Qu’est ce qu’un génocide et un crime contre l’humanité?

Les crimes contre l’humanité 

L’article 7 du code pénal définit onze actes constitutifs de crimes contre l’humanité, lorsqu’ils sont commis « dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre toute population civile et en connaissance de l’attaque » :

  • le meurtre ;
  • l’extermination ;
  • la réduction en esclavage ;
  • la déportation ou le transfert forcé de population ;
  • l’emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ;
  • la torture ;
  • le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ;
  • la persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ;
  • la disparition forcée de personnes ;
  • le crime d’apartheid ;
  • d’autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.

       

    Ils ne seront vus que dans le cadre du droit interne. La réglementation internationale ne sera pas vue : les crimes contre l’humanité font l’objet de définitions internationales, par les juridictions spécialisées.

Chapitre 1 – Histoire et sources juridiques des crimes contre l’humanité

 Les crimes contre l’humanité en droit français ont pour origine des textes internationaux, au sens où la notion même a été posée dans un cadre international.

Cette notion de crime contre l’humanité exprime l’idée d’une atteinte générale au genre humain qui déborde largement le contexte national et territorial dans lequel ces atteintes ont eu lieu, et qui justifient à ce titre leur répression par une justice internationale.

L’influence vient de Nuremberg essentiellement, et de Tokyo aussi.

 La dualité de répression est partie du cadre des tribunaux formés à l’issue de la Seconde GM chargés de juger tous ces crimes. C’est l’aspect international de la question.

 Mais le statut de ces tribunaux a perduré par-delà leur fonctionnement, et c’était prévu. C’est alors aux juridictions nationales qu’il est incombé de réprimer les infractions définies par ce même statut dans l’hypothèse où des auteurs viendraient à être arrêtés par la suite.

 Cette attribution s’est faite pas le biais de lois nationales de validation en droit interne du statut de ces tribunaux.

Elle a donc été validée, et a été applicable directement en droit français, et est devenue le fondement textuel du crime contre l’humanité en droit français.

C’est l’un des rares exemples d’infraction nationale ayant une source internationale.

 La limite réside dans le fait que ce texte n’était applicable qu’aux crimes contre l’humanité commis au cours de la seconde GM par les puissances de l’Axe et leurs alliés : les autres n’étaient pas concernés à défaut de texte.

 Crim, 1/04/93, refuse de poursuivre des faits qualifiés de crimes contre l’humanité commis au cours de la guerre d’Indochine.

On se fondait sur d’autres qualifications pénales, car par hypothèse, ces faits sont si graves qu’ils tombent nécessairement sous le coup d’une qualification pénale existante (meurtre, …).

 Néanmoins, cette possibilité était critiquée, car elle ne rendait pas compte de la spécificité des crimes contre l’humanité en individualisant des faits qui ont par nature un caractère collectif, qui doit être restitué par la qualification pénale sous risque de dénaturation (holocauste : 6 millions de meurtres).

La qualification existante soumettait d’office ces faits à la répression de droit commun attachée, qui là encore est inadaptée aux crimes contre l’humanité, lesquels réclament au contraire une répression faite de mesures exceptionnelles (prescriptions…).

 C’est ce qui a conduit le législateur en 1992, à l’occasion du vote du Code pénal, entré en vigueur en 1994, à créer la qualification générale dégagée de tout contexte particulier de crimes contre l’humanité.

 Cette qualification générale ne s’est pas substituée au statut du tribunal pénal de Nuremberg. Celui-ci continue d’être applicable pour les crimes qu’il vise.

Ces qualifications de crimes contre l’humanité ne sont pas rétroactifs et ne s’appliquent donc pas aux fais antérieurs à leur création. 

 Ces crimes contre l’humanité ont été complétés par une loi du 6/08/04 qui a créé une catégorie «  les crimes contre l’espèce humaine ». Il y a aussi un projet de créations de crimes de guerre.

 

Le code pénal fait des crimes contre l’humanité une catégorie d’infractions qui se distingue par leurs définitions et qui font l’objet d’une répression identique.

 

Chapitre 2 – Définitions des crimes contre l’humanité 

            Le statut de Nuremberg a tout regroupé dans une même incrimination. Le code pénal distingue le génocide, et les autres crimes contre l’humanité. Ce choix est inspiré de la Convention du 9/12/48 sur ce thème, ratifiée et publiée par la France.

 

Section 1 : le génocide

CODE PÉNAL ; ARTICLE 211-1 : Cette infraction vise des actes déterminés d’atteinte à autrui, actes qui prennent dimension d’un crime contre l’humanité en raison de leur commission dans un cadre déterminé.

 

  • 1 Les actes matériels

L’article énumère ces actes susceptibles de constituer un génocide :

– atteinte volontaire à la vie

– atteinte grave à l’intégrité physique ou psychique

– soumission à des conditions de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe

– entrave des naissances

– transferts forcés d’enfants.

 Tous ces actes ne correspondent pas à une infraction déterminée du droit français.

Ces expressions renvoient plus à des catégories d’actes qui englobent plusieurs infractions.

 

Deux explications :

  juridique :

Ces textes sont inspirés d’une Convention internationale rédigée sur une inspiration différente du droit français, d’où le caractère générique des infractions qui renvoient plus à la Common Law).

– criminologique :

 La criminalité contre l’humanité est moins attachée à une matérialité qu’à une finalité et à un cadre d’exécution.

 

On a donc ici une première spécificité, c’est le fait matériel, pas aussi précis qu’en droit commun.

 

  • 2 L’exécution d’un plan concerté

Ces actes ne réalisent pas en eux-mêmes un crime contre l’humanité. Cela peut être le cas quand ils interviennent « en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe nationale, ethnique ou religieux ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire ».

 La commission des faits dans ce cadre constitue le critère de qualification des faits en génocide. C’est donc la condition du génocide à tire principal.

Cela rééquilibre l’indétermination des faits. Cette notion de plan renvoie à la « politique » d’hégémonie idéologique que la chambre criminelle avait retenu pour qualifier les crimes contre l’humanité dans le cadre du statut du tribunal de Nuremberg (20/12/85).

 L’expression de plan doit s’entendre d’un ensemble organisé d’opérations tendant à la réalisation d’un objectif.

 Les actes mtériels que nous avons définis s’entendent de ces opérations ou des moyens du plan mis à exécution ?

C’est parce qu’ils sont reliés à ce plan qu’ils sont être qualifiés de génocide.

Le caractère génocidaire tient à la finalité du plan : la destruction totale ou partielle d’un groupe. Ce n’est pas la pleine que le plan ait abouti, il faut simplement une mise à exécution. Il importe peu que les actes d‘exécution aient été peu nombreux.

 

L’article 211-1 Code Pénal exige que le plan ait été concerté. Cette mention renvoie à une élaboration préalable.

Les actes d’exécution n’ont le caractère génocidaire que dans la mesure où un plan de destruction a été élaboré par les auteurs de ces actes d’exécution, mais aussi par d’autres qu’eux-mêmes, instigateurs, commanditaires.

 La conséquence est que les violences spontanées ne caractérisent pas un génocide alors même qu’elles sont commises contre un groupe déterminé d’individus, car il n’y a pas de plan concerté. C’est le cas des mouvements de foule par exemple.

 Les autres caractères éventuels du plan sont indifférents, il n’est pas exigé que ce plan soit le fait des autorités d’un état, ou autre… le plan est caractérisé alors même qu’il est combattu par les autorités de l’état sur le territoire duquel il est mis à exécution.

 

  • 3 L’élément intentionnel

Cela suppose que ses auteurs aient agi en connaissance de cause, volontairement.

D’ailleurs, l’article parle d’atteintes volontaires à la vie.

 Se pose la question de savoir s’il est nécessaire, en plus du caractère volontaire, que les auteurs aient eu connaissance du plan dans le cadre duquel ils agissaient.

Il y a la volonté de l’acte matériel, et le fait de savoir qu’on agit dans un plan concerté, pour la destruction d’un groupe.

Dans ce domaine, il n’y a pas d’indication légale, ni de jurisprudence.

 La question présente un intérêt répressif vu que la mise en œuvre du génocide nécessite le recours à un grand nombre d’exécutants qui agissent parfois isolément les uns des autres et auxquels pour certains l’exigence du plan a pu être dissimulée. Un exécutant ignorant du plan peut-il donc être poursuivi du chef de génocide ?

 

Au regard du texte, il ne semble pas que la connaissance de plan fasse partie de l’élément intentionnel.

En effet, l’incrimination rattache objectivement le plan à l’acte matériel sans que l’auteur de l’acte participe directement à l’exécution du plan. La volonté de participation au plan ne semble donc pas requise par l’incrimination.

Dans ces conditions, l’exécutant, qui agit volontairement, peut-être qualifié de génocidaire, même s’il n’a pas eu connaissance d’un plan concerté.

Section 2 : Les autres crimes contre l’humanité 

On les appelle comme ça pour marquer la spécificité du génocide.

Trous crimes, complémentaires :

– un crime contre l’humanité, innommé

– un crime commis en temps de guerre (différent du crime de guerre)

– la participation à un groupement ou à une entente en vue d’une préparation d’un crime contre l’humanité.

 

  • 1°)- Autre crime contre l’humanité

Article 212-1 du Code Pénal reproduit le schéma du génocide : des faits matériels qui vont prendre la dimension de crime contre l’humanité en raison du cadre de leur commission et des motifs qui les ont inspirés.

 Ces actes matériels sont la déportation, la réduction en esclavage, la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d’actes inhumains.

 Même constat : ces faits ne correspondent pas à des qualifications précises en droit français. On y retrouve les mêmes motifs.

Ces faits vont prendre la qualification de crime contre l’humanité en fonction du contexte de leur commission.

C’est ainsi que 212-1 du Code Pénal nous dit que sont inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisés en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile.

 Il n’est pas exigé ici que le plan tende à la destruction du groupe. L’infraction est destinée à s’appliquer à la répression politique des dictatures, des mouvements politiques ou religieux qui pratiquent l’action violente.

Il faut encore un plan concerté, donc une organisation préalable.

 L’élément intentionnel va s’appliquer à l’acte et aux motifs. C’est un élément constitutif de l’infraction.

 

  • 2°)- Le crime commis en temps de guerre

212-2 du Code Pénal punit les actes de 212-1 du Code Pénal, lorsque ces actes sont commis en temps de guerre en exécution d’un plan concerté contre ceux qui combattent le système idéologique au nom duquel sont perpétrés les crimes contre l’humanité.

 C’est la reprise d’une jurisprudence du TPI Nuremberg, la chambre criminelle ayant appliqué cette qualification (20/12/85).

 Ce sont les mêmes faits que 212-1 du Code Pénal.

En revanche, il n’y a pas de reprise des motifs : ces faits vont être qualifiés de crime contre l’humanité quand ils sont commis contre des personnes qui combattent l’organisation ou le régime qui commet ces crimes.

Cela vise les résistants en  particulier. La qualité de combattant n’est pas précisée, le crime est caractérisé dès que les faits sont commis contre un membre des forces armées, ou contre une personne qui appartient à mouvement de résistance ou d’opposition.

Il faut par contre un plan d’exécution concerté, ce qui exclut les exactions individuelles.

 Enfin, l’infraction est subordonnée à un état de guerre. On a craint que cette exigence restreigne la portée de l’incrimination, mais on peut supposer qu’en temps de paix, les actions pourront relever de 212-1 du Code Pénal, car les conditions seront réunies.

Les guerres civiles peuvent tomber sous le coup de l’incrimination.

 La volonté d’accomplir l’acte matériel, mais le plan est indifférent car ce n’est pas une composante de l’acte matériel.

 

  • 3°)- La participation à un groupement ou à une entente

213-1 du Code Pénal punit la participation à un groupement ou à une entente, si elle est caractérisée par un ou plusieurs faits matériels établis en vue de la préparation de l’un des crimes définis par 212-1 et 212-2 Code Pénal.

 C’est une incrimination qui transpose dans le domaine des crimes contre l’humanité l’infraction d‘associations de malfaiteurs (450-2).

 Cette infraction a un intérêt qui permet de déclencher la répression en amont du commencement d’exécution des infractions visées.

Elle permet une répression sur le fondement d’actes qui ne caractérisent même pas une tentative.

 L’intérêt est d’aussi de permettre la répression de tous les intervenants à une infraction future sans exiger qu’ils aient commis l’élément matériel constitutif de l’infraction.

 On peut supposer que la jurisprudence en matière de malfaiteurs peut être transposée. Les éléments matériels d’une telle infraction sont caractérisés très aisément, les juges se satisfont du moindre acte matériel, capable d’être mis en relation avec une infraction future.

Ex : détention d’explosif, association de malfaiteurs, en vue de la préparation d’un attentat terroriste.

 

Il suffit de relier cet acte matériel avec une infraction future, qui n’est pas nécessaire d’être constituée. Il est indépendant à l’infraction que cette infraction ait «été ou non constituée.

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