La publicité de la vente du fonds de commerce (L141-12 code de commerce)

La publicité de la vente

La vente du fonds de commerce est soumise à publicité en vertu de l’article L141-12 mais cette publicité n’a rien de comparable avec la publicité foncière. La publicité foncière est principalement destinée à régler les conflits entre acquéreurs successifs d’un même bien, un même immeuble. La publicité de la vente du fonds de commerce, au contraire, a été imaginée pour éviter des cessions clandestines. Cette publicité est destinée à protéger les créanciers du vendeur, les créanciers qui auront à faire au vendeur dans la mesure où le fonds de commerce constitue un élément essentiel pour leur gage.

A) Les formes de la publicité

Ces formes de la publicité sont prévues par l’article L141-12 et plusieurs publicités successives doivent être accomplies :

-la première publicité intervient sous la forme d’un extrait publié dans un journal d’annonces légales qui doit être lui-même publié dans le département dans lequel le fonds vendu est exploité. Cette publication par voie de presse doit intervenir dans les 15 jours de l’acte de vente. Ce délai de 15 jours commence à courir à compter de la date de l’acte et non pas de la date de l’enregistrement s’il s’agit d’un acte sous seing privé. L’extrait doit comporter 6 indications :

-date de l’acte.

-noms, prénoms et domiciles du vendeur et de l’acheteur.

-nature et siège du fonds de commerce.

-prix de vente décomposé en trois éléments (vu avant).

-fixation aux créanciers du vendeur d’un délai pour faire opposition au paiement du prix. Ce délai ne doit pas être inférieur à 10 jours.

-élection de domicile dans le ressort du tribunal de commerce où le fonds est situé afin de centraliser l’opposition des créanciers.

-la deuxième publicité est une publicité complémentaire intervenant au BODACC dans les 15 jours qui suivent la publicité par voie de presse. Le contenu de l’extrait publié au BODACC est identique que l’extrait publié dans un journal d’annonces légales. Le nom respect de ces formalités est lourdement sanctionné :

-si la publicité dans un journal d’annonces légales n’a pas été effectuée dans le délai de 15 jours à compter de l’acte, il y a défaut de publicité. La sanction est grave car la vente du fonds de commerce est inopposable aux créanciers du vendeur. Cela veut dire que l’acheteur est exposé à leur poursuite.

-si la publicité ne contient pas toutes les mentions requises, il y a publicité incomplète. Il faut rechercher si les omissions ont été de nature à tromper ou pas les créanciers du vendeur ce qui déterminera l’opposabilité ou non de la vente.

Le retard apporté à l’insertion au BODACC n’entraine pas l’inopposabilité de la vente mais le délai d’opposition reconnu aux créanciers ne commence à courir qu’à compter de cette publication, les parties ont intérêt de respecter les délais. En toute hypothèse, l’absence ou l’irrégularité de la publicité n’a pas d’influence sur la validité de la vente entre les parties ni sur le transfert de propriété mais l’article L141-17 édite une sanction très efficace : l’acheteur qui paie le prix au vendeur sans avoir effectué les formalités de publicités requises n’est pas libéré à l’égard des créanciers du vendeur. Concrètement, il s’expose au risque d’un second paiement.

B) Les droits des créanciers du vendeur

Les créanciers du vendeur sont avertis de la vente du fonds de commerce par les publicités et disposent de deux droits :

  • un droit d’opposition pour empêcher le vendeur de percevoir le prix.
  • un droit de surenchère.
  • a) Le droit d’opposition

Le droit d’opposition est reconnu à tous les créanciers du vendeur que leur créance soit ou non exigible. Le droit d’opposition repose sur l’article L141-14 du code de commerce, il est reconnu à tous les créanciers du vendeur mais il tend surtout à protéger les créanciers chirographaires c’est-à-dire ceux qui ne bénéficient d’aucun droit de préférence. Les créanciers nantis et privilégiés sont déjà protégés par le nantissement ou par leur privilège. En revanche, les créanciers chirographaires sont dans une situation plus vulnérable car le fonds de commerce constitue la principale richesse du vendeur et le fonds de commerce est le principal élément de leur gage et par conséquent, si le fonds est vendu, les créanciers du vendeur risquent de se retrouver dans une situation beaucoup plus précaire.

Une protection concerne le bailleur louant le local dans lequel le fonds est exploité puisqu’il peut faire opposition pour les loyers échus mais il ne peut pas faire opposition pour les loyers en cours ou à échoir.

L’opposition est fermée à toutes les autres personnes notamment à l’acheteur et à ses créanciers. Seuls les créanciers du vendeur peuvent former opposition.

L’article L141-15 précise que l’opposition est faite par acte extrajudiciaire, par acte huissier, qui doit être signifié à l’acquéreur au domicile élu à cette fin. La jurisprudence est très stricte et elle n’admet aucun formalisme par équivalent, il faut obligatoirement un acte extrajudiciaire et non pas une simple lettre recommandée.

En outre, l’opposition est enfermée dans un délai bref de 10 jours afin de ne pas retarder excessivement le paiement du prix, délai courant à compter de la publication au BODACC. Pendant ce délai de 10 jours, l’acheteur ne doit pas payer le prix parce que sinon, l’acheteur s’expose à un deuxième paiement.

A l’expiration du délai de 10 jours, il va falloir envisager plusieurs hypothèses :

-il n’y a pas d’opposition : l’acheteur peut valablement payer le vendeur.

-il y a des oppositions : dans ce cas, l’opposition prolonge au profit du créancier opposant l’indisponibilité du prix, le prix est toujours indisponible entre les mains de l’acquéreur mais l’opposition a pour effet de fixer la créance de l’opposant. En revanche, le créancier opposant n’acquiert aucun droit de préférence. Il n’a aucun privilège par rapport au créancier négligeant. Cependant, le créancier opposant peut demander en référé que sa créance soit consignée entre les mains d’un séquestre. Le vendeur qui a ce stade n’a toujours pas été payé, dispose alors d’un recours en référé devant le président du TGI pour être autorisé à toucher le prix ou une fraction du prix malgré l’opposition. Le juge des référés accorde cette autorisation si l’acquéreur déclare formellement et sous sa responsabilité qu’il n’y a pas d’autres créanciers opposants. Donc, le juge des référés peut autoriser le vendeur à percevoir le prix à charge pour lui de verser à la caisse des dépôts et continuations ou entre les mains d’un séquestre une somme suffisante pour les créanciers opposants. Dans ce cas, la caisse des dépôts et continuations ou le séquestre disposent alors d’un délai de 3 mois pour répartir le prix de cession entre les créanciers qui en font la demande. En outre, le vendeur peut également contester en référé devant le président du TGI la forme ou le bien-fondé de l’opposition pour être autorisé à toucher le prix. Du fait de cette procédure, lorsqu’il y a beaucoup de créanciers formant opposition, il arrive que le vendeur ne touche absolument rien du prix.

  • b) Le droit de surenchère

Ce droit de surenchère est défini à l’article L141-19 du code de commerce mais ce droit n’est pas reconnu à tous les créanciers car il est réservé aux créanciers titulaires d’un nantissement ou d’un privilège ou aux créanciers formant opposition. L’objectif est de les protéger contre une vente qui serait consentie à un prix trop faible.

Le créancier doit proposer une surenchère du 6ème du prix de vente non compris le matériel et les marchandises.

En outre, cette surenchère doit être formée dans les 20 jours qui suivent la publication de la vente au BODACC.

Le fonds de commerce sera alors vendu aux enchères publiques mais en pratique cette procédure est peu utilisée parce qu’il est rare que le créancier prenne le risque d’acquérir le fonds de commerce.

  • C) Les effets de la publicité

La publicité de la vente a été organisée afin d’assurer la protection des créanciers du vendeur. La loi a organisé d’autres formalités de publicité notamment pour le privilège du vendeur et du nantissement mais ils ont été organisés sur le modèle de la publicité foncière si bien qu’il existe deux types de publicités différentes et qu’il est difficile d’en combiner les effets. En outre, la publicité du fonds de commerce est, sur certains points, incomplète et elle ne permet pas de régler tous les conflits.

  • La vente successive d’un même fonds de commerce

Il faut supposer que le propriétaire du fonds de commerce le vend à deux acquéreurs successifs. En matière d’immeuble, ce type de conflit est réglé par la publicité foncière mais il n’y a pas de règles équivalentes en matière de fonds de commerce. En effet, la loi n’a pas envisagée l’hypothèse d’un conflit entre les acquéreurs successifs d’un même fonds. Ce type de situation se rencontre lorsque le vendeur est de mauvaise foi et qu’il a besoin d’argent, qu’il imagine cette escroquerie.

Pour régler ce conflit, la jurisprudence en revient à la règle générale des obligations : règle de priorité de date et elle applique l’adage « prior tempore, potior jure » qui veut dire le premier en date, premier en droit. On compare la date des deux actes d’acquisition et le plus ancien l’emporte. La règle est logique. Lorsque le vendeur a conclu la première vente, le premier acquéreur est devenu propriétaire donc le vendeur qui n’était plus propriétaire n’a pas pu transférer le fonds de commerce au deuxième acquéreur.

  • Les droits des créanciers contre le sous-acquéreur

Le contexte est le suivant, le fonds de commerce est vendu, l’acheteur ne procède pas à la publicité de la vente, il revend le fonds de commerce et le sous-acquéreur, lui, procède à la publicité de sa vente. Problème, les créanciers du premier vendeur conservent-ils leur droit d’opposition à l’encontre du sous-acquéreur ?

Il s’agit d’une question qui divise depuis des décennies la doctrine. Pour certains, les créanciers du premier vendeur doivent conserver le droit de méconnaitre la vente qui n’a pas été publiée mais le souci, en sens inverse, c’est que cette analyse revient à reconnaitre une sorte de droit de suite aux créanciers chirographaire. En outre, la vente intermédiaire ne pouvait pas être connue faute de publicité. Il semblerait d’une question théorique qui ne s’est pas posée en jurisprudence.