Qu’est-ce que le droit constitutionnel ?

Droit constitutionnel : définition, évolution…

Le droit constitutionnel est une matière centrale dans les études juridiques, car il permet de comprendre le fonctionnement des institutions politiques, les règles qui régissent l’exercice du pouvoir, et les droits fondamentaux des citoyens. Son importance réside dans sa connexion avec l’actualité politique et son influence sur la société.

Un droit au cœur de l’actualité politique  Le droit constitutionnel irrigue de nombreuses dimensions de la vie quotidienne et des débats sociétaux. Par exemple, la reconnaissance du mariage homosexuel a eu des répercussions sur :

  • Le droit de la famille.
  • Le droit des libertés fondamentales.
  • Le droit constitutionnel.
  • Le droit européen.

Cette transversalité montre que les disciplines juridiques ne peuvent être cloisonnées : elles s’entrecroisent pour répondre aux évolutions de la société.

Pourquoi enseigner le droit constitutionnel ?  Le droit constitutionnel est une discipline spécifique qui s’intéresse à la Constitution et aux institutions politiques. Il remplit trois rôles fondamentaux :

  1. Analyser les règles relatives à la Constitution, qui constitue le fondement de tout ordre juridique.
  2. Étudier l’organisation des pouvoirs publics et leurs interactions.
  3. Comprendre les grandes catégories de systèmes politiques et situer un État dans un modèle institutionnel.

A) Qu’est ce que le Droit Constitutionnel? 

Définition du droit constitutionnel : trois dimensions du droit

Le terme « droit constitutionnel » peut être compris à travers trois significations fondamentales :

1. Les droits constitutionnels individuels

Le droit constitutionnel garantit les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution, comme le droit de vote ou la liberté d’expression. Ces droits sont inscrits dans le bloc de constitutionnalité, qui regroupe :

  • La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
  • Le Préambule de la Constitution de 1946.
  • La Charte de l’environnement de 2004.

Exemple : la liberté d’expression
La liberté d’expression est un droit constitutionnel, mais elle connaît des limitations. Par exemple, la diffamation ou l’incitation à la haine sont interdites, même si elles relèvent d’une forme d’expression.

  • L’affaire Charlie Hebdo illustre le débat sur la liberté d’expression face à des contenus perçus comme offensants.
  • Le film Le Pull-over rouge (1979), qui relatait une affaire criminelle controversée, a été interdit par un arrêté municipal pour éviter des troubles à l’ordre public, bien que cette interdiction ait été jugée illégale.

Ces exemples montrent que les droits constitutionnels sont essentiels mais qu’ils doivent être conciliés avec d’autres principes fondamentaux, comme le maintien de l’ordre public.

2. Le droit constitutionnel comme ensemble structuré de règles

Le droit constitutionnel est également un corpus de normes visant à organiser le fonctionnement des institutions et à encadrer les libertés. Ces règles peuvent être :

  • Matérielles ou substantielles : elles définissent les droits fondamentaux (par exemple, le droit de vote).
  • Procédurales : elles fixent les modalités de mise en œuvre des institutions (par exemple, les règles pour l’élection présidentielle).

Exemple comparatif : France et États-Unis

  • La France, un État unitaire, applique les mêmes lois sur tout le territoire, avec un seul centre d’impulsion politique.
  • Les États-Unis, un État fédéral, laissent une partie des compétences aux États fédérés, qui peuvent adopter des règles différentes, comme en matière de peine de mort.

Ces modèles reflètent les diverses façons dont les États peuvent s’organiser à travers leurs Constitutions.

3. Le droit constitutionnel comme discipline scientifique

Le droit constitutionnel est également une science juridique, qui s’intéresse à :

  • La manière dont les règles sont élaborées et appliquées.
  • L’analyse des systèmes politiques à travers leurs constitutions.

Cette dimension scientifique permet de raisonner de manière abstraite et d’appréhender les impacts juridiques et sociaux des réformes. Par exemple, les débats sur le droit de vote des étrangers ou sur des sujets comme la laïcité nécessitent une compréhension approfondie des mécanismes constitutionnels et de leurs implications.

L’expression « constitutionnel » à travers les trois sens du droit

  1. Droits constitutionnels individuels : ce sont les droits garantis par la Constitution, comme le droit de vote ou la liberté d’aller et venir. Ces droits sont fondamentaux mais soumis à des limites (exemple : permis de conduire pour circuler en voiture).
  2. Ensemble de règles : le droit constitutionnel comprend les normes qui organisent les institutions et définissent les libertés et interdictions.
  3. Discipline scientifique : le droit constitutionnel permet d’étudier et de comparer les systèmes politiques, de comprendre leur organisation et d’anticiper les conséquences des réformes législatives ou constitutionnelles.

Une discipline en prise avec les enjeux de société

Le droit constitutionnel est plus qu’un simple domaine académique : il est profondément ancré dans la réalité politique et sociale. Il reflète les valeurs fondamentales d’une société, tout en évoluant pour répondre aux nouveaux défis. En comprenant le droit constitutionnel, on peut mieux appréhender les grands débats publics, qu’il s’agisse de l’égalité des droits, des réformes institutionnelles ou de la protection des libertés fondamentales.

B) L’évolution du Droit Constitutionnel 

Le droit constitutionnel est une discipline récente dans l’histoire des sciences juridiques. Il n’émerge véritablement qu’au XVIIIᵉ siècle, avec l’apparition des textes écrits désignés comme Constitutions. Ces écrits marquent une rupture avec les règles souvent orales qui structuraient les royaumes, notamment en France, avant la période révolutionnaire.

Les origines du droit constitutionnel : un instrument d’encadrement du pouvoir

Les premières constitutions écrites

Les révolutions du XVIIIᵉ siècle, notamment aux États-Unis et en France, ont été les catalyseurs de l’apparition des Constitutions écrites. Ces documents visent à encadrer le pouvoir en fixant des règles claires et opposables. Avant cette époque, les grandes lois du Royaume en France étaient orales, et leur interprétation était souvent sujette à la volonté du roi.

L’écrit offre l’avantage d’être fixe et de pouvoir être opposé à l’arbitraire du pouvoir. Par exemple, face à un roi souhaitant agir à sa guise, les opposants pouvaient s’appuyer sur le texte constitutionnel pour contester ses décisions.

L’exemple américain : la naissance du droit constitutionnel moderne

Le contexte de la révolution américaine

Le premier texte constitutionnel écrit est adopté aux États-Unis à la suite d’un conflit entre les colons américains et le Parlement britannique. L’origine de cette opposition réside dans le principe du consentement à l’impôt, qui constitue un fondement essentiel du droit constitutionnel.

  • Les colons, citoyens britanniques vivant en Amérique, refusent de payer les impôts imposés par le Parlement anglais car ils n’ont pas élu de représentants pour consentir à ces taxes.
  • En 1773, l’épisode du Boston Tea Party voit les colons jeter à la mer une cargaison de thé pour protester contre cette taxation injuste.

L’indépendance et la Constitution américaine

Les colons déclarent leur indépendance en 1776, et chaque colonie se dote d’une Constitution écrite. En 1787, une Constitution fédérale est adoptée pour unifier les 13 colonies et former un État fédéral. Cette Constitution reste inchangée depuis sa rédaction, bien qu’elle ait été amendée à plusieurs reprises, illustrant une stabilité juridique remarquable.

Comparaison avec la France
En contraste avec les États-Unis, la France a connu une instabilité constitutionnelle importante, avec 17 Constitutions adoptées depuis 1789.

L’idée constitutionnelle en France : encadrer et limiter le pouvoir

En France, la Constitution est perçue comme un moyen de fixer les règles du jeu politique et de garantir les libertés fondamentales. Elle permet aussi d’opposer les règles au pouvoir en place, renforçant l’idée d’un contrôle juridique des institutions.

Le droit de résistance à l’oppression

Inscrit dans le bloc de constitutionnalité, le droit de résistance à l’oppression donne aux citoyens le droit de s’opposer à un pouvoir violant la Constitution, de manière :

  • Pacifique, par exemple en ne réélisant pas un président fautif.
  • Violente, si toutes les autres options sont épuisées, bien que cette dimension soit aujourd’hui largement symbolique.

Les mutations de l’enseignement du droit constitutionnel

L’enseignement du droit constitutionnel a évolué en trois grandes périodes, reflétant les changements dans la manière de concevoir et d’appliquer la Constitution.

1. Fin XVIIIᵉ siècle – Fin de la Seconde Guerre mondiale : une approche abstraite

Cette période se caractérise par une étude exclusive des textes constitutionnels, sans prise en compte des réalités politiques ou des contextes historiques.

  • Les juristes se concentraient sur une analyse théorique des Constitutions, sans critique des dérives politiques ou des violations constitutionnelles.
  • Exemple : la montée d’Hitler au pouvoir. Les juristes n’ont pas su identifier l’inconstitutionnalité de certains mécanismes ayant permis son ascension, faute d’une approche critique prenant en compte la dimension politique.

2. Fin de la Seconde Guerre mondiale – Années 1970 : une approche critique

Après 1945, l’enseignement du droit constitutionnel intègre une dimension politique pour mieux comprendre les interactions entre les institutions et les forces politiques.

  • L’équilibre des pouvoirs devient une thématique centrale, notamment en contexte de cohabitation (exécutif et législatif issus de majorités opposées).
  • Cette période marque un tournant vers une analyse plus réaliste et contextualisée.

3. Depuis les années 1970 : l’ère du juge constitutionnel

L’apparition de la justice constitutionnelle transforme la discipline. Le juge constitutionnel devient un acteur clé, chargé de :

  • Contrôler la conformité des lois à la Constitution.
  • Donner un sens juridique aux textes en interprétant leurs dispositions.

Cette évolution consacre la supériorité de la Constitution sur les autres normes juridiques. La loi, autrefois perçue comme souveraine, est désormais soumise à un contrôle de constitutionnalité.

 

C) Distinctions du Droit Constitutionnelle

Le droit constitutionnel est une branche fondamentale du droit, mais il se distingue par ses spécificités par rapport à d’autres disciplines juridiques et politiques. Ces distinctions éclairent son rôle dans l’organisation de l’État et la régulation des relations entre gouvernés et gouvernants.

  1. Droit constitutionnel et droit public : Le droit constitutionnel est une branche du droit public, mais ses principes peuvent influencer le droit privé.
  2. Droit constitutionnel et science politique : Ces disciplines étudient des objets communs mais avec des méthodologies différentes : normative pour le droit constitutionnel, empirique pour la science politique.
  3. Définition : Le droit constitutionnel est un ensemble de règles juridiques relatives à la transmission, à l’organisation, et à l’exercice du pouvoir, régulant les relations entre gouvernés et gouvernants.

1. Droit constitutionnel et droit public

La summa divisio entre droit public et droit privé : 

Le droit public et le droit privé représentent la grande division du droit (summa divisio).

  • Le droit privé régit les relations entre particuliers (personnes physiques ou morales), généralement sur un pied d’égalité. Il concerne des domaines comme le droit civil, le droit commercial ou le droit du travail.
  • Le droit public, en revanche, encadre les relations impliquant une personne publique (État, collectivités territoriales, établissements publics) et reflète souvent une relation de hiérarchie, car la personne publique agit au nom de l’intérêt général.

Personnes physiques et personnes morales

  • Une personne physique est un individu ayant des droits (se marier, posséder des biens, etc.) et des responsabilités (être poursuivi pour un délit, par exemple).
  • Une personne morale est une entité juridique (entreprise, association, État) qui possède une existence juridique distincte de celle de ses membres. Elle peut être tenue responsable de ses actes (par exemple, une entreprise peut être poursuivie pour non-paiement d’un salarié).

 

La place du droit constitutionnel dans le droit public

Le droit constitutionnel est une branche fondamentale du droit public. Il étudie les principes qui régissent l’État, son organisation, et les rapports entre les gouvernants et les gouvernés.

Bien qu’il relève du droit public, ses principes peuvent également s’imposer au droit privé. Par exemple :

  • La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) proclame des principes d’égalité et de liberté qui s’appliquent non seulement aux relations entre les individus et l’État, mais aussi entre particuliers.
  • Un contrat privé violant un principe constitutionnel (par exemple, une clause qui transformerait un individu en esclave) serait déclaré nul, car il porterait atteinte à un principe supérieur.

2. Droit constitutionnel et science politique

Bien que le droit constitutionnel et la science politique s’intéressent aux mêmes objets (État, institutions, pouvoir), leurs approches diffèrent.

L’approche juridique du droit constitutionnel : Le droit constitutionnel se concentre sur l’étude des règles de droit qui organisent la dévolution, l’exercice, et la limitation du pouvoir politique. Il s’appuie sur des textes normatifs comme les Constitutions, les lois organiques et la jurisprudence.

L’approche empirique de la science politique : La science politique, quant à elle, adopte une méthodologie empirique et sociologique pour étudier les mêmes phénomènes.

  • Elle utilise des enquêtes et des sondages pour analyser les comportements électoraux, les systèmes de partis politiques, ou les mouvements sociaux.
  • Elle examine les dynamiques de pouvoir, les idéologies et les contextes historiques ou culturels qui influencent les institutions et les pratiques politiques.

Complémentarité des deux disciplines : Les deux disciplines sont complémentaires. Le droit constitutionnel fournit un cadre normatif pour comprendre les institutions, tandis que la science politique analyse leur fonctionnement réel et leur évolution.

3. Définition du droit constitutionnel

Le droit constitutionnel peut être défini comme l’ensemble des règles juridiques relatives :

  1. À la dévolution du pouvoir politique (comment le pouvoir est transmis, par exemple par des élections).
  2. À l’organisation du pouvoir (répartition des compétences entre les différentes institutions).
  3. À l’exercice du pouvoir (limites imposées aux gouvernants et garanties offertes aux citoyens).

Ces règles régissent donc les relations entre :

  • Les gouvernés (citoyens, sujets de droits).
  • Les gouvernants (les détenteurs du pouvoir).

Ces relations varient considérablement selon les pays, car chaque État organise son système politique en fonction de ses propres traditions, cultures et contextes historiques.

Exemple :

  • En France, la Constitution de 1958 établit un régime semi-présidentiel, où le président dispose de prérogatives importantes mais doit composer avec le Parlement et, en cas de cohabitation, avec un Premier ministre d’une majorité politique différente.
  • Aux États-Unis, la Constitution de 1787 institue un régime présidentiel, où le président est à la fois chef d’État et chef de gouvernement, avec un Congrès disposant de contre-pouvoirs significatifs

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