Qu’est-ce le recel et ses éléments constitutifs ?

Qu’est ce le recel et ses éléments constitutifs ?: 

Le recel est défini par l’article 321-1 du Code Pénal comme étant le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit.

 Le recel est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375.000€ d’amende (article 321-1 du code pénal).

 

A)- L’élément matériel 

Il varie selon que l’on est en présence du délit définit à l’alinéa 1er ou 2 de 321-1 du Code Pénal :

1°)- Le premier délit : le recel par définition :

« Le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit ».

Actes matériels alternatifs, portant sur un bien particulier

 

a)- l’objet de l acte matériel

Chose ayant une provenance déterminée.

« Chose » permet d’exclure les immeubles : seuls les meubles peuvent faire l’objet d’un recel.

Caractère corporel ou incorporel ?

Initialement, on pouvait penser que le mot « chose » s’appliquait seulement aux biens  corporels.

Cependant, la jurisprudence a montré des évolutions récentes dans ce domaine :

Crim, approuve le recel d’images stockées sur ordinateur qui ont par définition un caractère incorporel.

 Antérieurement, la Crim avait refusé d’appliquer le recel à une information : Crim, 3 avril 1995 : la publication par un journal d’information qui ne pouvait résulter que d’une infraction, elle considère que sa détention ne pouvait pas entrer dans le champ d’application du recel.

Par cette décision, on peut constater que la Crim a fondé sa solution sur la particularité de l’information qui fait selon elle l’objet d’un régime spécial.

L’exclusion de l’information ne tient pas à son caractère incorporel, mais tient à sa nature elle-même, qui selon la Crim relève d’un statut spécial prévu par la loi de 1881.

Même type de raisonnement pour le fœtus et l’homicide involontaire.

 Extension du recel aux choses incorporelles : application large sous réserve des immeubles et des informations.

 La chose doit avoir une provenance particulière : d’un crime ou d’un délit. C’est ce qui rend le comportement répréhensible. Cet aspect permet la qualification de recel de conséquence, car l’acte en lui-même ne contient pas une matérialité intrinsèquement coupable.

Ce caractère coupable provient de l’origine criminelle ou délictuelle ; le Code Pénal est peu explicite, il n’y a donc pas de raison d’ajouter des précisions, par conséquent, la chose peut provenir de n’importe quelle infraction si elle est un crime ou délit.

 Cependant, il convient que cette infraction soit punissable, il n’est pas nécessaire qu’elle ait  été punie : il faut que l’infraction préalable existe, mais il n’est pas nécessaire qu’elle ait été condamnée par une juridiction pénale : le juge qui statue sur le recel devra constater que le bien en question provient sans aucun doute d’une infraction. Il n’est même pas nécessaire qu’ils identifient précisément cette infraction.

 On ne sait pas précisément si la provenance doit être directe ou seulement indirecte de l’infraction d’origine : il n’y a donc pas à lieu faire de distinction.

 La chose, objet du recel, peut provenir d’une autre chose qui a été obtenue par la commission de l’infraction d’origine : provenance indirecte.

Ex : infraction d’origine : vol qui porte sur un bien déterminé, qui a été vendu et une somme d’argent a été obtenu. Le recel peut porter sur la somme d’argent : provenance indirecte.

 Le recel peut donc être disproportionné à la valeur du bien de l’infraction d’origine.

Ex : on a un bien obtenu après un vol ; ce bien est recélé, le receleur le vend et obtient une somme d’argent, il continue à être receleur, mais si l’acheteur connaît la provenance du bien, alors lui aussi devient receleur: multiplication par deux des sommes : grande capacité de propagation.

 

b)- L’acte matériel lui-même :

Cet acte fait l’objet d’une définition à partir de quatre modalités : dissimulation, détention, transmission, faire office d’intermédiaire.

Les trois premiers actes supposent un contact matériel entre l’auteur et la chose, ce qui n’est pas le cas du dernier.

 Les trois premiers sont difficiles à distinguer, car la dissimulation implique la détention et la transmission implique aussi la détention : ici le législateur a voulu montrer que le recel n’a pas besoin d’être prolongé, et qu’il n’est pas nécessaire d’agir dans le but d’un enrichissement, la transmission peut être gratuite.

 On a des actes qui sont matériellement proches. Le point commun est la détention (le fait d’avoir de manière prolongée le bien entre ses mains).

Mais il peut y avoir une consommation différente, car soit infraction instantanée, soit continue.

 Pour la détention, le juge ne limite pas la détention à la simple détention matérielle: le fait que l’auteur ait matériellement entre ses mains, il admet la détention juridique.

Ex : fonds déposés dans un établissement bancaire, le receleur est le possesseur du compte pas la banque, sauf si la banque a la connaissance de la provenance.

Le simple fait de mettre en relation des personnes est une activité de recel.

 

2°)- 2e délit : le recel par assimilation :

Ce second délit se distingue par rapport à l’élément matériel.

Constitue un recel « le fait de bénéficier par tout moyen du produit d’un crime ou d’un délit ».

C’est un délit crée par le Code Pénal de 1992, mais ce n’est que la consécration d’une jurisprudence.

 Jurisprudence novatrice car sous l’empire de l’ancien Code Pénal, le recel ne semblait punir que des actes donnant lieu à une détention de la chose.

Or, dans cette hypothèse la détention était difficile à caractériser ; le juge avait affirmé que le bénéfice de la chose suffisait a caractériser le recel, sans qu’il soit nécessaire d’établir une détention matérielle de la chose par l’auteur.

 Crim, 9 juillet 1970 : 1ère fois consacrée, elle approuve la condamnation pour recel, d’un individu, qui a voyagé en connaissance de cause dans un véhicule volé (pas détention, que le passager).

Le receleur est celui qui profite de la criminalité d’un autre : c’est une criminalité de profit.

 

L’objet du recel est le produit, on ne parle plus de chose : la différence s’explique par le terme « bénéficié » (on bénéficie plus d’un produit que d’une chose; peu de différence criminologique).

Produit : terme large, si la chose s’étend au bien incorporel, alors encore plus pour le produit.

 

B)- L’élément intentionnel

Le recel existe uniquement si son auteur agit intentionnellement.

Il faut donc que l’auteur veuille accomplir l’élément matériel du recel, mais surtout qu’il agisse en connaissance de la provenance délictuelle ou criminelle du bien.

 La caractérisation de l’élément intentionnel va se concentrer sur la provenance délictuelle ou criminelle du bien utilisé par l’auteur. Dès lors que cette connaissance est acquise, il est difficile de caractériser l’absence de volonté de profiter du bien.

L’enjeu va se situer sur cette connaissance.

 Article 321-1 « en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit » ; « en connaissance de cause ».

Cette composante relative à la connaissance est expressément visé, le débat se concentre quasi-exclusivement sur cette connaissance, constatée par les juges.

 

  Appréciation de cette connaissance :

L’appréciation peut être difficile, il est bien souvent impossible de l’établir à partir du seul élément matériel, or en principe, l’élément intentionnel, dans toutes ses composantes, est établi par l’élément matériel.

Dans la très grande majorité des cas, l’élément intentionnel peut s’établir à partir de l’élément matériel, qui a une matérialité intrinsèquement coupable.

 Cette matérialité fait défaut en matière de recel : détenir une chose n’a rien de coupable. La détention est un acte qui matériellement ne présente aucune matérialité.

L’élément matériel généralement ne permet pas d’établir à lui seul l’élément intentionnel.

 

C’est pourquoi le juge pénal, approuvé par la Crim, va apprécier l’élément intentionnel, la connaissance de la provenance délictuelle ou criminelle, à partir de circonstances extérieures à l’élément matériel, il peut s’appuyer sur toutes les circonstances susceptibles de lui permettre d’établir l’élément intentionnel.

Ex : les circonstances de la remise de la chose, le caractère clandestin, anormal (achat sans facture) de cette remise, le prix (modicité par rapport à la valeur du bien), l’anormalité du bénéfice (repas, séjours offert).

 Techniquement, ce type de raisonnement n’est pas une présomption, c’est un véritable établissement de cette connaissance, caractérisation. Le juge pénal ne dit pas que l’élément intentionnel est présumé, mais établi, caractérisé.

 En revanche, il n’est pas exigé que cette connaissance soit précise, on n’exige pas que l’auteur ait su précisément que cette infraction soit à l’origine du recel, mais juste qu’il ait su que le bien provenait d’une infraction quelconque (vol, banqueroute, extorsion).

 

  Le recel dit a posteriori :

Y-a-t-il recel si l’individu reçoit le bien de bonne foi est apprend ultérieurement sa provenance délictuelle ou criminelle et qu’il le conserve.

 Pendant longtemps la jurisprudence considérait dans ce cas, que le recel était caractérisé.

Cette jurisprudence a été abandonnée, dans un arrêt du 24/11/1977, et qui n’a pas été remis en cause depuis.

L’élément intentionnel du recel s’apprécie exclusivement au moment où l’individu reçoit la chose, ou accomplit l’élément matériel.

 

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