Proudhon, ses critiques contre l’église, l’État, la propriété
Pierre-Joseph Proudhon est devenu célèbre en 1840 avec son livre Q’est-ce que la propriété ? (Qu’est-ce que la propriété ?) s’attaquait à la propriété et embrassait l’anarchisme. De cette date jusqu’à sa mort en 1865, Proudhon a été un participant très visible aux débats sur la religion, la morale, l’économie et la politique. Jamais efficace dans la sphère publique, Proudhon est surtout connu pour ses écrits, qui sont volumineux. Comme l’a fait remarquer un observateur, lorsque Proudhon s’est retrouvé avec un stylo à la main, il a semblé avoir une crise d’éloquence.
Proudhon est né à Battant, un quartier modeste de la ville de Besançon, au bord du Doubs. Il est fier de ses origines modestes, rappelant toute sa vie qu’il a été (comme il le dit en 1855) « élevé dans les coutumes, les mœurs et la pensée du prolétariat ». Adolescent, Proudhon a fréquenté le Collège royal de Besançon grâce à une bourse d’études. Jeune homme, il a reçu un prix qui lui a permis de passer plusieurs années (1838-1841) à étudier à Paris et à assister aux conférences de grands intellectuels tels que Jules Michelet et l’économiste Jérôme-Adolphe Blanqui. Il insistait cependant toujours pour que sa véritable éducation se fasse dans l’atelier, où il apprenait à la fois les compétences manuelles et mentales. Jeune homme, il a travaillé comme imprimeur et, pendant plusieurs années (1836-1843), il a dirigé avec quelques amis une imprimerie qui a perdu de l’argent et l’a laissé lourdement endetté. Il a également passé plusieurs années (1843-1847) à travailler pour une société de transport maritime à Lyon, ce qui l’a exposé à divers aspects du commerce et de la fabrication.
La notoriété de Proudhon est due à ses écrits, qui analysent avec force les inégalités socio-économiques et critiquent avec virulence l’égoïsme des classes riches. Ses satires engageantes sur les gouvernements et les riches provenaient d’un moralisme de gauche caractéristique, ce que Jean Maitron a appelé une « sensibilité indigène à l’injustice ». Proudhon croyait en une morale immanente qui combinait une version sécularisée de la morale chrétienne et une version modifiée de la vertu républicaine. Lorsque Proudhon a adopté l’étiquette « anarchiste » en 1840, il a insisté pour que la société soit régie par une morale sociale qui amènerait les hommes à reconnaître la dignité de leurs concitoyens et à mettre de côté leurs intérêts personnels pour le bien social général.
P1 – Sa critique contre la propriété
- Hayek, ses idées, sa vie
- Karl Schmitt, le penseur de l’antilibéralisme
- Karl Popper, ses idées
- Le libéralisme
- Marx, la lutte des classes et le socialisme
- Marx, le prolétariat et le communisme
- Proudhon, sa vie, ses idées
À la question provocatrice posée par le titre de son livre de 1840, « Qu’est-ce que la propriété ? Proudhon y répondit de façon célèbre : « C’est du vol ! » En fait, sa position n’était pas aussi radicale que ce que l’on peut facilement penser.
Ce que Proudhon a attaqué, c’est la propriété qui fournit un revenu sans nécessiter de travail ; le type de propriété qui donne à la « classe oisive » un revenu improductif sous forme d’intérêts et de loyer. Proudhon a soigneusement distingué cette « propriété » des « possessions », par lesquelles il entendait la terre, l’habitation et les outils nécessaires à l’existence quotidienne. Pour ce dernier type de propriété, Proudhon avait le plus grand respect.
L’attaque de Proudhon contre la propriété faisait partie de sa proposition plus large de créer des « associations progressistes » pour le bénéfice éducatif et économique des travailleurs, et pour la transformation plus générale de la société. Il pensait que ces associations favoriseraient les liens fraternels entre les travailleurs en combinant travail et éducation dans l’atelier. Il pensait également que ces associations conduiraient à une transformation socio-économique pacifique : elles écarteraient les propriétaires oisifs qui écrémaient les profits de manière inappropriée ; elles introduiraient une évaluation « équitable » des biens (non basée sur le système « arbitraire » de l’offre et de la demande) ; et elles stimuleraient les travailleurs à être plus productifs parce qu’ils travailleraient pour eux-mêmes. Cependant, contrairement aux autres socialistes associatifs de sa génération, Proudhon a insisté sur le fait que ces associations devaient éviter la communauté, ce qui signifiait pour lui la propriété de l’État et le contrôle centralisé des décisions économiques et sociales. En 1846, Proudhon a appelé cette formule de justice socio-économique « mutualisme ». Et depuis cette époque, « l’anarchisme mutualiste » est une abréviation pour la position antistatiste qui appelle à l’éducation et à la réforme socio-économique dans le contexte des associations de travailleurs et qui recommande d’éviter la révolution et d’autres formes de confrontation violente.
L’engagement de Proudhon en faveur de l’anarchisme mutualiste a été mis à l’épreuve pendant la Seconde République française. Proudhon a participé au soulèvement de Paris en février 1848, a composé ce qu’il a appelé la « première proclamation républicaine » de la nouvelle République et a été élu à l’Assemblée constituante en juin 1848. Il est cependant rapidement désenchanté des réformes politiques préconisées par le nouveau gouvernement, arguant que la réforme socio-économique est plus importante et doit être prioritaire. Il propose, plus concrètement, la création d’une nouvelle banque pour fournir des crédits à très faible taux d’intérêt et pour émettre des « billets de change » qui circuleraient à la place de l’argent basé sur l’or.
Au début de 1849, il crée une Banque du peuple pour mettre en œuvre cette réforme, mais celle-ci échoue rapidement. Il a eu plus de succès dans son travail de journaliste. Le titre de l’un de ses journaux, Le Représentant du Peuple, énonce succinctement son objectif : « Qu’est-ce que le producteur dans la société actuelle ? Rien. Que devrait-il être ? Tout ».
P2- La critique philosophique : la révolution contre l’Eglise
Proudhon met en scène des symboles qui s’affronteraient et dont la lutte permet de tout comprendre. Il s’agit de l’oeuvre De la justice dans la révolution et dans l’Eglise qui explique la destinée humaine qui fait face à un combat dont doit ressortir le caractère de l’individu comme homme ou travailleur.
A- L’opposition de la transcendance et de l’immanence
Ces deux grands principes dessinent deux grands modèles de société. Il y a d’abord le système de la transcendance ou le système de la révélation qui est un monde selon la Religion. C’est un monde où la justice est toute entière à Dieu. Le droit divin a pour maxime l’autorité. Le système de la transcendance repose sur un système administratif de contrôle de la société. Il pense ici à Napoléon III.
Il y a ensuite le système de l’immanence (quelque chose à l’intérieur de l’homme). Chez Proudhon, cela signifie que l’homme est capable de sentir en lui même sa dignité et donc il n’a pas besoin de révélation. C’est l’homme qui va produire constamment la société en développant de façon spontanée sa propre nature. Le principe de dignité et de moralité supérieures n’est pas reçu de l’extérieur car il est à l’intérieur de l’homme et donc il suffit qu’il se développe. La justice n’est pas en Dieu mais elle est humaine. Le droit humain a pour maxime la liberté.
Il conclut en disant qu’il n’est pas possible de concilier les deux systèmes : c’est l’un ou l’autre.
B- Le rejet de l’absolu
C’est ce qu’il appelle son antitéisme qui est une formule destinée à montrer qu’il n’est ni théiste, ni panthéiste ni athée. Il dit qu’il est l’ennemi de Dieu. La Religion a un tord ; croire qu’elle peut connaître l’absolu. Il sit ici la philosophie de Kant et d’Auguste Lecomte en disant que la connaissance de l’absolu est impossible. Mais il dit qu’il est tout de même normal que l’homme conçoive l’absolu mais il maintient que l’on ne peut pas le connaître. Cela a une traduction concrète : il faut nier toute intervention de Dieu dans les affaires humaines.
Proudhon croit en une Loi du progrès et donc il est progressiste. Cette philosophie de l’histoire de Proudhon est intéressante car il dit qu’il est impossible de connaître l’histoire du Droit car les rapports entre les hommes sont indéfinis. « C’est parce que nous somme perfectibles que nous ne sommes pas parfaits ». On se rapproche ici du perfectionnisme de Constant.
Seule la justice est absolue chez Marx. L’idée de justice est son idée princesse. La justice est une idée morale car elle va donner la règle de nos droits et de nos devoirs. Elle permet donc aux hommes de se guider. Une foie juridique est nécessaire car elle permet d’élever les hommes au dessus de l’égoïsme. Sans l’idée de justice, la société serait l’équivalent de l’état de nature de Hobbes. La justice n’est donc pas qu’un obscure concept car il veut en faire une force, elle doit être une puissance de l’âme. Elle doit donc transformer l’homme et la société.
Le progrès est définit par Proudhon comme respectant le temps : « la marche assurée de l’esprit vers la science ». C’est une marche de la religion vers la justice, de l’autorité vers la liberté, du spontané vers la réflexion. C’est donc la marche de l’humanité vers plus d’autonomie ou de maitrise de soi ou encore vers la liberté. C’est le programme simple de Proudhon : le perfectionnement de la société par elle même. Il s’agit donc de faire croitre l’humanité en liberté et en justice.
Il reconnaît que le progrès est un mouvement continu et non uniforme. Il prend en compte la liberté humaine, c’est-à-dire que le mouvement dépend de la liberté humaine qui est indépendante des finalités de la nature humaine. Ce progrès est donc entre les mains de l’homme et ce n’est pas naturel.
P3- La critique de l’Etat : De l’anarchisme au fédéralisme
Proudhon est connu par sa critique radicale de l’Etat et pour lui il y a une antinomie fondamentale et insurmontable entre la liberté et la centralisation politique. Pour lui, le gouvernement est nécessairement représentatif de l’autorité et donc il opprime l’individu. Mais il va finir par reconnaître qu’une société a besoin d’autorité.
A- L’anarchisme
Son anarchisme est au plus fort dans les années 1950. le livre le plus représentatif est Idée générale de la révolution en 1851. pour lui, l’anarchie signifie négation de toute autorité et de tout Etat. Il dit que l’anarchie n’est pas le désordre que l’on dénonce généralement sous ce nom mais le véritable ordre social. L’ordre anarchiste n’est pas imposé de l’extérieur et donc par l’Etat mais un ordre tout de même qui vient de l’être collectif dans lequel il est immanent. Proudhon appelle cela l’anarchie positive qui est une société économique qui ne connaitrait plus de gouvernement. On retrouve donc le même idéal que chez les libéraux.
Cette anarchie positive est un régime social fondé sur la seule pratique spontanée de l’industrie et de la libre entente des producteurs. L’échange économique suffit à mettre de l’oeuvre. C’est un échange mutualiste et donc à cette occasion les hommes vont établir les règles de la vie en société. C’est donc une société contractuelle dans laquelle tout est débattu. Proudhon oppose deux choses : la constitution sociale et la constitution politique. La constitution sociale et tout et la constitution politique devient inutile. En 1850, il estime que l’atelier fera disparaître le gouvernement car c’est la forme sociale de base qui permettra de réguler l’ensemble de la société.
L’anarchie de Proudhon est donc une société qui réalise son ordre et ses lois immanentes par la seule action des individus et des collectivités. Il n’y a donc pas d’entité extérieure comme l’Etat ou l’Eglise.
B- Le fédéralisme
A partir des années 1860, Proudhon revient de Belgique est infléchir son propos, notamment en vue des relations internationales. Il estime donc qu’il doit réfléchir sur l’Etat. Il reprend cette question pour s’apercevoir qu’on ne peut pas se passer de l’Etat. Ler gouvernement ne doit pas disparaître car il a une fonction positive. Son nouveau défi est donc de limiter l’Etat.
Le fédéralisme introduit une dialectique dans son esprit : le pôle de l’autorité et le pôle de la liberté. Il reconnait désormais qu’il ne peut pas faire disparaître le pôle de l’autorité. Il espère seulement que celui ci sera réduit au minimum nécessaire. Il retrouve ici l’idée de contrat, de pacte. Le contrat fédératif devient la nouvelle forme du lien social pour Proudhon.
Le système fédéraliste s’oppose au système unitaire. Chez Proudhon, c’est un peu la même chose que Constant, en disant que l’Etat a un rôle important mais réduit en volume. Ainsi, sans le dire, il développe un principe de subsidiarité qui est que ce que toute la société peut faire elle le fait elle même. L’Etat est important chez Proudhon car il a une initiative mais par contre il n’a aucun pouvoir d’exécution. Chez Proudhon, l’Etat doit donc lancer l’idée mais celle coi est exécutée par la société. L’intérêt de ce système est d’éviter toute concentration de la puissance entre les mêmes mains.
I y a trois éléments dans la science constitutionnelle selon lui :
- Il ne faut former que des groupes médiocres qui sont chacun souverains et qui s’unissent par le pacte de fédération. Il ne veut donc que de petites entités politiques.
- Il faut organiser chaque Etat fédéré selon la loi d’organisation des organes. Cela signifie qu’il faut séparer et diviser tout ce qui peut l’être pour éviter la concentration des pouvoirs.
- Il faut réduire l’Etat au rôle d’initiative général, de garantie mutuelle et de la surveillance. On retrouve presque l’Etat veilleur de nuit de Constant ici. Les autres fonctions doivent être transmises aux autorités locales.
Le fédéralisme politique est soutenu par le fédéralisme économique et donc le mutuélisme est l’application des mêmes principes au domaine politique.