L’école néo-classique en économie (Walras, Menger, Jevons…)

L’école néo-classique.

Au début des années 1870, trois auteurs ont découvert à peu près simultanément des outils d’analyse nouveaux : il s’agit du Britannique JEVONS, du Français WALRAS et de l’Autrichien MENGER. Ces trois auteurs vont être les fondateurs, avec MARSHALL, de l’école néo-classique.

Les économistes néo-classiques

1 ) Pourquoi une école néo-classique ?.

Plusieurs raisons expliquent l’avènement de cette nouvelle théorie. On peut notamment signaler les critiques dont était victime la théorie classique de la part, en particulier, d’Auguste COMTE. Il avançait l’idée de remplacer l’économie politique par la sociologie car l’économie politique ne peut être une véritable science, au contraire de la sociologie qui peut être construite à partir d’une part de l’observation des faits; d’autre part de l’examen des « cas pathologiques » qui fournissent l’équivalent d’une expérimentation et enfin de l’expérimentation historique.

Le libre-échangisme prôné par la théorie classique était aussi fortement critiqué par des économistes américains ( tel que COOPER) ou allemands ( LIST) qui voyaient dans un certain degré de protectionnisme une condition nécessaire pour permettre aux industries de leurs pays respectifs de lutter efficacement contre la concurrence anglaise. Mais il semble que la principale raison se situe dans le fait que la théorie classique avait parfaitement correspondu aux intérêts de la bourgeoisie industrielle naissante face à l’aristocratie foncière déclinante ( le libre-échange en est probablement l’exemple le plus évident). Mais une fois sa domination assurée, la bourgeoisie industrielle ne voyait plus dans la théorie classique que ses inconvénients notamment lorsqu’elle affirme l’existence de classes opposées et le fait que tout produit obtenu n’est que le résultat du travail et que le profit est un prélèvement sur le produit du travail. Parallèlement le marxisme, avec son thème de l’exploitation ouvrière et de l’inéluctabilité des crises capitalistes, était de plus répandu dans la classe ouvrière (exemple de la Commune de Paris).

Remplacer une analyse de la société fondée sur des classes antagoniques par une « théorie des harmonies universelles » et donner une légitimité au profit semblait devenu nécessaire face à la montée de la théorie marxiste. C’est ce à quoi devait s’attacher l’analyse néo-classique.

2 ) Le contexte général de la pensée néo-classique.

Les néo-classiques restent en partie marqués par la pensée classique puisqu’ils sont de farouches défenseurs de la propriété privée et de l’individualisme libéral. Mais, alors que les classiques mettent l’accent sur les problèmes de l’accumulation du capital, de la croissance économique et du devenir du système économique, les néo-classiques s’attachent à déterminer comment les agents peuvent procéder à la meilleure utilisation possible des biens dont ils disposent, qu’il s’agisse de facteurs de production pour les producteurs ou des biens de consommation pour les consommateurs. La théorie classique du développement est ainsi remplacée par un raisonnement en termes d’équilibre général dans un cadre statique et il s’agit de trouver les modalités d’affectation, d’allocation des ressources rares. Cette approche est fort bien synthétisée par la définition de ROBBINS: « La science économique est la science qui étudie le comportement humain comme une relation entre des fins et des moyens rares à usages alternatifs ».

A ) Valeur-utilité et raisonnement à la marge chez les néo-classiques.

Les économistes néo-classiques s’opposent à la notion de valeur-travail et mettent au coeur de leur analyse le concept de valeur-utilité mais ils vont s’intéresser plus particulièrement à l’utilité de la dernière unité de bien détenue : l’utilité marginale. L’utilité moyenne d’une certaine quantité de biens et l’utilité de la dernière unité ne se confondent pas et, selon les néo-classiques, c’est cette dernière qu’il faut prendre en considération car c’est elle qui fonde le comportement des individus. Il s’agit d’un raisonnement à la marge ; à chaque achat le consommateur choisira le bien qui a l’utilité marginale la plus élevée.

Ce raisonnement à la marge sera généralisé à toutes les variables qu’il s’agisse des prix, des salaires, des profits, des facteurs de production, etc. L’individu pourra, par ce raisonnement, maximiser l’objectif qu’il s’est fixé.

Les néo-classiques affirmeront le principe de l’utilité marginale décroissante lorsque la quantité du bien consommée augmente : la 1 ère unité consommée apportera plus de satisfaction que la 2 ème qui, elle-même, en apportera plus que la 3ème,etc. Il s’agira alors pour l’individu d’obtenir le maximum d’utilité compte tenu de la décroissance de l’utilité marginale et de l’augmentation des coûts d’obtention des biens. Le problème sera donc pour l’individu de choisir comment il va affecter ses ressources, rares par rapport à l’immensité de ses besoins, à l’achat des différents biens afin d’obtenir le maximum de satisfaction.

Ce qui est vrai pour l’individu-consommateur l’est aussi pour l’individu-producteur. L’entreprise dispose d’une certaine somme dont il va se servir pour acheter les facteurs de production. On considère généralement qu’il y a 2 facteurs de production : le travail et le capital. A chacun s’applique la notion de productivité marginale : productivité de la dernière unité de travail utilisée (dernier ouvrier, dernière heure de travail…) et de la dernière unité de capital (dernière machine, dernier outil…).

Comme l’utilité marginale, la productivité marginale est décroissante et le problème du producteur sera de savoir quelle quantité de capital et quelle quantité de travail il achète. Il doit donc déterminer sa combinaison productive (quantité de capital/ quantité de travail) sachant que, pour obtenir une certaine quantité d’un bien, une infinité de combinaisons productives existent ( on peut toujours remplacer une dose de capital par une certaine quantité de travail et vice versa pour obtenir une même quantité de biens).

B ) Homo oeconomicus et micro-économie chez les néo-classiques.

L’école néo-classique sera la première à fonder sa théorie exclusivement sur une démarche micro-économique au coeur de laquelle on trouve l’homo oeconomicus. Comme on l’a vu précédemment, l’homo oeconomicus versus producteur.

De même, en généralisant ce comportement de l’homo oeconomicus à l’ensemble de la société et en considérant que celle-ci se comporte comme chaque individualité la composant, l’école néo-classique mène une analyse micro-économique excluant tous phénomènes sociaux, toutes dimensions sociales du comportement, tous conflits entre groupes sociaux ou classes sociales…

L’analyse est donc particulièrement réductrice; elle se ramène à un problème de « maximisation sous contrainte » (d’où l’importance de l’outil mathématique dans cette approche) d’un agent économique. Ainsi on raisonne, pour l’essentiel, dans un cadre d’équilibre partiel sur un marché. L’équilibre général ( c’est-à-dire au niveau de la société) se présente alors comme une simple juxtaposition d’équilibres partiels.

L’attention va ainsi se porter sur les problèmes d’équilibre instantané entre offre et demande sur les différents marchés; l’impact du temps sur la vie économique, la dynamique sera alors oublié. Une partie importante de l’analyse sera de ce fait consacrée à la description des marchés et aux conditions nécessaires pour que se réalise un marché parfait parfaitement utopique sur lequel l’homo oeconomicus pourra développer à la perfection sa rationalité.

Tout ce qui n’entre pas dans la logique du marché (exemple : biens collectifs, services publics…) soit sera analysé comme une exception à la règle générale, soit sera considéré comme des imperfections conduisant à un « sous-optimum » (ou optimum de second rang) et par là même devra être combattu parce qu’inefficace au sens où ces phénomènes empêchent une optimisation parfaite.

C ) Économie néo-classique et absence de crises de surproduction.

Les économistes néo-classiques se reconnaissent pleinement dans la loi des débouchés de JB.SAY. L’idée de crise de surproduction leur est donc tout à fait étrangère. Quant aux déséquilibres partiels qui peuvent apparaître sur tel ou tel marché. Ils estiment qu’ils se résorberont très rapidement (instantanément même selon certains auteurs) par le simple mouvement des prix.

Ce mécanisme de réajustement par le mouvement des prix joue sur tous les marchés y compris ceux des facteurs de production et notamment du travail. Sur ce marché, les variations de salaires doivent permettre l’ajustement de l’offre et de la demande. Le chômage (situation dans laquelle l’offre de travail est supérieure à la demande) ne peut donc exister. Si des individus sont sans travail, c’est parce qu’ils ne veulent pas travailler au salaire proposé ; ce sont des chômeurs volontaires qui ne peuvent donc être considérés comme de véritables chômeurs. En effet, à partir du moment où ceux qui désirent travailler se portent effectivement offreurs de travail, le salaire se fixera à un niveau tel que la demande de travail sera égale à l’offre et ils trouveront un emploi.

Le chômage réel ne peut donc exister que si on empêche la baisse du salaire nécessaire et suffisante pour équilibrer offre et demande de travail. Ce sont la réglementation étatique et/ou l’intervention syndicale qui peuvent empêcher cette baisse de salaire.

Considérant que les mécanismes du marché assurent automatiquement l’équilibre et le plein-emploi l’intervention étatique ne peut être que nuisible, d’où l’affirmation par les néo-classiques des vertus et de la nécessité du libéralisme.

D ) Théorie néo-classique et lois naturelles.

Les néo-classiques croient en l’existence de lois naturelles. Ils ne cherchent pas à analyser un système économique concret mais l’économie du marché théorique avec toutes les abstractions que cela nécessite. Ils se posent en farouches défenseurs de cette économie de marché.