La protection des libertés par la CEDH et l’ONU

Les protections juridictionnelles au niveau international et régional (exemples de la CEDH et de l’ONU)

Deux sortes d’institutions : d’un côté les véritables juridictions qui disposent des garanties statutaires que nous avons vu précédemment et qui disposent des compétences propres aux juridictions) savoir trancher les litiges ne rendant une décision obligatoire et de l’autre, les organes ou institutions qui veillent au respect des engagements pris par les Etats dans le champ des Droits de l’Homme mais sans pouvoir rendre des décisions ayant une force exécutoire.

1. Les véritables juridictions

Ex de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle joue un rôle essentiel dans la garantie des Droits et Libertés au niveau européen. Ce rôle est d’abord d’ordre quantitatif : elle rend de nombreux arrêts, ce qui engendre un engorgement de la cour européenne (aspect négatif). Cette cour est en fonction depuis 1959. 90% des arrêts rendus par la CEDH depuis sa création ont été rendu entre 1998 et 2010. Cela explique des réformes procédurales récentes : la cour a revu sa procédure. La moitié des arrêts rendus par la cour concerne 4 Etats : la Turquie, la Russie, la Pologne et l’Italie. La moitié des arrêts conclus à la violation de l’article 6, droit à un procès équitable.

  • La compétence de la CEDH

Le système européen de protection des Droits de l’Homme doit son efficacité au fait qu’il permet à une personne, physique ou morale de saisir, une juridiction à savoir la cour européenne des Droits de l’Homme afin de faire constater la violation par un Etat partie à la convention de l’un des droits que celle-ci garantit. Ce recours individuel est aujourd’hui considéré comme le rouage fondamental de la garantie des droits de l’homme au niveau européen. Pour autant, il existe un second moyen de saisir le juge européen, plus classique, qui est la requête interétatique par laquelle un Etat soulève devant la cour la violation de la convention par une autre Etat partie. Recours qui reste rare en pratique : une dizaine de saisine de ce type, provenant d’un Etat partie à la convention. C’est une véritable juridiction ; elle est chargée de tranché un litige

Composition cohérente par rapport à sa fonction : nombre de juges = au nombre des Etats parties (47). Ces juges sont proposés par les Etats et élus par l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe. Les Etats proposent en général une liste de 3 noms et l’AP élit les 47 juges pour une durée de 9 ans. Ils ne sont pas renouvelables, ce qui constitue une garantie en termes d’indépendance. Le juge ne représente pas son Etat (règles d’impartialité s’appliquent).

  • L’interprétation du texte conventionnel par la cour

Pour l’interprétation de la convention, la Cour est guidée par un principe qui est de rendre efficace la protection de l’individu. Idée : les Droits de l’Homme ne sont pas simplement proclamés dans le texte mais doivent faire l’objet d’une véritable garantie internationale qui doit permettre d’assurer son effectivité. La cour l’a rappelé à plusieurs reprises : «la convention a pour but de protéger des droits non pas théorique et illusoires mais concrets et effectifs». CEDH 9 octobre 1979 AIREY c/ Irlande.

Classiquement, au regard des règles d’interprétation des traités, énoncés dans la convention de Vienne sur les traités, «un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but». Conformément à cette règle, la Cour privilégie l’interprétation finaliste et en même temps évolutive, ce qui donne à sa jurisprudence un caractère dynamique.

Arrêt CEDH TYRER c/ RU 25 avril 1978 : «la convention est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions actuelles.»

Elle a pu avoir une jurisprudence sur égalité entre les enfants de couples mariés et les enfants naturels : 1979 Marcks c/ Belgique et égalité entre enfants issus d’un couple marié et enfants issus d’un adultère : Mazueck / France 2000. Cela nous montre l’évolution des mœurs, égalités permises par l’interprétation évolutive du texte.

Interprétation évolutive aussi sur la sexualité : à partir de 1981 la répression pénale de l’homosexualité par le RU est contraire à la convention (DUDGEON / RU). Et 1992 B/ France, elle a considéré qu’une personne transsexuelle qui avait changé de sexe et avait un comportement social de l’autre sexe, devait pouvoir obtenir de la part de l’Etat la modification de son acte de naissance avec la mention de son nouveau sexe et modifications éventuelles de son prénom. Ceci est allé plus loin en 2002 GOODWIN / RU, la personne transsexuelle peut se marier sous sa nouvelle identité (conformité article 12 de la convention)

  • Les pouvoirs du juge européen

Les arrêts de la CEDH, sont dits déclaratoires, sans force exécutoire, ce qui signifie que la cour ne peut pas elle-même mettre fin à la violation étatique. Ces arrêts déclarent la violation mais les Etats doivent ensuite se conformer aux arrêts rendus. Les Etats ne sont pas totalement libres, la CEDH aprévu que le comité des ministres du conseil de l’Europe, surveille l’exécution parles Etats des arrêts rendus par la juridiction.

Par ailleurs, dans certains de ses arrêts, la Cour elle-même se fait plus précise ; en plus de constater la violation par l’Etat, elle ne se prive pas dans certaines hypothèses de faire des recommandations aux Etats concernant l’exécution dudit arrêt : arrêts dits pilotes. Ce sont des arrêts émergés récemment et qui concernent des problèmes systémiques autrement dit des problèmes récurrents susceptibles de faire naître un contentieux en série. Pour éviter l’engorgement, la cour rend un arrêt pilote dans lequel elle constate la violation et fasse des recommandations pour que l’Etat mette fin à la violation.

Ex arrêt pilote : conditions de vie pénitentiaire.

L’exécution des arrêts de la cour consiste à faire cesser le trouble subi par la personne dont le droit à a été méconnu mais si cela est impossible, cela donnera lieu à une «satisfaction équitable», à une indemnisation de la personne. Mais il convient en outre que l’Etat prévienne de futures violations similaires en engageant si nécessaire, des réformes législatives, en procédant à des évolutions jurisprudentielles ou même à des modifications matérielles.

Le comité des ministres peut être amené à dresser aux Etats, 3 types de demande :

  • le paiement de la satisfaction équitable : verser une somme d’argent au requérant dont le droit a été méconnu
  • les mesures individuelles : l’Etat va prendre des mesures pour faire cesser la violation si elle continue, à l’égard du requérant.
  • les mesures générales : le comité peut inviter l’Etat à modifier une loi par exemple ou à adopter un changement de jurisprudence ou un changement de pratiques administratives.

Dès le départ, les Etat ont accepté de prendre les mesures générales, ceci est paradoxal d’un point juridique car on s’éloigne de l’exécution d’un arrêt particulier. Mais les Etats ont vite compris la nécessité d’agir ainsi pour éviter de futures condamnations par la cour.

Les arrêts ont une autorité relative de la chose jugée. C’est uniquement l’Etat en cause qui doit prendre les mesures exigés par l’arrêt, autrement dit, l’arrêt ne s’impose qu’à cet Etat. Toutefois, les autres Etats peuvent anticiper de potentielles condamnations les concernant et prendre des mesures de façon à les éviter.

Cour interaméricaine des Droits de l’Homme :

Différence importante : le mode de saisine (voir fin de feuille) Attention différence : mandat des juges à la CEDH 9 ans non renouvelables, et 6 ans renouvelable pour les juges de la CIDH.

2. Les organes quasi-juridictionnels

Il s’agit là d’une construction doctrinale qui désigne des organes, pas totalement assimilables à une juridiction. Au plan universel (les NU), la plupart des dispositifs de contrôle ne sont pas contraignants, certains des organes mises en place se rapprochent dans leur fonctionnement et dans leur compétence des juridictions. Il y a une grande diversité des instances pouvant connaître de recours internationaux en matière de Droits de l’Homme dont l’efficacité varie considérablement. Ce qui permet de distinguer les uns des autres est d’une part la composition de ses organes et d’autre part, leur modalité de saisine.

Dans les deux ordres juridiques (universel et régional), on rencontre des systèmes de contrôle qui ont tendance à se perfectionner et donc à se rapprocher progressivement des juridictions traditionnelles.

  • Au plan universel

Généralités :

Plusieurs comités mise en place par les instruments de protection des Droits de l’Homme peuvent connaître de communications individuelles, émanant d’individus qui se plaignent de la violation par un Etat partie, de leurs droits. Ex : le Comité des Droits de l’Homme est l’organe chargé de veiller au respect par les Etats du PDSP de 1966. Il en va de même du comité pour l’élimination des discriminations raciales mis en place par la convention du même nom. Le comité pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes mis en place par le convention du même nom et aussi le comité contre l’élimination de la torture. Il faut que l’Etat ait accepté la compétence dudit comité. Il pourra faire le constat des violations des dispositions de la convention. Ses constations sont obligatoires et rendues publiques dans des rapports rendus annuellement par le comité à l’AG des NU.

Ses constatations sont déclaratoires, elles constatent des violations des Droits de l’Homme mais ne comportent pas les mesures de réparation. Pour favoriser la bonne application de leurs décisions, les comités ont mis en place des mécanismes de suivi. Le comité accompagne l’Etat.

Composition :

Le comité des droits de l’Homme, siège à Genève, est mis en place par le PSDSP. Il est composé de 18 membres élus par les Etats, ils sont élus par moitié tous les 2 ans. Ces membres ont une nationalité mais ils ne représentent aucunement leur état respectif. Les décisions du comité des Droits de l’Homme sont en principe prises en consensus. Le comité des Droits de l’Homme a 3 rôles distincts :

  • l’examen de rapports : examen des rapports remis par les Etats parties tous les 5 ans, rapports dans lesquels les Etats font part des mesures politiques, juridiques, budgétaires, matérielles et autre qu’ils ont prises pour mettre en œuvre les droits énoncés dans le pacte et donc respecter leurs obligations internationales.
  • énoncé des observations générales sur certains Droits de l’Homme : de sa propre initiative, il peut décider de donner des indications utiles aux Etats parties afin de les guider dans le respect de leurs obligations conventionnelles.
  • l’examen des communications individuelles : il peut être saisi par une victime d’une violation des Droits de l’Homme perpétrée par un Etat partie au pacte. Cette possibilité résulte du protocole n°1 entrée en vigueur en 1976 et ratifié par la France 1984. Cette fonction le rapproche du juge traditionnel.

L’actualité :

Récente entrée en vigueur du protocole facultatif au PIDESC. Il Existait un projet visant à mettre en place un mode de contrôle du PIDESC qui existait à propos des P.DSP ????

Ce projet est entré en vigueur et un protocole additionnel facultatif au PIDESC a été adopté par l’AG des NU. Il prévoit que le CODESC puisse recevoir des plaintes individuelles : instauration d’un mécanisme de nature quasi juridictionnel.

Ce protocole a été ouvert à la signature depuis septembre 2009 et pour entrer en vigueur il fallait qu’il soit ratifié par 10 Etats.

Le 5 février dernier, l’URUGUAY est devenu le 10ème Etats et 3 mois après ce protocole entrera en vigueur à l’égard des Etats parties.

Les particuliers et également les groupes de particuliers, qui s’estiment victime d’une violation de plusieurs droits garantis par le PIDESC peut présenter une communication individuelle devant le CODESC.

Autre aspect : procédure d’auto saisine du comité : le comité peut s’autosaisir, ça permet aux ONG, d’avertir le comité de l’existence d’atteintes graves aux Droits de l’Homme.

La France a fait un premier pas en signant ce protocole en décembre dernier, il lui reste à le ratifier.

  • Au plan européen

Le comité européen des droits sociaux : ce comité est l’organe de contrôle de la charte sociale européenne. Il siège à Strasbourg et comporte 15 membres élus et ils ont un mandat de 6 ans renouvelables une fois. Depuis 1968, ce comité examine de manière classique pour un organe veillant au respect des Droits de l’Homme par les Etats parties, les rapports remis par les Etats portant sur l’application qu’ils font de la charte. Mais, il peut aussi exercer un contrôle de manière plus récente des réclamations collectives. Elles peuvent être présentées contre des Etats parties, à la charte et qui en outre, ont accepté le protocole de 1995 (entrée en vigueur en 1998) prévoyant ce mécanisme de réclamations collectives. Ce protocole permet à un certain nombre d’OMG, de syndicats côté salariés et employeurs, de saisir le CODESC des violations des droits consacrés par la Charte. Le comité va regarder la recevabilité de la réclamation et le bien fondé. C’est là qu’il détermine s‘il y a violation de la charte. Le Comité respecte la procédure contradictoire, les parties vont avancer des arguments et tout se fait par écrit, chaque argument bénéficie d’une contradiction de la part de l’autre partie. La décision rendue par le Comité n’est pas immédiatement rendue publique. La décision va être transmise au comité des ministres qui va adopter une résolution. A partir de la là, la décision du comité des droits est rendu publique. Si le comité des ministres tarde à adopter la résolution, 4 mois après, le comité peut rendre public la décision.

Le comité des ministres ne peut remettre en cause l’interprétation faite par le comité européen des droits sociaux, ce n’est pas un juge d’appel, c’est simplement du formalisme, pour donner autorité à la décision. Le rôle du comité des ministres est d’inviter l’Etat concerné à se mettre en conformité avec ses engagements issus de la charte social européenne. Ila rendu une quarantaine de décisions concernant des réclamations collectives mais son apport se fait aussi par le biais de l’examen des rapports des Etats, car il écrit des conclusions sur l’interprétation des droits de la charte. C’est autant de guide pour les Etats.

Le comité a constaté la violation par la France des articles 30 et 31 de la charte qui concerne le droit au logement en raison de l’insuffisance manifeste de l’offre de logements à un coût accessible pour les personnes les plus pauvres : décision du 5 décembre 2007 ATD Quart Monte c/ France 2007

Concernant le droit au travail, le comité a conclu à l’inobservation par la France de plusieurs dispositions de la charte relative aux droits du travail et en particulier à la durée maximale de travail pour les cadres : 23 juin 2010 CGT /CGC c/ France.