprendre leur apport (PLA, PUF, coll Fondamental, n° 405). La cession de droits confère plus de pouvoirs aux sociétés que le mandat ; notamment, le pouvoir d’autoriser l’exploitation appartient à la société et non pas à l’auteur.
  • Une analyse récente (Fouilland, L’apport de droits d’auteur à une société de gestion collective, CCE 2008, Etudes, n°2) il serait possible de proposer une approche unitaire valable pour tous les types d’adhésion : il n’y aurait pas de pseudo apport des droits d’auteur mais simplement titulaire d’un droit personnel -un apport en gestion- consistant à percevoir les redevances, l’auteur demeurant titulaire des droits réels.

 

Pour la SACEM et la SDRM l’autorisation se délivre œuvre par œuvre ou dans le cadre de contrats généraux qui assurent l’accès à tout le répertoire de la SACEM (contrats généraux avec les radios, les discothèques).

Pour le producteur multimédia c’est le parcours du combattant. Le récolement des droits est encore plus difficile lorsqu’il s’agit d’une œuvre de collaboration puisqu’il faut acquérir les droits de chacun des collaborateurs, à moins qu’il s’agisse d’une œuvre audiovisuelle pour laquelle un producteur se soit fait transférer les droits de chacun des co-auteurs. D’où l’idée d’un mandat de gestion conféré par des sociétés de gestion au SESAM, mandataire, qui joue le rôle de guichet unique. Ce mandat concerne : ADAGP, SACD, SACEM et SDRM, SCAM. Ce sesam vérifie l’appartenance des œuvres utilisées au répertoire et établit une tarification (% ou forfait). Le problème est que le répertoire SESAM n’est pas exhaustif.

 

Dans les relations avec les exploitants la redevance à payer à la société d’auteurs prend souvent la forme d’un forfait ou d’un pourcentage du chiffre d’affaires global de l’exploitant parce qu’il est souvent impossible, en pratique, de recouvrer une rémunération proportionnelle au chiffre d’affaires généré, alors pourtant que ce type de rémunération est de principe en droit d’auteur (art L 131-4 CPI). Devant l’impossibilité de mesurer exactement le chiffre d’affaires réalisé grâce à l’oeuvre représentée ou reproduite, ce sont ces pis aller qui sont utilisés. Par exemple les bars de nuit et les discothèques reversent à la Sacem une partie de leur chiffre d’affaires HT, de l’ordre de 6 à 8 %. Dans le secteur de la publicité il est presque impossible de rémunérer autrement que par un forfait (ex pour le dessin original d’un logo). En revanche pour le cinéma il est facile de savoir quel est le chiffre d’affaires généré par tel film, car le système de billetterie contrôlé par le Centre français de la cinématographie exerce un contrôle rigoureux et fait émettre des billets numérotés. En fait le système varie suivant les secteurs.

 

Pour les photographies sur internet la gestion via une société d’auteur est quasi indispensable. C’est ainsi que la SAIF (société des d’auteurs des arts visuels et de l’image fixe), à qui les photographes ont apporté leur droit d’autoriser ou d’interdire, offre des contrats généraux d’exploitation aux diffuseurs en ligne, contrats comportant une rémunération forfaitaire

  1. Cession entre personnes morales :
  • L’auteur, non adhérent d’une société de gestion de droits d’auteur, peut ne pas avoir les moyens financiers et techniques de commercialiser sa création. Il va alors demander à un exploitant, producteur, éditeur, distributeur, ou autre d’exploiter l’oeuvre. Celui-ci, en général une société, se fera alors céder les droits patrimoniaux contre une rémunération, en principe proportionnelle. Dans certains secteurs professionnels les droits sont souvent cédés entre personnes morales. Le cas est particulièrement fréquent pour les œuvres audiovisuelles et tout particulièrement les films, qui changent fréquemment de titulaire par le jeu de cessions entre des sociétés dites de portefeuille de droits. Il est cependant possible de suivre à la trace les cessions car il existe en la matière un registre public de la cinématographie et de l’audiovisuel où sont archivés sur écran tous les contrats relatifs à un film cinématographique.

 

  • Dans les autres secteurs il n’existe pas de registre, ce qui n’empêche cependant pas des cessions d’avoir lieu, même si elles sont moins fréquentes que dans le secteur audiovisuel. Tel pourra être le cas entre un fournisseur de contenu et un prestataire technique qui scannera les œuvres pour les éditer sur internet. Lorsque cet article est applicable la cession de droits devra être conforme aux exigences formulées à l’article L 131-3 du Code de la Propriété Intellectuelle (voir infra).

 

  • Par prudence un commanditaire, ou un employeur se fera céder les droits par les créateurs, ceci afin de valoriser leur entreprise, car celles qui ne le feraient pas vaudrait moins à la revente, puisqu’elles exploiteraient des œuvres dont elles n’auraient pas la propriété avec certitude.

 

Chap 3 : CONTENU DES DROITS :

Comme cela a été souligné dans l’introduction, il est essentiel de distinguer les droits patrimoniaux du droit moral, sachant, qu’en ce qui concerne ce dernier, les disparités sont fortes au sein des différents pays de la C.E.

 

Section 1 : Les droits patrimoniaux :

Les droits patrimoniaux se composent en deux prérogatives qui forment une dualité classique, laquelle n’est pas sans inconvénients pratiques et qu’il convient donc de dépasser, tant ces deux prérogatives sont souvent mêlés, notamment sur internet. Il restera alors à cerner la notion du public et de diffusion illicite, avant que d’envisager les exceptions au droit exclusif de l’auteur.

  • 1 : Une distinction classique :

Les deux prérogatives essentielles sont le droit de reproduction et le droit de représentation. Au vrai il y en a un troisième, le droit de suite, dont les modalités ont été précisées en partie dans la réforme de 2006 (art L 122-8) mais qui ne concerne que modestement internet, si bien que nous l’éliminerons, mais non sans l’avoir défini : les ventes d’œuvres, après la première cession, plastiques et graphiques par l’intermédiaire d’un professionnel de l’art sont soumises à une rémunération de l’auteur, ressortissant de l’UE suivant un barème à définir par décret en Conseil d’Etat (CE). Quelle est la raison d’être du droit de suite ? L’auteur touche un prix pour la vente du corpus (une sculpture par exemple) de l’œuvre, mais presque rien au titre du droit de reproduction ou de représentation alors que l’œuvre circule sur le marché de l’art. Le droit de suite est donc une compensation, d’autant plus juste si l’artiste a dû vendre à bas prix et que l’œuvre est ensuite revendu par un spéculateur qui aura profité de la gloire de l’auteur. La directive du 21 sept 2001 instaure, pour toutes les ventes faites par un professionnel, un droit de suite calculé en % dégressifs (maxi 5%) sur des tranches de valeur des œuvres d’art.

Outre le droit de suite on parle de créer de nouvelles prérogatives comme le droit d’exposition au profit des artistes plasticiens (Meralli, A quand l’application du droit d’exposition, Prop Intellect oct 2003, n9342), mais il n’est pas de droit positif, encore qu’on en trouve des traces en jurisprudence (Mallet-Poujol et M. Cornu, Droit, œuvres d’art et musée, CNRS, p383). En revanche il est certain que la cour de cassation a consacré un droit de location distinct (Civ 1ère 27 avr 2004, CCE 2004, n°84), qui est au vrai un sous-ensemble au sein du droit de reproduction, mais qui n’est pas sujet à épuisement.

  1. A) La représentation :
  • La représentation c’est « la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque » (art L122-2). Elle peut être primaire ou secondaire (art L 132-20 et s).
  1. a) Représentations primaires :
  • C’est la récitation publique, l’exécution lyrique, la représentation dramatique, la projection publique (ex audition de disques en discothèques, visionnage d’un film, utilisation d’un jeu vidéo).
  • C’est aussi la diffusion télévisuelle hertzienne terrestre et par câble, l’émission vers un satellite
  • Informatique : la visualisation sur un écran est une représentation, y compris pour un CD Rom. En revanche le logiciel ne donne pas l’occasion à représentation.
  1. b) Représentations secondaires :

L’autorisation primaire ne comporte pas, sauf clause contraire, le droit de représentation secondaire : câblo-distribution et satellite (cf pour les définitions art L 132-20-1°et s). La représentation secondaire est une retransmission du signal, le plus souvent une rediffusion.

  1. B) La reproduction :
  • La distinction avec le droit de représentation est importante car l’épuisement des droits ne concerne que le seul droit de reproduction. De plus la cession du droit de représentation n’implique pas cession du droit de reproduction et vice versa (L 122-7 du CPI).
  • La reproduction c’est « la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte» (L122-3), cad par le truchement d’un procédé, alors que la représentation est un mode direct de communication au public.
  • Reproduction c’est fabriquer à l’identique : changer de support, photocopier, numériser etc… Il est clair que la numérisation d’une musique, d’une image, ou d’un texte est un acte de reproduction car il y a une fixation matérielle sur le disque dur, puis le cas échéant un CD Rom. Télécharger c’est récupérer et reproduire à distance un fichier numérisé. Reproduire évoque une fixation permanente plutôt que fugitive. Télécharger suppose une numérisation préalable et laisse une trace sur le disque dur.

Pour certains auteurs (Voir par exemple Pollaud Dulian, Le droit de destination : les sorts des exemplaires en droit d’auteur, LGDJ, 1989) le droit de destination vient prolonger le droit de reproduction : ce droit est pour l’auteur la faculté de contrôler l’usage des supports de l’œuvre, d’interdire à un contractant, postérieurement à la première mise en circulation, certaines formes d’utilisation de l’œuvre, alors même que le droit de reproduction a été cédé. Ex interdire le droit de location de l’œuvre en vidéo bien que des supports de cassettes aient été régulièrement mis en circulation, interdire l’utilisation d’extraits CD à des fins publicitaire d’une musique, bien que des CD aient été commercialisés. Pour les opposants au droit de destination celui-ci se confond en fait avec la portée de  cession du droit de reproduction. De plus, il est difficile de parler d’un droit de destination sur internet ; en effet, le droit de destination vise au contrôle de la circulation des exemplaires matériels de l’œuvre alors que internet est immatériel. Finalement le droit de destination concerne plus le droit d’auteur classique que le droit d’auteur appliqué à internet. En tout état de cause sa portée véritable est floue en ce qu’il doublonne avec le droit de reproduction et sa consécration pour le moins incertaine : en effet, les textes et jurisprudence sont fragiles, même si l’article L131-3 al 1 emploie le mot de « destination ». Enfin, il a été montré que le droit de distribution est autonome quant à son régime juridique et qu’il ne dépend pas d’un éventuel droit de destination (notamment le droit de distribution ne peut permettre les actes qui impliquent un transfert de propriété (CJCE 17 avr 2008, aff C-456/06). Le droit de destination n’englobe donc pas le droit de destination, ni le droit de location ou de prêt, ce qui amoindrit sa portée.

  • Dans la pratique force est de constater que peu d’auteurs se réclament d’un droit de destination pour prétendre, par exemple, que le la cession du droit de reproduction n’engloberait pas le droit de location. La théorie est plus doctrinale que concrète. C’est plutôt par la reconnaissance d’un droit spécifique de location que la question se pose. De plus le droit de destination se heurte à l’épuisement des droits, lequel en droit d’auteur ne concerne que le droit de reproduction (le titulaire du droit de reproduction ne pourra plus invoquer son droit une 2ème fois pour contrôler la circulation de l’oeuvre dans les Etats de l’Union européenne ; le but de l’épuisement est de lutter contre le cloisonnement des marchés ; on suppose des cassettes vidéo qui auraient été régulièrement commercialisées en France, qui auraient été ensuite revendues en Allemagne puis qui reviendraient pour une revente sur le marché français ; le fabricant ne pourrait s’opposer à cette nouvelle commercialisation en France au motif de l’exclusivité territoriale qui aurait été concédée à un distributeur français car son droit est épuisé ; le même raisonnement peut être tenu envers d’autres pays de l’Union pour lesquels une exclusivité territoriale existerait). La loi DAVSI de 2006 a expressément reconnu l’épuisement du droit à l’article L 122-3-1, ce qui par ricochet est aussi une reconnaissance implicite d’un droit de distribution hors UE.

 

  • 2 : Le dépassement de la distinction :

La distinction est non seulement peu évocatrice, peu parlante, mais, de plus, elle n’est pas unanimement admise ; en effet, la terminologie varie selon les pays, tant et si bien que les textes internationaux opèrent de nouvelles distinctions, ce que la Cour de cassation paraît admettre en reconnaissant un droit spécifique de location.

  • Certaines Conventions internationales évoquent un droit de communication au public, ce qui est plus adapté dans un contexte international car plus parlant. D’autres textes, notamment internationaux résultant de compromis politiques, parlent de droit d’exploitation (art 122-1 CPI), de droit de distribution, de droit de diffusion.
  • A titre d’exemple la directive 2001 sur le droit d’auteur (elle résulte du livre vert sur le droit d’auteur de 1995) et certains aspects du commerce électronique, qui intègre les 2 traités OMPI adoptés en 1996, parle du droit de reproduction, du droit de communication au public (ce qui correspond au droit de représentation), enfin du droit de distribution (sous-ensemble du droit de reproduction relatif à la circulation des supports matériels).
  • Le droit français, sans prononcer le mot (cf art 122-1 CPI), envisage au demeurant un droit de distribution pour les logiciels (art L 122-6-3°) via l’expression « mise sur le marché ». L’article L 122-3-1 CPI, issu de la loi du 1er août 2006, en ce qu’il prévoit l’épuisement du droit de distribution après la 1ère mise en circulation suppose, implicitement, l’existence d’un droit de distribution.
  • Sur internet on parle volontiers, d’une part de distribution, ce qui équivaut à une synthèse entre d’une part droit de reproduction et droit de destination, d’autre part de diffusion, ce qui équivaut à une représentation (ex web radio ou télévision en ligne).
  • La distinction est tout particulièrement difficile sur internet. Tout d’abord représentation et reproduction sont souvent mêlées. La numérisation est un acte de reproduction, la vision à l’écran est une représentation. Or pour représenter il faut au préalable numériser, ex le téléchargement. De la même manière il y a une différence ténue entre l’affichage à l’écran et l’impression sur imprimante alors que le premier relève de la représentation par accessoire et le 2ème de la reproduction.
  • On comprend dès lors que certaines décisions aient utilisé un langage variable en parlant de la numérisation : soit elles parlent à la fois d’atteinte au droit de représentation et de reproduction, soit du seul droit de reproduction (voir TGI Paris 14 avril 1999, legalis.net), soit plus vaguement d’atteinte au droit d’exploitation (voir infra l’ordonnance de référé 14 août 1996).
  • A noter qu’on discute quant à savoir si au sens de L. 131-3 CPI la numérisation est un mode d’exploitation distinct, ce qui a un intérêt puisque le texte exige que les modes d’exploitation soient spécifiés (cf l’expression « domaine d’exploitation »).
  • Quid du stockage en mémoire ? Faut-il exclure de la reproduction le stockage en mémoire cache sur un serveur ? Certains disent non au motif qu’il n’y a pas de volonté de communication au public, d’autres oui car il y a fixation matérielle. La directive 2001 tranche en semblant exonérer du monopole de l’auteur les reproductions qui n’ont pas de signification économique indépendante, c’est-à-dire celles qui ne sont que transitoires ou accessoires (art 5. Voir aussi le considérant 33) : en ce sens d’ailleurs la Cour suprême canadienne. Les proxies (c’est une mémoire destinée à stocker les fichiers afin qu’ils soient plus rapidement accessibles) et les mémoires cache (mémoire provisoire des sites les plus visités) paraissent devoir relever de l’exception visée à l’art 5, à la différence des sites miroirs (ils complètent les proxies en dupliquant de façon non temporaire les informations, ce qui est utile en cas de destruction ; de plus ils accélèrent les consultations car en cliquant sur un site l’internaute va tomber directement sur le serveur miroir du pays où il réside et où sont stockés les sites les plus visités), qui devraient continuer à supposer une autorisation de l’auteur. La question demeure cependant controversée. Paris 29 mai 2002 (JCP ed E 2003, 1508, n°6) a jugé que la mise en mémoire cache n’est pas un acte de reproduction, faute de communication du public. Il devrait en aller de même pour la mémoire tampon, qui, elle aussi, n’est que provisoire[5]. La réforme de 2006 (DADVSI = droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information) n’a pas réglé toutes les difficultés puisqu’elle s’est contentée der reprendre la terminologie de la directive en parlant des reproduction provisoires (voir infra les exceptions au monopole.)
  • 3 : La notion de public et de diffusion illicite :

Celui qui représente ou reproduit, tout ou partie de l’œuvre d’un auteur sans son autorisation porte atteinte à son monopole et devient un contrefacteur (sur les règles applicables à la contrefaçon voir infra).

Cependant, le monopole n’est pas sans limites. Il faut que la reproduction soit destinée à communiquer l’œuvre au public, ce qui rend a contrario la mémorisation à des fins personnelles licite.

Pour résoudre cette question la notion de public constitue la clé : cette notion a été définie dans l’arrêt CNN (Civ.1ère 6 avril 1994, JCP 1994.II.22273, note Galloux. Voir pour une confirmation au niveau européen CJCE 7 déc 2006, D2007, 1236, obs Edelman) à propos de la musique d’ambiance dans les chambre d’hôtels. L’idée centrale de l’arrêt CNN est que à tout nouveau public il y a obligation de solliciter l’autorisation du détenteur des droits, lequel ne manquera pas de se faire payer. Un 1er argument en défense dans l’affaire CNN a été de soutenir que le groupe hôtelier Accor n’accomplissait pas d’acte positif d’émission mais qu’il n’était qu’un intermédiaire passif. C’est un argument qui a été repris dans les affaires Brel et Sardou (reproduction de leurs chansons sur internet : TGI Paris 14 août 1996, D 1996, 490, note Gautier) : en vain, car il est constant qu’une représentation ne nécessite pas un acte positif d’émission.

Un autre argument des défendeurs a été de soutenir qu’il n’est pas certain que les clients écoutent la musique dans leurs chambres. Mais pour la Cour de cassation il suffit d’un public potentiel. Une prolongation de signal est donc un acte de représentation alors même qu’un public effectif n’est pas atteint. La solution de l’arrêt a été confirmée sur le fondement de la directive droit d’auteur 2001 par la CJCE (7 déc 2006).

Si le public ne peut être que potentiel il en résulte qu’il n’est point besoin d’unité dans le temps et dans l’espace (cf Edelman, La CJCE et la diffusion dans les chambres d’hôtel, D 2001, n°13). Le public peut donc être disséminé et écouter en différé.

Enfin, c’est l’accumulation de personnes individuelles qui fait le public (Voir TGI Paris réf 14 août 1996, D 1996, 490, note Gautier. L’affaire est intéressante quant à la constatation de la contrefaçon par des agents assermentés et par l’argument de domicile privé virtuel).

L’article 3-1 de la directive 2001 assimile d’ailleurs les internautes à un public.

Cette jurisprudence est riche d’enseignement en ce qui concerne les logiciels de partage musicaux ou vidéo.

Dans l’affaire Napster l’internaute téléchargeait le logiciel Napster. Grâce à lui les internautes déclaraient au serveur tous les CD qu’ils avaient, ce qui permettait de constituer un énorme annuaire formé de tous les CD des adhérents. Comme le téléchargement se faisait grâce à l’intermédiation de Napster celle-ci a pu être condamné comme auteur de la contrefaçon. Mais ensuite, une autre technique est apparue : le téléchargement a pu s’effectuer, sans intermédiaire, grâce à un simple logiciel, directement entre internautes en pier to pier (port à port). Dans différents pays, et notamment aux USA on a, dans un premier temps, refusé de condamner le fournisseur du logiciel de partage.

C’est pourquoi les producteurs de phonogrammes s’étaient désormais orientés vers la poursuite des internautes qui téléchargent plutôt que des fournisseurs de logiciels de partage.

Mais la Cour suprême des USA a, le 27 juin 2005, d’infirmer la décision d’appel qui avait relaxé Grockster et l’a condamnée pour complicité de contrefaçon pour ce qu’en France on qualifierait de complicité par « fournitures de moyens » : les magistrats américains ont dit qu’il y avait contribution à la contrefaçon par un tiers (« encouragement actif »), ce qu’un juge français aurait aussi pu juger. D’ailleurs le 24 oct 2000 la chambre correctionnelle du TGI d’Epinal avait déjà envisagé « l’illicéité de liens permettant de parvenir à des MP3 eux mêmes illicites ». L’affaire Grockster engendrera peut-être de nouvelles poursuites contre les fournisseurs de moyens, ce que permet d’ailleurs la réforme issue de la DADVSI puisqu’elle incrimine directement et pénalement la mise à disposition de moyens permettant la contrefaçon, chose qui n’oblige plus à passer désormais par le filtre de la complicité par fourniture de moyens.

  • 4 : Les limites au monopole :

Si l’on est dans un cas de limite le monopole n’a plus prise et l’on peut représenter ou reproduire sans autorisation.

Le terme exception au monopole de l’auteur est souvent utilisé, mais il ne doit pas abuser : le législateur ne l’emploie pas, et à juste titre, car les exceptions sont normalement d’interprétation restrictive : or si certaines limites ont effectivement été interprétées restrictivement par la jurisprudence, d’autres ont une finalité culturelle d’intérêt général qui ne justifie pas une approche systématiquement étroite (en ce sens d’ailleurs Paris 22 avr 2005, RIDA janv 2006, 309 Kerever). Qui plus est il n’y a pas vraiment d’exception dès lors qu’une rémunération (licence légale pour copie privée) est prévue pour rémunérer l’auteur. Cela étant les nouvelles dérogations créées par la loi de 206 semblent bien être des exceptions si on se réfère au luxe de détails qui en conditionnent l’application. Quoiqu’il en soit ces limites ou exceptions sont plus restrictives en France qu’au royaume Uni où on évoque le fair dealing et qu’aux USA où on parle de fair use. Au vrai dans le système copyright la copie privée est plus un droit qu’une simple exception au monopole, alors que chez nous on ne peut parler d’un véritable droit subjectif au profit des utilisateurs (Civ 1ère 28 févr 2006, n° 05-15.824 qui rappelle qu’il n’existe pas de droit à la copie privée)[6], mais seulement d’une permission de la loi (A), voire d’une coutume qui n’ose dire son nom (B).

 Les limites de l’artile L 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle :

Les limites ne peuvent jouer qu’à la condition, désormais, de respecter le test dit des trois étapes : existence d’une loi spéciale posant l’exception, exigence ne pas porter atteinte à l’exploitation normale de l‘œuvre, exigence ne pas causer un préjudice injustifié aux intérêts de l’auteur. Le flou entourant ces conditions créera une insécurité juridique que la jurisprudence devra, peu à peu, combler. Les nouvelles exceptions ou limites prévues ne font pas mention du téléchargement : de ce fait celui-ci est interdit, sous réserve de ce qui sera dit plus loin.

La loi de 2006 dite DAVSI (ou DADVSI) = droit d’auteur et droits voisin dans la société de l’information) transposant la directive 2001 droit d’auteur dans la société de l’information a complété l’article L 122-5 ancien. On suivra, pour l’essentiel, l’ordre instauré par le législateur, en omettant le dépôt légal qui figure dans la loi du 20 juin 1992 (et non pas dans le CPI).

  1. a) L’usage privée :

C’est celui fait dans le « cercle de famille », ce qui exclut par ex le cercle d’employés d’une société ou d’une association, camarades d’école). L’internaute qui regarde en famille une œuvre sur un écran de télévision agit donc licitement, car la notion de sphère privée, de droit fondamental de participer à la culture (art 27 Déclaration universelle des droits de l’homme) fait que la notion du public n’est pas en cause. De ce point de vue la loi de 2006 sur les droits d’auteur, en ce qu’elle valide les mesures techniques de protection, remet en cause cette approche (voir Gaudrat et Sardain, CCE 2005, nov 2005, p6) puisqu’elle permet de bloquer l’usage privé

Un forum de discussion, une communication par courrier électronique, dès lors que sont touchés des personnes au-delà de ce qu’on peut appeler les familiers, ne ressortit pas à la limitation du monopole sous peine de vider de tout son sens ledit monopole, tant il est facile de distribuer une œuvre par courrier attaché. C’est là la solution communément admise, même si la directive 2001 est muette sur la question.

A cela on peut rétorquer que la Cour de cassation a qualifié un mail de correspondance privée, mais c’était dans un contexte étranger au droit d’auteur puisqu’il s’agissait d’un contexte de droit disciplinaire (Soc 2 oct 2001, D 2001, IR 2944). Un mail n’a pas forcément le caractère privé inhérent au cercle de famille.

  1. b) La copie privée (L 122-5-2° : copie à usage privé) :
  • C’est en fait toute reproduction par un copiste, la question étant de savoir qui est copiste : le copiste matériel et (ou) le copiste intellectuel ? C’est un vieux débat (MM Lucas, Traité de Propriété littéraire et artistique, Litec, n° 302), mais en tout cas le donneur d’ordres est un copiste. De même l’entreprise de photocopie est un copiste.
  • Le but lucratif est indifférent.
  • Le copiste doit avoir agi pour son usage privé, c’est à dire dans un but non professionnel et non collectif. Sont donc illicites l’impression à partir d’un périphérique d’ordinateur pour une réunion d’entreprise, ainsi que les photocopies de cours d’enseignants par une amicale d’étudiants.
  • Il faut de plus que l’accès soit légitime ce qui suppose qu’elle ne prive pas l’auteur d’une possibilité d’exploitation légitime, mais peu importe que l’usage soit à titre professionnel individuel.
  • Celui qui photocopie un livre entier bénéficie, sous réserve des conditions ci-dessus, de l’exception de copie privée (en ce sens MM Lucas, Traité de Propriété littéraire et artistique, Litec, n°301). Sera ce encore le cas avec l’exigence du triple test imposé en 2006 par la DAVSI ?
  • En matière de logiciel l’art L 122-6-1 permet une copie de sauvegarde au profit de l’acheteur.
  • Une rémunération collective pour copie privée est prévue par l’article L 122-10 afin de compenser la perte financière subie par l’auteur du fait des moyens de reprographie qu’offre la technique (photocopiage). Cette question sera étudiée plus loin.
  1. c) Analyses et citations :
  • Le texte a été prévu pour la littérature et est difficilement transposable aux autres disciplines:
  • L’analyse : ce sont des extraits pris d’une œuvre première et insérés dans une œuvre seconde qui porte une appréciation critique de l’œuvre reprise. Tant que l’emprunt ne dispense pas d’aller à l’œuvre première l’exception d’analyse est valide. La citation, elle, est plus brève, c’est un passage (ex pour un livre 10-15 %). Dans l’affaire Microfor (Ass plén 30 oct 1987, JCP E,II, 15093, obs A Lucas et Vivant), la Cour de cass a étendu l’exception aux résumés constitués de courtes citations.
  • Il faut que l’auteur et la source soient clairement indiqués, ce que l’on réalise par l’usage des guillemets
  • L’emprunt doit être justifié « par le caractère critique, pédagogique, scientifique, ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ». L 122-5 : pour les œuvres secondes à caractère d’information (aff Microfor) C Cass n’a pas exigé l’incorporation dans une œuvre citante. Certains voudraient généraliser à tout le multimedia.
  • Pour la musique le devoir de nommer l’auteur pose souvent difficulté en pratique. Sur internet le droit de citation a été refusé pour manque de brièveté dans un cas où on pouvait télécharger des fichiers représentant des extraits de 30 secondes par chanson (TGI Paris 15 mai 2002, RIDA oct 2002.251). De même dans une autre affaire où il a été jugé qu’il n’y avait pas de finalité d’information : Paris 10 déc 2003, GP 5-6 janv 2005, 32. Quant à l’échantillonnage (sampling) musical il a été estimé valide, non pas au titre du droit de citation, mais parce que l’œuvre citée n’étant pas reconnaissable il n’y aurait pas reproduction. C’est l’analyse qui a été faite par une Cour d’appel (CA Toulouse 16 mars 2000, CCE 2000, n°113).
  • La question de la représentation intégrale confrontée au droit de citation. L’affaire des fresques de Vuillard (Civ 1ère4 juill 1995, D 1996, Som. Hassler) illustre bien la question. Il s’agit du reportage télévisuel sur la restauration, dans un théâtre, des fresques du peintre Vuillard, fresques que la caméra balaye. La cour a refusé le bénéfice du droit de citation car il y avait représentation intégrale des fresques, nonobstant le fait que la représentation était fugace.

De même, dans l’affaire Fabris (Assemblée plénière de la Cour de cassation 15 novembre 1993, D 1994, 481, note Foyard), la Cour de cassation a jugé que les photographies d’oeuvre d’art dans un catalogue de vente aux enchères étaient redevables du paiement d’un droit de représentation aux sociétés d’auteur, car il y avait, ici aussi, représentation intégrale des œuvres, alors pourtant que ces représentations avaient pour but de favoriser le marché de l’art et, donc, l’exercice du droit de suite des auteurs. Beaucoup de juristes ont critiqué ces positions rigoristes, témoins d’une interprétation restrictive des limites au monopole.

Aussi le législateur est intervenu pour briser ces jurisprudences et valider expressément, d’une part les représentations dans les catalogues d’art dans la loi du 27 mars 1997, d’autre part les reproductions à titre exclusif d’information réalisées par la presse dans la loi de 2006.

S’agissant de cette dernière (L 122-5-9°) elle permettra par exemple de valider ce qui avait été jugé illicite dans l’affaire Vuillard, sous réserve de citer le nom de l’auteur. Le droit d’auteur rejoint donc le droit à l’image des personnes. Une représentation ou reproduction intégrale, aux fins d’illustrer un sujet d’actualité, est licite, même quand son rôle n’est pas secondaire ou accessoire. Comme il a été dit, jusqu’à présent la jurisprudence dominante refusait de valider ces limites au nom du droit de citation. Mais la limite ne vaudra pas pour la musique  et les arts mineurs, car seules les oeuvres graphiques, plastiques, architecturales sont visées par le législateur de 2006.

De plus, le législateur a précisé que le monopole de l’auteur reprend place si l’oeuvre reproduite, et notamment une photo, avait elle-même pour but de rendre compte de l’information. Cela signifie, par exemple, que le journal Y ne peut reproduire la photo, prise sur le vif, d’un attentat, image faite par un journaliste qui l’a vendue au journal X ; admettre le contraire serait priver l’auteur photographe d’une seconde rémunération légitime.

S’agissant de la première diffusion, celle relevant de l’exception au monopole, le texte, très confus au demeurant et qui fera les délices des prétoires, prévoit toutefois une rémunération de l’auteur si l’exploitation, par son nombre ou son format, n’est pas en stricte  relation avec le but d’information du public.

Faudra-t-il, en plus, le consentement de l’auteur ? Le texte ne le dit pas.

Mais surtout le texte est emprunt de corporatisme : les œuvres graphiques, plastiques, architecturales sont concernées par la dérogation, mais pas la musique et les arts mineurs.

  1. d) Revue de presse :

Elle n’est pas définie dans le code : « présentation comparative de divers commentaires » de presse sur un sujet donné a dit C Cass (arrêt Microfor, voir supra) mais cela reste vague.

Il faut la distinguer du résumé et de l’analyse (voir supra).

  1. e) Certains discours destinés au public :

Assemblées politiques, administratives, judiciaires, cérémonies officielles… si c’est dans un but d’information.

  1. f) L’exception de fins pédagogique :

La loi de 2006 (122-5 3°e) introduit une nouvelle exception qui était jusqu’à présent inconnue de notre droit : il s’agit de l’exception dite à des fins pédagogiques au profit, notamment, des universités, bibliothèques et musées. Elle permet la reproduction et la représentation « d’extraits d’œuvre » à des fins d’illustration dans la recherche et l’enseignement, à l’exclusion des « activités ludiques et récréatives » et de toute « exploitation commerciale ». Pour illustrer un TD l’enseignant peut donc licitement reproduire un article de presse, encore que l’on puisse en douter si le texte est trop long. L’auteur quant à lui aura droit à une rémunération forfaitaire négociée. Concrètement les Universités devront conclure des accords avec les éditeurs de livres.

Les droits voisins et les bases de données sont aussi concernés.

En revanche sont exclus de l’exception (=retour au monopole) les ouvrages pédagogiques, et donc les manuels de droit par exemple, ainsi que les partitions du musique (on voit la puissances des lobbies).

  1. g) Parodie, pastiche, caricature :

La distinction entre les trois types est délicate (voir Gautier, n°202). Le plus fréquent c’est la caricature, qui, si elle est outrancière demeure soumise aux infractions de la loi sur la presse. Mais ce qui nous préoccupe ici c’est la caricature qui s’inspire d’une œuvre protégée.

L’excuse de parodie ne justifiera pas la reproduction à l’identique (Versailles 6 nov 1998, RIDA juill 1999, 265) : il faut que l’on puisse s’apercevoir que ce n’est pas l’original. L’exception de parodie d’un site sur internet n’a pas été acceptée car il y avait risque de confusion entre les deux sites et intention de nuire (TGI Paris 13 févr 2001, Prop Intellect, oct 2001, 66, note Sirinelli). En outre il faut qu’on puisse y déceler une intention humoristique.

  1. h) Les reproductions temporaires ou accessoires :

Le contenu de L 122-5 est repris à l’article L 211-3 en ce qui concerne les droits voisins, mais les bases de données et les logiciels en sont exclus, ce qui posera des difficultés techniques et raison de leur importance dans les réseaux et de l’impossibilité, en pratique, de scinder sur internet ce qui ressortit à une base de données et ce qui n’y ressortit pas.

C’est une exception à visée informatique. Elle concerne la mémoire  des ordinateurs, mais sans donner plus de précisions, ce qui fait que les questions qu’on se posait antérieurement demeurent.

Faut-il exclure de la reproduction illicite le stockage en mémoire cache sur un serveur ? Certains disent non au motif qu’il n’y a pas de volonté de communication au public, d’autres oui car il y a fixation matérielle. La directive 2001, comme la loi de 2006, tranche en semblant exonérer du monopole de l’auteur les reproductions qui n’ont pas de signification économique indépendante, c’est-à-dire celles qui ne sont que transitoires ou accessoires (art 5. Voir aussi le considérant 33) : en ce sens d’ailleurs la Cour suprême canadienne. Les proxies (c’est une fixation faite par les serveurs intermédiaires servant de passerelle : elle sert mémoire à stocker les sites le plus souvent visités afin qu’ils soient plus rapidement accessibles) et les mémoires cache de l’ordinateur (mémoire provisoire des sites les plus visités) paraissent devoir relever de l’exception visée dans la loi, à la différence des sites miroirs (ils soulagent et  complètent les proxies parents en dupliquant de façon non temporaire les informations, ce qui est utile en cas de destruction ; de plus ils accélèrent les consultations car en cliquant sur un site l’internaute va tomber directement sur le serveur miroir du pays où il réside et où sont stockés les sites les plus visités), qui devraient continuer à supposer une autorisation de l’auteur. La question demeure cependant controversée.

Cour d’Appel de Paris 29 mai 2002 (JCP ed E 2003, 1508, n°6, a jugé que la mise en mémoire cache n’est pas un acte de reproduction, faute de communication du public. Il devrait en aller de même pour la mémoire tampon, qui, elle aussi, n’est que provisoire. La réforme n’a pas réglé toutes les difficultés puisqu’elle s’est contentée der reprendre la terminologie de la directive en parlant des reproduction provisoires ou transitoires.

  1. i) La limite au profit des handicapés :

Il s’agit, ici aussi, d’une dérogation nouvelle dans notre droit, mais que les pays de copyright, eux, connaissaient déjà ; elle a été étendue aux bases de données. La directive de 2001 en faisait une possibilité, opportunité que le législateur a saisie en 2006. La limite concerne les personnes morales venant en aide aux handicapés, ainsi que les bibliothèques à leur service. Elle doit être réservée à l’usage strictement personnel des handicapés (et donc exclusive de toute commercialisation de la représentation ou de la reproduction) consultant dans les bibliothèques, ou assimilés, sous réserve qu’il incombe à ces personnes morales d’apporter la preuve de la licéité de leur situation au regard du CPI.

Aucune compensation monétaire n’est prévue au titre de la copie privée (art L311-8-3°.

La portée de la limite au profit des handicapés sera fixée par l’Autorité de régulation des mesures techniques (voir infra).

  1. j) La limite au profit des bibliothèques, des musées et des centres d’archives :

La limite ne concerne que les reproductions à des fins de conservation, à l’exclusion des exploitations faites par les usagers. La numérisation est fréquente pour faciliter la conservation des œuvres et leur consultation sur place.

  1. k) Cas particuliers du téléchargement de fichiers musicaux ou audiovisuels :

L’article 122-5 n’en parle pas en tant qu’exception. Ce silence fait que le monopole de l’auteur retrouve son empire, ce qui n’était pas évident avant 2006.

  1. Avant la réforme de 2006 :
  • Tout téléchargement suppose le passage par le disque dur et donc par une reproduction faisant office de copie. Donc le monopole est en jeu.
  • Les mesures techniques comme le verrouillage des CD audio posent problème car elles portent atteinte, tant à l’exception de copie privée qu’à celle d’usage privé. Pour les justifier certains prétendent que la copie privée n’est pas un droit, qu’il est possible d’y renoncer par convention (notamment dans des conditions générales contractuelles), et qu’elle doit être interprétée restrictivement. Par exemple, ils font valoir que l’accord Adpic et la directive 2001 sur les droits d’auteurs dans la société de l’information (art 5.5) ne reconnaissaient d’exception au monopole de l’auteur que « dans des cas spéciaux où il n’est pas porté atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causé de préjudicie injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur », Et il est vrai que lorsque l’internaute peut faire des copies, qui, en raison de la numérisation, ont la même qualité que l’original, les intérêts de l’auteur sont atteints. De plus même si l’usage est strictement personnel la collection d’individus forment un public.

Les TGI de Vannes et de Paris (30 avril 2004 et 11 mai 2004, Legalis.net) avaient d’ailleurs écarté l’exception de copie privée pour un DVD au motif que la copie par les internautes prive l’auteur d’un mode d’exploitation essentiel pour l’amortissement de l’œuvre. Mais, statuant en sens contraire, le TGI de Rodez (13 oct 2004, D 2004, 3132, note Larrieu), dont la décision a été confirmée par la CA de Montpellier (10 mars 2005, D 2005, 1294), a relaxé un internaute qui avait gravé 488 films au motif qu’il n’était pas prouvé qu’il en avait fait un usage contraire à l’exception de copie privée ; le fait qu’il s’agisse de poursuites pénales avait fait que le doute devait profiter à l’accusé. Le tribunal avait fait observer qu’il s’agissait chaque fois de la reproduction d’un seul exemplaire et qu’une rémunération équitable avait été perçue pour l’achat des CD vierges (licence légale : voir infra). Le Professeur Caron a critiqué cette position en faisant observer qu’on ne saurait faire une copie licite à partir d’un usage primitivement illicite (CCE 2004, n° 152), ce que d’autres, par application de nemo lex non distinguit, contestaient car la loi n’exigeait pas que la copie source soit licite (D 2006, 787). Mais la cour de cassation a peut-être (la portée de l’arrêt est controversée) finalement reconnu (Crim 30 mai 2006, CCE 2006, n°118, note Caron), d’une part que la copie privée n’est licite que si la source l’est aussi, d’autre part qu’elle ne doit pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni porter préjudice aux intérêts légitimes de l’auteur (respect de ce qu’il est convenu d’appeler le triple test). Cette licéité relève de l’appréciation des juges du fond en fonction d’une approche économique consistant à apprécier la perte de marché (Civ 1ère 28 févr 2006, n° 05-15.824), ce qui a engendré des solutions variables devant les juridictions du fond (voir Caron, JCP 2006.I.162, n°12).

Sur ces entrefaites certaines juridictions ont essayé d’introduire un distinguo. Pour le TGI de Bayonne (15 nov 2005, Juriscom.net) il faudrait en fait distinguer entre le téléchargement en émission (upload=mise à disposition de fichiers auprès des autres internautes par téléchargement montant) qui serait illicite et le téléchargement en réception (download) qui serait licite dès lors qu’il ne s’agit que d’une simple utilisation personnelle (simple copie à usage privé) : l’internaute simple utilisateur en réception pourrait donc exciper de l’exception de copie privée (TGI Meaux 21 avr 2005, Juricom.net, va aussi en ce sens). La Cour de cassation n’a pas eu à se prononcer sur cette distinction, mais la loi DAVSI ne retient pas la distinction et prohibe indifféremment les deux, alors que le gouvernement, dans le projet loi, avait initialement voulu être moins sévère envers le téléchargement réceptif que pour le téléchargement communicatif aux tiers.

En définitive pour la jurisprudence dominante l’usager était un contrefacteur car il est une composante du public et qu’en téléchargeant il fait une reproduction illicite sur disque dur, ce qui rend a fortiori illicite l’utilisation ultérieure. La cour de cassation, par un arrêt du 28 février 2006 (D 2006, 1065 note A Lucas), avait conforté cette jurisprudence dominante, en indiquant que le téléchargement était contraire à l’exploitation normale de l’œuvre. L’arrêt ouvrait aussi la porte aux mesures techniques de protection en validant le verrouillage technique d’un DVD, mais, curieusement, sans mentionner que l’article 6.3 de la directive 2001 autorisait expressément les mesures de protection.

  1. Depuis la réforme de 2006 
  • Contexte : contre l’opinion du Gouvernement les députés avaient initialement introduit (en 2005) une licence dite globale dans le projet de loi de transposition. Le téléchargement aurait été licite à condition de s’acquitter d’une redevance globale. Le Gouvernement a retiré le projet pour en présenter un nouveau qui fut adopté par l’Assemblée nationale en mars 2006. Exit la licence globale. Le principe est l’interdiction du téléchargement, sauf consentement de l’auteur. Mais par souci de compromis les sanctions avaient été allégées dans le nouveau projet, même si finalement le caractère pénal des infractions avait été conservé (sur la question des sanctions voir le module droit pénal) ; en particulier le téléchargement illicite n’avait pas été, par artifice législatif, qualifié d’acte de contrefaçon, ce qui avait permis techniquement de réduire les peines encourues. Mais l’artifice n’a pas passé la barre du Conseil constitutionnel qui, au nom de l‘égalité devant le droit pénal, a censuré la loi qui distinguait entre les contrefacteurs habituels et les téléchargeurs. Les utilisateurs illicites du peer to peer sont donc des contrefacteurs passibles des sanctions habituelles, du moins en théorie, car en réalité les juges se montreront plus doux envers les rares usagers qui se feront prendre. Il n’y a donc plus de particularisme à la contrefaçon générée par le port à port.
  • Si, tout de même, puisque l’article L 336-2 oblige les fournisseurs d’accès à sensibiliser les internautes, par message, à l’illicéité du téléchargement (art L 336-2).
  • Les MTP (Mesures Techniques de Protection tels que procédés de cryptage, code d’accès) : la loi, conformément à la directive 2001 et au traité de l’OMPI (organisation mondiale de la propriété intellectuelle), conforte l’arrêt précité du 28 février 2006 puisque les éditeurs et fabricants auront le droit d’assortir les supports ou les fichiers de Mesures Techniques de Protection (ex limiter le nombre de copies possibles), sous réserve d’en informer le public des usagers (L 335-12) et de ne pas aller au-delà de ce qui leur a été octroyé contractuellement par l’auteur ou l’interprète, étant précisé que les Mesures Techniques de Protection exigées par les auteurs ne doivent pas empêcher l’usager de pouvoir bénéficier des exceptions de l’article L 122-5 du CPI (renvoi de L 331-9). C’est la consécration législative de ce qu’avait jugé la Cour de cassation, à savoir la licéité des Mesures Techniques de Protection. La décision du Conseil Constitutionnel (CC) confirme : au nom du respect du droit de propriété, le nombre de copies privées peut être limité à condition d’en informer le public. Il semble même que l’on puisse empêcher, le cas échéant, toute possibilité de copies, dès lors que l’exploitation normale de l’œuvre le commande, ce que le Conseil Constitutionnel a d’ailleurs souligné : ex pour l’accès à une chaîne de télévision payante (article 331-9 du CPI) comme Canal + aucun accès et donc aucune copie privée n’est possible en dehors du décodeur. Il appartiendra à la nouvelle autorité de régularité créée et à la jurisprudence de déterminer si la condition d’exploitation normale de l’œuvre (cf le test des trois étapes) autorisera le cas échéant à empêcher par des Mesures Techniques de Protection tout exemplaire de copie privée. Mais à lire l’article L 331-9 du CPI le régime normal devrait être un « exercice effectif » de l’usage et de l’accès aux copies privées. Au cas où la demande de jouissance de l’exception de copie privée serait rejetée par l’Autorité le copiste pourra déposer un recours devant la Cour d’appel de Paris (article 331-15 du CPI), seule juridiction compétente.

De plus l’exigence d’une source licite peut exister dès lors que l’auteur l’aura contractuellement exigé en amont (art L 331-9 al 2 du CPI)[7].

  • Restent, au-delà du principe, des difficultés : quid de l’usager qui veut, licitement, utiliser des données d’un support à l’autre ? En raison des Mesures Techniques de Protection les supports risquent de ne pas être compatibles entre eux, faute d’une norme technique unique. D’où l’idée de permettre, dans une certaine mesure, à l’instar de ce qui a été prévu pour les logiciels (voir infra) une décompilation avec accès au code-source, afin de permettre l’interopérabilité entre supports. Mais alors le risque est grand de voir la Mesure Technique de Protection privée d’efficacité par divulgation du code-source. Il fallait donc concilier les intérêts des utilisateurs avec ceux des éditeurs de logiciels et / ou d’œuvres : obliger les fournisseurs de Mesures Techniques de Protection à dévoiler les « informations essentielles » permettant l’interopérabilité tout en préservant le secret et l’efficacité des Mesures Techniques de Protection. Pour cela le législateur a créé un dispositif complexe : le fournisseur doit délivrer les informations sollicitées à l’usager et ne peut s’opposer à leur la diffusion, à moins que la demande ait « pour effet de porter gravement atteinte à la sécurité et à l’efficacité » de la mesure technique (art 331-7). Mais quid en cas de désaccord ? La loi crée une nouvelle Autorité Administrative Indépendante (l’Autorité de régulation des mesures techniques : voir les art L 331-18 et s pour sa composition et son statut[8]) qui ne peut être saisie que par les fournisseurs : celle-ci proposera une solution consensuelle et à défaut, dans un délai de 2 mois, elle validera le refus de communication du fournisseur, ou elle émettra une injonction de communication sous astreinte financière de tout ou partie des données sollicitées, voire infligera des pénalités financières au fournisseur. Comme les mesures techniques sont une manière pour les fabricants de cloisonner les marchés l’Autorité a aussi le pouvoir de saisir le Conseil de la Concurrence des pratiques anti-concurrentielles.

Pour contourner la loi française les éditeurs seront tentés de bloquer à distance, depuis l’étranger, les œuvres par des logiciels de Mesures Techniques de Protection. C’est pourquoi il est prévu que ces logiciels sont soumis à déclaration préalable auprès de l’Etat.

En dépit de ces garde-fous la reconnaissance des Mesures Techniques de Protection est juridiquement forte puisque elles sont en soi protégeables par le droit d’auteur (art 331-5), alors même que ce ne sont pas des œuvres en soi.

Il n’en reste pas moins, qu’en opportunité, les Mesures Techniques de Protection ne constituent en définitive, qu’une gêne que pour ceux qui ont acquis régulièrement les œuvres et pas pour les pirates, ce qui inopportun.

Un contentieux nourri existe de ce que les Mesures Techniques de Protection sont parfois illisible sur certains supports, le terrain du droit de la consommation et des contrats étant souvent choisi. Parfois c’est une association de consommateur qui part en guerre contre les Mesures Techniques de Protection. Mal leur en prend car il a été jugé que la copie privée n’étant qu’une exception et pas un droit (Cour de Cassation dans l’affaire Mullhohand Drive) il en résulte, du point de vue procédural, qu’on ne peut à titre principal intenter une action contre les Mesures Techniques de Protection empêchant la copie privée (irrecevabilité de l’action : Paris 4 avr 2007, CCE 2007, n°68, Caron) ; seul un consommateur poursuivi, pourrait, à titre d’exception pourrait invoquer la copie privée à celui qui ferait valoir une utilisation illicite.

  • Les Mesures Techniques de Protection sont complétées par des mesures techniques « d’information » qui, comme le tatouage, permettent d’identifier une œuvre (article L 331-22 du CPI) et par conséquent de tracer leur parcours sur la toile mondiale. Elles sont protégeables par le droit d’auteur. Le tout est passible de l’incrimination de contrefaçon, des procédures de saisie afférentes (article 332-1 du CPI) et des peines subséquentes dès lors que les mesures étaient protégeables par le droit d’auteur.
  • En définitive, comme on peut douter que les poursuites pénales seront efficaces pour juguler la contrefaçon le législateur, habilement, a en fait confié aux éditeurs le pouvoir de faire la police en limitant le nombre de copies possibles grâce à la technique. Pour le reste il s’est défaussé sur les juges qui devront appliquer le test des trois étapes pour les « petits » téléchargeurs : la jurisprudence antérieure continuera, ce qui signifie que les perdants ne seront pas ceux que l’on croit. Quelques lampistes trinqueront et la fraude continuera de plus belle. D’ores et déjà cette loi est un échec et il faudra la réformer. Un projet de loi, suite au rapport Olivennes, est déjà en chantier afin que des avertissements soient envoyés aux fraudeurs avant que de les réprimer. Ce projet, dit DAVSI 2, indique que les internautes en fraude se verront avertir par leur contractant fournisseur d’accès ; s’ils persévèrent dans l’illicéité ils encourront la suspension, puis la résiliation de leur contrat, le montant de l’abonnement demeurant dû.

Plus sûrement c’est le marché qui trouvera la solution : d’ores et déjà certains sites proposent un téléchargement gratuit, les ayants droit étant rémunérés par un pourcentage des recettes publicitaires (ex : Universal Music avec Jiwa). De plus trois majors de l’industrie de disque viennent d’annoncer en avril 2008 qu’ils s’associent avec MySpace pour avoir un site payant musical, mais dont l’écoute serait gratuite. Enfin, un accord tripartite (Etat, prestataires techniques d’accès, représentants de l’industrie culturelle) a été conclu le 23 novembre 2007 afin de promouvoir une offre en ligne en contrepartie de la collaboration des fournisseurs d’accès à la prévention et la lutte contre la contrefaçon.

  • La loi ne dit rien concernant une autre technique : l’enregistrement de musiques ou de séquences audiovisuelles diffusées sur le net en simulcasting. L’internaute utilise alors le logiciel « stationripper » (Kessler, stationripper : une nouvelle menace pour le droit d’auteur, D 2005, 3016) qui permet d’enregistrer en direct jusqu’à 300 radios. Grâce au logiciel l’internaute peut ensuite trier les musiques enregistrées en mémoire temporaire tampon (buffer). Autrement dit le streaming peut désormais donner lieu à un enregistrement permettant une écoute en différé, sans qu’il y ait copie privée. Avec cette technique, où il y a représentation mais pas reproduction, l’internaute ne peut être considéré comme un diffuseur partageant ses fichiers avec d’autres comme cela était le cas avec, par exemple Emule. Il n’est que l’utilisateur final qui peut dès lors exciper de l’usage privé. Seule l’application éventuelle du triple test prévu par la directive de 2001 (art5-5), et en particulier du critère selon lequel le logiciel « stationripper » priverait l’auteur d’une « exploitation normale », serait susceptible de rendre illicite l’usage fait par l’internaute. En tout cas, en mars 2007, la Sacem a obtenu la fermeture d’un site de musiques et d’un site de radio qui diffusait en streaming (Le Monde 17 mars 2007, p30). La multiplication de radios « privées » (webcasting) sur le net, créées grâce des logiciels gratuits, inquiète les institutions, qu’il s’agisse du Conseil supérieur de l’audiovisuel qui ne peut les contrôler puisqu’il n’y a pas d’attribution de fréquence, ou des sociétés d’auteurs. La stratégie des sociétés d’auteur consiste à faire pression, en les menaçant de poursuites, sur les hébergeurs afin qu’ils ferment les sites. Et ce qui vaut pour les radios en ligne vaut aussi pour les musiques, films, vidéos, diffusés en streaming. C’est ainsi que le TGI de Paris (13 juillet 2007, Légipresse 2007.I. 121) a jugé qu’un le site de partage vidéo était contrefacteur.
  1. B) La limite coutumière des liens hypertexte :

Ils permettent incontestablement une représentation (en ce sens TGI St Etienne 6 déc 1999, CCE 2000, n°76, obs Caron). Si on raisonne classiquement il faudrait l’autorisation de l’auteur des pages du site cible. Personne n’y songe sérieusement, du moins pour les liens dirigés vers une « frontpage », tant l’hyperlien paraît un acte naturel et banal sur internet. Certaines décisions semblent exiger qu’un lien, en tout cas s’il est profond, nécessite l’accord de l’auteur (trib com Paris 26 déc 2000, CCE mars 2001, n°26, obs Caron), ce que l’on peut comprendre puisque les liens profonds font l’impasse sur la frontpage où se trouvent les bannière publicitaires. D’où l’idée d’admettre que sur internet il y a une autorisation tacite d’établir des liens de surface, mais pas de liens profonds, de framing ou d’inlining pour lesquels il faut une autorisation expresse conforme aux dispositions de l’art L 131-3. Mais cette exigence est pratiquement impossible à faire respecter en pratique. Dès lors certains prétendent que l’entreprise qui se met sur internet accepte ipso facto que des liens, y compris profonds, soient effectués (mais cela est peu compatible avec la règle qui exige que toute cession de droits doit, de préférence, être écrite). Et quid si un site affiche qu’il interdit les liens ? Selon MM Strowel et Ide (La responsabilité des intermédiaires et internet : actualités et question des hyperliens, RIDA, juill et oct 2000, 3), si un site insère dans ses conditions générales que l’auteur s’oppose à tout lien, passer outre ne serait pas une faute en common law mais le serait en droit continental. Bref, le débat n’est pas clos. En tout cas si on admet la licéité des liens sans autorisation des auteurs nous serons dans la situation d’une coutume contra legem (puisque non autorisée par un texte) au nom de la spécificité de l’internet.

Une autre analyse serait d’admettre avec Me Varet, (Les risques juridiques en matière de liens hypertextes, Légipresse 2002 III.139, spéc p 143) que le lien ne permet pas en lui-même une représentation, qu’il ne permet que de la réaliser, qu’en tout état de cause un lien n’est pas un « mode d’exploitation » au sens de l’article 131-3 CPI, ce qui validerait leur usage sans requérir de consentement. Mais cela contredit la jurisprudence, qui, en droit pénal admet que le renvoi à des fichiers musicaux MP3 par lien hyper-texte constitue une contrefaçon : TGI Epinal, ch corr., 24 oct 2000 Légipresse déc 2000, p 19 ; site proposant des liens permettant le téléchargement illicite de jeux vidéo : Aix 10 mars 2004, Droit de l’immatériel 2005, janv, 21.

  • 5 : La durée du monopole :

Le droit patrimonial est un droit de propriété qui a la particularité d’être temporaire. La raison en est c’est que le droit de la propriété intellectuelle vise à favoriser la création en accordant une prérogative extraordinaire pour les auteurs, à savoir un monopole. Mais il est logique qu’au bout d’un certain temps ce monopole cesse et ne serve pas à enrichir des héritiers qui n’ont jamais connu l’auteur. Aussi la loi limite-t-elle le monopole à la durée de 70 ans après le décès de l’auteur. La question de cette durée appelle des précisions, mais aussi des éclaircissements quant au point de départ du délai pour les œuvres créées à plusieurs, ainsi que pour les règle successorales applicables.

  1. Précisions quant à la durée :

Il y a quelques années la durée était de 50 ans et non de 70 ans. C’est la loi du 3 juillet 1985 qui a porté à 70 ans la durée de protection pour les œuvres musicales. Puis, en 1997, on a transposé une directive européenne de 1993 et désormais toutes les œuvres bénéficient du délai de 70 ans (art 123-1). La prolongation des délais pose bien évidemment des questions d’application dans le temps de la loi nouvelle, difficultés qui sont réglées en partie par les dispositions transitoires prises par le législateur. Le mélange des textes aboutit parfois à des résultats surprenants : par exemple les œuvres de Monet sont tombées dans le domaine public (elles peuvent donc être librement jouées et utilisées) avant celles de Puccini, alors que Monet est décédé en 1926 et Puccini en 1924.

Mais pour beaucoup d’œuvres il faut ajouter au délai de 70 ans les périodes dites de guerre. Pendant les deux guerres mondiales les œuvres n’ont pas pu être exploitées normalement, d’où une faveur du législateur qui a prolongé à deux reprises les délais (art L 123-8 et 123-9 du CPI), le sens de ces dispositions donnant parfois lieu à des interprétations différentes, tant et si bien que les plaideurs ne sont pas toujours d’accord sur le nombre de jours qu’il faut ajouter au délai légal.

L’ajout de périodes de guerre fait l’objet de controverses. Certains auteurs soutenaient que la directive européenne ayant pour but d’harmoniser la durée il est aberrant de continuer à additionner les périodes de guerre à la durée légale, car cela est contraire à la volonté d’uniformisation. A quoi il est répondu par la jurisprudence dominante que le législateur n’ayant pas abrogé les périodes de guerre, il convient, in favorem pour les auteurs, de les conserver. Finalement la cour de cassation a jugé, contre la jurisprudence dominante des cours d’appel, que, en principe les périodes de guerre[9] ne se cumulent pas mais s’imputent sur la durée légale.

  1. La question du point de départ du délai :

Laissons de côté la question, marginale, des œuvres anonymes, pseudonymes, posthumes (article L 123-3 et 4 du CPI).

Pour les œuvres de collaboration comment déterminer le point de départ ?On tient compte de la mort du dernier survivant des coauteurs. Donc une œuvre de collaboration risque d’être protégée plus longtemps qu’une oeuvre simple ; pour les œuvres audiovisuelles on prend en compte la mort du dernier des vivants des collaborateurs suivants (art L 123-2 du CPI) : l’auteur du scénario, l’auteur du texte parlé, l’auteur des compositions musicales spécialement réalisées pour l’œuvre, le réalisateur principal. En revanche pour les œuvres collectives ce sera beaucoup moins car le point de départ est la divulgation de l’œuvre au public.

  1. Les règles successorales :

Le point de départ étant le décès de l’auteur seuls ses héritiers bénéficient en fait du délai de 70 ans. C’est dire qu’il fallait prévoir la transmission par héritage : elle suit les règles du droit commun.

L’article L 122-9 du CPI règle le cas de l’abus d’usage ou de non usage des droits d’exploitation des représentants de l’auteur décédé. Le tribunal de grande instance est alors compétent pour faire plier le récalcitrant.

Section 2 : Les droits moraux:

  • 1 : Approche :
  • La théorie du droit moral ne date que du 19ème siècle et le législateur l’a peu à peu consacrée. L’idée est que le droit d’auteur, ce n’est pas seulement un droit patrimonial, mais aussi la manifestation, le prolongement de la personnalité et de l’âme de l’auteur. L’œuvre est consubstantielle de la chair de l’auteur. C’est donc accentuer la vision personnaliste au détriment de la vision économiste ou réaliste. C’est une vision romantique et subjective du droit d’auteur où le primat est donné à l’individu, où seule une personne physique peut être auteur. Conséquence logique : le droit moral est un droit de la personnalité (voir le libellé de l’art L 121-1 alinéa 2 du CPI : un droit « attaché à sa personne… »), solution réaffirmée par Cour de Cassation (Civ 1ère 10 mars 1993, D 1994, 78, note Françon).
  • C’est la grande différence avec le copyright américain où il n’existait pas (A la suite de la ratification de la Convention de Berne par les USA une loi fédérale du 1er décembre 1990 a introduit un système complet de droit moral, qui est toutefois moins important en intensité et dans son champ d’application que celui que connaît le droit français : Droit d’auteur et copyright, Bruylant 1993, p 539 et s)
  • Les entreprises anglo-saxonnes ont très peur de ce droit moral alors pourtant que son importance est plus théorique que pratique. Les autres pays d’Europe ont, eux aussi, un droit moral, mais généralement moins important que chez nous, d’où un forum shopping au Luxembourg.

Les choses évoluent. Le Royaume-Uni l’a aussi intégré dans une loi de 1988, mais, comme aux USA, il est permis d’y renoncer par contrat, si bien que son influence est plus théorique que réelle.

  • Pour les droits des interprètes il existe aussi un droit moral mais affaibli. Pour les logiciels et les fonctionnaires il est presque absent.
  • 2 : Caractères :

Les droits moraux étant rattachés à la famille ils sont hors commerce, ce qui implique les conséquences attachées aux droits de la personnalité[10].

  1. A) Caractère d’ordre public :
  • Peut-on par avance limiter la liberté de création de l’auteur pour une œuvre future ? Dans une affaire remarquée C Cass a dit oui car le droit moral ne préexiste pas à l’œuvre (Civ 1ère 7 avr 1987, D 1988, 97, note Edelman).
  • Peut-on accepter que le producteur ou l’éditeur procède à des modifications de l’œuvre ? A mon sens il ne faut pas trop de rigidités et apprécier au cas par cas : une clause qui permettrait des modifications qui dénatureraient l’œuvre serait nulle (voir infra contrats). De même pour une clause trop générale qui donnerait trop de liberté à son bénéficiaire. Les cessions et renonciations globales préalables au droit moral sont interdites (Soc 10 juill 2002, Légipresse 2002.III.174, obs Maffre-Baugé). Mais comme en droit commun on peut renoncer en connaissance de cause à une situation acquise = à une modification déjà effectuée.
  • Pour mémoire : renvoi au cours de droit international privé : le droit moral fait partie de l’ordre public international
  1. B) Caractère perpétuel et personnel :

A la différence des droits patrimoniaux, qui se transmettent par héritage, mais qui sont limités dans le temps, le droit moral est perpétuel ; il se transmet sans limite temporelle aux héritiers comme l’indique l’article L121-1 alinéa 4 du CPI, à l’exception néanmoins du droit de repentir qui est « hyper personnel » ; toutefois l’héritier pourra exercer ce dernier si le défunt avait manifesté de son vivant son intention en ce sens.

La dévolution de l’article L 121-1 du CPI n’obéit pas aux règles de droit commun des successions mais à des règles particulières.

C’est une différence avec le droit à l’image qui, lui, s’éteint au décès : les héritiers n’ont qu’un droit propre et n’exercent pas un droit dont ils auraient hérité. Cette transmissibilité déroge au droit commun des droits de la personnalité, ce qui démontre l’incongruité de la règle.

Le caractère personnel postule également l’impossibilité d’exercice par la voie oblique.

  1. C) Caractère imprescriptible :

L’article L 121-1 du CPI affirme que le droit moral est imprescriptible. Les tribunaux ont donné une acception limitée à l’affirmation. L’action (au sens de la demande en justice) en indemnisation n’échappe pas au délai de prescription de 30 ans (TGI Nanterre 9 juin 98 Légipresse 99.I.52). Seul le droit moral soulevé par voie d’exception dans un litige est imprescriptible (TGI Paris 17 oct 1997, RIDA oct 1998, 203, obs Kerever).

  1. D) Inaliénabilité :
  • L’article L 121-1 du CPI ne vise par l’inaliénabilité que certains attributs du droit moral, mais en fait il faut généraliser
  • L’inaliénabilité fait qu’un sujet ne saurait renoncer à une prérogative d’un droit de la personnalité ou la céder, même à titre onéreux, dès lors que l’existence du droit est en cause. Mais si le sujet ne peut se dépouiller irrévocablement du droit concerné, cela ne fait pas obstacle à des conventions relatives au simple exercice du droit. Par exemple, à propos du droit à la paternité il a été jugé que l’auteur peut renoncer à voir son nom indiqué, mais qu’il ne peut aliéner ce droit : la différence est subtile, mais implique que l’auteur puisse revenir sur le consentement donné, lequel n’est donc pas irrévocable.
  • De plus il faut aussi distinguer entre renonciations limitées et générales à une prérogative. Seules les secondes sont interdites.
  • Des exemples de clauses licites : celle autorisant un producteur à demander à l’auteur des modifications pour la finition de l’œuvre : TGI Paris 13 déc 2000, Légipresse avr 2001.I. 38.
  • Un exemple de clause jugée nulle : Cour d’appel de Paris 28 juin 2000 RIDA janv 2001, 213, obs Kerever. Il s’agissait d’une clause par laquelle l’auteur autorisait l’utilisation de son œuvre pour un usage publicitaire. En soi une telle clause serait licite. Mais il était ajouté que l’auteur ne pourrait émettre aucune contestation quant à cette utilisation. C’était de trop et la clause fut annulée. En revanche la même clause permettant de changer les paroles ou de faire des ajouts à la partition musicale a été jugée « précise et circonstanciée » et, de ce fait, valide. Il semble que le caractère précis de la clause soit essentiel à sa validité.
  • Tout est une question de proportion. Il faut juger la clause au cas par cas et il faut avoir un grand « flair juridique » pour libeller de telles clauses. La limite est souvent difficile à déterminer. C’est ainsi que la clause permettant de modifier l’œuvre a été jugée parfois illicite (Soc 10 juill 2002, CCE 2002, n°139, obs Caron) et parfois licite (Cour d’appel de Paris 12 mars 2000, CCE 2000, n° 110, obs Caron) : en l’espèce la cour a jugé qu’il n’y avait pas renonciation au droit moral, mais « exercice de celui-ci en toute connaissance de cause des limites d’exploitation de l’œuvre » prévues au contrat.
  • S’agissant plus spécifiquement d’internet, les contrats-type de licence de droit d’auteur, dites « creative commons », permettent à l’auteur de communiquer au public les conditions d’utilisation de son œuvre. A ce jour il n’y a pas de jurisprudence sur ces licences dont on peut dire seulement qu’elles font évoluer les pratiques du seul fait même de leur existence et de leur utilisation. En fait, en autorisant certaines utilisations on autorise du même coup certaines modifications, par exemple la compression numérique, qui mettent en jeu le droit moral. C’est la preuve que droit patrimonial et droit moral sont en fait bien souvent mêlés.
  • La clause par laquelle le véritable auteur (« le nègre ») d’un livre s’interdisait de revendiquer la paternité du livre a été jugée non pas nulle mais révocable unilatéralement par le « nègre » (Civ 1ère 5 mai 1993, PA 1994, n° 100, obs Caron). On peut s’interroger sur l’opportunité de stipuler une telle clause puisqu’elle n’a pas de force obligatoire. En réalité ces clauses ont pour intérêt de fonctionner en pratique alors même qu’elles n’ont pas de force obligatoire : combien de « nègres » savent-ils qu’une telle clause est résiliable et, le sauraient-ils, combien ont envie ou intérêt à la résilier ?
  1. E) Caractère discrétionnaire (= droit insusceptible d’abus de droit dans son exercice) :

Il semble découler du caractère très personnalisé de la prérogative. En dépit de l’affirmation contraire dans un arrêt isolé, la jurisprudence est cependant fixée en ce sens que le droit moral est susceptible d’abus de droit, (MM Lucas, n° 379), notamment s’il sert de chantage à des fins financières : Civ. 1ère 14 mai 1991, Bull C Cass, I, n°157. Cela atténue fortement le fait qu’il n’y a pas à motiver un refus car il faut pourvoir contrôler s’il y a abus ou pas. Ce n’est donc pas un droit discrétionnaire.

  • 3 : Composants :

           Ils sont au nombre de quatre.

  1. A) Droit de divulgation :

     C’est la liberté de porter ou non l’œuvre à la connaissance du public

  • Il est consacré indirectement par le célèbre arrêt Whistler (Civ 14 mars 1900, DP 1900,I, 497, note Planiol) en droit international privé. En l’occurrence il s’agissait du contrat de commande à un peintre : la Cour affirme que la propriété n’est transmise qu’à la remise de la chose et non pas lors de l’échange des consentements alors qu’en droit français le transfert de propriété s’effectue, en principe, lors de l’échange des consentement. L’arrêt prouve que l’auteur conserve le droit de divulguer ou de ne pas divulguer l’œuvre quand bien même il aurait consenti à la vente de l’œuvre. Ce n’est qu’à la livraison que s’accomplit la prérogative de l’auteur, à savoir le choix entre divulguer ou non. Puis vint l’arrêt Rouault (Paris 19 mars 1947, D 1949, 20, note Desbois) dont la loi de 1957 vint consacrer la solution (art L 121-2 al 1er).
  • Cette prérogative suscite du contentieux, car elle crée des conflits d’intérêts en cas de refus de divulgation par l’auteur avec les détenteurs des droits patrimoniaux. Par exemple, un auteur parolier invoque une reproduction de mauvaise qualité faite sans son accord. Bien que les droits patrimoniaux aient été cédés à la SACEM il a été jugé qu’il y a eu atteinte au droit de divulgation et qu’il aurait fallu l’accord de l’auteur (TGI Paris 28 sept 2001, RIDA avr 2002, 327). Ou alors ce peintre qui veut s’opposer à la vente, qui constituait la première révélation au public, d’une de ses toiles par un tiers possesseur (Civ 1ère 29 nov 2005 (Prop Intellect 2006,174).

Mais c’est surtout l’insertion dans une publicité qui pose problème : ex atteinte au droit moral par utilisation d’une chanson dans une auto-publicité de chaîne de télévision, alors que cette utilisation particulière n’avait pas été expressément spécifiée dans le contrat de cession de droits patrimoniaux (Paris 24 sept 1997 D 1999, Som 77, obs Hassler), voire même au cas où la cession aurait eu lieu dans des termes trop généraux pour que l’auteur, puisse imaginer, en connaissance de cause, que son œuvre serait exploitée pour tel type de publicité. La Cour de cassation veille et condamne les clauses de cession libellées en terme trop généraux (notamment la clause cession « quelle qu’en soit la destination » ou même cession à titre publicitaire sans préciser qu’il y aurait distribution sous forme de prime gratuite : civ 1ère 21 nov 2006, Prop intell 2007 janv, 84). De même pour l’utilisation d’extraits de musique dans une publicité (droit de synchronisation) il faut l’accord exprès de l’auteur (le droit de synchronisation est un droit patrimonial qui, sans préjudice du droit moral, est cédé à l’éditeur graphique et non pas apporté à la SACEM = société de droits d’auteurs pour la musique, laquelle, cependant gèrera les redevances payées au titre du droit de synchronisation) : Civ 1ère 24 avr 1998, D 1998, I.R. 82.

Dans un arrêt (Paris 28 juin 2000, CCE 2000, n°110, obs Caron) il a été jugé qu’une clause autorisant les modifications de texte et de paroles à des fins publicitaires a été validée, ce qui prouve qu’il ne suffit pas de mentionner une exploitation publicitaire mais qu’il faut détailler les usages, ce qui peut impliquer l’exigence de céder le droit d’adaptation si on veut opérer des modifications. Cf arrêt Dingler Civ 1ère 15 févr 2005 à propos de la chanson « Femme libérée » parodiée dans une publicité.

  • On se demande si le droit de divulgation s’épuise après le premier usage, par ex pour une nouvelle exposition dans des conditions non autorisées. C Cass a semblé l’admettre (Civ 1ère 13 déc 1989, RIDA avr 1990, 199), mais l’opportunité de la solution est discutée. La Cour d’appel de Paris a refusé de faire « rejouer » le droit de divulgation pour une rediffusion, ce qui est essentiel, sur internet (Paris 14 févr 2001, CCE mars 2001, n°25, obs Caron). Certains voudraient limiter le droit de divulgation aux rediffusions pour de nouveaux modes d’exploitation qui n’avaient pas été prévues par l’auteur, mais la chose n’est pas aisée car la notion mode d’exploitation est floue (voir R Knittel, l’épuisement du droit de divulgation, fusil à un ou deux coups, Rapport de recherche, MSI, 2008). Il a été jugé que la diffusion illicite de sketches sur MySpace constituait une atteinte au droit de divulgation (TGI Paris réf 22 juin 2007, CCE 2007, n° 143, Caron).
  • A la suite de l’arrêt Rouault de la Cour d’Appel Orléans (2ème arrêt de CA suite au renvoi après cassation) on estime que l’exercice du droit est susceptible d’abus, ce qui a été consacré législativement à l’article L 121-3). A été récemment jugée abusif le refus par l’ayant-droit de la traduction de l’œuvre, laquelle, qui plus est, aurait été accomplie à titre bénévole, traduction pourtant souhaitée par l’auteur de son vivant (Toulouse 24 janv 2001, CCE juill 2001, n°71, obs Caron).
  • Même s’il n’y a pas d’abus l’auteur engagera sa responsabilité contractuelle au regard du contrat de commande par l’exercice de son refus de divulgation, puisqu’il aura méconnu son obligation de délivrance de la chose.
  1. B) Droit de repentir et de retrait :

A la suite de l’arrêt Rouault de la Cour d’Appel Orléans (15 mars 1965, JCP 1965, 14186, obs Boursigot) on s’interroge quant à savoir si l’auteur peut exiger du propriétaire du corpus qu’il lui restitue l’œuvre afin de pourvoir la modifier ou la détruire, ou d’en garder la possession afin que le propriétaire ne puisse la communiquer au public. La Cour d’Appel d’Orléans l’a admis.

  • L’article 121-4 du CPI consacre ce droit de repentir : il s’agit de la reprise de l’œuvre, déjà divulguée, par l’auteur qui la réclame pour la modifier (on exigera cependant une modification substantielle, les autres étant justifiés par les usages) ; le retrait est, quant à lui, la fin de la mise en exploitation. Ces droits font peur aux exploitants car ils portent atteinte à la force obligatoire des contrats de cession de droits.
  • Ces droits sont très rarement exercés car il faut une indemnisation préalable de la perte que peut subir le cessionnaire, si bien que nous ne l’étudierons pas plus avant.
  • On peut imaginer une condamnation sous astreinte de retirer l’œuvre d’un site internet.
  1. C) Droit à la paternité :
  • L’article L121-1 du CPI : « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, ainsi que de sa qualité ». Le nom de l’auteur doit donc être cité. Ce n’est qu’une faculté et l’auteur peut préférer l’anonymat ou le pseudonyme. C’est donc un droit de revendiquer la paternité de l’œuvre, ou de ne pas la révéler ou de la retirer (ex auteur qui désapprouve l’œuvre mais qui ne veut pas exercer son droit de repentir), ou de la contester si l’œuvre a été faussement attribuée. Il a été jugé que « l’individualisation insuffisante de l’auteur de photographies incluses dans un CD Rom était condamnable » (TGI Paris 29 avr 1998, expertises 1998, 357). Mais, pour les arts appliqués les usages font que le droit à la paternité est parfois tout simplement écarté (pour un logo : Paris 18 mars PIBD 1979, n°228.III.34).
  • Pour les images on peut procéder à un tatouage qui permet d’identifier l’œuvre et l’auteur, ce qui permet aussi d’assurer la traçabilité des circuits dans un secteur où les usages sont encore trop souvent, au mépris du droit, de transmettre verbalement les droits ou de considérer que la transmission numérique de l’image vaut transfert des droits (Légicom 2005, n°2, p 60 et s). Mais cette technique revient cher et n’est de loin pas généralisée.
  • Ce droit concerne aussi les œuvres collectives (les contributeurs ne sont pas privés de leur droit moral du fait de la dévolution des droits patrimoniaux à l’employeur), de collaboration, dérivées. Cela devrait aussi concerner l’œuvre composite. De ce point de vue TGI Paris 24 mai 2000 Légipresse oct 2000 semble critiquable. En l’espèce il y avait eu incorporation d’un extrait de musique de Rachmaninoff dans un film sans citer son nom. Le tribunal a jugé qu’il n’y avait pas d’atteinte au motif que Rachmaninoff n’était pas co-auteur du film. Certes, mais il y avait tout de même représentation d’une œuvre préexistante, ici la musique.
  • Sur internet le droit à la paternité risque d’être chahuté en raison des liens profonds permettant de changer de site sans passer par la page d’accueil (frontpage) où devrait être cité le nom de l’auteur.

On s’aperçoit en pratique que le nom de l’auteur du site internet n’est généralement pas cité. Ce qui va aussi poser problème c’est l’internationalisation : « comment faire respecter le droit à la paternité pour des supports modernes tels que les produits numériques, qui peuvent contenir jusqu’à 50000 images » ?

  • L’auteur peut exiger que soient indiqués ses titres, grades, distinctions. Tous les documents relatifs à l’œuvre, une plaquette publicitaire, un générique, doivent mentionner l’auteur. Cela pose des difficultés dans certains domaines (ex architecte : faut-il la mention de l’architecte sur le bâtiment ? ; extrait de musique) où jurisprudence tente alors de se référer aux usages.
  • L’auteur peut aussi renoncer à son droit à la paternité : ce n’est pas considéré comme une renonciation illicite au droit moral (ex clause dite de nègree), mais comme une autorisation précaire (Civ 1ère 13 févr 2007, CCE 2007, n°53, note Caron).
  1. D) Le droit au respect de l’œuvre :
  2. a) Concept :

L’article L 121-1 du CPI en pose le principe, mais c’est sous réserve d’abus.

L’exploitant doit, en principe, s’abstenir de toute modification, adjonction, suppression, utilisation dans un contexte inapproprié. Mais on admet les modifications minimes ou nécessitées par des contingences techniques justifiées dès lors qu’elles sont compatibles avec l’esprit de l’œuvre.

La protection du créateur est un souci louable dès lors qu’il s’agit d’arts classiques, mais devient moins adaptée lorsqu’il s’agit d’arts appliqués ou d’audiovisuel, surtout lorsqu’on utilise les fonctionnalités d’internet.

Les auteurs et sociétés de gestion de droits d’auteur sont favorables au droit moral, à la différence des exploitants qu’il inquiète.

On observera également que pour les œuvres collectives (voir infra) le droit moral est raboté, car l’auteur doit tenir compte du fait que sa contribution s’inscrit dans un tout dont il faut tenir compte.

  1. b) Exemples par secteur d’activité:
  • photos : réduction de format dans de mauvaises conditions techniques. Que dire alors d’internet ? A mon sens les progrès de la photo numérique vont rendre sans intérêt la question en ce qui concerne le piqué. Restera alors la question du format et de l’effet de loupe (par exemple pour les CD Rom de musées). On notera qu’il a été jugé en 1985 que la réduction de format (il s’agissait d’un dessin mais la solution est transposable à la photo) n’était pas illicite : Paris 2 oct 1985, Jurisdata n°023715. Le floutage ou la pixellisation d’une photo, diffusée dans un reportage, afin de masquer la marque de cigarettes est licite (TGI Paris 11 juill 2003, Légipresse 2003.I.153).
  • œuvres graphiques et picturales. Problème du morphing : internet permet la déformation des images fixes ou animées, ce qui suscitera du contentieux. Idem pour l’adjonction de couleurs.
  • cinéma : la colorisation d’un film noir et blanc porte atteinte au doit moral (cf la célèbre aff Huston : Versailles 19 déc 1999, RIDA avr 1995, 389, obs Kerever) ; de même pour un film télévisé lorsqu’il est interrompu par une coupure publicitaire (TGI Paris 24 mai 1989, RIDA janv 1990, 353) : un texte a dû être pris pour rendre légale la pratique des coupures. D’autres décisions sont moins sévères : il a été jugé par exemple que l’inclusion d’une chanson scindée en 2 parties pour faire partie du générique d’un film ne constituait pas une atteinte au droit moral car il y avait eu reproduction sans modifications ni amputation de l’œuvre (TGI Paris 26 nov 1997, RIDA oct 1998, 169, Kerever) ; en revanche l’utilisation d’extraits dans un contexte différent (Paris 12 déc 1995, RIDA juill 1996, 372) est illicite.

Notons qu’une œuvre littéraire adaptée au cinéma permet une certaine liberté d’interprétation (Civ 1ère 12 juin 2001, Légipresse sept 2001.I.102) : c’est la philosophie même de la notion d’adaptation qui commande cette solution, sous réserve cependant du respect de l’esprit de l’œuvre première.

  • textes : pour internet les hyperliens risquent de poser des difficultés quant à l’homogénéité des contextes, ce qui pourra poser problème en raison des agents intelligents qui pourront faire voir apparaître des bandeaux publicitaires créant un contexte opposé à celui de l’œuvre représentée.
  • Musique : le marché est en crise en raison de la prolifération des diffusions illicites grâce au peer to peer. La parade la plus efficace c’est la protection des CD et DVD par des moyens techniques, mais ces verrouillages provoquent les hurlements des associations de consommateurs puisque les consommateurs acquittent déjà une taxe sur les supports vierges au titre de la rémunération pour copie privée.
  • Mixage : in Paris 24 sept 1997, précité, la musique avait été mixée ce qui fut jugée comme une atteinte au droit moral.
  • Extrait : en revanche in Civ 1ère 24 avril 1998, précité, les juges ont considéré qu’il n’y avait pas eu d’atteinte pour n’avoir diffusé qu’un extrait, car la finalité n’était qu’une illustration sonore.
  • Karaoké :le karaoké constitue lui aussi un manquement au droit moral (Paris 28 avr 2000, RIDA janv 2001, 212 obs Kerever), car atteinte à la ligne mélodique et ajout d’images (Paris 29 mai 2002, CCE 2002, n° 125, obs Caron).
  • Pour les arts appliqués, comme l’empreinte de la personnalité est moins évidente, les atteintes sont d’autant moins souvent condamnées qu’elles sont plus souvent que d’autres amenées à être modifiées. Ex : le droit de modification des articles des journalistes par le rédacteur en chef pour des raisons techniques de mise en page. S’agissant du logiciel le législateur a d’ailleurs prévu le droit pour l’employeur de modifier le logiciel.
  • S’agissant d’internet il a été jugé qu’une mauvaise numérisation porte atteinte à l’œuvre : Paris 14 mars 2007, Dt de l’immat, juil 2007, p23). De même pour la lecture hachée d’un film en streaming (TGI Paris 13 juill 2007, préc).
  • 4 : droit moral et droit communautaire :

(Voir Doutrelepont, Le droit moral de l’auteur et le droit communautaire, Bruylant, 1997)

  • Le droit moral est susceptible d’entraver la libre circulation des biens et des services au sein de la Communauté Européenne. Par exemple le manque de respect à une œuvre pourrait entraîner l’interdiction d’exploiter dans un pays de la Communauté Européenne alors qu’elle serait exploitable dans un autre pays qui ne connaît qu’un droit moral amoindri
  • Le droit moral tombe manifestement dans le domaine d’application de l’Union européenne. Après les traités de Maastricht et d’Amsterdam la CEE est devenue Communauté Européenne. Le terme « économique » a disparu ce qui montre bien la dimension, entre autres, culturelle de la Communauté Européenne.
  • La Commission européenne a indiqué qu’avec les nouvelles technologies les possibilités de modifications des œuvres posaient avec plus d’acuité encore le droit moral.
  • Pour l’instant aucune norme européenne ne concerne le droit moral, car c’est un sujet trop sensible et la commission a rangé ses projets dans les tiroirs faute de perspectives de compromis. Pourtant le Royaume Uni connaît aussi le droit moral (¹ droit américain où il n’y a qu’un droit moral amoindri). Pour la France l’harmonisation serait vers le bas et non pas vers plus de droit moral
  • Dans les arrêts Magill (CJCE 6 avr 1995, RTDE 1995, 835, obs Bonet) et Phil Collins (CJCE 20 oct 1993, D 1995, 133, note Edelman) la CJCE (Cour de justice des communautés européennes) ont reconnu l’existence du droit moral avec une définition proche de celle de la Convention de Berne (art 6 bis), c’est-à-dire une conception plus objective (protection contre les déformations) que subjective (droit de la personnalité=droit moral vise à protéger la personne du créateur).
  • A noter que le droit moral ne devrait pas s’épuiser par la 1ère mise en circulation avec le consentement de l’auteur (sauf pour le droit de divulgation) si on s’attache à une conception subjective du droit moral.
  • Bases possibles d’un compromis
  • La durée du droit moral pourrait être limitée à la durée des droits patrimoniaux
  • Abandonner le droit de retrait qui est peu utilisé et qui plus qui est une entrave à la libre circulation.
  • Admettre les clauses de renonciation limitées.

 

 

 

Chap 4 : CONTENU PARTICULIER DU MULTIMEDIA :

 

 

 

 

Le multimedia est multiple comme le mot le suggère. On y trouve des contenus empruntant leur qualification au droit d’auteur, au droit à l’image, aux bases de données, tous éléments étudiés par ailleurs, mais aussi des logiciels qui en permettent l’interactivité (SI) ; ce dernier élément est si important qu’il convient de l’étudier en soi, ce d’autant plus qu’il exerce une influence particulière sur la qualification des oeuvres multimédia (SII).

 

Section 1 : Le logiciel : son particularisme :

On sait qu’un logiciel est un programme adressé à un ordinateur en vue de traiter une information.

  • 1 : La protection du logiciel :

Alors qu’autrefois on se demandait s’il ne fallait pas protéger le logiciel par les brevets il n’est plus contesté aujourd’hui que le logiciel soit couvert par le droit d’auteur : son particularisme a été consacré par une loi du 10 mai 1994, qui a transposé en droit interne une directive européenne.

En fait, dès l’arrêt Pachot (Assemblée plénière 7 mars 1986, D 1986, 405), il était admis que le logiciel soit protégé par le droit d’auteur. Comme les traités internationaux prohibaient la brevetabilité des programmes informatiques, que les USA avaient choisi de le protéger par le copyright (celui-ci protégeant l’investissement le logiciel s’intégrait particulièrement bien dans le moule du copyright), qu’au sein de l’Union européenne on avait renoncé à une protection par un droit sui generis, il ne restait que le choix d’une protection par le droit d’auteur. C’est une règle de raison plus qu’un cri du cœur, même si le logiciel est le produit d’une activité intellectuelle exprimée dans un langage particulier. En fait les pays de l’Union se sont alignés sur les USA, pour éviter de trop grandes distorsions de protection, et c’est pourquoi on a adopté le réceptacle du droit d’auteur, même s’il est vrai, qu’aujourd’hui, on s’oriente à nouveau vers la brevetabilité de certains logiciels[11].

En vérité le logiciel est comme une verrue car les habits du droit d’auteur sont mal taillés pour lui, à telle enseigne qu’on l’a soumis, en partie, à un régime dérogatoire au sein de la Propriété littéraire et artistique. En effet on s’éloigne fort de l’art, même utilitaire. Comment chercher l’empreinte de la personnalité dans des instructions données à une machine ? La jurisprudence n’est pas dupe, qui utilise fréquemment le critère de l’effort personnalisé.

Cela étant tous les programmes ne sont pas protégés. C’est ainsi qu’il a été jugé que les fonctionnalités (on dit aussi applications) d’un logiciel, à savoir sa capacité à effectuer une tâche déterminée ou à obtenir un certain résultat, n’est pas protégeable, car cela ne relève que du domaine des idées non protégeables (Civ 1ère 13 déc 2005, JCP 2006.II. 1896, obs crit Masquart).

  • 2 Le régime juridique du logiciel :
  1. A) L’étendue des droits du créateur et l’attribution partielle de ces droits à l’utilisateur :
  2. a) Le droit d’exploitation :

L’article L 122-6 du CPI décrit les droits du créateur, droits qu’il peut concéder, en tout ou partie, à l’utilisateur. La représentation n’ayant pas de sens pour un logiciel, l’article mentionne le droit de reproduction et les droits de traduction (dans un autre langage informatique), d’adaptation, d’arrangement ou de modification.

L’utilisateur n’a donc pas le droit, sauf clause contraire, de modifier le logiciel et de le faire évoluer (sous réserve, article 122-6-1 du CPI, de corriger les bogues et des modifications qui permettent l’usage d’un logiciel conformément à sa destination), mais ne permettent pas à l’utilisateur de faire évoluer le logiciel (en ce sens l’esprit du texte : Lamy Informatique, n ° 144), même si, en pratique, lorsque le code source lui a été transmis, il ressent la solution contraire[12].

L’utilisateur n’a pas le droit d’effectuer une copie privée (article 122-6 2° du CPI a contrario), si ce n’est la copie de sauvegarde (voir infra).

L’exercice du droit d’adaptation suppose que le code-source soit communiqué.

Très souvent aucun droit n’est transmis au client dans le contrat de licence : on en déduit alors que le client n’a qu’un simple droit d’utilisation.

  1. b) L’épuisement des droits :

Il joue sans avoir à distinguer entre représentation (ce droit étant inexistant) et reproduction (article 122-6- 3° du CPI). Il ne concerne que la vente et pas la location (cf la jurisprudence Warner : CJCE 17 mai 1988, JCP éd E 1988.II.15297, obs Vivant et A. Lucas). Cela rend illicites, en cas de vente (par vente il faut comprendre toute acquisition d’un droit d’utilisation qui ne serait pas une licence), la clause d’incessibilité du contrat, ainsi que la clause d’interopérabilité qui impose, pour acquérir la version 2, de justifier avoir acheté la version 1.

  1. c) La communication des programmes sources :

Lorsqu’il s’agit d’un logiciel spécifique et non d’un logiciel standard on peut se demander s’il y a une obligation tacite de transmettre le code source : Bordeaux 24 sept 1984 (inédit) l’a pensé, mais en sens contraire, sous le sceau de l’évidence, le TGI Paris (réf) 10 avril 2002 (Expertises 2002, 207), de même que Versailles 6 oct 1994 (Expertises 1995, 78), ont estimé le contraire pour un logiciel spécifique. Il semble logique de refuser l’accès aux sources dès lors que le droit de modifier le logiciel n’a pas été transmis par le titulaire des droits sur ledit logiciel par voie d’une cession de droits. Cependant on pourrait envisager une obligation de communication sur le fondement de l’obligation de délivrance si cette communication était nécessaire à atteindre les objectifs fixés par le contrat. Ce serait tout particulièrement utile pour corriger les bogues (droit réservé à l’utilisateur par l’art L 122-6-1) : en effet, corriger les bogues implique aussi de corriger le code-source. En pratique les contrats de développement prévoient rarement la communication du code-source, ce qui enchaîne le commanditaire à l’éditeur pour ce qui est de la maintenance.

Pour les logiciels libres le libre accès est généralement prévu par la licence, car ce sont des logiciels « open sources » qu’il est dans la philosophie du projet de faire évoluer et d’en autoriser la duplication.

Pour éviter d’avoir à communiquer le code source à l’utilisateur, lequel pourrait outrepasser, grâce à cela, les prérogatives qui lui ont été accordées par contrat ou par l’article 122-6-1, les parties peuvent le confier à un tiers séquestre tel que l’APP (Agence de protection des programmes), ce qui est intéressant pour le créateur de logiciel qui peut ainsi contractualiser et contrôler l’accès de ses clients au code-source et se ménager une preuve en cas de contestation d’antériorité de sa création, ou dans le cadre de l’exécution de l’obligation de maintenance, ou lorsque le fournisseur est en faillite. Les faits d’un arrêt rendu (Com 24 janv 2006, Expertises 2006, 432, Lecardonnel) révèlent les difficultés pratiques qui peuvent se rencontrer. En l’espèce le donneur de licence n’était pas titulaire des droits et, donc, le liquidateur judiciaire de la société n’était pas habilité à autoriser l’APP à fournir une copie du code source.[13]

On notera que la réforme de 2006 (dite DAVSI=droits d’auteur et voisins dans la société de l’information) prévoit que les logiciels de partage doivent faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Etat avec communication du code source.

  1. d) La copie de sauvegarde : (art 122-6-1.II du CPI)

L’utilisateur n’a droit qu’à une seule copie de sauvegarde, sauf lorsqu’on lui a accordé le droit de reproduction.

  1. e) La décompilation : (article 122-6-1.IV du CPI)

C’est le reverse engineering du code source et sa duplication (voir Pinto et Taylor, la décompilation des logiciels : un droit au parasitisme, Dalloz 1999, doctr. 463). Par exemple, lorsqu’on change de système d’exploitation, il s’agit, face à un problème technique, d’accéder au code source du logiciel afin de l’analyser et de résoudre le problème. Le code source n’est généralement pas fourni avec le logiciel, à la différence du code objet, qui est le langage binaire compris par la machine. L’informaticien va alors « désosser » le code objet et le traduire dans en langage assembleur compréhensible par l’homme (concrètement il faut faire une copie du programme). Cela va révéler les idées et principes exprimés par le langage. Certes, lorsqu’on achète un logiciel on n’a généralement que le code binaire et pas le code source, ce qui ne permet pas de modifier le code source. Mais à partir du code binaire un bon technicien va pouvoir remonter, en partie pour le moins, au code source et effectuer ainsi du piratage. Le danger est donc que des informaticiens ne décompilent les logiciels de leurs concurrents pour réutiliser leurs idées. Les constructeurs étaient donc hostiles à la décompilation, bastion avancé du clonage

Finalement la directive européenne ne l’a autorisée, sous strictes conditions, que lorsqu’elle est « indispensable pour obtenir les informations nécessaires à l’interopérabilité avec d’autres logiciels ».

Les abus sont difficiles à déceler, d’où la rareté de la jurisprudence. Mais il reste qu’on peut redouter, le plus souvent, que ce soit des concurrents mal attentionnés qui recourent à la décompilation.

  1. B) Autres aspects du statut légal :
  2. a) Création de salarié et de « freelance » :

Le code prévoit que l’œuvre appartient ab initio à l’employeur (article L 113-9 du CPI), ce qui est dérogatoire du droit commun d’auteur, rapproche le logiciel du brevet et l’éloigne du statut des bases de données avec lequel il a par ailleurs, pourtant, des règles communes.

C’est une règle qui n’a pas été harmonisée par la directive européenne et les solutions varient d’un pays à l’autre.

Attention ! Ce particularisme ne concerne pas les oeuvres de commande. Si une œuvre était créée en commun par des salariés et des indépendants (« freelances ») la qualification d’œuvre collective, si elle était retenue, aboutirait cependant au même résultat, à savoir conférer la titularité des droits ab initio à l’entreprise employeur et commanditaire.

  1. b) Rémunération :

En matière de logiciel elle peut être forfaitaire : article 131-4 5° du CPI.

Si les droits appartiennent à l’employeur le salarié doit-il être rémunéré, en plus de son salaire, pour sa création ? Rien n’est dit dans le code, qui prévoit toutefois la possibilité d’une rémunération forfaitaire en cas de cession de droits (art L 131-4-5°), hypothèse qui ne nous concerne pas ici, puisque par hypothèse il n’y a pas de cession de droits, ceux-ci étant légalement détenus, par l’effet de la loi, à l’employeur.

  1. c) Durée de protection :

Elle est, comme en droit commun, de 70 ans, ce qui est une durée inutile car trop longue compte tenu de l’espérance de vie d’un logiciel. Point de départ du délai : la création de l’œuvre si le titulaire du droit est une personne morale, le décès du créateur si c’est une personne physique.

  1. d) Droit moral (L 121-7 du CPI) :

En la matière on est plus proche du brevet que du droit d’auteur.

  • Rien sur le droit de divulgation : si le créateur est un salarié on discute quant à savoir si le créateur est dépourvu ou non de cette prérogative.
  • L’article prive expressément le créateur, sauf clause contraire, d’un droit de retrait ou de repentir
  • Le droit au nom est discuté en raison du silence de la loi
  • Pour le droit au respect l’article L 121-7 du CPI se contente de recopier l’article 6 bis de la Convention de Berne : l’auteur ne peut s’opposer à une modification que si elle porte atteinte à son « honneur ou à sa réputation », ce qui n’a pas de sens pour un logiciel. On voir mal comment une modification de logiciel pourrait porter atteinte à l’honneur de son créateur. Autant l’avouer il n’y a pas, concrètement, de droit au respect.
  1. e) Saisie-contrefaçon :

L’art 332-4 est une disposition commune avec les bases de données (à lire). A noter le délai, à fixer par voie réglementaire, pour assigner au fond. Idem en matière de droit d’auteur.

  1. f) Nantissement :

Comme pour le brevet, dont il se rapproche sur ce point, il est prévu par un texte (article L 132-4 CPI), mais il n’est pas utilisé en pratique, la valeur d’un logiciel étant trop instable et éphémère pour inspirer confiance.

  1. g) La loi du 1er août 2006 (DAVSI) :

L’art 15 dispose que les importations depuis un Etat membre de l’Union européenne de logiciels susceptibles de traiter des œuvres protégées et intégrant des mesures techniques de protection doivent faire l’objet d’une déclaration préalable auprès des services de l’Etat chargés de la sécurité informatique, ainsi que de la communication du code source. Le but est de pouvoir contrôler la propagation des logiciels de partage.

  1. C) Autres aspects du régime juridique :
  2. a) Logiciel, oeuvre dérivée :
  • Si l’adaptation est originale le client aura un double droit d’utilisation (œuvre composite) : le 1er sur l’œuvre adaptée, le second sur l’adaptation, dans les limites d’un simple droit d’utilisation ou des droits spécifiés dans le contrat conclu avec le fournisseur
  • S’il s’agit d’une nouvelle version il y a, dès lors que l’adjonction constitue un « effort personnalisé », œuvre dérivée. Un arrêt contestable a affirmé que tel n’avait pas été le cas dans l’espèce soumise (Versailles 4 oct 2001, JCP ed E 2002, 1334, n°1, obs. Sardain).
  • Si le fournisseur fournit une faible adaptation d’un L standard (simple paramétrage et adaptation aux besoins du client) le fruit de l’adaptation appartient au créateur de l’œuvre 1ère puisque le fournisseur n’aura pas fait œuvre originale. C’est ce qui a été opportunément jugé par Paris 14 juin 2006 (GP 18-19 avr 2007, p 41).

NB : le paramétrage est le complètement du programme : ex pour un logiciel de calcul de la TVA il s’agira d’implémenter les taux de TVA.

  1. b) Concurrence déloyale :

Le pillage des idées d’un logiciel est facile. Comme le note M. le Tourneau (Folles idées sur les idées, CCE févr 2001, chr n°4) « il est aisé de modifier l’apparence d’un logiciel en conservant ses fonctions, sa structure, ses performances ». La solution est alors de se protéger par l’action en concurrence déloyale, puisque les idées ne sont pas protégeables en tant que telles par le droit d’auteur (Paris 16 févr 1994, PIBD,III, 309). Récemment la Cour de cassation a précisé qu’en l’absence de similitudes de forme, la reprise des fonctionnalités (idées) était punissable sur le fondement de la concurrence parasitaire (Civ 1ère 13 déc 2005, JCP 2006.IV.1092).

Comme en droit commun il peut y avoir cumul avec concurrence parasitaire : il a été jugé ainsi au motif que le logiciel contrefait avait été intégré dans un processus distinct de proposition commerciale : Paris 9 mars 2005, GP 15-17 janv 2006, p31.

  1. c) Le droit d’agir en contrefaçon :

Lorsque l’auteur du logiciel accorde une licence à certains utilisateurs (ex à des fins pédagogiques) un droit de distribution et/ou de fabrication et/ou de simple usage il faut savoir qui, du concédant ou du licencié, dispose de l’action en contrefaçon. Généralement rien n’est précisé dans le contrat et c’est alors que la qualification revêt son importance. Normalement c’est le propriétaire qui dispose de l’action en contrefaçon, qui, sauf clause contraire,  n’est pas accordée au licencié (CA Paris 4ème ch. B, 4 février 1994 JCP ed. E. 1994, I, n°357, n°4).

Si on adopte la qualification de licence le licencié n’a pas, en principe, le droit d’agir en contrefaçon ; si on adopte une qualification de contrat sui generis ou de droit d’usage il faudra rechercher, opération souvent divinatoire, la volonté des parties.

 

 
 
   
  • 3 : Les licences de logiciel :

Par licence on entend le contrat par lequel le détenteur des droits confère un droit d’utilisation à un utilisateur. Le terme licence est le terme utilisé en pratique ce qui démontre qu’elle raisonne plus en termes de propriété industrielle qu’en termes de Propriété littéraire et artistique. Cette terminologie est au demeurant assez appropriée car il est rare que le client se voit transférer des prérogatives de l’auteur. Le plus souvent il ne s’agit que d’un simple droit d’utilisation, comme pour un licencié de brevet et cela quelles que soient les situations envisagées, pourtant très diversifiées.

  1. A) Diversité des situations :

MARCHE D’ENTREPRISES

Créateur de logiciel   ®  Prestataire de services   ®  Clients

                                             ¬          ¯             ®

        Logiciel spécifique             intégrateur              ASP (voir infra)

®éditeur de logiciel

®archiveur

®centre de données

®fournisseur d’infrastructure (liaison haut débit)

MARCHE GRAND PUBLIC

créateur®distributeur-fabricant®détaillant®utilisateur

                                     (=éditeur de logiciel)

 

  1. Nature juridique de la licence de logiciel (droit d’auteur) :

Bien que l’article L 122-6-3° parle de vente et de location il ne s’agit que d’une commodité de langage qui traduit, le plus souvent, mal la réalité juridique.

  1. a) Une vente :

S’il n’y a pas téléchargement mais acquisition d’un CD Rom la « vente » d’un support matériel ne doit pas faire illusion : l’essentiel n’est pas la vente du support mais le transfert d’un droit d’utilisation. Le support matériel semble n’être qu’accessoire et sans importance pour la qualification.

Indépendamment du support, pour les progiciels, J Huet (Les principaux contrats spéciaux, LGDJ, 1996, n°11127) soutient qu’il s’agit de produits standard ressortissant à la vente, ce qui a pour effet de soumettre les licences de progiciels à la garantie des vices cachés. Cette position est critiquable car une vente suppose, à mon sens, le dépouillement définitif des prérogatives du propriétaire selon l’art 122-6 CPI, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on acquiert un logiciel. De plus une licence de progiciel confère souvent des droits moins étendu à l’utilisateur qu’une licence de logiciel spécifique, si bien qu’on s’éloigne de l’idée de cession (voir May, JCP ed E 2004, 827). Curieuse vente que celle qui confère qu’un simple droit d’utilisation.

Pourtant, une qualification mixte qui ne « gomme » pas l’aspect vente pour le support semble inéluctable malgré tout : quel autre régime juridique appliquer si d’aventure un vice caché affectait le support ?

Un arrêt récent a adopté la qualification de vente, ce qui a conduit les juges à adopter le régime des vices cachés, et notamment le bref délai de l’art 1641 c civ, lequel n’est pas applicable si la qualification de location est retenue (Aix 27 mars 2002, CCE 2002, n° 144, obs Stoffel-Munck). D’autres décisions ont aussi appliqué le régime de la vente, et notamment le régime des vices cachés, pour l’installation de logiciels avec maintenance (hardware + software), ou pour une disquette affectée d’un virus (Bastia 19 déc 2002, Com 15 mai 2001, CCE 2003, n°123). Il existe une vraie tendance en droit positif à appliquer le droit de la vente, ce qui peut s’expliquer par le fait que le logiciel est considéré comme l’accessoire du matériel vendu.

  1. b) Une location :
  • On peut songer à la location d’un droit réel, puisque telle est la nature du droit d’auteur (voir le module introduction). Mais dans une location il y a obligation de restitution, alors que pour une chose incorporelle le service est fourni à titre définitif, généralement sans limitation de durée. S’il est vrai que l’obligation de restitution n’a guère de sens pour une chose incorporelle répliquable à l’infini, l’argument de la durée subsiste. De plus, la location suppose un prix, ce qui ne convient pas aux freewares. Enfin, la location est faite pour un temps limité alors que pour le logiciel le transfert est, le plus souvent, définitif, pour toute la durée de protection du droit d’auteur. Toutefois l’économie du contrat conduit à penser que la qualification de louage est plus satisfaisante que celle de vente (May, préc), ce d’autant plus qu’on observe une tendance à des concessions pour un prix moins élevée avec pour contrepartie une durée limitée (Le Monde, supplément Multimedia 26 avril 2000), ce qui rend alors la qualification de location pertinente. Mais cette qualification n’apporte que peu de précisions quant au régime juridique, car toutes les dispositions du code civil ont été écrites pour la location d’immeubles corporels. Le code civil ne peut donc servir que de « guide indicatif » des règles à appliquer et force est de se référer aux clauses contractuelles prévues entre les parties.
  • Si le logiciel est libre on peut être tenté de dire qu’il n’y a pas de licence puisque toute location suppose un prix. A la vérité logiciel libre ne veut pas dire gratuit ; on peut seulement l’exploiter et l’améliorer librement (il est souvent fourni avec son code-sources). Il reste que la location suppose nécessairement un prix et, en principe, une volonté de limiter la durée des droits concédés, ce qui rend non pertinente la qualification de location.
  • Si le logiciel est spécifique l’aspect travail à fournir interdit qu’on y voie une location ou seulement un droit d’usage.
  1. c) Un droit d’usage :

On connaît, en matière de droit réel corporel, le droit d’usage qui est un démembrement du droit de propriété. Le droit d’auteur étant un droit réel cette qualification est envisageable. Mais, outre que cela n’éclairerait guère sur le régime juridique à appliquer (le code civil est muet sur la question), elle est inadaptée à la réalité. En effet, dans le contrat, le droit de l’utilisateur est souvent réputé incessible, personnel et non exclusif (Voir A et H-J Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, n°686), ce qui s’accorde mal à un droit réel démembré qui est opposable erga omnes (= à tous), exclusif et fondamentalement cessible.

En revanche un droit d’usage, pris comme un droit personnel et non un droit réel, est envisageable lorsque le contrat ne prévoit pas une véritable cession de droits, mais un simple droit d’utilisation. Ce droit personnel d’utilisation, aux contours flous, a été qualifié de service au sens de l’art 216 c consom et de ce fait le délit de tromperie a été applicable (Crim 2 nov 2005, D 2006, 65), chose qui n’aurait pas été possible s’il s’était agi d’un droit réel.

  1. d) Une qualification de contrat d’entreprise :

Une partie de la doctrine y est favorable (Lucas, préc, n° 686 ; mais in Lucas, droit de l’informatique et de l’internet, PUF, Thémis, n°748 et s l’auteur donne sa préférence à la qualification de sui generis). La qualification de prestation de services pour un contrat de commande fait penser à cette qualification (Crim 2 nov 2005, n° 04686582).

Le contrat d’entreprise est le type même du contrat comportant une obligation de faire. La qualification peut donc convenir pour les contrats de commande de logiciels spécifiques. Faute de porter sur un objet corporel le logiciel ne peut que difficilement être soumis à la garantie des vices cachés (même si on en trouve des applications en matière de licence de brevet pour des inventions inexploitables), mais plutôt au droit commun des contrats ; le client insatisfait invoquera la non conformité.

Cependant, ici aussi le résultat est décevant pour deux raisons :

  • le code civil a surtout réglementé le contrat d’entreprise immobilière. Il n’y a pratiquement aucune disposition utile pour les services immatériels
  • cette qualification ne comporte aucune conséquence quant aux droits de l’utilisateur sur le logiciel ; elle occulte complètement cette question, pourtant essentielle.
  • En tout cas, la clause du type, « le logiciel spécifique sera considéré étant la propriété du client » peut ne concerner que la transmission du seul support et non des droits qui y sont attachés. Et si on estimait qu’elle concerne les droits elle semble nulle au regard des exigences de l’article L 131-3. Ce type de clause est un piège pour le client.
  • De même si le logiciel spécifique a été créé à partir d’un progiciel il faudra vérifier que le prestataire de services a acquis le droit d’adaptation sur le progiciel.
  1. e) Une qualification de contrat innomé et sui generis :

De désespoir on ne peut se tourner que vers cette solution qui n’est qu’un pis aller. Il s’agit d’un contrat conférant un droit d’utilisation original, irréductible à un moule juridique connu.

Pour autant cette qualification n’indique absolument pas quelles règles doivent être appliquées. Force est alors de se tourner vers les clauses contractuelles telles qu’elles ont été stipulées. Cependant, lorsqu’il y a achat d’un CD Rom, les conditions générales sont en réalité souvent inopposables car le client ne peut les connaître qu’après avoir déchiré l’enveloppe du support, ou qu’au moment du téléchargement du logiciel, c’est-à-dire qu’après la « vente », alors que l’opposabilité de conditions générales suppose qu’elles aient pu être connues au moment de la conclusion du contrat.

  1. f) Une qualification de prêt :

Pour les logiciels freeware gratuits la qualification de prêt est possible. Il s’agit d’un prêt à usage puisque la chose ne se consomme pas par le premier usage. La jurisprudence a dans le passé admis qu’une chose incorporelle puisse se prêter (voir par exemple le prêt d’une clientèle civile).

  1. g) Conclusion : une qualification variable :
  • En définitive les situations sont très variables. La qualification est d’autant moins facile que, fréquemment, il n’y a pas d’écrit ou un écrit sommaire.
  • Souvent, l’utilisation peut se doubler, quand il s’agit de professionnels, d’un droit de distribution et / ou de fabrication, ce qui renvoie au contrat d’édition.
  • Quant au logiciel spécifique il emporte en même temps droit d’utilisation et contrat d’entreprise
  • Dans les autres cas il faut se référer aux conditions générales, quand il y en a et qu’elles sont opposables
  • Disons que, souvent, une qualification de « cession de droit d’utilisation d’auteur » (Durin, l’offre de contrat de commerce électronique, thèse Strasbourg, 20014, n°282) sera pertinente, ce qui rend applicable l’article L 131-3 CPI. . En fait la diversité des situations concrètes fait que l’emploi du terme « licence », au demeurant non réglementé en matière de droit d’auteur, ne veut rien dire. En droit des brevets on distingue la cession (la vente) d’un brevet, de sa location (licence d’utilisation). En théorie on pourrait faire la même chose en droit d’auteur. Toutefois, en pratique, comme le note le Pr A Lucas, (PLA, préc, p87) il n’y a pas de frontière nette, mais une différence de degré. En effet, il n’est pas d’usage de conférer un droit d’usage pour une durée limitée en droit d’auteur. Les praticiens cèdent généralement les droits pour la durée légale du droit d’auteur, soit à titre exclusif, soit sans exclusivité, ce qui permet alors d’opérer d’autres cessions. Il en va de même en matière de logiciel où les prétendues licences sont en fait, souvent, une cession conférant un droit d’utilisation du logiciel sans exclusivité.
  • Cependant sur internet on rencontre de véritables licences pour une durée temporaire renouvelable (ex pour les antivirus).
  1. C) Quelques problèmes de droit des obligations appliqués aux contrats informatiques :

– S’agissant du dol par réticence il a par exemple été jugé qu’un contrat était nul parce que le contractant n’avait pas informé son partenaire qu’il ne détenait pas les droits sur le logiciel exploité (Civ 1ère 13 déc 2005, n° 03-14003).

– S’il s’agit d’un ensemble contractuel la destruction de l’un des contrats, peut, en raison du lien d’indivisibilité, entraîner la destruction des autres. Il a été jugé, que la résiliation d’une convention de maintenance de  matériels et de logiciels pris en location longue durée auprès d’un organisme de crédit, n’entraînait pas la résolution du contrat de vente, mais sa caducité (Com 5 juin 2007, JCP 2007, 10184).

– Quant à l’obligation de conseil elle dépend dans son intensité de la compétence technique du client (Paris 20 mai 2005, Juris-Data 05-280920).

– S’agissant de l’obligation de délivrance, alors qu’elle est normalement de résultat, elle devient de moyens dès lors que le logiciel à créer est complexe (Paris 10 oct 2005, Juris-Data 05-292205), ou qu’il s’agit d’un système informatique globalement complexe (Com 11 juill 2006, CCE 2007, n°82). Cela montre la spécificité des contrats informatique au regard du droit commun. Dans le même esprit il a aussi été jugé que la délivrance n’est satisfaite que si l’ensemble est en état de marche (Poitiers 1er mars 2005, Juris-Data 05-27226).

Pour un progiciel incapable de passer l’an 2000 (question dite du bug de l’an 2000) on a considéré que ce fait dénote un manquement à l’obligation de délivrance (Bordeaux 2 mai 2006, Dt de l’Immat nov 2006, 49 ; Com 22 janv 2008, n ° 07-11.050). Cela étant il est parfois difficile de distinguer l’action en non-conformité (mauvaise délivrance) de l’action en garantie des vices cachés, ce qui peut engendrer un rejet de l’action mal aiguillée : il a été jugé que le dysfonctionnement d’ordinateurs ne relevait pas de la délivrance : Com 24 avr 2007, GP 20-22 janv 2008, p32.

Quant à l’absence de délivrance elle est considérée comme le manquement à une obligation essentielle dont la sanction est l’inopposabilité de la clause limitative de responsabilité stipulée au contrat (Com 13 févr 2007, n°05-17407).

– S’il y a un mauvais fonctionnement il sera en revanche souvent délicat de juger s’il s’agit de la méconnaissance de l’obligation de conformité (= obligation de délivrance) ou de la garantie des vices cachés. En tout cas l’aptitude du logiciel à produire le résultat attendu relève des vices cachés (Com 4 janv 2005, n°03-17119).

On peut aussi songer à invoquer la responsabilité du fait des produits défectueux. Mais une réponse ministérielle a précisé que les opportunités de l’appliquer sont faibles car cela suppose une atteinte directe à la sécurité des personnes ou des biens.

  1. D) Forme du contrat :
  • Depuis un arrêt de 2006 un contrat informatique n’a plus à respecter les conditions de cession détaillées de l’article L 131- 3 CPI (durée, territoire etc…). Cependant, comment prouver de tels éléments autrement que par écrit ? En pratique il est en tout état de cause conseillé de respecter les mentions exigées par cette disposition dès lors qu’il y a cession des prérogatives d’auteur (art 122-6) et non pas simple droit d’usage transmis au client.
  • Il s’agit là des simples conditions de preuve et non de forme. Si la preuve est civile et non commerciale, l’absence d’écrit signifie donc que la preuve de la cession ne peut s’établir que par un commencement de preuve écrit augmenté par des éléments extérieurs tels que témoignage et présomptions ; à défaut la cession est réputée n’avoir pas eu lieu.
  1. E) Les logiciels libres (par ex licence LGPL) :

C’est souvent une fausse gratuité. Seul le freeware l’est alors que pour le shareware il y a un paiement modeste après une période d’essai. En fait le terme juste est celui d’open source, free étant un terme ambigu car signifiant aussi gratuit.

La philosophie du logiciel libre est d’avoir une contrepartie qui consiste à obliger le licencié à communiquer les développements et à signaler les bogues afin d’en faire profiter la collectivité des internautes. Il y a souvent un leader autoproclamé du projet qui a pour devoir moral de faire évoluer le produit et de lancer de nouvelles versions. Avec ce système les logiciels sont lancés dans un état très imparfait (ce que ne pourrait pas faire un éditeur dans le secteur marchand), mais ils évoluent très rapidement.

Les entreprises recourent de plus en plus aux logiciels libres.

Avantages : débugage rapide, rapide évolution du logiciel, forte opérabilité (interfaces ouvertes à base de standards internationaux) et flexibilité, réactivité immédiate en cas de cybercriminalité (ex virus). Inconvénients : l’open source peut se retourner contre les entreprises car les adaptations du logiciel n’appartiennent pas au développeur selon la licence LGPL, ce qui fait qu’il ne pourra transmettre les droits dessus à son client.

Certaines licences sont dites « copyleft », (ex Linux) ce qui signifie que l’auteur d’une adaptation (l’open source est destiné à favoriser les adaptations) s’engage à ce que son adaptation soit elle-même libre de droits, par opposition aux logiciels libres qui peuvent être non copyleftés, ce qui signifie alors que l’auteur d’une modification pourra protéger le programme dérivé sans avoir à reverser quoi que ce soit à la communauté du logiciel premier[14].

Lorsqu’il y a une adaptation s’agit-il d’une œuvre de collaboration ? Non car il n’y a pas d’unité de temps dans l’élaboration des différentes composantes du logiciel. Il s’agit donc d’une œuvre composite.

Les logiciels libres comportent des clauses de non garantie. Ces clauses sont en principe valides à l’égard des professionnels, mais les moyens ne manquent pas pour les rendre inopposables (voir module exécution du contrat). Il se pourrait que la philosophie des licences libres conduise les tribunaux français, s’ils étaient saisis, à faire preuve de mansuétude à l’égard de ces clauses.

Souvent la licence désigne un droit étranger (voir Rojinsky et Grynbaum, les licences libres et le droit français, Propriétés intellectuelles, juillet 2002, 28), ce qui au regard de la Convention de Rome pose problème envers un consommateur (voir module DIP), de même d’ailleurs que la rédaction systématique en anglais au regard de la loi Toubon sur l’usage obligatoire de la langue française.

On observera que les logiciels libres sont symptomatiques d’une contre culture sur internet. Alors que le droit d’auteur s’est construit sur un modèle commercial, à savoir une cession de droits contrepartie d’une rémunération, internet fait souvent appel  à un modèle de partage des créations, de gratuité, de renonciation au droit d’auteur sur les évolutions : outre les logiciels libres, les jeux vidéo de type MMOG (jeux en ligne massivement multi joueur), les créations de Propriété littéraire et artistique mises en ligne sur des sites du type wikipedia en sont le témoignage.

  1. F) Les ASP (application service provider = fournisseur d’applications hébergées) :

Ce sont des services informatiques comprenant des services et des droits d’utilisation. Les logiciels ne sont pas installés sur le serveur du client mais sur celui de l’ASP.

En France l’infogérance par externalisation se fait encore souvent, au moins en partie, sur le site du client et non pas directement dans les centres de traitement des SSII.

Avantages : le client n’a pas à entretenir un service informatique, et, donc, il n’a pas à assumer la maintenance de son système informatique. Souvent l’ASP s’inscrit dans la perspective de l’infogérance, c’est-à-dire d’une externalisation des services informatiques.

Grâce à l’ASP, par exemple un avocat, via une liaison internet haut débit, va pouvoir se connecter de Hong-Kong à son cabinet à Londres et avoir accès à ses dossiers, ce qui suppose un archivage crypté et sécurisé.

Autre exemple : l’établissement principal d’un groupe mondial pourra gérer l’ensemble de ses personnels, dans toutes ses filiales au monde, depuis le siège. Cela suppose de la création de logiciels spécifiques, de l’intégration pour assurer l’interopérabilité entre les logiciels (= travail réalisé par un intégrateur), de la maintenance car il faut faire évoluer les logiciels, une hot line pour gérer les bogues et les pannes.

Plus encore que pour la fourniture d’un système informatique évolutif, l’ASP fait que le client est très dépendant de son fournisseur, di bien qu’il est quasi « enchaîné » à lui[15] ; C’est pourquoi le contrat doit prévoir la restitution (outsourcing) des éléments externalisés, tant ab initio qu’enrichis[16].

 

Section 2 : La qualification  de l’œuvre multimédia (=M)

 

Définition : une œuvre Multimédia est une  création regroupant sous forme numérique, du texte, et (ou) des images, animées ou non, et (ou) du son, mais, dans tous les cas avec une interactivité possible.

La qualification d’une telle œuvre est délicate en raison de la diversité des contenus. Il faudra sans doute se garder d’adopter une qualification unique (Lamy, Droit de L’informatique et des réseaux, n° 408) qui vaudrait pour n’importe quelle œuvre Multimédia ; la diversité de contenu entre, par exemple, un CD-rom de  musée, utilisant à titre principal des images fixes, et un DVD, qui pour L’essentiel est un film cinématographique, rend une unicité de qualification difficilement réaliste. En fait la qualification de l’ensemble (§2) dépend du contenu (§1) et de la méthode de qualification (§3) que l’on choisira.

 

  • 1 : Qualification en fonction d’un élément du contenu :

Il est logique de songer à qualifier l’œuvre Multimédia en fonction des éléments qui la composent

  1. Images fixes :

On l’oublie trop souvent en doctrine, une œuvre Multimédia peut contenir des images fixes, notamment de personnes humaines (droits de la personnalité) ; les CD Rom de musées pourraient emprunter cette qualification en raison du grand nombre d’images utilisées. Mais cette solution est à éliminer car il faut qualifier en fonction des auteurs de l’œuvre et non des sujets de l’œuvre.

 

  1. Droit d’auteur :

Des données informatiques peuvent être originales et être couvertes par le droit d’auteur. Il a été jugé dans une affaire (Paris 28 avriL 2000, RIDA janv 2001,314) que l’auteur  à qui on avait commandé 7 CD Roms de vulgarisation artistique, était le seul créateur intellectuel et donc le seul détenteur des droits. En l’espèce cette seule qualification avait suffi à résoudre le litige qui était de connaître le titulaire des droits. Dans l’affaire Chantelle (voir infra) les premiers juges avaient adopté la qualification de droit d’auteur puisque la saisie avait été fondée sur la violation du droit de représentation de l’article L 122-4. Mais la Cour d’appel a été approuvée d’avoir écarté cette qualification au profit de celle de logiciel. En l’état actuel de la jurisprudence il semble donc que cette qualification doive être rejetée.

Il semble qu’il faille pareillement repousser la qualification plus spéciale, au sein du droit d’auteur, d’œuvre audiovisuelle car elle ne tient pas compte de l’interactivité du logiciel qui permet de rompre avec la linéarité du défilement de l’image (voir La note de X Linant de Bellefonds sous Paris 16 mai 1994, JCP 1995, 22375).  La cour de cassation (Civ 1ère 28 janv 2003, JCP 2003.IV.1495) a rejeté le pourvoi arguant d’une qualification d’œuvre audiovisuelle, au motif que la Cour d’appel avait pu retenir que « l’absence de défilement linéaire » et la « succession non de séquences animées d’images mais de séquences fixes pouvant contenir des images animées » permettaient d’écarter la qualification d’œuvres audiovisuelles. Qui plus est cela suppose que l’œuvre Multimédia comporte des séquences d’images animées, ce qui peut ne pas être le cas. Cependant, pour les DVD, la qualification d’œuvre audiovisuelle paraît la plus proche de la nature des choses.

 

  1. Logiciel (=L) :

Il n’y a pas d’oeuvre Multimédia sans logiciel, car c’est lui qui va permettre l’interactivité entre l’internaute et l’oeuvre

Un arrêt de la chambre criminelle Crim 21 juin 2000, JCP ed E 2001, 312, Sardain, a peut-être opté pour cette qualification, à propos d’un jeu vidéo. Idem pour Caen 19 déc 1997, PA 17 nov 1999, 12, note Treppoz. Mais contra TGI Nanterre 26 nov 1997, JCP ed E 1998, 805, obs vivant et Le Stanc, ainsi que Paris 20 sept 2007 (Dt immat nov 2007, p20).

Il est permis de ne pas approuver cette qualification. Non seulement elle fait l’impasse sur le droit de représentation (ce droit n’existe pas en matière de logiciel) alors que l’effet visuel est le but même du jeu vidéo, mais encore elle privilégie ce qui n’est pas une finalité en soi mais seulement un moyen technique pour parvenir à l’interactivité.

Toujours est-il qu’on peut se demander si cette qualification n’est pas celle qui est adoptée par la Cour de cassation, puisque, dans une autre affaire, la même qualification de logiciel a été privilégiée. Affaire Chantelle (Civ 1ère 25 janv 2000, Expertises janv 2001, 19, obs Pannaleux) : il s’agissait de contrefaçon de données numérisées relatives à une méthode de fabrication de soutien gorges (dessins assistés par ordinateur). La motivation est intéressante : « après avoir retenu que la saisie avait été demandée sur le fondement de l’article L 122-4 CPI, Chantelle invoquant la contrefaçon de données originales contenues dans des fichiers informatiques, la cour d’appel a justement décidé que la saisie portant sur de telles données devait être mise en œuvre selon les modalités spécialement prévues en matière de logiciels par l’article L 332-4 ». Pour l’anecdote, indiquons que la saisie n’a toutefois pas été annulée, la Cour faisant valoir que la modification de fondement juridique ne causant aucun grief au saisi. On ne sait si la cour de cassation a voulu considérer qu’il s’agissait de droit d’auteur, de base de données ou de logiciel (on ignore si les données étaient constitutives d’une base de données), mais il semble bien que la qualification de logiciel ait été prise en compte dans la mesure où le pourvoi reprochait aux juges du fond d’avoir pris en compte l’article 332-4 au titre du logiciel alors que Chantelle n’invoquait que le droit d’auteur.

 

La qualification de logiciel est favorable du point de vue de l’exploitant car le droit moral du créateur y est très réduit ; pour le logiciel on se demande même s’il existe un droit à la paternité. Et si on l’admet, la qualification éventuelle d’œuvre collective, fréquemment retenue pour les logiciels, fait que c’est la personne créateur de l’œuvre collective qui doit  nommée (TGI Nanterre 15 mars 2004, Légipresse 2004.I.101) ; toutefois, dans une autre décision il a été décidé de désigner aussi le nom des contributeurs (TGI Senlis 23 janv 2004, Légipresse 2004.I.77) de l’œuvre collective.

De plus, avec la qualification de logiciel le titulaire des droits est ipso facto l’employeur et non pas le créateur. Cela permet aussi une rémunération forfaitaire du créateur (L 131-4 5°).

Cette qualification fait aussi que la rémunération équitable pour copie privée n’est pas applicable, puisqu’il n’y a pas de droit à la copie privée en matière de logiciel (CE 25 nov 2002, Légipresse 2003.I.7).

 

Il y aura des cas où la qualification sera difficile pour des questions de frontières. Quid d’un film tourné comme un jeu vidéo et réalisé entièrement avec des images de synthèse. Est-ce une œuvre audiovisuelle ou un logiciel ?

 

Les incertitudes subsistent : il semble, au fond, que les juridictions hésitent à qualifier de logiciel un jeu vidéo : Paris 20 sept 2007 (CCE 2008, n°51, Caron) affirme que ce serait réducteur. La cour avait aussi écarté la qualification d’œuvre audiovisuelle.

 

  1. Base de données (=BD) :
  • La définition très large de la Base de Données permet d’y englober l’œuvre Multimédia (article 112-3)
  • La qualification semble convenir par ex pour les Encyclopédies, pour les CD Rom de musées qui sont des compilations structurées. Elle aurait pu aussi convenir dans l’affaire Chantelle, car des données structurées sont topiques de l’existence d’une Base de Données, mais implicitement la motivation de la Cour de cassation écarte la qualification de base de données.
  • Les frontières sont floues et il y a des recoupements entre droit d’auteur, Base de Données et Logiciel. En effet, d’une part une Base de Données peut contenir des données originales, d’autre part, elle ne peut devenir interactive que grâce à un Logiciel

La définition de la Base de Données (article L 112-3 Code de la Propriété Intellectuelle) suppose l’existence d’éléments indépendants, ce qui était peut-être le cas dans l’affaire Chantelle. La Cour de cassation ne l’a cependant pas retenue, en dépit de la préférence qu’une doctrine autorisée lui voue (Mallet-Poujol, La création multimedia et le droit, Droit Litec, n°442 et s). Il est dommage qu’à ce jour aucune décision n’ait retenu cette qualification alors qu’elle semble pouvoir correspondre à tous les types d’œuvres Multimédia, à l’exception cependant des DVD de films pour lesquels une qualification d’œuvre audiovisuelle est plus naturelle. Mais il est vrai que le régime juridique des Base de Données est très incomplet et beaucoup moins structuré que celui du droit d’auteur ou du logiciel.

  • 2 : Qualification du tout :

Ici on va chercher à qualifier le tout, sans tenir grand compte des éléments contenus dans l’œuvre. Ces qualifications globales se combinent, c’est-à-dire s’ajoutent, aux qualifications du contenu examinées précédemment. Enfin, entre elles, ces qualifications globales peuvent tantôt se cumuler (b), tantôt ne pas se cumuler (a).

 

  1. A) Qualification alternative :

oeuvre de collaboration ou œuvre collective

Ces 2 qualifications sont alternatives car elles  ne peuvent se cumuler

      Œuvre de collaboration :

Les oeuvres audiovisuelles sont ipso facto des oeuvres de collaboration et non des oeuvres collectives a affirmé, à titre de principe, la C cass. en 1994 (Civ 1ère 26 janv 1994, RIDA oct 1994, 433 et 474).

Si cette qualification est retenue les conséquences seront celles que l’on a envisagées dans la partie titularité des droits. Force est de constater que la plupart de ces conséquences ne facilitent pas l’exploitation d’une œuvre Multimédia, ces inconvénients pouvant cependant être traités par une bonne pratique contractuelle.

TGI Paris 30 janv 2002 (Prop intellect 2002, n°5, 117) a retenu cette qualification pour un jeu vidéo. Idem Paris 20 sept 2007, Droit immatériel nov 2007, 20).

      Œuvre collective (113-2 al 3) :

Cette qualification a été retenue dans l’affaire Vincent (Versailles 18 nov 1999, D 2000, Somm 206, obs Hassler, Lapp), rendue à propos d’un jeu vidéo

Elle emporte différentes conséquences (voir la titularité des droits), mais elle n’est pas possible si l’œuvre Multimédia est qualifiée d’oeuvre audiovisuelle.

Le juge devra rechercher, au cas par cas, au travers des critères déterminés, avec plus ou moins de rigueur par la jurisprudence, sur la base textuelle de l’article 113-2 al 3, si on est en présence ou non d’une œuvre collective. Il existe une grande imprévisibilité des solutions, ce qui est néfaste pour la sécurité des affaires.

Toutefois, l’impression générale qui se dégage est que, si on écarte les ressemblances avec les films, l’oeuvre collective se caractérise par un moule commun dans lequel vont se fondre les contributions.

La qualification d’œuvre collective est une exception en droit français puisqu’elle attribue la titularité des droits à une personne morale et non à des personnes physiques. C’est donc la personne morale qui est censée être la créatrice de l’œuvre, l’auteur conservant le droit d’exploiter séparément sa contribution. Cette conséquence facilite l’exploitation de l’œuvre, avantage qu’il ne faut pas surestimer, car l’exploitation d’une œuvre de collaboration dont les contrats ont été bien rédigés n’est pas plus difficile, la pratique du secteur cinématographique étant là pour l’attester. Toutefois, l’avantage de la qualification d’œuvre collective est clair lorsqu’il s’agit de récoler les droits en vue d’une exploitation multimedia à partir d’œuvres préexistantes.

  1. B) Qualification supplémentaire éventuelle : œuvre composite :
  • Art 113-2 : c’est «l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière». Ce sera souvent le cas pour le Multimédia. Chaque auteur sera auteur indépendamment de l’autre, mais le créateur de l’œuvre Multimédia dérivée devra préalablement s’être fait accorder les droits préexistants.
  • L’oeuvre composite est souvent une œuvre dérivée, dont l’adaptation est l’application la plus fréquente
  • S’il y a œuvre de collaboration pour l’œuvre adjointe il y aura aussi, en même temps œuvre composite, c’est-à-dire qu’on aura ajouté une création nouvelle à une œuvre préexistante, d’où la nécessité du consentement de l’auteur de l’oeuvre préexistante.
  • Si l’œuvre ajoutée est une œuvre collective il faut distinguer
  • Pour les sociétés d’auteurs SCAM et le SESAM l’accent doit être mis sur le contenu et non sur a globalité. Ces sociétés parlent de programme multimédia et non d’œuvre multimédia.

Il en découle qu’en insistant sur le contenu il faut que le fabricant obtienne l’autorisation d’adapter les contenus, puisqu’il y a œuvre composite

  • Pour les éditeurs l’œuvre collective entraîne une fusion telle que ce qui importe est le résultat et non plus les composants. Le but est alors d’effacer le caractère composite pour privilégier la fusion et le caractère collectif de l’œuvre. Il en résulte que le SESAM n’a plus à intervenir au motif que les composants perdent leur identité et qu’iL n’y a pas d’œuvre composite possible.
  • Cette analyse est fausse car il n’y a pas de fusion à partir de néant, mais à partir de contributions préexistantes Þ il faut acquérir le droit d’adaptation. L’astuce a été éventée (TGI Paris 13 sept 1999, CCE 2000 n°74, obs Caron) : à propos d’un CD Rom il a été jugé que le titulaire de droits sur une œuvre collective ne saurait exploiter librement les œuvres préexistantes

En définitive une œuvre Multimédia peut donc être une œuvre collective ou une œuvre de collaboration, à quoi il faudra ajouter, parfois, la qualification d’oeuvre composite. Si une œuvre audiovisuelle est impérativement une oeuvre de collaboration, une autre qualification en fonction du contenu (Base de Données, droit d’auteur ou logiciel) peut, selon chaque cas d’espèce, participer en même temps de la qualification d’œuvre d’œuvre de collaboration ou d’œuvre collective.

  • 3 : Méthodes de qualification :

Nous sommes en présence d’une pléthore de qualifications possibles et la poule a bien du mal à retrouver ses poussins. Non seulement les qualifications partielles se chevauchent entre elles (ex entre droit d’auteur et Base de Données), mais encore il faut y ajouter une ou deux qualifications globales. Il est donc important de rechercher une méthode pour ordonner et combiner entre elles les qualifications.

  1. A) Suivant le critère l’accessoire suit le principal :

La qualification de l’ensemble dépendra alors de l’élément essentiel formant le contenu de l’œuvre. L’essentiel de l’œuvre Multimédia peut être :

  • Une base de donnée ex un CD Rom ou un DVD de musée
  • Un logiciel. Nous avons déjà dit que cette qualification unitaire semble avoir été adoptée par la C cass pour les jeux vidéo.
  • Au sein de la famille du droit d’auteur, une œuvre audiovisuelle. Un film, même interactif (ex DVD) reste avant tout un film et la qualification d’oeuvre audiovisuelle semble s’imposer en pareil cas. Il n’en irait autrement que si la structure du film était déformée. S’il est vrai que la Civ 1ère 28 janv 2003 (JCP 2004, 1099, n°7) a refusé la qualification d’œuvre audiovisuelle il s’agissait d’un cas où étaient en jeu des séquences fixes pouvant contenir des images animées.

Cependant affirmer qu’un DVD est fondamentalement, « à titre principal », une oeuvre audiovisuelle est méconnaître l’interactivité et la spécificité que lui confère le L.

  • Si le critère du principal paraît relativement pertinent pour un DVD, il l’est beaucoup moins pour un jeu vidéo, qui, selon la jurisprudence, ressortit plus au logiciel, ou pour un CD Rom de musée dont la familiarité avec la Base de Données est plus évidente
  • Il ne semble pas que le critère du principal puisse entraîner un régime juridique unique pour toutes les œuvres M. Il le peut d’autant moins que certaines œuvres Multimédia seront collectives et d’autres de collaboration.
  • Enfin le critère du principal est encore à repousser en ce qu’il est fruste. Faire suivre le régime juridique du principal à un élément accessoire qui a une autre nature que lui conduit à des solutions peu « fines », déformantes, peu adaptées au problème concret posé. C’est ainsi par exemple que dans l’affaire Vincent (préc) il eût été peu opportun d’appliquer le régime juridique du logiciel à une problématique de réalisateur d’images audiovisuelles et il faut savoir gré à la cour d’appel de n’avoir pas recouru en l’espèce à la qualification de logiciel.

 

  1. B) Qualification distributive selon le contenu (=qualification mixte) :
  • Il est possible d’appliquer le régime juridique propre à chaque contenu. Prenons l’exemple d’un CD Rom de musée
    • Si c’est sur une série de photos qui sont extraites on utilisera les règles des bases de données.
    • Le logiciel pour un problème affectant la titularité des droits sur le logiciel
    • Si une personne prétend qu’il fallait son autorisation pour diffuser on se référera au contenu dont elle prétend avoir les droits : droit à l’image ou droit d’auteur pour savoir s’il faut une autorisation d’exploitation conforme aux règles du CPI ou si on peut se contenter d’une autorisation tacite
  • Mais parfois ce sera impossible et seule une qualification plus globale permettra de trancher la question posée. Par exemple : quelle durée appliquer au tout dès lors que les contenus ont des points de départ de durée différents ?
  • En Belgique (Bruxelles 12 déc 1995, IRDI 1996, p89) un arrêt a admis pour un jeu vidéo la double qualification de logiciel et d’œuvre audiovisuelle, avec application distributive selon que sont en cause les codes du logiciel ou les images.

La solution doit être, à notre sens, pragmatique : on adoptera une qualification globale ou on ira chercher une qualification distributive selon la nature du problème posé.

 

 

Titre II : LA GESTION DES DROITS D’AUTEUR :

Le monopole a été créé pour permettre aux auteurs de vivre de leur art, de le rentabiliser. A eux de conclure des contrats qui leur permettront d’être rémunérés (chap1). Mais parfois la technique contractuelle est impossible à appliquer concrètement. Imagine-t-on un auteur faisant le tour des boîtes de nuit, contrat de diffusion à la main, compter le nombre de diffusions de son oeuvre ? Il est des cas où une gestion collective s’impose (chap 2).

 

Chap 1 :  LA GESTION PAR CONTRATS :

On le sait, les contrats réglementés par un code ne forment pas le lot des seules conventions possibles. Contrairement au droit romain il n’y a pas de numerus clausus. Les parties sont libres de créer d’autres contrats, en fonction de leur volonté. C’est ainsi que pour internet de multiples contrats de prestations de services, qui seront étudiés ailleurs, sont apparus spontanément : ex le contrat de fourniture d’accès ou d’hébergement. Pour ce qui concerne les contrats de la Propriété littéraire et artistique il existe aussi des contrats plus ou moins innommés : par exemple les contrats d’intégrateur de logiciel en informatique, la licence de logiciel lorsque la mise à disposition est limitée dans le temps, les contrats de distribution dans la musique (voir Bouvery, Les contrats de la musique, Irma ed) etc…Mais, souvent les contrats conclus sont ceux qui sont nommés et réglementés dans le CPI. Nous envisagerons les règles applicables à tous les contrats (SI), celles qui forment le droit commun de tous les contrats de la Propriété littéraire et artistique, avant que d’étudier les contrats nommés dans le CPI (SII).

Section 1 : Les règles générales applicables aux contrats de la Propriété littéraire et artistique :

Sont en cause les articles L 131-3 à L 131-8, regroupés au sein d’un chapitre I inséré dans le titre III dévolu à l’exploitation des droits. Ces articles constituent le droit commun des contrats d’auteur : ils s’appliquent à tous les contrats comportant des droits d’auteur, qu’il s’agisse de contrats réglementés ou sui generis. On distinguera des dispositions de preuve et des dispositions de fond.

  • 1 : Dispositions de preuve :
  1. A) L 131-2 :

Seuls les trois types de contrats visés à l’article L 131-2 CPI (représentation, édition, production audiovisuelle) doivent être conclus impérativement par écrit : celui-ci est, selon la doctrine dominante et en dépit du libellé de l’article, une simple règle de preuve et non une règle de forme. Cela signifie que s’il n’y a pas d’écrit le contrat n’est pas nul, mais doit être prouvé suivant les règles du droit commun, et, notamment, entre personnes civiles (ce que sont les auteurs) commencement de preuve par écrit étayé par des témoignages ou présomptions (adminicules extrinsèques à l’acte). Mais parfois la jurisprudence contourne les règles de preuve pour appliquer une solution d’opportunité : elle déduira, et pas seulement dans les litiges entre commerçants où la preuve peut se faire par tout moyen, la portée de la cession des seules circonstances de fait particulières au litige : c’est alors l’interprétation de la volonté des parties au contrat qui vient déterminer la portée de la cession. Cette position peut se justifier qu’il ne s’agit pas toujours de prouver l’existence d’un acte juridique entre les parties au contrat, mais, souvent, entre des litigants qui ne sont pas toujours cocontractants, de prouver le contenu d’un contrat intervenu entre d’autres personnes (par ex entre l’auteur et le bénéficiaire initial des droits). Mais il existe aussi un courant jurisprudentiel opposé, il est vrai antérieur à l’arrêt précité de 2006, et dont on peut se demander s’il perdurera, qui affirme qu’aucune cession ne peut être implicite et doit nécessairement supposer une clause explicite de cession (voir par ex Paris 16 novembre 1992, PIBD 1993.III.141). En tout cas, sous couvert d’interprétation de la volonté des parties il ne s’agit pas d’autoriser une exploitation illimitée : le principe de l’interprétation restrictive des cessions, l’existence de l’article L 122-7 selon lequel la cession du droit de représentation n’emporte pas celle du droit de reproduction, fait, par exemple, qu’il a été jugé que la cession sur un cliché publicitaire pour des posters et chemises ne vaut pas pour un autre support (Civ 1er 21 novembre 1995, Bull I , p294).

Dans les autres cas de contrats comportant une cession de droits, l’écrit, par exemple pour un contrat de commande ou un contrat d’adaptation, est a fortiori une simple règle de preuve. Le défaut d’écrit n’entraîne pas l’annulation du contrat, mais exige de prouver autrement l’existence de l’accord, en suivant les règles du droit commun. Par exemple dans les relations entre commerçants où la preuve peut se faire par tous moyens, à propos d’un contrat de commande, la preuve de la cession du droit de reproduction résulte de l’autorisation antérieure, du fait de relations d’affaires suivies, de dupliquer les modèles fabriqués : Com 5 nov 2002, GP 16-17 mai 2003, p 29 ; la portée de la cession est alors implicite. Mais dans les actes mixtes, la preuve d’une cession contre l’auteur supposera l’existence d’un commencement de preuve par écrit étayé par des présomptions de fait ou des témoignages.

  1. B) L 131-3 :

Mais il ne s’agit pas seulement de prouver l’existence du contrat conformément à L 132-2 ; il faut encore en prouver le contenu, et notamment la portée de la cession de droits. A cet égard un autre article interfère, à savoir l’article L. 131-3 : « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ». Et si les règles de l’article L. 131-2 sont des règles de preuve et non de forme (voir MM Lucas, préc. , n°572 et s., et les références citées), la jurisprudence sanctionnait la violation de l’article L.131-3 par la nullité relative de la clause. Cela prouve que l’article L. 131-3 fonctionnait de manière indépendante de l’article L. 131-2 ; tous les contrats, même ceux non cités à l’article L.131-2, quels qu’ils soient, comportant une cession étaient soumis à son application, et que la jurisprudence avait loisir, comme elle le faisait de sanctionner la violation du texte par la nullité relative de la clause. Et l’article L. 131-3 jouait même entre les cessionnaires successifs de droits, c’est-à-dire entre sociétés et non pas seulement entre la personne physique créatrice et son cessionnaire commanditaire ou employeur (voir MM Lucas, préc., n°581).

Les questions de libellé des clauses de cession sont un des aspects les plus importants dans la pratique. En particulier, pour internet, il faut envisager la cession pour ce mode d’exploitation nouveau ; cela résulte de l’exigence de l’article L 131-3 qui indique la « destination de l’œuvre ». On s’aperçoit, au demeurant, que dans les contrats la clause de cession est souvent la plus détaillée : on prévoit les supports, les modes d’exploitation etc…Un nombreux contentieux a concerné la reproduction des articles de journalistes sur les journaux en ligne. Les journalistes ont eu gain de cause ; dans ces litiges il fallait tenir compte des contrats de travail, de la convention collective et de dispositions du code du travail et du CPI.

Ces mentions s’appliquaient à tous les contrats comportant une cession de droits[17]. Mais un revirement est intervenu : désormais cet article ne vise que les trois contrats de l’article L 131-2[18]. Cela démontre le recul de l’article L. 131-3, dont l’importance avait déjà décliné depuis l’arrêt Perrier des années 1990 : l’article L 131-3 ne concernait plus que le rapport avec l’auteur et non pas les contrats en aval, par exemple à un cessionnaire ou à un sous-traitant : la chambre commerciale a réitéré sur ce point la jurisprudence Perrier de 1993 (Com 5 nov 2002, PI 2003, n°5). Pour ceux-ci le droit commun de la preuve s’applique, sous réserve des autres dispositions du CPI. Normalement il faudrait donc exiger une preuve écrite en matière civile au-dessus de 1500 €. En fait les juges se contentent souvent d’une cession implicite. On peut expliquer l’attitude jurisprudentielle par le fait qu’il s’agit moins de prouver l’existence d’un acte entre les parties, mais plutôt le contenu de l’acte, auquel cas la preuve est libre. De plus le litige n’oppose pas toujours les parties au contrat mais l’auteur à un tiers (par exemple si l’auteur a cédé ses droits à l’agence qui les a rétrocédé à l’annonceur, le litige entre ces derniers et l’auteur n’oppose pas des cocontractants), si bien, dans ce cas, que la preuve peut être rapportée par tout moyen. Il n’en demeure pas moins que les juges ne déroulent pratiquement jamais le raisonnement théorique à tenir normalement : s’agit-il, en matière civile, de prouver entre les parties au contrat, l’existence d’un acte juridique au dessus- du seuil légal…et d’exiger, à défaut d’écrit, l’exigence d’un commencement de preuve étayé par des éléments extrinsèques.

La cession implicite suffit donc le plus souvent. Il a par exemple été jugé que le support vidéodisque et vidéogramme inclut le DVD (Tb com Paris 24 sept 2003, Légipresse 2003.I.154). La portée de la cession sera fonction des circonstances de fait, mais surtout de la volonté des parties et de l’économie du contrat. En l’absence de mention écrite c’est elle, qui prévaut, étant cependant précisé que, par protection pour l’auteur, la cession est toujours d’interprétation restrictive. On a aussi pu déduire la portée d’une cession à partir du montant de la facture (Paris 12 mai 2006, Prop Intellect 2006,446). La cour de cassation a quant à elle jugé que l’utilisation de clichés de magazine à des fins promotionnelle dudit journal est licite (Civ 1ère 15 mai 2002, CCE 2002, n°84, obs Caron). Restrictif ne veut donc pas dire que toute reproduction sur un autre support (ex internet) est illicite : la « destination » peut englober plusieurs supports, implicitement.

Mais en cas de doute quant à la portée de la cession l’absence de cession l’emportera : par ex, pour une brochure publicitaire, l’absence de description de la destination fait qu’un usage autre que la diffusion de ladite brochure sera considéré comme contrefacteur (Civ 1ère 12 juill 2006, Prop Intellect 2006, 446). De même la cession de droits pour une encyclopédie n’emporte pas le droit pour une version sur CD Rom ; la solution est logique car il s’agit d’un autre marché commercial.

En définitive il est souvent difficile de prouver autrement que par écrit la portée d’une cession, surtout lorsqu’il y a redivulgation sur un nouveau support, notamment internet ; l’écrit demeure la meilleure des solutions. On ne peut que conseiller de se ménager, dans tous les cas, une preuve écrite, car, à défaut, il sera difficile de prouver la portée de la cession. Finalement, même non applicable, l’ombre de l’article L 131-3 subsiste. Mieux vaut le respecter.

En cas d’absence de preuve de la cession, les droits ne sont pas transférés (mais la sanction ne devrait plus être la nullité de la clause. Toutefois, s’il ne manque que la durée de cession la jurisprudence considère que la cession vaut pour la durée légale des droits d’auteur (Civ 1ère 22 mars 1988, RIDA juill 1988, 106).

Si un commanditaire n’est pas parvenu à faire la preuve de la cession de droits peut-il invoquer que le professionnel devait, en raison d’une obligation de conseil, attirer son attention sur les conséquences de l’absence de cession ? La cour de cassation ne l’a pas pensé (Civ 1ère 3 avr 2007, JCP 2007.IV.1976).

  1. C) L 131-9 :

L’article L 131-9 CPI, nouvellement créé en 2006, dispose que le producteur doit mentionner dans le contrat l’éventuel recours à des mesures techniques de protection, mais aucune sanction n’est prévue par le texte.

  • 2 : Dispositions de fond :

Deux articles sont pratiquement impossibles à respecter en pratique. Heureusement ils ont donné lieu à peu de contentieux, si bien que leur suppression éventuelle n’est pas une question urgente. Les autres dispositions sont plus classiques.

  1. La quadrature du cercle :
  2. a) Article L 131-6 : l’exploitation sous une forme non prévisible à la date du contrat :

Prenons un mode d’exploitation comme internet. Les contrats de cession de droits antérieurs à 1995 ne pouvaient prévoir une cession pour ce mode d’exploitation puisque internet n’existait pas en tant que marché.

Cependant, dans le secteur de l’audiovisuel, beaucoup de contrats prévoyaient des clauses de cession pour tout support présent ou futur, ce qui englobait alors l’internet.

A supposer que la cession vaille aussi pour l’internet la clause doit stipuler une participation corrélative aux profits d’exploitation. C’est là que le bât blesse puisque généralement le contrat prévoit une rémunération proportionnelle au chiffre d’affaires et non aux profits. Pour bien faire il faudrait donc stipuler ce mode de rémunération particulier pour les modes d’exploitation futurs, ce qu’aucun contrat ne fait en pratique. Mais on peut aussi considérer que la participation au chiffre d’affaires englobe la participation au profit. En tout cas la nullité des clauses de rémunération proportionnelle au chiffre d’affaires pour le support internet n’a jamais été invoqué en justice, si bien que, sur ce point, l’article L 131-6 demeure lettre morte.

  1. b) Article L 131-1 : la prohibition de cession globale des œuvres futures :

En prévoyant la cession pour tous supports présents et futurs les contrats contreviennent à l’article L 131-1 interdisant les cessions globales et futures. De même les contrats de salariés comportant la cession à l’employeur  des créations qu’aura faites le salarié sous l’empire de son contrat de travail ont une licéité très douteuse au regard du libellé de cet article. Sachant que, sauf œuvre collective, les droits appartiennent au salarié et non à l’employeur, l’application à la lettre de l’article L 131-6 rendrait nulles les cessions de droits stipulés dans les contrat de travail et ferait dépendre les employeurs du  bon vouloir de leurs salariés quant à l’exploitation de leurs créations. Pourtant, et heureusement, cet article est rarement soulevé dans les conflits, si bien que son existence ne gêne pas trop la pratique. D’ailleurs la jurisprudence s’évertue à écarter le texte quand il est soulevé : « la prévision d’une cession automatique de droits au fur et à mesure de la protection d’éventuels travaux n’est pas constitutive de la cession globale d’œuvres futures » (Lyon 28 nov 1991, G P 1992 .I . 275, note Forgeron). Certains praticiens contournent et respectent le texte en stipulant dans les contrats de travail une promesse unilatérale de cession pour les œuvres futures : après création l’employeur, bénéficiaire de la promesse, présentera au promettant salarié une cession sur l’œuvre créée, acte auquel le salarié devra consentir puisqu’il s’y était engagé par la promesse.

  1. B) La rémunération proportionnelle :

Par participation aux recettes d’exploitation il faut entendre le chiffre d’affaires brut hors taxe (TVA), car la jurisprudence exige que l’assiette de la rémunération soit fondée sur le prix payé par le public. Les déductions de commissions, telles qu’on les connaissait par exemple en matière d’édition littéraire sont donc prohibées .

Le principe de la rémunération proportionnelle fondée sur le prix payé par le public a été rappelé par la cour de cassation à propos de l’exploitation vidéographique de films cinématographiques (Civ 1ère 16 juill 1998, RIDA janv 1997, 241). Cet arrêt a rendu de nombreux contrats conclus dans le secteur de l’audiovisuel infectés d’une cause de nullité. Le faible prix de location ou de vente d’un DVD, le fait que le prix soit fixé par les distributeurs et non pas par les producteurs, la structure du marché permettant difficilement une remontée des recettes n’ont donc pas trouvé grâce auprès de la cour de cassation ; même en ce cas l’exception de forfait n’est pas applicable. C’est un peu ridicule dans la mesure où il suffit, pour respecter la loi, de fixer un % minime[19], surtout que les ventes de DVD à des prix très bas sont devenus légion. L’accord collectif conclu entre un syndicat de producteur et la SCAM (société des auteurs multimédia) prévoit d’ailleurs une rémunération sur le chiffre d’affaires de l’éditeur. On constate de la part des praticiens, y compris des sociétés d’auteurs, et de la CA Paris une résistance certaine à appliquer la solution de la cour de cassation (Voir Vercken, Prop intellect 2006, 155).

En tout état de cause l’article L 131-4 prévoit un certain nombre d’exceptions à la rémunération proportionnelle, notamment en raison des frais des opérations de calcul (3°).

Pour internet il arrive que le public ne paie pas de prix puisque le financement du site est assuré par les recettes publicitaires. Dans ce cas un forfait paraît possible. Il en irait de même (1°) si le public payait un prix mais qu’on ne pouvait compter le nombre d’internautes ; le recours au forfait nous paraît cependant d’une validité douteuse en ce cas, car les moyens de comptage existent sur internet ; ils servent à mesurer la fréquentation des sites afin calculer le prix des bandeaux publicitaires.

Enfin, comment ne pas mentionner la contre culture véhiculée par internet ; certains renoncent à toute rémunération, au monde mercantile des droits d’auteur pour réaliser des œuvres communistes : la création libre, mise en commun, appliquée à l’audiovisuel, à la photo et à la musique : sur la collaboration créative voir www.creativecommons.org. La licence creative commons ne respecte pas les règles du droit d’auteur puisqu’elle cherche à s’en affranchir. Transposant des concepts américains elle ne saurait être, a priori, valide au regard du droit français. Le créateur y met gratuitement à disposition ses œuvres mais en contrôle l’utilisation : c’est une sorte de triomphe du droit moral sur le droit patrimonial.

  1. C) La lésion :

La finalité de protection de l’auteur s’illustre ici puisque l’article L 131-5 est une des rares dispositions du droit français sanctionnant la lésion. Mais l’intérêt pratique n’est pas à la hauteur de l’intérêt théorique. La clause ne visant que les cessions au forfait, cet article n’a été que très rarement invoqué en justice.

 

 

SII : Les dispositions particulières à certains contrats :

 

 

 

 

 

Les articles L 132-1 à 132-34 concernent 5 contrats : dans l’ordre, le contrat d’édition, le contrat de représentation, le contrat de production audiovisuelle, le contrat de commande pour la publicité, le contrat de nantissement du droit d’exploitation de logiciel.

Nous éliminerons ce dernier[20] qui est très peu utilisé. De même le contrat de commande pour la publicité, qui a un objet très spécifique, sera écarté de l’étude, au même titre que le contrat de représentation ; en effet, il concerne peu internet, dans la mesure où sa vocation naturelle est de régir l’organisation des spectacles vivants.

Les deux contrats restant trouvent en revanche à s’appliquer fréquemment sur internet.

  • 1 : Le contrat d’édition :

On n’en étudiera que les principales dispositions.

Si on observe la définition de l’article 132-1 on s’aperçoit que les mots clés sont cession de droit et fabrication d’exemplaires de l’œuvre. L’auteur va  créer une œuvre, en céder les droits à un éditeur qui va fabriquer des exemplaires de l’œuvre et les exploiter. Ce qui différencie un contrat de commande d’une œuvre d’un contrat d’édition c’est l’obligation de l’éditeur de fabriquer des exemplaires : on trouve ainsi des éditeurs de logiciels, des éditeurs vidéo ou musicaux…

Le vocabulaire utilisé, par exemple à l’article L 132-6 (« livres de prière, albums bon marché pour enfants »), montre que le législateur avait à l’esprit l’édition de livres. Mais la jurisprudence a toujours généralisé et appliqué les règles du  contrat d’édition à d’autres situations que l’édition littéraire. Les dispositions des articles L 132-3 et s ne se limitent donc pas à l’édition d’ouvrages littéraires exploités en ligne, mais visent aussi d’autres types de fabrication, tel que l’exploitation d’un CD Rom (Paris 28 avril 2000, P.A. 10 janvier 2001, p10). Sur internet la qualification d’éditeur est parfois utilisée en jurisprudence (aff Tiscali Paris 7 juin 2006, Expertises 2006, 313, note de Candé) pour contourner le régime protecteur des hébergeurs et mettre à la charge de l’éditeur une obligation de surveillance quant au contenu édité. Au vrai il ne s’agit pas vraiment d’un éditeur au sens de l’art L 132-1 (voir cependant contra l’opinion de M de Candé), faute de l’existence d’une véritable volonté de cession de droits entre le fournisseur de contenu et l’hébergeur prestataire de services complémentaires (aide à la création de blogs par exemple) ; au demeurant on voit mal comment transposer à l’hébergeur le régime juridique de l’éditeur conçu par le CPI, parce que les textes sont mal transposables à internet.

  1. Le droit de préférence  (art L 132-4) :

Ce droit de préférence est très utilisé en pratique, y compris dans des contrats qui ne sont pas des contrats d’édition, comme par exemple des contrats de commande de scénario. Son but est de permettre à l’éditeur, qui a pris un risque commercial sur un auteur inconnu, d’obtenir une contrepartie : en insérant la clause de préférence, si la première œuvre a été un succès, l’éditeur pourra bénéficier d’un monopole sur les œuvres à venir de l’auteur, et cela à un prix inférieur à celui du marché.

En lisant l’article on voit qu’il s’agit d’un pacte très encadré, soumis à une interprétation restrictive, ce qui s’explique par le fait qu’il faut protéger l’auteur contre un trop grand enchaînement et qu’il s’agit d’une disposition contraire à la liberté du commerce et de l’industrie.

L’interprétation restrictive du nombre de publications visées par le pacte a trouvé une illustration singulière dans l’affaire des « Inconnus»[21].

  1. Les obligations :
  2. a) Les obligations de l’auteur :
    • Il doit remettre l’œuvre à fabriquer (art 132-9) dans le délai spécifié au contrat
    • Il doit garantir à l’éditeur l’exercice paisible des droits d’auteurs transmis (L 132-8). Il s’agit de la traduction de la garantie d’éviction du droit commun que doit tout cédant de droits d’auteur. Si l’œuvre créée s’avérait être en réalité une contrefaçon, l’auteur en serait comptable envers son contractant. Mais en cas de contrefaçon dirigée contre l’oeuvre éditée il appartient à l’éditeur de défendre les droits que lui a cédé l’auteur, car c’est lui le propriétaire des droits. On observera que la cession est réputée, sauf clause contraire, être faite à titre exclusif.
    • En pratique la plupart des contrats comportent une clause d’exclusivité. Dans ce cas l’auteur ne doit pas faire une concurrence illicite à l’éditeur en violant la clause.
  1. b) Les obligations de l’éditeur :
  • A la différence d’un contrat sui generis qui ne comporterait que la cession du droit de reproduction, l’éditeur, dans le contrat de d’édition, est obligé de fabriquer et d’exploiter (art 132-11) dans un délai conforme aux usages de la profession, cela en respectant (mais était-il nécessaire de le dire ?) le droit moral de l’auteur. Il existe un contentieux abondant : si l’éditeur n’exploite pas suffisamment il commet une faute et s’expose à la résiliation du contrat à ses torts. Dans ce cas l’auteur récupère ses droits d’auteur.
  • Aux termes de l’article 132-12 « l’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie…. ». Cette disposition implique qu’en cas d’épuisement des stocks il existe une obligation de rééditer.
  • L’éditeur doit rendre compte au moins une fois par an, afin que l’auteur puisse vérifier le nombre d’exemplaires vendus et que les redevances proportionnelles qui lui sont versées sont exactes. Cette obligation implique que l’éditeur tienne à jour la comptabilité des exemplaires vendus. L’opération s’appelle la reddition des comptes.
  • L’éditeur doit rémunérer l’auteur. On notera que les articles 132-5 et 6 permettent, dans les cas qui y sont spécifiés, d’échapper au droit commun de la rémunération proportionnelle et d’instaurer un forfait.
  • 2 : Le contrat de production audiovisuelle :

Il est régi par les articles 132-23 à 30 CPI, dont on étudiera les principales dispositions. C’est un contrat conclu entre le producteur et l’auteur d’une oeuvre audiovisuelle, c’est-à-dire d’une séquence animée d’images et (ou) de son. L’article L 132-23 définit ce qu’est un producteur audiovisuel. N’étant pas auteur, alors même qu’il a collaboré à la création de l’œuvre, il s’est vu conférer par le législateur une présomption de cession par l’article 132-24, ce qui lui facilite grandement l’exploitation des œuvres dans la mesure où les droits voisins des artistes-interprètes sont aussi concernés.

  1. La cession de droits :
  • L’article L 132-24 est original. A l’exception des droits graphiques et théâtraux, ainsi que des droits sur des compositions musicales, il prévoit une cession, à titre exclusif, des droits de l’auteur au producteur. Ainsi, si le contrat est muet quant à la cession de droits, le producteur pourra bénéficier de cette cession légale.
  • Encore faut-il que le contrat ait prévu une rémunération de l’auteur puisque l’article L 132-25 oblige au paiement d’une redevance proportionnelle sur le prix payé par le public pour chaque mode d’exploitation.
  1. Les obligations du producteur :
  • L’article L 132-27 instaure une obligation d’exploitation conforme aux usages de la profession, ce qui n’est pas sans rappeler l’article 132-12 du contrat d’édition.
  • L’article L 132-24 al 3 concerne la conservation des éléments de l’œuvre.
  • L’article L 132-28 est relatif à la reddition des comptes une fois par an, disposition déjà rencontrée dans le contrat d’édition.
  1. Les obligations de l’auteur :

On retrouve ici également l’obligation de garantir la jouissance paisible des droits cédés (art L 132-26), ce qu’il est convenu la garantie d’éviction. Si donc un auteur cède des droits qu’il n’avait pas il en sera tenu comme responsable, puisque le cessionnaire sera alors un contrefacteur des droits en réalité détenus par un tiers au contrat.

Chap 2 : LA GESTION COLLECTIVE :

SI : Le copiage :

La gestion par contrat est déjà l’amorce d’une gestion collective. Mais cela n’est rien en comparaison des cas où il est matériellement impossible que l’auteur signe individuellement les multiples autorisations à délivrer. La rémunération est alors collective, puis rétrocédée en amont aux auteurs. La rémunération relative aux phonogrammes concerne les droits voisins, à savoir les producteurs de phonogrammes et les artistes-interprètes : on l’étudiera donc plus loin. Il reste à envisager ici la rémunération due pour copie privée en application de l’article L 311-1 CPI et quelques autres formes de gestion collective. Elle a été créée pour remédier aux pertes de recettes générées par le copiage, d’aucuns disent le « copillage », du fait des technologies modernes : photocopieuses, disquettes d’ordinateur, CD vierges etc… Cette gestion collective des articles L 311-1 CPI concerne les auteurs, mais aussi les artistes-interprètes. Par commodité on l’étudiera à cette place, étant précisé que les remarques valent donc aussi pour les interprètes (voir infra).

  • Pour les copies privées audiovisuelles (phonogrammes et vidéogrammes) exploitées sous forme analogique les articles L 311-1 et s prévoient une rémunération équitable au moyen d’une retenue forfaitaire à la source au profit des interprètes, auteurs et producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes. A noter qu’il s’agit d’une licence légale car nulle autorisation n’est à solliciter : il suffit de s’acquitter de la rémunération équitable[22]. On paye la redevance en achetant le support vierge, laquelle est récoltée par des sociétés collectives (Copie France et Sorecop, rattachées à la SDRM).

La copie numérique (ex. baladeur, disque dur de téléviseur et de magnétoscope, mais à l’exception des bases de données, des logiciels et des disques durs non intégrés dans un périphérique) est désormais également concernée (loi 17 juillet 2001) pour toutes les œuvres autres que phonogrammes et vidéogrammes fixées sur un support numérique. Les bénéficiaires en sont les auteurs et éditeurs. Notons que la loi du 17 juillet 2001 a fait entrer l’éditeur dans la catégorie des bénéficiaires au côté des auteurs.

La Commission « Copie privée » chargée de la rémunération pour copie privée des phonogrammes et vidéogrammes a rendu plusieurs décisions pour les supports numériques par application de la licence légale des articles L 311-1 et s (voir notamment CCE nov 2001 n° 110, obs Caron ; D 2003, p 1826). On applique l’article à des contenus qui peuvent être autres que de la musique ou des films. La Commission assoit la rémunération en fonction du type de support, de sa capacité et de sa durée d’enregistrement. Cela ne règle pas tous les problèmes : si la durée d’un film ou d’une chanson est connue et peut donc être aisément tarifée, quelle est, compte tenu de l’interactivité, la durée d’une œuvre multimédia ?

Pour les œuvres multimédia tels que les jeux vidéo, l’arrêt SELL (CE 25 nov 2002, CCE 2003, n°3, obs Caron) exclut l’application de la licence légale. Cela peut s’expliquer par  la qualification de logiciel. Cette exclusion va inciter les éditeurs à s’orienter vers une protection par des moyens techniques.

Le non paiement de la redevance est une infraction pénale et plus précisément une infraction continue qui ne se prescrit donc qu’à compter du jour du paiement Crim 15 juin 2004, Dt pénal 2004 n°149.

Il a été jugé que la rémunération collective pour des supports vierges achetés à distance n’était pas due par l’entreprise dès lors que la venderesse était une société extra communautaire (Paris 22 mars 2007, JCP 2007.IV.1904).

  • L’article L 122-10 CPI concerne la copie papier à usage privé pour laquelle l’article instaure une cession automatique et obligatoire des droits d’auteur à une société de gestion collective. Pour compenser la perte financière de l’auteur, du fait de la copie privée, une rémunération proportionnelle ou forfaitaire (suivant le cas) est prévue par l’article L 122-11. Pour les photocopies et autres formes de reprographie, y compris les modes de reprographie numériques, qui dissuadent d’acheter les œuvres, le CFC récolte les fonds, au profit des auteurs ou de leurs cessionnaires, résultant d’accords individuels ou collectifs (syndicats professionnels) conclus avec les utilisateurs. Les entreprises de reprographie sont, du moins en théorie, assujetties à payer une redevance au CFC (Centre français de la copie) ; de même pour les bibliothèques.

La réforme de 2006 précise que la rémunération devra tenir compte de l’existence éventuelle de mesures techniques de protection.

  • L’art L 132-31 concerne les œuvres de commande dans la publicité. Un accord entre organisations professionnelles des auteurs et des producteurs d’œuvres de commande pour la publicité aurait dû fixer une rémunération par mode d’exploitation. On n’y est jamais parvenu. De guerre lasse la Cour de cassation a finalement jugé que l’on pouvait fixer la rémunération des auteurs forfaitairement dans le cas d’une œuvre de commande (Civ 1ère 20 mars 2001, CCE 2001, n°101).

SII : le prêt public de livres :

En application d’une directive européenne de 1992 la loi du 18 juin 2003 a prévu une rémunération collective pour le manque à gagner que génère le prêt de livres (art 133-1 et s).

L’auteur ne peut s’opposer au prêt.

Le livre numérique, comme papier, sont concernés.

Protagonistes : les débiteurs en sont l’Etat et les collectivités publiques gérant des centres de documentation ; les créanciers sont les auteurs et les éditeurs (50 % chacun).

Gestionnaire : la société qui récolte les fonds est la Sofia (société française des intérêts des auteurs). Pour le numérique la SCAM les répartit ensuite entre les auteurs adhérents.

 

 

Titre III : LA DEFENSE DES DROITS D’AUTEUR :

Les atteintes aux propriétés intellectuelles sont plus difficiles à faire respecter que celles qui concernent les biens corporels. Cependant les procès en contrefaçon sont fréquents, et de plus en plus, du fait du développement économique des biens immatériels. Mais il ne suffit pas d’invoquer la contrefaçon (chap 1). Encore faut-il la prouver : pour l’établir les victimes bénéficient de la possibilité d’intenter des saisies (chap2).

 

Chap 1 : CONTREFACON :

Contrefaire c’est exploiter l’œuvre d’autrui sans autorisation. Cela amène le contrefait à opérer des saisies, à intenter un procès en indemnisation et en cessation des actes contrefaisants. Contrefaire est une infraction pénale. Mais comme pour toute infraction la victime a une option : agir au pénal par voie de plainte avec constitution de partie civile ou par voie de citation directe, ou agir au civil. En pratique, les inconvénients d’une action pénale par rapport au choix de l’exercice de l’action en contrefaçon au civil sont tels que, dans la plupart des cas, on ne poursuit au pénal que les contrefacteurs « professionnels », ceux qui font commerce de fabriquer et de commercialiser des faux (faux Vuitton, fausses Rollex etc…). Cependant, avec internet, il semble que la contrefaçon devienne une véritable manne pour des organisations mafieuses, ce qui pourrait conduire à une multiplication des procédures pénales. Selon le journal Le Monde (27 déc 2002, p 13) 5 à 7 % du commerce mondial est contrôlé par des organisations mafieuses. Aujourd’hui c’est même de 10 % dont on parle.

 

Section 1 : Approche de la contrefaçon :

On examinera les textes applicables, puis les avantages et les inconvénients d’agir au pénal et on terminera par les voies de saisine au pénal (si on choisit la voie civile il suffit d’assigner devant la juridiction compétente).

  • 1 : L’application des textes relatifs au droit d’auteur : art 331-1 et s CPI :

La loi du 29 octobre 2007, transposant une directive européenne de 2004, a encore renforcé les sanctions et les moyens de lutte contre la contrefaçon. On observera que, comme en droit des brevets, il est prévu de confier le contentieux de la Propriété littéraire et artistique à un nombre restreint de TGI où seront en poste des magistrats spécialisés. On citera ici quelques unes des dispositions permettant de lutter contre la contrefaçon en suivant l’ordre chronologique avant de voir quelques exemples.

  1. A) Les textes :
    • L’article L 331-1-1 et s CPI permet notamment des saisies-conservatoires de comptes bancaires, de biens mobiliers ou immobiliers et l’accès à des données bancaires, alors qu’auparavant seul le droit commun permettait d’y parvenir.
    • L’article L 331-1-2 permet l’obtention par le juge, mais seulement au fond et pas dans le cadre d’une mesure conservatoire, l’obtention d’informations qui permettront de remonter les filières (la propriété industrielle sera plus concernée que la PLA).
    • L’article L 331-1-3 assouplit les règles d’indemnisation : on prend en compte le manque à gagner du contrefait et le bénéfice fait par le contrefacteur. Mais, sauf à ordonner une expertise par un comptable, mesure qui prend du temps et dont on n’est pas certain qu’elle débouchera sur des éléments d’appréciation fiable, le juge peut aussi fixer de manière forfaitaire les dommages-intérêts ; le système américain des dommages-intérêts punitifs n’a cependant pas été retenu.
    • Le juge peut ordonner que les produits contrefaisants soient retirés de la circulation (L 331-1-4), la publication du jugement de condamnation, la confiscation des recettes provenant de la contrefaçon. La contrepartie et la sauvegarde du défendeur consistent pour le juge à ordonner que le demandeur constitue une garantie préalable (ex. la consignation d’une somme d’argent) (L 332-1).
    • L’article 335-1 CPI concerne la constatation des infractions par les officiers de police judiciaire
    • Les articles 335-2, 3 et 4 CPI répriment l’édition, la fixation, la communication au public, la diffusion, la reproduction et la représentation d’œuvres protégées par le droit d’auteur ou un droit voisin.
    • L’article 335-5 concerne la possibilité de fermer l’établissement ayant servi à commettre l’infraction.
    • Les articles 335-6 et 7 concernent les confiscations, le fait de retirer des objets contrefaisants des circuits commerciaux, ou de les détruire. On observera que même si le tribunal n’entre pas en voie de condamnation il peut ordonner la confiscation des marchandises contrefaisantes (Crim 7 mai 2002, D 2002, 2127).

La confiscation des recettes (335-6) procurées par l’infraction est un cas intéressant. Il permet une indemnisation en fonction des recettes générées par la contrefaçon alors que en droit français, à la différence du droit américain, l’indemnisation obéit aux principes du droit civil et ne se mesure qu’en fonction de paramètres appréciés sur la tête de la seule victime : sont pris en compte le gain perdu et la perte qu’elle a subis («on répare tout le préjudice subi, mais que le préjudice »), indépendamment des gains du contrefacteur. Une question non tranchée était de savoir si un tribunal civil pouvait prononcer une confiscation ou si seules les juridictions pénales le peuvent ; le nouveau libellé (cf le mot « la juridiction » sans autre précision) semble faire incliner à une réponse positive.

  • La réforme de 2006 posait, à l’origine, un problème d’efficacité. A l’inverse de ce qui était prévu dans d’autres pays les sanctions prévues pour le téléchargement illicite étaient minimes ; la pénalité prévue de 38 € par acte illicite était d’autant moins dissuasive que les chances de répression sont minimes, faute de moyens pour contrôler le réseau. L’invalidation de la disposition par le Conseil constitutionnel a ramené le téléchargement illicite au rang d’acte classique de contrefaçon, réprimé au même niveau. Cela ne changera pas grand chose à la répression effective, la vraie question étant celle des moyens de poursuite. Une circulaire ministérielle d’application de la loi est d’ailleurs venu préciser qu’en pratique les Parquets devront distinguer entre les téléchargeurs d’occasion et els autres, en faisant preuve de mansuétude dans leur réquisitions à l’égard des premiers.
  • La réforme de la contrefaçon de 2007 a prévu une compétence exclusive au profit des TGI, ce qui écarte les tribunaux de commerce, les TI et les prud’hommes. Mais une mauvaise rédaction fait que la solution n’est pas certaine à ce jour CCE 2008, Alertes, n°34).

 

  1. B) Quelques exemples d’application :

Dans une affaire (TGI Epinal, ch corr, 24 oct 2000, CCE 2000, n° 25, obs Caron) relative à l’internet il s’agissait de fichiers musicaux MP3 contrefaisants. Le propriétaire du site qui pilotait les internautes grâce à des hyperliens a été condamné, non comme complice de l’internaute qui numérisait, mais comme auteur principal, sur le fondement de la « mise à disposition » (335-4)[23].

Autre exemple : la mise à disposition de logiciels désactivant les systèmes de protection est une infraction relevant de la contrefaçon (Paris 17 juin 2005, CCE 2006, n°3).

Et encore : le moteur de recherche qui laisse des entreprises proposer en ligne des biens contrefacteurs ne peut être poursuivi pour contrefaçon, mais il commet une faute pour ne pas avoir mis en place un dispositif technique de protection des œuvres : TGI Paris 12 juillet 2006, CCE 2006, n°149.

Toujours plus : les éléments graphiques d’une page web sont protégés par le droit d’auteur : TGI Paris 13 mars 2002, Légipresse 2002.I.89 ; mais si l’exploitant du site ne s’est pas fait transmettre les droits par le créateur il ne pourra attaquer l’imitateur qu’en concurrence déloyale : Aix, ch com, 17 avril 2002, Légipresse 2002.I.89.

On observera qu’il semble admis que la violation du droit moral est punissable sur le terrain des articles 335-1 et s. (Crim 24 sept 1997, G P 1998,2, 529, note Leclerc et Paris 5 oct 1995, RIDA 2, 1996, 303) : « est sanctionnée pénalement toute atteinte portée aux droits d’auteur et en particulier au droit moral », solution réitérée à deux reprises par la chambre criminelle en 2002. Ce fondement vague de l’expression « toute atteinte » est critiquée par MM Lucas (Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, n°785) au nom du principe de la légalité des peines et des délits, qui exige, par protection des libertés, qu’au pénal les incriminations soient libellées de manière suffisamment précises.

  1. C) Cas particulier de la responsabilité du fournisseur de lien hyper texte :

Un lien hyper texte peut engendrer une responsabilité : ainsi le fait de pointer vers un site néo nazi (TGI Paris, réf, 20 mai 2000, Expertises2000, 107). Il peut surtout générer  un acte de concurrence déloyale (unfair compétition aux USA ; passing off au Royaume Uni) ou un acte de contrefaçon de marque ou de droit d’auteur, ou de droit sui generis de producteur d’une base de données.

  1. a) Lien simple : (surface linking)

La radio Europe 2 avait créé sur son site un lien vers un autre site dénigrant son concurrent, la radio NRJ. Elle a été condamnée pour concurrence déloyale : Paris 19 sept 2001, Légipresse 2001.I.137.

Rappel (voir supra) : le lien renvoyant vers un site dont l’adresse contrefaisait une marque dénominative. L’auteur de lien a été condamné pour contrefaçon et n’a pu se prévaloir du fait justificatif que constitue la référence nécessaire à la marque (cf art L 713-6 CPI) : Paris 19 oct 2001, P.A. 9 juillet 2002, p23. Tout dépend, au cas par cas, du contexte, du risque de confusion.

Dans 2 affaires des liens permettaient la reproduction de fichiers musicaux en MP3ont été l’occasion de condamnations pour contrefaçon de droit d’auteur : l’auteur de l’infraction a été condamné au pénal, même pas comme complice de l’auteur de la numérisation, mais comme auteur principal de l’infraction : TGI Epinal 24 oct 2000 Légipresse déc 2000, p 19. Dans une autre affaire de renvoi vers un site permettant du téléchargement illicite le prévenu  a été condamné en tant que complice : Aix 10 mars 2004, GP 23-25 janvier 2005, p 41.

De même le site agrégateur de liens est resp si lien renvoie sur un site violant la vie privée : TGI Paris réf 26 mars 2008, D 2008, 1051.

  1. b) Lien profond

deep linking (lien profond). A l’inverse du lien simple (= surface linking) qui renvoie à la 1ère page d’un autre site, le lien profond renvoie à une page plus avancée.

Aff Keljob : il s’agissait d’un procès entre deux sociétés qui pratiquaient du recrutement en ligne. Pour augmenter les offres d’emploi le défendeur avait créé un lien sur les pages internes d’un concurrent. Ainsi les offres d’emploi du site pointeur en étaient elles augmentées. Le demandeur, la société Cadreemploi, soutenait qu’il y avait contrefaçon de la base de données qu’il avait constituée et actes de concurrence déloyale. En 1ère instance (trib com Paris, réf, 26 déc 2000, CCE mars 2001, n°26, obs Caron), il a obtenu gain de cause, mais en appel l’ordonnance a été infirmée (Paris 25 mai 2001 www.droit-technologie.org, obs Verbiest) au motif que le renvoi n’était que ponctuel et que l’internaute savait que l’offre d’emploi émanait d’un tiers lorsque l’internaute choisissait de voir en détail une offre pointée. Au fond (TGI Paris 5 sept 2001) Keljob a été condamné pour extraction et utilisation d’une partie substantielle de la base de données, mais le juge a décidé que les liens profonds n’étaient pas constitutifs de concurrence déloyale.

Dans une autre affaire (aff Stepstone Trib com Nanterre 8 nov 2000 cf site www.legalis.net) l’auteur du lien profond a été absout de toute espèce de responsabilité. La question n’est donc pas tranchée. Il faudra en la matière se garder des généralisations hâtives : ce sera souvent une question d’espèce.

  • 2 : Avantages et inconvénients de la voie pénale :

La victime de la contrefaçon a le choix entre la voie pénale ou la voie civile, sachant que le cumul n’est pas possible : electa una via. Si le choix de la voie civile est irrévocable, celui de la voie pénale, par faveur pour le prévenu, est susceptible de rétractation ; il est donc permis d’avoir un remords et d’abandonner les poursuites pénales pour se cantonner aux poursuites civiles.

Les avantages de la voie pénale sont les suivants : la possibilité d’obtenir la condamnation pénale du contrefacteur, en sus des dommages-intérêts auxquels l’exercice de l’action civile donne droit, le fait que c’est la police qui recherchera les éléments de preuve de la contrefaçon, condamnation aux peines accessoires

Mais les inconvénients de la voie pénale sont nombreux : risque de poursuite pour dénonciation calomnieuse ou téméraire (amende), fixation d’une consignation financière (art 88 CPP), nécessité de prouver la mauvaise foi du contrefacteur, exigence qui, en pratique, ne concerne que le complice de l’auteur de l’infraction (voir infra pour plus de détails), impossibilité d’avoir une procédure en interdiction rapide du type référé, lenteur des instructions pénales, recours presque systématique à une expertise, d’où perte de temps et coût financier.

Bref, il est moins risqué et plus rapide de saisir les juridictions civiles. Cela d’autant plus qu’en pratique la contrefaçon n’est pas toujours évidente : il faut reconstituer une chaîne de droits, interpréter un contrat, prouver l’originalité de l’œuvre, savoir s’il n’y a pas des antériorités sur l’œuvre, etc…Compte tenu de ces aléas, la voie pénale n’est à envisager que dans les cas où, de toute évidence, on a affaire à des adversaires de mauvaise foi.

  • 3 :Voies de saisine au pénal :

Comment exercer l’action au pénal ? Ici également il faut faire un choix. Pour les affaires frappées du sceau de l’évidence point n’est besoin de déclencher une instruction pénale, car on sait que la nomination d’un juge d’instruction rendra la procédure longue (parfois de plusieurs années). Mais dès que l’on cherche à démanteler un réseau une instruction est indispensable.

  • Saisine d’une juridiction d’instruction : plainte avec constitution de partie civile. La plainte déclenche l’action publique : elle prend la forme d’une simple lettre qui n’obéit à aucun formalisme. En pratique il faut un avocat, car lui seul peut avoir accès au dossier d’instruction (art 114 CPP). Lorsque la consignation a été versée, le doyen des juges d’instruction saisi par la plainte va transmettre le dossier au Procureur de la République afin que celui-ci fasse ses réquisitions. Puis le dossier est transmis au président du TGI qui désignera un juge d’instruction ou rendra une ordonnance de refus d’informer.
  • Saisine d’une juridiction de jugement : elle se fait par voie de citation directe avec constitution de partie civile (mais il faut dans ce cas connaître d’emblée qui est le contrefacteur pour pouvoir le désigner).

 

Section 2 : Le procès :

Qui doit-on poursuivre, comment peut-on déterminer si oui ou non il y a contrefaçon, comment les recours entre les différents responsables s’opèrent-ils, faut-il prouver la mauvaise foi (élément intentionnel) du contrefacteur, telles sont les questions qui seront abordées successivement.

  • 1 : La personne qui poursuit :

Le demandeur peut être :

  • Une personne physique créateur ou une société d’auteurs (L 321-1) bénéficiaire d’un mandat de gestion des droits, ou un cessionnaire de droits. Il a été jugé à l’égard de la SACEM que l’auteur ne perd pas le droit d’agir concurremment à la SACEM en contrefaçon des droits patrimoniaux : Civ 1ère 24 févr 1998, D 1998, 213, note Françon), mais c’est une question qui divise encore la jurisprudence (contra Paris 23 juin 2004, Expertises 2004,347 ; Versailles 13 mars 20008, CCE 2008, chron 6, n°9). Il semble logique d’admettre, en tout cas, à l’instar de la CA de Paris (23 juin 2004, GP 5-6 janv 2005, 26) que si la société n’agit pas l’auteur puisse intenter l’action oblique. Un autre arrêt semble même aller plus loin en jugeant que la SPEDIDAM peut agir pour sauvegarder les droits patrimoniaux d’un interprète alors pourtant que celui-ci n’était pas membre de la société (Paris 25 oct 2006, CCE 2007, chr n°4, 23).
  • Le licencié ou le distributeur n’a, sauf clause contraire lui donnant mandat d’agir, pas droit à agir en contrefaçon car il n’est titulaire que d’un droit personnel et pas d’un droit privatif (Paris 12 janv 2005, PI 2005, n°43). Il devrait cependant pouvoir agir en concurrence déloyale (Com 12 févr 2002, Prop intellect 2002, n°5, 107, Obs Passa).
  • Le cessionnaire : Si un auteur a cédé tous ses droits patrimoniaux il ne peut plus agir en contrefaçon, du moins en ce qui concerne les droits patrimoniaux : Civ 1ère 3 avr 2007, JCP 2007.IV.1975.
  • Ce peut aussi être un syndicat professionnel, car, en vertu du code du travail, ils ont peuvent agir pour la défense des intérêts collectifs de la profession, ce qui englobe les cas où les œuvres des professionnels sont contrefaites. Mais dans ce cas la jurisprudence exige que des individus victimes directes de la contrefaçon interviennent à la procédure
  • Si c’est une personne morale qui exploite l’œuvre et agit, elle est présumée être titulaire des droits sans avoir à prouver qu’on lui a cédé les droits : voir par exemple Civ 1ère 22 févr 2000, Légipresse 2000.I.71. C’est là une disposition très importante en pratique, que la cour de cassation a étendue aux modèles même lorsque l’auteur personne physique est procéduralement joint à l’instance intentée par le demandeur (contra Paris 29 oct 2004, PI 2006, n°38 dont l’arrêt a été cassé par Com 20 juin 2006, PI 2006, n°80).
  • 2 : La mesure de la contrefaçon :

Côté demandeur la contrefaçon s’apprécie en fonction des ressemblances et non des dissemblances (la cour de cassation ne cesse de rappeler ce principe). Si le défendeur soulève que les ressemblances sont techniques ou ne résultent que de réminiscences provenant d’une source d’inspiration commune il lui incombera d’en apporter la preuve (Civ 1ère 16 mai 2006).

  • Pour un texte la reproduction des « coquilles » sera un élément essentiel. Elle prouvera à l’évidence la reproduction.
  • Pour un site internet la ressemblance des couleurs, de la mise en page, du graphisme, du style. Très souvent, comme en matière de dessins les tribunaux se réfèrent à « l’impression d’ensemble » (ex Com 26 mars 2008, n°06-22.013)
  • Pour un jeu vidéo ou une œuvre dramatique la ressemblances des personnages, des lieux, de l’intrigue, des événements
  • Côté défendeur les axes de défense le plus souvent invoqués sont les suivants :
    • Que la présomption de titularité des droits de la personne morale (voir supra) n’a pas lieu de jouer. Si l’avocat du demandeur ne connaît pas la jurisprudence précitée il risque d’avoir du mal à prouver que son client est bien le titulaire des droits d’auteur ; d’où l’importance de connaître l’existence de cette présomption jurisprudentielle.
    • Que l’œuvre est banale et non originale.
    • Qu’elle est antériorisée, d’où l’intérêt que peut avoir le dépôt d’une enveloppe Soleau auprès de l’INPI, ou le dépôt du logiciel créé auprès d’organismes agréés tels que l’APP.
    • Qu’il faut justifier être titulaire des droits, argument fondé lorsqu’il s’agit d’une œuvre audiovisuelle sans producteur : Paris 14 janv 2004, GP 5-6 janv 2005, 26 a ainsi, pour un vidéoclip, exigé la présentation du contrat qui avait été conclu en amont.
    • 3 : La détermination des responsables :

En cas de contrefaçon l’auteur actionnera généralement celui qui utilise en bout de chaîne l’œuvre contrefaite.

Le prestataire technique appellera alors en garantie le fournisseur de contenu. Généralement une clause du contrat prévoit que le cédant garantit au cessionnaire la jouissance paisible des droits, mais, même à défaut de clause, la garantie légale d’éviction jouera. Tout contrat transférant la propriété d’un droit corporel ou incorporel implique ipso facto une garantie contre l’éviction (Civ 1ère 13 mars 2008, CCE 2008, n°64).

En tant que professionnel la jurisprudence exige que le diffuseur vérifie la continuité de la chaîne des droits transmis (voir par ex Civ. 1ère 7 avr 1999, D 1999, Somm 123). Tout professionnel est en effet tenu de vérifier que son cédant est titulaire des droits. La jurisprudence est constante en ce sens : par exemple les imprimeurs sont souvent « épinglés » s’ils n’ont pas vérifié les droits, ou encore des débitants (Paris 26 avr 2006, CCE 2006, n°105) encore que l’on trouve de la jurisprudence en sens contraire (Versailles 6 mai 2003, GP 21-23 nov 2003, p21). De même le distributeur et l’importateur sont aussi responsables, même si on trouve des arrêts qui épargnent les professionnels non spécialistes (ex Paris, 2 arrêts, 31 mars 2004, Prop Intellect 2004,970).

En matière de publicité il y a une orientation particulière. Même si l’annonceur est un professionnel et même s’il a fourni des éléments contrefacteurs c’est l’agence qui est seule responsable, sauf à prouver la mauvaise foi de l’annonceur.

Lorsqu’il y a cession il ne semble pas que le cessionnaire ait pour obligation de vérifier le contenu exact des droits cédés par les contrats antécédents, mais seulement l’existence des droits ; une pareille exigence se heurterait à la difficulté pratique d’obtenir communication de ces contrats. Il n’en reste pas moins que le cessionnaire a grand intérêt à vérifier que le cédant est bien titulaire des droits qu’il prétend céder et ne pas se contenter d’une clause de garantie.

La question est ensuite de savoir si le revendeur peut se retourner contre son propre vendeur sur le fondement de la garantie légale d’éviction. La jurisprudence semblait divisée sur ce point : la 1ère chambre civile avait présumé irréfragablement la mauvaise foi du professionnel (Civ 1ère 17 juill 1990), le privant ainsi de tout recours en garantie, sauf cependant au cas où il aurait stipulé une clause de garantie en sa faveur, alors qu’au contraire la chambre commerciale a admis le recours en garantie, quitte à partager les responsabilités entre les défendeurs (Com 4 févr 2004, Prop Intellect 2004, 942). Mais il semble que la 1ère chambre civile se soit montrée moins rigoriste qu’elle ne le fut en 1990, puisqu’elle a admis récemment que le concours de l’acquéreur d’une photo à sa propre éviction ne supprime pas son recours en garantie, sauf si mauvaise foi (25 mai 2005, Légipresse 2005.I.122). Idem avec Civ 1ère 13 mars 2008 (JCP 2008.IV.1712) à propos d’un acquéreur professionnel. Il semble donc, sauf mauvaise foi, que l’on s’oriente vers l’absence de responsabilité du professionnel non spécialiste du secteur concerné. Mais, parfois, les juges du fond rendent une justice de Salomon : par exemple il a été jugé que le cessionnaire pouvait appeler, à concurrence des 2/3 son cédant des droits inexistants, cela en dépit du devoir de vérification de tout cessionnaire (Paris 14 oct 2004, JCP 2005.IV.2034). Il n’est pas certain que ce type de décision se maintienne, dans la mesure où les chambres commerciales et civiles semblent avoir trouvé une commune attitude.

  • 4 : La question de la mauvaise foi :

– Au civil la contrefaçon est pratiquement une question de responsabilité objective. En théorie le défendeur est admis à prouver sa bonne foi et à renverser la présomption de faute que les tribunaux peser sur lui. Mais en pratique il n’y arrivera pratiquement jamais, la Cour de cassation répétant que au civil la bonne foi est indifférente (Civ 1ère 29 mai 2000, Propriétés intellectuelles oct 2001, 71).

Une affaire de vidéogrammes contrefaisants vendus par la FNAC est révélatrice de la sévérité des juridictions. La CA de Paris avait jugé : «au regard du droit civil l’exploitation reproduisant une oeuvre originale constitue une contrefaçon indépendamment de toute autre faute » (Paris 10 mars 1999, D 2000, Som 207, obs Hassler). Bien qu’il soit évident que le responsable d’un établissement de vente au public ne peut pas matériellement vérifier la chaîne des droits de tous les produits qu’il met en vente, le pourvoi contre l’arrêt a malgré tout été rejeté (Civ1ère 26 juin 2002, CCE 2002, n°81).

Au civil les complices sont condamnés solidairement aux dommages-intérêts, sans pouvoir exciper de leur bonne foi. Pour la victime les chances de pouvoir recouvrer des dommages-intérêts auprès de personnes solvables en sont décuplées.

– A la différence des juridictions civiles la mauvaise foi est un élément constitutif nécessaire de l’infraction poursuivie au pénal.

Avec le nouveau code pénal (121-3 CP) il n’y a plus, sauf pour les contraventions, d’infractions matérielles.

Certes en matière de contrefaçon la mauvaise foi est présumée, mais le prévenu peut s’exonérer en prouvant sa bonne foi,

La présomption de mauvaise foi ne résulte pas des textes mais de la jurisprudence, qui l’applique plus sévèrement à des professionnels qu’à des non professionnels.

Le plus souvent les circonstances de fait suffisent à inférer la mauvaise foi (ex copies vendues à bas prix, absence de diligences pour vérifier l’origine des droits), ce qui fera que les juges ne feront même pas référence à la présomption de mauvaise foi, celle-ci leur paraissant évidente.

Pour renverser la présomption il faut prouver avoir fait des diligences (par exemple avoir vérifié la chaîne des droits) et, en fait, prouver une erreur quasi invincible.

Certains arrêts sont moins sévères : Paris 24 sept 2003, JCP 2004.I. 113, n°3 exige la preuve de la connaissance par le contrefacteur de l’existence de l’œuvre contrefaite

A la différence de ce qui se passe pour l’auteur du délit, en ce qui concerne son complice, il faut démontrer la mauvaise foi positivement, c’est-à-dire prouver qu’il a agi en connaissance cause, preuve difficile à rapporter. C’est là un facteur qui, une fois de plus, fait préférer la voie civile à la voie pénale. Par exemple il a été jugé que le fournisseur d’accès internet qui offre à la vente illicitement (non respect des délais dans le cadre de la chronologie des médias) un DVD de film, n’est pas condamnable en tant que complice de la contrefaçon faute d’avoir démontré l’existence de l’élément intentionnel du délit (TGI Paris 21 juin 2006, Dt de l’immat sept 2006, p20).

  • 5 : Le chiffrage du préjudice :

Bien sûr les juges appliquent les principes du droit de la responsabilité civile : on  répare tout le préjudice, rien que le préjudice, à savoir le gain manqué et perte subie (= les conséquences économiques négatives), ce qui excluait, avant la loi du 29 octobre 2007, la prise en considération, du moins en théorie, du profit réalisé par le contrefacteur ou des redevances qu’auraient rapportées l’exploitation de l’oeuvre. Mais chacun sait combien ce sacro-saint principe est souvent inapplicable pour évaluer la contrefaçon, particulièrement en ce qui concerne la perte subie. Prenons, par exemple, la vente contrefaisante de produits diététiques par reproduction à l’identique d’une marque déposée (l’analyse est transposable au droit d’auteur). Pour évaluer le vrai préjudice il faudrait nommer un expert, en l’occurrence un expert comptable, avec mission d’évaluer le marché pertinent, combien de produits contrefaisants ont été vendus, de voir si la victime de la contrefaçon aurait pu vendre une même quantité de produits, ce qui n’est pas évident si les lieux de vente sont situés à un endroit géographiquement différent, de soupeser la marge bénéficiaire du contrefait sur chaque produit vendu. Autant lire dans le marc de café ! Qui plus est il est facile au défendeur de faire valoir qu’il n’est pas certain que les clients du contrefacteur auraient été acheter chez le demandeur à l’action si la contrefaçon n’avait pas eu lieu ; la voie est alors libre pour une indemnisation croupion fondée sur la perte de chance. Il y a de quoi décourager les plaignants de s’adresser à la justice.

Quant au gain manqué on recherchera l’avilissement de la marque ou du produit contrefait, la perte éventuelle de marché, toutes choses très difficiles à mesurer.

Finalement l’habitude prise, de plus en plus fréquente en justice, qui consiste, notamment lorsque la preuve du préjudice est difficile à rapporter, à ne pas nommer d’expert parce que son analyse, coûteuse et longue, ne débouchera pas sur une certitude de préjudice, doit être approuvée. Fixer « à la louche », arbitrairement, un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sans aucune motivation, est encore préférable. La loi de 2007, via le forfait entérine cette pratique. En tout cas le forfait ne pourra être inférieur au prix de la redevance de licence qu’aurait pu espérer le contrefait. Le cas échéant le forfait englobera le préjudice moral (par ex atteinte à la réputation) que la loi de 2007 consacre. Même si le justiciable peut être frustré par la technique du forfait la victime de la contrefaçon, dans ce mécanisme, peut espérer que le juge, sans le dire, aura prononcé des dommages-intérêts punitifs, dont on sait qu’une partie de la doctrine a souhaité en vain l’introduction en droit positif pour réprimer la contrefaçon[24]. L’arbitraire proclamé serait moins hypocrite que l’utilisation d’un principe d’indemnisation très largement inapplicable et inadapté à la contrefaçon et dont les conséquences profitent largement aux contrefacteurs.

Si le juge cherche toutefois à se rapprocher du préjudice réel l aloi de 2007 lui offre la possibilité de tenir compte des recettes procurées par la contrefaçon dans l’appréciation du préjudice. Il pourra ainsi estimer que ces recettes sont plus ou moins équivalentes au préjudice subi par la victime.

 

Chap 2 : LES SAISIES-CONTREFACON :

 Les saisies sont un moyen, lourd mais efficace : de prouver la contrefaçon, d’y mettre fin, d’apprécier son ampleur pour se faire indemniser. Leur finalité, en droit d’auteur, est à la fois probatoire et pré sanctionnatrice.

Chronologiquement on demande la saisie par requête, par ordonnance le juge l’accorde ou la refuse, puis on assigne au fond, suite à la saisie pratiquée par l’huissier, afin de demander des dommages-intérêts si la contrefaçon est confirmée par la saisie.

Pour obtenir la requête point n’est besoin d’apporter la preuve de la contrefaçon puisque c’est précisément là la finalité de la procédure de saisie[25]. Mais, outre son rôle probatoire la saisie a aussi un rôle de sanction, puisqu’elle peut ne pas être que descriptive et être réelle.

On laissera de côté la retenue en douane, qui est cependant utile en raison des pouvoirs exorbitants des douaniers et on se concentrera sur la partie la plus spécifique, à savoir le processus de saisie sur requête.

Parfois le magistrat ne veut pas recevoir physiquement le requérant qui présente la requête et statuera sur le seul texte de la requête que l’on aura déposée à son greffe. La requête est rédigée unilatéralement par le saisissant sur la base d’éléments faisant présumer une contrefaçon. Bien évidemment l’adversaire n’est pas prévenu de la démarche ; c’est le but recherché, afin qu’il n’ait pas le temps de camoufler ses actes de contrefaçon. Ce n’est qu’une fois la saisie faite que la phase procédurale devient contradictoire.

 

1     Les personnes :

La requête doit énumérer les participants qu’on souhaite vouloir assister à la saisie : outre l’huissier ce peut être le gendarme, l’avocat, un expert, un photographe, le requérant). Il est indispensable que toutes ses personnes se concertent pour établir le planning de la saisie et envisager les difficultés qui risquent de se produire. En pratique on ne demande à la gendarmerie d’intervenir que si l’on redoute des incidents. Généralement il n’y a que l’huissier, parfois un expert si une technicité est en cause, voire un serrurier s’il faut faire ouvrir. Mais pour l’informatique (logiciel ou Base de Données) ou les brevets un expert désigné par le saisissant est souvent pratiquement indispensable.

 

2     Le fondement de la demande :

Il faut viser les textes, ce qui n’est pas toujours facile à déterminer. Par exemple s’il s’agit d’une œuvre multimédia le texte ne sera pas le même selon qu’on range l’oeuvre dans la catégorie logiciel ou droit d’auteur ; toutefois dans l’affaire Chantelle (voir supra) la cour de cassation a admis la saisie sur le fondement du logiciel alors que la qualification retenue fut celle d’une œuvre de l’esprit. Un dépassement de pouvoirs par rapport à ceux octroyés dans l’ordonnance et c’est l’annulation de la saisie qui est encourue !

3     Types de saisie réclamés :

On en réclame en pratique 3. Il faut les libeller de manière large car en cas de contestation l’interprétation des mesures qui étaient possibles sera restrictive.

  1. a) Saisie descriptive :

Description des objets contrefaisants. Cela permettra de comparer à l’original lors de l’instance au fond. Il a été jugé que la saisie description faite sur écran minitel au siège de l’huissier et non de façon contradictoire au siège du saisi constituait une atteinte à l’article 495 du Code de Procédure Civile : TGI Paris 28 nov 2001, JCP 2002 ed E, 1164, n°16.

  1. b) Saisie réelle :

On demande au juge de pouvoir saisir des exemplaires des objets contrefaisants le cas échéant en en payant le prix. En matière de marques l’article L 716-7 permet aussi la saisie du stock. Pour les logiciels il est prudent de solliciter que la saisie s’étende aux logiciels environnants, même s’ils ne sont pas contrefaisants.

  1. c) Saisie de documents :

Saisir la comptabilité (soit original, soit photocopie) afin de pouvoir évaluer le chiffre d’affaires et le préjudice. Mais demander aussi la saisie des documents publicitaires, des brochures etc…

Dans la mesure où les textes parlent de saisie des éléments contrefaisants et pas des documents comptables il a été jugé que l’ordonnance ne peut ordonner cette saisie : (Bourges 19 févr 2001, GP 1-2 août 2001, p32 : cet arrêt est, fort heureusement minoritaire, car les éléments comptables sont indispensables pour apprécier le profit du contrefacteur et le gain manqueé). En défense il y a là matière à solliciter la rétractation de l’ordonnance (voir infra) ou, mieux (car plus tard), à demander son annulation en appel.

Le saisi risque de s’opposer à certaines mesures au nom du secret des affaires. Pour y remédier d’avance demander la mise sous scellés, lesquels seront déposés au greffe ou consignées chez l’huissier, en espérant qu’ils ne se perdront pas.

En matière informatique demander aussi que le juge autorise l’expert à se faire communiquer les mots de passe par le saisi, et au besoin à les « craquer ».

4     Précisions :

  1. a) Droit d’auteur :
  • Les règles de compétence sont celles du droit commun = pas de règles spéciales de compétence comme en droit des brevets. Les tribunaux administratifs, de commerce, les chambres correctionnelles du TGI peuvent être, le cas échéant, saisis.
  • L 332-1 CPI : en pratique on utilise peu le juge d’instance ou le commissaire de police, mais plutôt la procédure sur requête. Cependant certains commissaires de police, sur Paris, ont l’habitude et l’expérience pour le faire. L’avantage est de ne pas avoir à saisir préalablement un juge sur requête, l’inconvénient étant que le commissaire ne peut faire qu’une saisie description et pas une saisie réelle (fonction exclusivement probatoire).
  • Le saisissant dispose d’un délai, à fixer par voie réglementaire (mais qui suivant la directive ne pourra excéder 20 jours), après la saisie pour saisir le tribunal au fond (attention aux cas de nullité de l’assignation car si le délai est dépassé la saisie est nulle). C’est la date du dépôt de l’assignation au greffe qui compte, l’assignation pouvant être postérieure. Avant la réforme de 2007 le délai variait selon la matière. Désormais il sera le même pour toute la propriété intellectuelle.
  1. b) Logiciels + base de données :
  • L 332-4 + L 343-1 CPI sont les textes de base commun aux deux types. Possibilité de faire saisir par un commissaire de police pour une simple saisie description. Pour une saisie réelle, au contraire, il faut un contrôle judiciaire, cela à la différence du droit commun de l’art L 332-1 du droit d’auteur
  • Peu importe que le Logiciel ou la Base de Données soit française ou étrangère.
  • L’assistance d’un expert désigné par le requérant est possible, mais l’art 6-1° CEDH (droit à un procès équitable) exige qu’il soit indépendant des parties. On admet que l’expert puisse faire une copie du programme-source.

 

5     Pouvoirs de l’huissier :

La requête doit détailler ce que l’huissier a le droit de faire : se faire ouvrir le cas échéant les locaux par serrurier, faire fonctionner une machine, la démonter, faire des photocopies, etc…

Pour le matériel informatique il faut demander la saisie du système (cela peut vouloir dire le disque dur, mais pour un logiciel ce sera les sources et les exécutables) car souvent on ne peut pas distraire un élément du tout. En pratique l’avocat du saisissant devra, avant de rédiger sa requête, contacter l’expert pour lui demander la liste des opérations qu’il risque de devoir faire.

Bien évidemment, ne pas outrepasser les pouvoirs qui lui ont été accordés dans l’ordonnance, sous peine d’annulation.

6     Devoirs de l’huissier :

La saisie a un caractère très formaliste. Par souci de protection du saisi il importe de respecter scrupuleusement, à peine de nullité, les mentions que doit revêtir la requête (article 58 du Code de Procédure Civile). Il faut séparer et identifier clairement les pouvoirs conférés à l’expert et à l’huissier car seules les constatations du second, qui est un officier ministériel, valent preuve jusqu’à inscription en faux. Copie de l’ordonnance et de la requête doivent être remis au saisi. L’huissier doit décrire minutieusement les opérations effectuées.

Les risques d’annulation sont importants, si bien que les saisies sont des affaires de spécialistes : elles doivent être minutieusement préparées par l’avocat en concertation avec l’huissier.

Par exemple il a été jugé que l’huissier qui copie tout le disque dur, sans distraire les fichiers de correspondance privée, porte atteinte à la vie privée et encourt l’annulation de la saisie (Paris 26 avr 2006, GP 18-19 avr 2007, p42). On peut constater, une fois de plus, que les droits de la personnalité interfèrent avec la Propriété littéraire et artistique.

Il peut arriver que certains litiges réclament de faire une copie intégrale intégrales, par exemple d’un site internet, et non pas seulement de pages écran. Le juge peut être réticent à autoriser une mesure aussi large, qui risque de donner au requérant des renseignements d’ordre confidentiel : par exemple que le saisi participe à tel appel d’offre[26]. Pour le convaincre on peut alors solliciter que la copie intégrale ne soit que descriptive, qu’elle ne soit pas mise entre ses mains et que le juge soit saisi ultérieurement et contradictoirement pour soustraire de la divulgation les fichiers soumis au secret professionnel ou au secret de la vie privée[27]. Dans la mesure où le dossier le permet on se contentera, de préférence, à ne demander la saisie que d’éléments précis : par exemple si on recherche un logiciel contrefaisants inutile de faire une copie de la messagerie électronique (à moins que l’on ne soit pas sûr que le saisi contrefait effectivement ledit logiciel).

7     Le résultat :

Si le magistrat estime que les éléments fournis par la requête ainsi que les pièces jointes déposées au greffe montrent une probabilité de contrefaçon le juge autorisera par ordonnance la saisie, quitte à réduire les pouvoirs de l’huissier si on demande trop de choses. Ainsi l’huissier aura un titre exécutoire.

8     Les recours : (droit commun + L 332-2 et 3 CPI)

  • Côté requérant : si des mesures sont refusées le requérant peut relever appel de l’ordonnance suivant les articles 496 al 1 du Code de Procédure Civile devant le Président de la Cour d’appel.

Le requérant peut aussi faire une demande complémentaires de saisie en fonction de ce qui aura été découvert lors de la saisie.

  • Côté saisi : le saisi lui peut demander à l’auteur de l’ordonnance ou au Président du TGI en référé ou au juge de la mise en état (si l’action au fond a déjà été intentée) de rétracter l’ordonnance en diminuant les mesures ordonnées, par exemple en raison du secret des affaires. Il pourra demander par exemple, au nom, du secret des affaires, que les documents saisis soient consignés chez l’huissier et non pas remis au saisissant.

Civ 1ère 30 mai 2000 (CCE 2001 n°61) a précisé que la rétractation de l’art 497 code procédure civile ne s’applique pas dès lors qu’il y a des textes particuliers in CPI.

 

Deuxième partie :

Les droits voisins

 

Sur un substrat jurisprudentiel ils ont été consacrés par la loi du 3 juillet 1985.

Le rôle des droits voisins étant plus topique des modes d’exploitation classiques que d’internet on sera bref sur la question, tant en ce qui concerne les rapports individuels que collectifs.

  • 1 : Rapport individuel :
  • La loi de 1985 consacre non seulement la solution de l’arrêt Furtwängler au profit des artistes-interprètes, mais encore le droit d’investisseurs, ce qui rapproche sur ce point notre droit du copyright. Sans le dire il y a d’autres voisins que ceux de la liste officielle : le droit sui generis du producteur de la base de données, le « droit d’exploitation » conféré par la loi du 16 juillet 1984 aux organisateurs de manifestations sportives, droit que quelques décisions de justice ont consacré récemment : ce droit intéresse bien évidemment au plus haut point les clubs de football, car ils entendent monnayer au mieux les spectacles sportifs qu’ils gèrent.
  • La durée d’un droit voisin est de 50 ans après première communication au public. La réforme de 2006 a apporté des précisions quant aux différents points de départ du délai (L 211-4).

On observera une distorsion par rapport à la durée des droits d’auteur, qui est de 70 ans. De ce fait les producteurs de phonogrammes et les héritiers des interprètes vont subir un manque à gagner lorsque les interprétations de certains artistes vont tomber dans le domaine public : Brassens, Trénet, Brel par exemple. « Petit papa Noël » (50 millions de disques) est tombé dans le domaine public pour l’interprétation, alors que les auteurs seront protégés jusqu’en 2056, distorsion qui ne fait pas plaisir aux interprètes et à l’Adami. D’où la tentation pour les interprètes d’exiger, lorsqu’on leur propose une chanson, de modifier quelques broutilles pour prétendre ensuite être coauteur.

  • Éliminons l’entreprise de communication audiovisuelle et les producteurs de phonogrammes et vidéogrammes. Ils sont désormais protégés en tant que bénéficiaire d’un droit voisin et non plus seulement en tant que cessionnaires de droits d’auteur. Ils voulaient un droit voisin afin de bénéficier des possibilités de saisie qu’offre la contrefaçon. En effet, n’étant pas titulaires de droits (les auteurs et producteurs d’œuvres musicales les cèdent à la SACEM) ils ne pouvaient agir en contrefaçon. D’autres professionnels n’ont pas souhaité bénéficier d’un droit voisin, parce qu’ils estimaient que leur situation de cessionnaire des droits d’auteurs suffisait à leur assurer une bonne protection juridique : tel est le cas des éditeurs littéraires (sous réserve de ce qui va être dit de la loi du 17 juillet 2001) et des producteurs d’œuvres audiovisuelles, qui, eux, bénéficient d’une présomption de cession.
  • Il ne reste dès lors qu’à étudier le droit voisin le plus connu, celui des artistes-interprètes
  • Il faut faire une distinction entre interprète, artiste de complément et mannequin. Leurs statuts juridiques sont différents mais la distinction est complexe. Nous ne traiterons pas de cette question aux distinctions bysantines : il vous suffira de savoir que cette question existe. L’interprète est celui qui « joue » une oeuvre protégée préexistante. A titre d’exemple il a jugé que celui qui s’aide d’un logiciel pour interpréter une musique est un musicien (RIDA oct 2006, 303 référence de la CA de Paris non fournie). En revanche une présentatrice de télévision n’est pas une interprète et en cas de rediffusion après l’expiration de son contrat de travail elle a droit à une rémunération pour reproduction de sa voix et de son image (aff Evelyne Thomas TGI Paris 28 sept 2006 Légipresse 2006.I.160).
  • On notera qu’en plus du CPI il faut appliquer les art 762-1 et s code du travail qui fait de l’artiste-interprète un salarié dès lors que la personne n’est pas immatriculée au RCS (registre du commerce et des sociétés), quelque soit le montant de la rémunération. Comme le réalisateur d’oeuvre audiovisuelle l’artiste-interprète a donc un double statut : salarié et titulaire d’un droit intellectuel, sans compter (voir infra) la question du cumul éventuel avec le droit à l’image et à la voix de l’artiste.

L’art. L. 762-1 et 2 code du travail distingue le salaire et, au dessus d’un certain plafond fixé par convention collective ou accord spécifique (L 212-6 CPI), une redevance pour la diffusion de l’enregistrement hors la présence de l’artiste.

  • Prérogatives patrimoniales du titulaire du droit voisin (L 212-3 et 4 CPI) :

C’est la confirmation de la jurisprudence antérieure à la loi : création d’un droit privatif, c’est- à -dire que l’artiste doit avoir consenti à la fixation, à la reproduction de la prestation ou à la communication au public (une exception est prévue à l’article 212-10). La fixation s’applique à l’enregistrement, la reproduction à l’impression sur un support sonore (phonogramme), la communication au public c’est – à -dire la représentation.

L’autorisation doit être écrite nous révèle l’art L 212-3. Faute de précision on en déduit que l’exigence d’un écrit, suivant le droit commun, n’est qu’une règle de preuve et non de forme. C’est dire qu’en l’absence d’écrit il peut y être remédié par les règles du droit commun : entre personnes civiles commencement de preuve par écrit étayé par des présomptions ou des témoignages attestant de l’autorisation donnée, ou à défaut, au-dessus du seuil légal, par aveu ou serment.

A la différence du droit d’auteur (art 131-3) le texte n’exige pas que soit rapportée la preuve de l’existence de mentions spéciales relatives à la portée de la cession.

Pour les œuvres audiovisuelles l’article L 212-4 prévoit que la signature du contrat conclu entre l’artiste et le producteur vaut cession des droits d’exploitation. Mais l’alinéa 2 exige une rémunération par mode d’exploitation : quid, alors, de l’exploitant qui invoquerait la cession mais qui n’aurait pas rémunéré l’auteur ? La combinaison des deux textes veut-elle dire qu’il n’y a cession que s’il y a rémunération ?

Il a été jugé que la bande son spécialement conçue pour un film n’est pas une œuvre audiovisuelle : faute d’application de l’article L 212-4 une autorisation est nécessaire (Paris 9 mai 2005, GP 15-17 janv 2006, p27).

A défaut d’accord particulier la rémunération est fixée par voie d’accord spécifique conclu, dans chaque secteur d’activité, entre les organisations de salariés et d’employeurs représentatifs (CPI art L 212-5), dont les stipulations peuvent être étendues par le ministre à tout le secteur d’activité.

A défaut d’accord spécifique c’est une commission (composée selon CPI L 212-9) qui fixe la rémunération.

  • L’article L 211-3 prévoit les mêmes exceptions au monopole qu’en droit d’auteur : copie privée, citations, parodies etc…
  • Les droits pécuniaires des artistes sont régis par les sociétés de perception suivantes : l’ADAMI (société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens-interprètes) et la SPEDIDAM (société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse), chacune ayant ses spécialités, la première gérant par exemple les droits des artistes inscrits sur l’étiquette des oeuvres sonores et au générique des œuvres audiovisuelles. Les interprètes en groupe (ex orchestre) sont gérés par la SPEDIDAM, les solistes par l’ADAMI.
  • Les interprètes ont un droit moral (art L 212-2 CPI) : droit au respect et à la paternité. Le texte est muet en ce qui concerne le droit de divulgation, lequel est donc discuté (TGI Paris 28 sept 2001, RIDA avr 2002, 327, dit non, mais TGI Paris 14 févr 2003, JCP 2004 ed E 1898, n°11, semble dire oui, de même que Paris 2 mars 2005, CCE 2006, chr 3, n°5), de même que le droit de repentir.
  • Droit au respect : pour une œuvre multimedia : ex le clonage virtuel de personnages peut poser difficulté. Autre exemple : une coupure au montage. Dans d’autres secteurs il a par exemple été jugé qu’une reproduction sans le son manquait de respect à l’œuvre : Paris 2 juin 2001, D aff 2001, 2894. Il a été aussi jugé qu’il n’y avait pas d’atteinte au droit moral de l’interprète, car la copie définitive de l’œuvre audiovisuelle avait été établie, conformément au CPI, avec l’accord du réalisateur ; or le droit voisin s’exerce, dit le CPI, « sans préjudice » du droit d’auteur : CA Paris 21.sept.1999, Légipresse 1999.I.129), ce qui indique que la volonté du législateur a été d’établir une règle de résolution des conflits ; le droit voisin est inférieur hiérarchiquement au droit d’auteur : en cas de conflit entre un auteur et un artiste l’opinion du premier prévaut. Si, donc le réalisateur a donné son accord pour la version définitive, l’interprète ne peut plus la remettre en cause.

Le droit au respect semble très fort : témoin l’aff Jean Ferrat où il a été jugé par la chambre sociale de la cour de cassation qu’un CD de compilations de chansons créait un contexte négatif au détriment de l’artiste (Cass 8 févr 2006, D 2006, 1168) alors que la première chambre civile a estimé que l’atteinte au droit moral n’était qu’éventuelle (Cour de Cassation  7 novembre 2006, D 2006, 2913). Dans l’affaire Henri Salvador il a été jugé que la compilation d’enregistrements anciens tombés dans le domaine public portait atteinte, faute de remastérisation, au droit moral de l’interprète (Paris 14 novembre 2007, CCE 2008, n° 18, Caron) ; concrètement cela conduit à demander une nouvelle autorisation.

Il semble que le droit moral de l’interprète se calque sur le droit moral de l’auteur. En effet il a été jugé que, comme pour l’auteur, l’interprète ne peut renoncer de façon préalable et générale à toute modification de l’œuvre future. Le droit d’auteur, ici encore, semble donc bien être le droit commun du droit voisin.

  • La question du cumul avec les droits de la personnalité : droit à l’image et à la voix. Dans une affaire TGI Nanterre 5 nov 1997 G P 9-11 août 1998 le tribunal a jugé qu’à défaut d’autorisation il y avait atteinte au droit moral de l’interprète pour avoir inclus, sans autorisation, une chanson dans une publicité, mais que cette atteinte englobait celle de l’atteinte du droit à la voix ; en revanche Paris 18 oct 2000, D 2001, Som 2078, note critique s’est prononcé pour le cumul de l’atteinte au droit voisin et de l’atteinte au droit de la personnalité. Idem in Paris 14 janv 2004, CCE 2004, n°87 et Paris 21 janv 2005, JCP ed E 2005,1216, n°8.
  • S’agissant de musiques deux arrêts importants ont été rendus à propos de l’effet destructeur de la résiliation d’un contrat d’enregistrement exclusif[28]. La résiliation du contrat ne vaut que pour l’avenir, qu’il s’agisse de la cession de droits ou des biens corporels (masters). Il n’y a donc pas, à l’inverse de ce qui se produirait s’il y avait nullité, de restitutions. Il en résulte que le producteur peut continuer à exploiter les interprétations passées et que la clause dite d’exclusivité « catalogue » subsiste : en vertu de celle-ci l’artiste ne peut donc, pendant le délai contractuel stipulé, interpréter les œuvres passées objet du contrat résilié. On peut se demander si cette stipulation n’est pas une clause de non concurrence appliquée à un salarié (l’interprète est aussi un salarié ce qui supposerait que sa validité soit soumise à une contrepartie financière sous peine de nullité[29].
  • 2 Rapport collectif :

La gestion collective des articles L 311-1 et s a déjà été évoquée, par commodité, en même temps que celle des auteurs (voir supra). L’article 311-2 prévoit que la rémunération équitable est répartie entre les « auteurs, les artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes fixés pour la première fois dans un Etat membre de la CE ».

Une rémunération collective est prévue par les articles L 214-1 et 2, réformés en 2006, parce que les interprètes et les producteurs de phonogrammes ne peuvent s’opposer :

  • A la « communication directe» au public pour les phonogrammes (=son) dès lors qu’il n’est pas utilisé dans un spectacle. Cela concerne notamment la diffusion à la télévision, à la radio, dans les discothèques. En revanche la musique dans les chambres d’hôtel n’est pas visée, ce qui est malheureux, car il s’agit d’une communication indirecte. Il n’est plus donc question d’autorisation individuelle et nous sommes en présence d’une licence légale, comme il en existe en droit des brevets, lorsque la licence légale est applicable.
  • A sa « radiodiffusion et à sa câblodistribution simultanée et intégrale, ainsi qu’à sa reproduction strictement réservée à ces fins, effectuées par ou pour le compte d’entreprises de communication audiovisuelle en vue de sonoriser leurs programmes propres »…L’expression pour « le compte » permettra d’englober les filiales des maisons mères.

Cette dernière disposition brise une jurisprudence initiée en 2002 par la cour de cassation qui faisait une application restrictive du domaine de la licence légale.

 

  • Conditions : Il faut que le phonogramme ou le vidéogramme ait été fixé dans un pays membre de l’UE (art L 311-2). En fait les sommes sont perçues sans considération du lieu de fixation : il en résulte que des sommes d’argent considérables sont bloquées par la SPRE au profit des interprètes américains, sans que ceux-ci puissent les toucher.

Il faut qu’il s’agisse d’une radiodiffusion, ce qui exclut la télédiffusion, laquelle est plus large. La radiodiffusion concerne les ondes radioélectriques alors que la télédiffusion vise tout moyen.

– Dans les cas où il y a une reproduction préalable, notamment par numérisation faite avant la radiodiffusion, on s’est demandé si la licence jouait. Pour le karaoké la jurisprudence était divisée. Mais la cour de cassation a jugé en 2003 que la licence légale n’est pas applicable et qu’il faut mettre en œuvre à la fois le droit de reproduction mécanique et le droit d’édition graphique (partition), car il y a reproduction préalable nécessaire du phonogramme sur un nouveau support. Même problème d’application éventuelle de la licence légale pour la musique intégrée dans un vidéogramme d’images. La rédaction du texte en 2006 ne fait que confirmer a contrario la solution de la cour de cassation.

– Pour la diffusion à la télévision. Les télédiffuseurs disent que la licence légale joue. Les producteurs de phonogrammes prétendent que la licence ne concerne que le direct, car s’il y a enregistrement il n’y a plus de phonogramme ou de vidéogramme mais un produit audiovisuel.

Cela concerne les sonorisations : les bandes annonce, les génériques (droit de synchronisation). La Cour de cassation (Civ 1ère 29 janv 2002, Civ 1ère 19 nov 2002) avait refusé que le droit de synchronisation soit inclus dans la licence légale parce qu’il y avait « incorporation » dans une œuvre nouvelle, ce qui n’était pas visé par le texte. Cette solution a été battue en brèche par la loi DAVSI (nouvel art 214-1) puisque la sonorisation des programmes propres sur les antennes des chaînes est désormais expressément englobée dans la licence légale. Le critère dit de l’incorporation est donc écarté, du moins sur ce point.

– Pour les musiques de radio par satellite ou les radios en ligne, avant la réforme de 2006, on hésitait quant à savoir si les communications directes après numérisation étaient ou non couvertes par la licence. Certains voulaient distinguer entre le streaming qui ne laisse pas de trace sur un disque dur (on utilise une mémoire seulement temporaire : buffering= mémoire tampon) et les autres cas où il y a reproduction. Désormais la loi de 2006 clarifie les choses. Seules les radiodiffusions en vue de sonoriser un programme propre sont soumis à la licence. Il en résulte notamment que la communication en ligne en direct est exclue comme n’étant pas de la radiodiffusion. Mais de ce fait un hiatus apparaît. Une radio en ligne n’est pas soumise à la licence légale, alors qu’une radio classique, en hertzien, l’est (GP 18-19 juill 2007, p21).

  • Répartition : La SPRE (soc civ pour la perception et la répartition des droits d’auteur et des droits des artistes interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes) récolte les droits, puis les répartit entre l’ADAMI, la SPEDIDAM, pour les interprètes, la SCPP et la SPPF pour les producteurs (encore faut-il que les sociétés aient eu mandat de leurs adhérents).
  • La rémunération est fonction du type de support et de la durée d’enregistrement qu’il permet (art L 311-4 al 2 et 3).

[1] Cette position est critiquable car on voit mal où est l’acte distinct de Concurrence Déloyale : tout contrefacteur cherche en fait à se situer dans le sillage d’autrui : en ce sens Passa, note sous Com 20 févr 2007, Prop intellec juil 2007, 357 : l’arrêt affirme que se situer « dans le sillage » ne suffit pas.

[2] Le détenteur de droits est celui qui les a acquis du titulaire initial par vente ou donation

[3] Voir infra in droits voisins

[4] Ils gèrent notamment le droit de reproduction et notamment la synchronisation (droit d’insérer des extraits de musiques : le secteur de la publicité est très concerné), les droits graphiques (partitions de musiques), notamment pour le karaoké, le droit d’éditer des phonogrammes qu’ils confient à des producteurs de CD et DVD.

[5] C’est la mémoire (Random acess memory) dans laquelle un ordinateur place les données lors de leur traitement : elle est perdue lorsque l’alimentation électrique est coupée.

[6] Puisque ce n’est pas en droit la cour d’appel de Paris en déduit, sévèrment, qu’un particulier n’a pas juridiquement intérêt à agir contre le distributeur d’un jeu vidéo comprenant un dispositif technique anti-copie (5 avr 2007, JCP 2007, act 170). La copie privée ne peut donc être excipée par l’utilisateur qu’en défense à une action, par voie d’exception, et pas en demande.

[7] Cependant M Desurmont estime (Le régime de la copie privée, CCE nov 2006, p 18) que l’article 331-9 ne s’applique pas à l’utilisation faite en amont. Il en déduit pour un internaute que l’illicéité de la source ne le prive pas  du bénéfice éventuel de la copie privée. Mais, ici aussi, la question, au titre du tripe test, de l’exploitation normale de l’œuvre risque de peser dans la balance.

[8] Un décret du 4 avr 2007 a créé la structure de l’ARMTP ; mais le projet de loi de réforme dit DAVSI 2 (voir infra) promet déjà de la supprimer pour la remplacer par une haute autorité des œuvres de propriété intellectuelle.

[9] Civ 1ère, 2 aff, 27 févr 2007, D 2007, 806.

[10] En théorie les  droits de la personnalité sont hors commerce pour des raisons éthiques. S’agissant de droits subjectifs qui mettent en œuvre nos « tripes » on conçoit qu’on ne puisse en faire commerce. Les parties du corps humain ne peuvent se vendre, pas plus que sa dignité, ou son nom. Mais pour le droit à la vie privée et, surtout, le droit à l’image, on voit que le principe s’est affadi. Nombreuses sont les vedettes qui monnayent leur vie privée ou leur image.

[11] Le moyen de contourner la prohibition du Traité de Washington (PCT) qui prohibe la brevetabilité des programmes est de protéger, non le logiciel globalement, mais seulement certains de ses éléments.

A la différence de l’OEB (office européen des brevets) le Japon et les USA sont plus souples dans l’appréciation des conditions de brevetabilité : pour l’effet technique ils admettent qu’il puisse être implicite dans les revendications. La conséquence est qu’aux USA on autorise la brevetabilité plus largement : par exemple on admet le dépôt de méthodes intellectuelles de marketing ou de comptabilité, alors qu’en Europe il faut une véritable contribution technique que ne remplit pas, en principe, un programme (Paris 10 janv 2003, CCE 2003, n° 23, obs Caron), puisqu’il n’a pas pour mission de faire fonctionner l’ordinateur, encore que certains logiciels fassent évoluer le fonctionnement des machines en apportant une contribution de caractère technique. Pour la chambre des recours de l’OEB il ne suffit pas que l’invention mette en œuvre des moyens techniques, il faut encore que l’effet recherché soit de nature technique et qu’il est fait l’objet d’une revendication dans le dépôt.

Cependant l’approche de l’OEB est, semble-t-il, plus souple que celle de l’INPI, si bien qu’à ce jour il vaut mieux déposer un PCT qu’un brevet français. En France il faut que qu’il s’agisse d’un véritable procédé technique et non pas seulement d’un simple programme camouflé en procédé. L’INPI admet le dépôt à la condition que le logiciel ne soit  que le moyen pour obtenir un effet technique. A cette fin il est admis que la description de l’invention comporte de courts listages rédigés dans un langage de programmation courant. La Cour d’appel de Paris a, le 15 juin 1981 (Ann prop ind 1982, 24, note Mathély), ainsi infirmé le jugement qui avait refusé la brevetabilité d’un logiciel destiné à aider à déceler par des signaux sur le terrain des éventuels gisements pétroliers. Elle a par contre refusé la brevetabilité d’une méthode commerciale permettant de commander un produit en cliquant sur l’image de l’acheteur à l’écran : Paris 21 mars 2001, Dictionnaire permanent des affaires, Bull 2001, n°553..

L’Académie des technologies française a constaté une tendance de l’OEB à admettre largement les demandes de brevets. Des décisions de l’OEB (aff Sohei du 31 mai 1994, IBM du 1er juillet 1998, Philips du 15 mars 2000 et Pension Benefit System Partnership du 31 mai 2000) ont permis d’envisager la brevetabilité en ayant une vue compréhensive de l’état de la technique. Le plus grand flou règne dans la jurisprudence de l’OEB quant à savoir ce qui est brevetable et ce qui ne l’est pas, car on peut se faire des opinions très variables de ce qu’est l’effet technique. L’OEB, dans la décision Vicom a dit que si un algorithme reste abstrait, son utilisation dans un procédé mettant en œuvre un moyen technique devient protégeable. Dans l’affaire IBM T 1173/97 du 1er juillet 1997 il s’agissait d’un programme permettant le déblocage automatique d’un type de bug. ; la chambre des recours a considéré que « le caractère technique » au sens où on l’entend ci-dessus doit être recherché ailleurs : il pourrait tenir aux autres effets résultant de l’exécution (par le matériel) des instructions données par le programme d’ordinateur. Lorsque ces autres effets ont un caractère technique, ou lorsqu’ils amènent le logiciel à résoudre un problème technique, on peut considérer que l’invention produisant ce type d’effet peut, en principe, être brevetée ».

Pour éviter ces pratiques contorsionnistes qui aboutissent à obvier la prohibition de la brevetabilité la Commission européenne, avait, péniblement tant les passions s’étaient déchaînées autour de la question, adopté un projet de directive assez restrictif qui autorisait une brevetabilité sous conditions très restrictives. Mais le Parlement européen a refusé ce projet de directive et à ce jour l’affaire est enterrée.

On notera que des entreprises préfèrent souvent ne pas déposer des brevets pour préserver le caractère secret de leur invention : c’est alors du simple savoir faire.

 

 

[12] Le code source ou programme source est une suite d’instructions en un langage informatique (ex java) plus ou moins éloigné du langage humain. Ce programme est compilé, en langage binaire compréhensible par la machine, en un code objet, aussi appelé programme exécutable. Il met en œuvre des algorithmes = des calculs et enchaînements nécessaires à l’accomplissement d’une tâche. Grâce à cette compilation l’internaute pourra, par exemple, utiliser Mozilla ou un autre logiciel. Lors de l’achat d’un logiciel le CD contient le binaire, mais pas le code source. On peut donc, le cas échéant, copier le programme, mais pas le modifier. Cependant grâce un logiciel de décompilation il est possible de retrouver des informations du code source.

 

[13] Il est prudent de prévoir dans le contrat de séquestre que les codes sources des nouvelles versions doivent être fournies à l’APP, afin que l’outil demeurer opérationnel.

[14] Copyleft est un jeu de mot marquant l’idée de s’opposer à la pratoection (copyright)

[15] Hassler, Le client ASP sous influence, Expertises 2003, 13.

[16] Cordier, La clause de réversibilité, CCE 2008, Fiche prat 5.

[17] Voir par ex Com 4 juill 2006, n°03-13.728

[18] Com 21 nov 2006, n°05-19.294

[19] Paris 22 mars 2006, D 2006, 2998 : la rémunération à 0 % pour les 500 premiers exemplaires est licite, ce que le libellé de l’article L 122-7-1 CPI vient confirmer.

[20] Voir notre étude sur cette question sous « Contrats de publicité », Encycl Dalloz

[21] Paris 10 mars 2000, PA 22 avr 2002, p 10, notre note

[22] En ce qui concerne la loi de 2006 sur le port à port les discussions ont porté sur l’instauration d’une licence globale, laquelle se différencie de la licence légale en ce que pour le port à port une autorisation d’exploitation a dû être consentie par les ayants droit en début de chaîne, ce qui n’est pas le cas pour une licence légale. Mais finalement la licence globale a été abandonnée car le gouvernement y était hostile.

[23] Cela étant il est possible juridiquement de poursuivre le complice même si l’auteur principal n’a pas été attrait au procès.

[24] Sur cette question voir A et H-J Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, 3è ed, n°984

[25] Autre but : demander une saisie pour prouver le préjudice contrefacteur : Paris 19 oct 2007, CCE 2008, n°65

[26] Dans le cadre de l’espionnage économique une stratégie de saisie-contrefaçon peut être déployée pour tenter de percer les secrets adverses, notamment via les mails.

[27] Voir Wallon, des difficultés rencontrées lors des saisies informatiques ou des constats opérés sur des systèmes informatiques, CCE 2007, Etude, n°15

[28] Aff Halliday, Soc 20 déc 2006 et Guesh Patti Civ 1ère 5 juill 2006, CCE 2007, n° 35, Caron. Mais on peut penser que l’absence de rétroactivité ne concernera pas une résolution fautive (Soc 21 juin 2004, n°02-43793). Cela étant, dès lors qu’il n’y pas faute il y aura lieu d’appliquer la clause back catalogue qui attribue les droits + les supports (masters) au producteur en cas d’expiration du contrat. Mais attention, une clause d’exclusivité pour une trop longue durée pourrait constituer une entrave à la liberté du travail, voire un abus de position dominante (droit de la concurrence).

[29] En ce sens M Edelman, Autopsie des contrats de production phonographique, D 2007, 2890

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